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T-1356-82
Eddy Kula (requérant) c.
Raymond Picard, ès-qualité administrateur des sentences de l'Institution maximum Archambault et la Reine du chef du Canada (intimés)
Division de première instance, juge Marceau— Montréal, 15 mars; Ottawa, 18 mars 1982.
Contrôle judiciaire Recours en equity Jugements déclaratoires Libération conditionnelle Le requérant demande un jugement déclaratoire sur la partie de la peine d'emprisonnement qu'il lui reste à purger Le requérant a été libéré sous surveillance obligatoire le 10 juillet 1974 Sa libération sous surveillance a été suspendue le 20 août 1974 Le 25 septembre, il a été condamné à une peine d'emprisonne- ment de cinq ans pour une infraction et à des peines de différentes durées pour les autres infractions, toutes ces peines devant être purgées en même temps Surveillance obligatoire révoquée, une fois les délais d'appel expirés Le juge n'a rien dit de la partie des sentences antérieures qui restait à purger Le reste de la peine devrait-il s'ajouter à la nouvelle peine ou être purgé en même temps? Les autorités ont appliqué l'art. 21 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus (en vigueur en 1974) qui prévoyait que lorsqu'une libération conditionnelle est frappée de déchéance par une déclaration de culpabilité d'un acte criminel, la peine d'emprisonnement com- prend, en plus de la nouvelle peine, la partie non expirée de la peine antérieure Le requérant prétend que l'application de l'art. 21 modifie la peine imposée par le juge puisqu'en vertu de l'art. 649 du Code criminel, une peine commence à courir au moment elle est imposée Demande rejetée Il peut être dérogé à l'art. 649 par des dispositions contraires d'autres textes législatifs De toute façon, il n'y a pas de conflit entre ces deux articles puisque l'art. 21 ne cherche pas à fixer le point de départ de la totalité de la peine d'emprisonnement L'application de l'art. 21 était impérative, mais elle laissait intacte la peine imposée par le juge La demande n'est peut-être pas le moyen approprié pour obtenir le redressement demandé Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-2, art. 21, modifié par S.R.C. 1970 (1" P Supp.), chap. 31, art. 2 Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 649.
REQUÊTE. AVOCATS:
Claude Lanctôt pour le requérant. Claude Joyal pour les intimés.
PROCUREURS:
Lanctôt, Dessureault, Palnick & Gauthier, Laprairie, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.
Voici les motifs de l'ordonnance rendus en fran- çais par
LE JUGE MARCEAU: Le requérant est présente- ment détenu à l'Institution pénitentiaire Archam- bault à Ste-Anne-des-Plaines, dans la province de Québec. Sa requête, intitulée «en redressement conformément à l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale», vise essentiellement à obtenir une décla- ration judiciaire relativement au temps qu'il lui reste à purger au pénitencier. Un avis venant du chef-administrateur des sentences lui aurait fait voir en effet que les autorités calculaient erroné- ment ce temps, et il voudrait que la situation soit clarifiée.
J'ai de sérieux doutes sur la stricte recevabilité de cette procédure sommaire eu égard aux conclu sions recherchées: un jugement déclaratoire ne se demande pas par requête. Mais je dépasserai néan- moins la difficulté procédurale pour disposer de la demande au fond: le requérant a intérêt à com- prendre dès maintenant que sa façon de voir n'est pas acceptable.
Les faits sont simples et la question qu'ils soulè- vent de prime abord est facile à voir. Le 10 juillet 1974, le requérant, qui était sous le coup de sen tences d'emprisonnement sur lesquelles 218 jours restaient encore à courir, fut libéré sous «surveil- lance obligatoire» par décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Le 20 août 1974, sa libération sous surveillance était brusquement suspendue par l'émission d'un mandat d'incarcération suite à la commission, par lui, d'une nouvelle série d'actes criminels. Le 25 septembre, il recevait sa sentence pour un premier groupe de cinq infractions commises à la même occasion: pour l'une des infractions, objet d'une cause numérotée 11928, le juge le condamnait «à cinq ans de pénitencier» sans autre précision et pour les quatre autres, dans autant de causes distinctes, le juge le condamnait à des mois de pénitencier dont le nombre variait d'une cause à l'autre, mais qui, dans chaque cas, devaient être «concurrents à la cause 11928». Lorsque furent expirés les délais d'appel de ces condamnations, la «surveillance obligatoire» du requérant, qui avait été suspendue au moment de son appréhension le
20 août précédent, était définitivement révoquée conformément à l'article 13 de la Loi sur la libé- ration conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-2. Il fallait alors préciser l'effet de cette révocation en pratique, plus précisément détermi- ner le traitement à réserver au temps qui restait à courir sur les sentences antérieures ce moment 182 jours) par rapport au temps prévu dans les sentences concurrentes du 25 septembre. Le juge n'ayant rien dit quant à ce remanet de 182 jours, la question ne se posait-elle pas de savoir si ces jours devaient s'ajouter aux cinq ans nouvellement imposés ou être purgés «concurremment»? Pour les autorités responsables de l'administration des sen tences, la réponse à la question se trouvait tout indiquée dans un article de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, telle qu'elle existait en 1974 (S.R.C. 1970 (1" Supp.), chap. 31), l'article
21 qui se lisait comme suit:
21. (1) Lorsqu'une libération conditionnelle est frappée de déchéance par une déclaration de culpabilité d'un acte criminel, le détenu à liberté conditionnelle doit purger un emprisonne- ment, commençant lorsque la sentence pour l'acte criminel lui est imposée, d'une durée égale au total
a) de la partie de l'emprisonnement auquel il a été condamné qui n'était pas encore expirée au moment de l'octroi de cette libération, y compris toute période de réduction de peine inscrite à son crédit, notamment la réduction de peine méritée,
b) de l'emprisonnement, le cas échéant, auquel il est con- damné sur déclaration de culpabilité de l'acte criminel, et
c) du temps qu'il a passé en liberté après que la sentence pour l'acte criminel lui a été imposée, à l'exclusion du temps qu'il a passé en liberté en conformité d'une libération condi- tionnelle à lui accordée après qu'une telle sentence lui a été imposée,
moins le total
d) du temps antérieur à la déclaration de culpabilité de l'acte criminel lorsque la libération conditionnelle était suspendue ou révoquée et durant lequel il était sous garde en raison d'une telle suspension ou révocation, et
e) du temps qu'il a passé sous garde après déclaration de culpabilité de l'acte criminel avant l'imposition de la sentence pour l'acte criminel.
Pour les autorités, les dispositions de cet article, applicables au détenu sous surveillance comme à celui en liberté conditionnelle (paragraphe 15(2) de la Loi), étaient claires: le temps du remanet ne devait pas courir concurremment avec celui des nouvelles sentences; les deux devaient s'addition- ner.
C'est cette approche des autorités que le requé- rant cherche à contrer par sa procédure. Il conteste
tout simplement qu'il soit possible d'appliquer ici l'article 21 de la Loi sur la libération condition- nelle de détenus. Pourquoi? Parce que, d'après lui, une application des dispositions de cet article aurait pour effet de modifier la sentence telle que prononcée par le juge, puisqu'une sentence, aux termes de l'article 649 du Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, doit commencer à courir immé- diatement le jour elle est imposée et non à une date ultérieure, et que l'administration ne saurait s'arroger le droit de modifier une sentence pronon- cée par un juge.
Je crois que le requérant lit mal ou incomplète- ment les textes mis en cause. D'abord, l'article 649 du Code criminel prévoit une exception d'impor- tance à la règle de principe qu'il édicte puisque, selon ses termes, une sentence commence au moment elle est imposée «sauf lorsqu'un texte législatif pertinent y pourvoit de façon différente». Mais de toute façon, il n'y a pas conflit entre la disposition générale de l'article 649 du Code cri- minel considérée en elle-même et celle de l'article 21 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus: ce dernier article détermine d'autorité le temps qu'un détenu à liberté conditionnelle ou sous surveillance devra purger si sa libération est frap- pée de déchéance suite à une nouvelle condamna- tion, et il prévoit que ce temps sera celui qui restait à courir sur l'ancienne sentence plus celui de la nouvelle sentence; l'article ne cherche pas à fixer le point de départ de l'écoulement de ce temps global à purger ou de l'une ou l'autre de ses composantes. L'article 21 de la Loi sur la libération condition- nelle de détenus était en 1974 impératif. Le juge ne pouvait l'ignorer et rien ne permet de penser qu'il l'ait ignoré: son application laissait intacte la sentence qu'il prononçait, peu importe la portée que pouvait avoir l'article 649 du Code criminel. Les autorités administratives ne pouvaient pas con- clure autrement qu'elles l'ont fait.
Cette requête ne saurait être accueillie. Les prétentions du requérant sont mal fondées; aucun des remèdes qu'il sollicite expressément ou tacite- ment ne peut lui être accordé.
ORDONNANCE La requête est rejetée avec dépens.
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