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T-348-78
Imperial General Properties Limited (demande- resse)
c.
La Reine (défenderesse)
Division de première instance, juge Dubé— Toronto, 7 décembre 1982; Ottawa, 11 janvier 1983.
Impôt sur le revenu Promesse de vente et d'achat datée de 1968 Le transfert du terrain a eu lieu en 1970 Accord subordonné à des conditions L'acheteur a le droit explicite de renoncer aux conditions qui ne sont pas remplies ou de mettre fin à l'opération Le contrat confère à l'acheteur le droit de démolir tout bâtiment construit, le libre accès au terrain et le droit d'accepter une offre faite de bonne foi en vue de l'achat du terrain si elle est faite avant le début de la construction La demanderesse soumet que les conditions étaient résolutoires et que, par conséquent, le terrain a été vendu ou censé avoir été vendu, en 1968, en vertu de l'art. 85E(1) de l'ancienne Loi de l'impôt sur le revenu La défenderesse prétend que le bénéfice découlant de la vente a été réalisé en 1970 lorsque certaines conditions suspensives à la vente du terrain ont été remplies Jugement en faveur de la demanderesse Il ne s'agit pas de vraies conditions suspensi- ves La vente a eu lieu en 1968 Selon la règle générale, il n'y a pas de contrat jusqu'à la réalisation de la condition suspensive véritable Les parties avaient l'intention d'envisa- ger la possibilité de parfaire le contrat avant la réalisation des conditions Un droit de renonciation accordé expressément exclut la condition de ce qu'on appelle les véritables conditions suspensives Distinction faite avec Turney et al. v. Zhilka, [19591 R.C.S. 578 Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, art. 85B(1) (mod. par S.C. 1952-53, chap. 40, art. 73 et par S.C. 1955, chap. 54, art. 26), 85E(1) (mod. par S.C. 1955, chap. 54, art. 27), 85E(2) (mod. par S.C. 1955, chap. 54, art. 27).
Contrats Conditions Suspensives ou résolutoires Examen des principes fondamentaux de common law La promesse de vente et d'achat d'un bien immobilier conférant expressément à l'acheteur le droit de renoncer à certaines conditions Selon la preuve, les parties avaient l'intention d'envisager la possibilité de parfaire le contrat avant la réali- sation des conditions Ce ne sont pas de véritables conditions suspensives Distinction faite avec Turney et al. v. Zhilka, [1959] R.C.S. 578 Jugement en faveur de la demanderesse.
Biens immobiliers Offre d'achat Conditions suspensi- ves Les clauses relatives aux hypothèques accordent à l'acheteur le droit de démolir et de construire des bâtiments avant la date de la signature L'acheteur a le droit d'accep- ter une offre d'achat si elle est faite avant le début de la construction L'acheteur peut renoncer à certaines conditions qui n'ont pas été réalisées Les parties avaient l'intention d'envisager la possibilité de parfaire le contrat avant la réali- sation des conditions Ce ne sont pas de véritables conditions suspensives Distinction faite avec Turney et al. v. Zhilka, [1959] R.C.S. 578.
L'action vise à faire modifier la nouvelle cotisation par laquelle le Ministre a inclus dans l'année d'imposition de 1970 de la demanderesse le bénéfice que cette dernière a réalisé lors de la vente d'un terrain. Le 29 octobre 1968, la demanderesse a donné son accord à la vente d'un terrain. La promesse de vente et d'achat était subordonnée à certaines conditions dont celle notamment, d'obtenir un zonage permettant la construction d'immeubles d'appartements. L'accord prévoyait expressément que si les conditions n'étaient pas remplies dans les deux années suivant la date de signature, l'acheteur devait parachever l'opé- ration et renoncer aux conditions ou mettre fin à l'opération. Les paragraphes relatifs au financement par hypothèque accor- daient à l'acheteur le droit de démolir tout bâtiment existant et de commencer les travaux de construction. L'accord conférait également à l'acheteur, à tout moment, le libre accès au terrain pour lui permettre de procéder à la construction des nouveaux bâtiments. Un accord ultérieur reconnaissant l'accord initial disposait également que si l'acheteur, avant le début de la construction, recevait une offre faite de bonne foi en vue de l'achat du terrain, il devait donner à la demanderesse un droit de préférence. Le transfert en lui-même est daté du 9 septem- bre 1970 et l'écriture d'ajustement est en date du 10 septembre 1970. La modification au zonage a été accordée par la suite, en 1970. Le Ministre prétend que le bénéfice tiré de la vente a été réalisé en 1970 lorsque certaines conditions suspensives ont été remplies. La demanderesse soutient que les conditions étaient des conditions résolutoires et que le terrain a été vendu en 1968 ou censé l'avoir été en 1968 en vertu du paragraphe 85E(1) de l'ancienne Loi de l'impôt sur le revenu. Le litige repose sur la question de savoir si les conditions de vente étaient des condi tions suspensives ou des conditions résolutoires.
Jugement: la demanderesse a gain de cause. Les conditions n'étaient pas de véritables conditions suspensives et le terrain a été vendu en 1968. Si une condition constitue une véritable condition suspensive, il n'y a de contrat qu'à la réalisation de la condition; s'il s'agit par ailleurs d'une condition résolutoire, le contrat peut rester obligatoire si cette condition ne se réalise pas. Les parties ont eu l'intention d'envisager la possibilité de parfaire le contrat avant la réalisation des conditions et même si ces dernières ne se réalisaient pas. Trois éléments montrent cette intention: (1) les dispositions relatives aux hypothèques donnaient à l'acheteur le droit de démolir et de commencer la construction avant la date de signature et le transfert des titres juridiques; (2) une disposition du contrat permettait à l'ache- teur d'accepter une offre sérieuse d'achat venant de toute autre partie avant le commencement des travaux de construction et (3) le contrat incluait une clause de renonciation permettant à l'acheteur de renoncer aux conditions non réalisées. Dans Genern Investments Ltd. v. Back et al., [1969] 1 O.R. 694 (H.C.), on a statué qu'un droit de renonciation accordé expres- sément «exclut en fait la condition de ce qu'on appelle les véritables conditions suspensives». Dans Dennis v. Evans, [1972] 1 O.R. 585 (H.C.), le juge a ordonné l'exécution intégrale dans un cas une clause de contrat autorisait l'acheteur à renoncer à la condition et la condition avait été incluse au seul profit de l'acheteur. Turney et al. v. Zhilka, [1959] R.C.S. 578 ne s'applique pas parce qu'elle ne traite pas d'une clause expresse de renonciation.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Genern Investments Ltd. v. Back et al., [1969] 1 O.R. 694 (H.C.); Dennis v. Evans, [1972] 1 O.R. 585 (H.C.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Turney et al. v. Zhilka, [1959] R.C.S. 578.
DÉCISIONS CITÉES:
The Mihalis Angelos, [1970] 3 All E.R. 125 (C.A.); Smallman v. Smallman, [1971] 3 All E.R. 717 (C.A.); Barnett v. Harrison et al., [1971] 3 O.R. 821 (H.C.); F.T. Developments Limited v. Sherman et al., [1969] R.C.S. 203; O'Reilly et al. v. Marketers Diversified Inc., [1969] R.C.S. 741.
AVOCATS:
Wolfe D. Goodman, c.r. et Joanne E. Swystun
pour la demanderesse.
Brian Evernden pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Goodman & Carr, Toronto, pour la demande- resse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE DuBÉ: La question principale à résou- dre en l'espèce est de savoir si la vente du terrain de la demanderesse à un certain Jack Mendlewitz a eu lieu le 29 octobre 1968, comme le prétend la demanderesse, ou le 10 septembre 1970, comme le soutient le Ministre, et donc si le bénéfice de 633 727 $ a été réalisé par la demanderesse pen dant son année d'imposition 1968 ou son année d'imposition 1970.
Le terrain en cause se trouve dans la municipa- lité de Scarborough, dans la communauté urbaine de Toronto, au croisement du chemin Birchmount et de l'avenue Sheppard est. Ce terrain a été acheté en 1967 par Brampton Realty Limited («Brampton»), qui a fusionné depuis avec la société demanderesse. Le 29 octobre 1968, Brampton a donné son accord à la vente du terrain à Jack Mendlewitz. Les conditions pécuniaires de la pro- messe de vente et d'achat (que nous appellerons ci-après l'eaccord initial»), datée du 29 octobre 1968, prévoyaient que le prix d'achat de 844 250 $ serait versé de la manière suivante: 20 000 $ à la signature de l'accord, 50 000 $ le 31 octobre 1968, 145 000 $ au moment de l'enregistrement du plan du lotissement concernant la mise en valeur par
Mendlewitz du terrain en question et le solde «établi â cette date» par deux hypothèques en faveur de Brampton lorsque certaines conditions auraient été remplies.
Le paragraphe introductif de l'accord initial dit ceci:
[TRADUCTION] Le soussigné, JACK MENDLEWITZ (acheteur) convient avec BRAMPTON REALTY LIMITED (vendeur) par l'in- termédiaire de Drillich & Company Realty Limited, manda- taire du vendeur, d'acheter tous les terrains et locaux apparte- nant au vendeur et se trouvant dans la municipalité de Scarborough, au nord de l'avenue Sheppard est, et à l'est du chemin Birchmount, lesdits terrains étant suffisants pour cons- truire deux immeubles d'appartements comportant 307 unités (les deux bâtiments ayant approximativement les mêmes dimensions), l'un d'eux étant situé au coin des avenues Shep- pard et Birchmount, pour le prix de HUIT CENT QUARANTE QUATRE MILLE DEUX CENT CINQUANTE DOLLARS (844 250 $) en monnaie légale canadienne, payable de la manière suivante.
L'accord stipule que le prix d'achat a été calculé sur la base d'un prix de 2 750 $ pour chacun des 307 appartements, et prévoit qu'après l'enregistre- ment du plan de lotissement, des permis de cons truction seront obtenus pour la construction de deux immeubles d'appartements comportant chacun 307 unités d'une superficie brute minimum de 900 pieds carrés chacune.
Le paragraphe suivant dit ceci:
[TRADUCTION] L'accord est subordonné aux conditions énoncées ci-après et, si ces dernières ne sont pas remplies dans les deux années suivant la date de la signature, l'acheteur doit parachever l'opération et renoncer aux conditions qui ne sont pas remplies, ou mettre fin à l'opération, ayant droit dans ce cas au remboursement de toutes les sommes versées au titre de l'accord, sans déductions et sans intérêts.
Les quatre conditions sont les suivantes: (1) la municipalité attribuera au lotissement un zonage autorisant la construction des bâtiments; (2) l'état du sol permettra la construction des bâtiments, sans augmentation des coûts; (3) le terrain sera viabilisé; (4) le terrain en question sera approuvé, aux fins d'hypothèques, par la Société centrale d'hypothèques et de logement.
Le paragraphe 4 se termine de la manière suivante:
[TRADUCTION] Toutefois si les conditions susmentionnées ne sont pas remplies dans l'année qui suit la date de la signature, l'acheteur pourra déclarer l'accord nul et non avenu et aura droit alors au remboursement de toutes les sommes versées conformément à celui-ci.
Le contrat prévoit ensuite le paiement du solde du prix d'achat «établi à cette date» par le moyen de deux hypothèques distinctes. Chaque paragra- phe traitant de ces deux hypothèques inclut une clause portant que le débiteur hypothécaire (Mendlewitz) est autorisé à démolir tout bâtiment construit sur le terrain en question et à commencer la construction de nouveaux bâtiments, [TRADUC- TION] «sans que la démolition et/ou la construction soient considérées comme un acte de dégradation équivalant à une défaillance du débiteur hypothé- caire». Une disposition au même effet apparaît plus haut dans le même document, dans un para- graphe traitant du paiement du solde du prix d'achat. À la dernière page de ce document, qui comporte en tout huit pages, il est prévu que [TRADUCTION] «l'acheteur aura, à tout moment, libre accès au terrain pour lui permettre de procé- der à la construction des bâtiments».
L'accord initial a été suivi par un contrat en date du 8 août 1969 conclu par Jack Mendlewitz, en tant qu'acheteur, et Imperial General Proper ties Limited, en tant que vendeur. Ce contrat reconnaît l'accord initial et mentionne la fusion de la société Brampton et de la société demanderesse.
Le contrat prévoit également que [TRADUC- TION] «si l'acheteur [Mendlewitz], avant le début de la construction des immeubles d'appartements, reçoit une offre acceptable faite de bonne foi en vue de l'achat du terrain ... [il] donnera au vendeur [la demanderesse] ... un droit de préfé- rence» au montant de cette offre.
La demanderesse et Mendlewitz ont conclu un autre contrat d'achat et de vente, en date du 9 septembre 1969, concernant d'autres terrains con- tigus au terrain en question, pour un montant de 289 250 $. Cet accord était également subordonné à certaines conditions qui devaient être remplies avant le 29 octobre 1970, faute de quoi l'acheteur pourrait mettre fin à l'opération ou renoncer aux conditions qui n'étaient pas remplies. Cet accord prévoyait en outre que la défaillance de l'acheteur ou du vendeur, à l'égard de ce dernier accord, constituerait une défaillance à l'égard de l'accord d'achat initial.
Le 10 septembre 1970, Mendlewitz a autorisé la demanderesse à établir la grosse d'un acte en faveur de Palmyra Holdings Limited et d'un acte
en faveur de St. Giles Developments Limited, deux parties à chacune desquelles Mendlewitz avait cédé une parcelle du terrain en cause. Le transfert lui-même en vertu de la Loi sur l'enregistrement des droits immobiliers de l'Ontario [R.S.O. 1960, chap. 204] est daté du 9 septembre 1970.
Une écriture d'ajustement, en date du 10 sep- tembre 1970, indique un prix d'achat total de 1 070 750 $, pour 307 et 83 appartements, duquel sont déduites plusieurs hypothèques, pour un [TRA- DUCTION] «solde dû, à la signature, à Imperial General Properties Limited» de 154 000 $.
Le 14 septembre 1970, le conseil municipal a adopté les recommandations de la Commission de contrôle en faveur de la modification de l'accord de lotissement demandée par la demanderesse; les procureurs de la demanderesse l'ont notifiée aux procureurs de Mendlewitz le 22 septembre 1970.
De nombreux autres documents ont été déposés à l'audience, mais à mon avis j'ai déjà exposé les éléments essentiels de l'affaire qui permettent de situer le contexte dans lequel il faut évaluer les arguments des deux parties et trancher la question.
L'argument principal de la demanderesse con- siste à dire que le terrain a été vendu le 29 octobre 1968 ou était censé l'avoir été à cette date en vertu du paragraphe 85E(1)' de l'ancienne Loi de l'im- pôt sur le revenu [S.R.C. 1952, chap. 148, mod. par S.C. 1955, chap. 54, art. 27]. La demanderesse ajoute que les alinéas a) et b) du paragraphe 85s(1) 2 de l'ancienne Loi [mod. par S.C. 1952-53, chap. 40, art. 73 et par S.C. 1955, chap. 54, arts 26] exigeaient que Brampton inclue dans ses reve- nus de 1968 la somme de 70 000 $ qu'elle avait reçue de Mendlewitz, cette année-là, comme acompte sur le prix d'achat et le solde de 774 500 $ payable par Mendlewitz sur le terrain. Elle ajoute qu'il importe peu que le contrat initial ait été subordonné à des conditions puisqu'il s'agis- sait de conditions résolutoires.
185E. (1) Quand, sur une aliénation d'une entreprise ou de quelque partie d'une entreprise ou après l'avoir aliénée, ou lorsqu'il cesse d'exploiter une entreprise ou quelque partie d'une entreprise ou après avoir cessé de l'exploiter, un contribuable a vendu la totalité ou une partie des biens compris dans l'inven- taire de l'entreprise, les biens ainsi vendus sont censés, aux fins de la présente Partie, avoir été vendus par lui
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À titre subsidiaire, la demanderesse soutient que la contrepartie prévue, aux termes de l'accord initial, visait en partie la vente du terrain et en partie l'aide que devait apporter la demanderesse à sa mise en valeur. Elle prétend que le paragraphe 85E(2) 3 de l'ancienne Loi [mod. par S.C. 1955, chap. 54, art. 27] définit la méthode à suivre pour procéder à la répartition requise. Elle ajoute que pour calculer le revenu de Brampton pendant l'an- née 1968, il aurait fallu répartir le montant de la contrepartie entre la portion correspondant aux terrains que Brampton vendait et celle qui corres- pondait à l'aide qu'elle avait convenu de donner. Je traiterai plus tard de cet argument subsidiaire, s'il est encore nécessaire de le faire.
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a) au cours de la dernière année d'imposition il a exploité l'entreprise ou la partie de l'entreprise, et
b) au cours de l'exploitation de l'entreprise.
2 85B. (1) Dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition,
a) tout montant reçu pendant l'année dans le cours d'une entreprise
(i) qui est au titre de services non rendus ou de mar- chandises non livrées avant la fin de l'année ou qui, pour toute autre raison, peut être considéré comme n'ayant pas été gagné dans l'année ou une année antérieure, ou
(ii) qui, en vertu d'un arrangement ou d'une entente, est remboursable en totalité ou en partie sur remise ou revente au contribuable d'articles dans lesquels, ou au moyen desquels, des marchandises ont été livrées à un client,
doit être inclus;
b) tout montant recevable à l'égard de biens vendus ou de services rendus dans le cours de l'entreprise pendant l'année doit être inclus, nonobstant le fait que le mon- tant n'est pas recevable avant une année subséquente, à moins que la méthode adoptée par le contribuable pour le calcul du revenu provenant de l'entreprise et acceptée aux fins de la présente Partie ne l'astreigne pas à inclure, dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition, un montant recevable, sauf s'il a été reçu dans l'année;
3 85E....
(2) Lorsqu'une personne ayant exploité une entreprise a vendu la totalité ou une portion des biens compris dans l'inven- taire de l'entreprise (qu'elle ait ou non disposé de cette entre- prise ou de quelque portion de cette entreprise ou cessé de l'exploiter) à une personne qui a employé la totalité ou une portion des biens ainsi vendus comme stock d'une entreprise exploitée ou devant être exploitée par l'acheteur, et que le montant de la contre-prestation versée par l'acheteur est, en partie, une considération pour les biens ainsi vendus et, en partie, une considération pour autre chose, les règles suivantes
sont applicables: (Suite à la page suivante)
En revanche, le Ministre prétend que la deman- deresse a réalisé un bénéfice de 633 727 $ pendant son année d'imposition 1970, car c'est cette année-là que certaines conditions suspensives de la vente du terrain ont été réalisées, et que, par la suite, le solde du prix d'achat a été payé et le terrain transféré à Mendlewitz.
Tout le litige repose sur la question de savoir si les conditions de vente étaient des conditions sus- pensives ou des conditions résolutoires. Il est donc nécessaire de revenir aux principes fondamentaux de common law sur ce point.
Avant la promulgation en 1893 de la Sale of Goods Act anglaise [56 & 57 Vict., chap. 71], les tribunaux employaient l'expression «condition sus- pensive» (condition precedent) pour désigner la clause d'un contrat en vertu de laquelle le contrat ne prend effet que lorsque et si un certain événe- ment se produit. On dit que cette condition est «suspensive» parce qu'elle suspend l'exécution éventuelle du contrat. L'expression «condition réso- lutoire» (condition subsequent) désigne une clause du contrat en vertu de laquelle le contrat devient nul et non exécutoire, comme si l'obligation n'avait jamais existé, si un certain événement se produit. On appelle «résolutoire» cette condition parce qu'elle anéantit l'obligation et tous les effets d'un contrat qui était déjà opérant 4 .
Halsbury 5 définit le mot «condition» de la manière suivante:
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a) la partie de la cause ou considération dont le vendeur et l'acheteur sont convenus par écrit comme prix payé pour les biens vendus, est censée, aux fins du calcul du revenu provenant de l'entreprise du vendeur et aux fins du calcul du revenu provenant de l'entreprise de l'acheteur, être le prix ainsi payé; et
b) lorsqu'une convention prévue par l'alinéa a) n'a pas été produite au bureau du Ministre dans un délai de soixante jours après qu'un avis écrit du Ministre a été expédié au vendeur et à l'acheteur, portant qu'une con vention de cette nature est nécessaire aux fins de toute cotisation d'impôt selon la présente Partie, la portion de la cause ou considération versée que fixe le Ministre est censée être le prix dont ils sont convenus comme étant le prix payé pour les biens ainsi vendus.
4 Voir l'ouvrage Fridman, The Law of Contract in Canada, 1976, chap. 9.
5 Halsbury's Laws of England, Vol. 9, par. 511 (4 e éd. 1974).
[TRADUCTION] Une promesse contractuelle peut être soit absolue soit conditionnelle. Une promesse conditionnelle signi- fie que l'obligation d'exécuter la promesse dépend d'une chose ou d'un événement; en d'autres termes, le contrat prévoit que l'obligation de la partie ne surviendra, ou ne cessera, que si un certain événement futur se produit, cet événement pouvant survenir ou non, ou si l'une des parties fait ou s'abstient de faire quelque chose.
On trouve dans l'affaire The Mihalis Angelos 6 un exemple de condition suspensive il a été statué que l'état de préparation prévu d'un navire affrété, aux fins d'un chargement, constituait une condition suspensive de la charte-partie. On trouve un exemple de condition résolutoire dans l'affaire Smallman v. Smallman 7 . Dans cette affaire, un accord conclu entre deux époux, en instance de divorce, [TRADUCTION] «sous réserve de l'appro- bation de la Cour» a été jugé comme un contrat obligatoire [TRADUCTION] «immédiatement», mais devant devenir invalide si la Cour ne l'approuvait pas. Le maître des rôles, lord Denning, dit que l'exécution de l'accord était suspendue jusqu'à ce que le tribunal approuve ses clauses, mais qu'entre temps ni l'une ni l'autre des parties ne pouvait le dénoncer.
Lorsqu'une condition est une vraie condition suspensive, il n'y a pas de contrat jusqu'à ce que cette condition soit réalisée alors que, dans le cas de la condition résolutoire, un contrat peut encore rester obligatoire pour les parties si cette condition ne se réalise pas. La distinction à faire entre les deux conditions réside apparemment dans le fait que si une clause, interprétée correctement, consti- tue une condition suspensive aucune des parties ne peut unilatéralement y renoncer. (Voir Barnett v. Harrison et al. 8 .)
Les contrats de vente immobilière comportent souvent une clause portant que l'exécution de l'obligation du vendeur, ou de l'acheteur, ou des deux, est subordonnée à la survenance d'un événe- ment indépendant de leur volonté, comme par exemple la condition expresse qu'une autorité locale accordera au terrain en question un nouveau zonage permettant d'en faire l'usage envisagé par
6 [Maredelanto Compania Naviera SA v. Bergbau-Handel C m b H (The Mihalis Angelos)] [1970] 3 All E.R. 125 [C.A.]. ' [1971] 3 All E.R. 717 (C.A.).
8 [1971] 3 O.R. 821 [H.C.].
l'acheteur. La Cour suprême du Canada dans son arrêt Turney et al. v. Zhilka 9 a statué en 1959 qu'une [TRADUCTION] «condition suspensive véri- table», même si elle était incluse dans le contrat au profit de l'acheteur seulement, n'autorisait pas ce dernier à y renoncer et que le vendeur était donc libre de considérer qu'il avait été mis fin au contrat et de revendre le terrain à quelqu'un d'autre. Ce contrat n'incluait pas de clause expresse stipulant que l'acheteur pouvait renoncer à la condition et prendre le terrain en l'état il se trouvait, sans avoir obtenu le zonage recherché. Bien sûr, la situation est différente en l'espèce.
La règle établie dans l'arrêt Turney et al. v. Zhilka a été réaffirmée par la Cour suprême dans F.T. Developments Limited v. Sherman et al. 10 , O'Reilly et al. v. Marketers Diversified Inc." et Barnett v. Harrison et al. [H.C. Ont.] 12 . Cette règle définit l'expression [TRADUCTION] «véritable condition suspensive externe» comme un événe- ment futur incertain dont la survenance est subor- donnée à la volonté d'un tiers et dont dépendent les obligations contractuelles des deux parties, comme par exemple la vente et l'achat du terrain sous réserve d'une modification du zonage. Dans d'au- tres juridictions de common law, la jurisprudence veut que, dans le cas la condition est incluse dans l'intérêt d'une partie, cette partie peut y renoncer, qu'il y ait ou non dans le contrat une clause de renonciation ".
Toutefois, ce qui nous occupe en l'espèce ce n'est pas la question de la renonciation—qui est explici- tement résolue dans l'accord en faveur de l'ache- teur—mais la question de savoir si les conditions de l'accord constituaient de véritables conditions suspensives.
À mon avis, ce n'est pas le cas. Trois éléments du contrat montrent que les parties avaient l'inten- tion d'envisager la possibilité de parfaire le contrat avant la réalisation des conditions et même si ces dernières ne se réalisaient pas.
Tout d'abord, les dispositions du contrat relati ves aux hypothèques donnaient à l'acheteur le
' [1959] R.C.S. 578. 10 [1969] R.C.S. 203. " [1969] R.C.S. 741.
12 Supra [note 8] à la page 154.
13 Voir Waiver of Conditions Precedent in Contracts, Law Reform Commission of British Columbia, 1977, p. 4.
droit de démolir les bâtiments se trouvant sur le terrain et de commencer la construction avant la date de signature et le transfert des titres juridi- ques: [TRADUCTION] «L'acheteur aura, à tout moment, libre accès.»
En second lieu, une disposition du contrat per- mettait à l'acheteur d'accepter une offre sérieuse d'achat venant de toute autre partie (avec droit de préférence accordé à la demanderesse) avant le commencement des travaux de construction.
En troisième lieu, le contrat incluait une clause de renonciation permettant à l'acheteur [TRADUC- TION] «de renoncer aux conditions non réalisées» et de parachever l'opération. Ce genre de renoncia- tion a été étudiée par le juge Hartt dans l'affaire Genern Investments Ltd. v. Back et al. 14 il disait notamment, aux pages 699 et 700:
[TRADUCTION] L'accord lui-même donnait expressément à l'acheteur un droit de renonciation et le contrat était donc subordonné à la condition que la municipalité accorde un nouveau zonage au terrain, sauf renonciation de l'acheteur à cette clause. Ce droit de l'acheteur exclut en fait la condition de ce qu'on appelle les véritables conditions suspensives puisque le vendeur avait accordé expressément à l'acheteur le droit d'abandonner cet avantage. La condition relative au nouveau zonage ne constituait pas la base nécessaire au parachèvement du contrat puisque les parties avaient reconnu à l'acheteur le droit d'y renoncer. Les vendeurs, ayant donné leur accord, ne peuvent maintenant affirmer que l'exécution du contrat dépen- dait uniquement de l'adoption d'un nouveau règlement de zonage.
Dans l'arrêt Dennis v. Evans'', le juge Addy (alors juge de la Haute Cour de l'Ontario et actuellement juge de la Cour fédérale) a ordonné l'exécution intégrale dans un cas une clause de contrat autorisait l'acheteur à renoncer à la condi tion et la condition avait été incluse au seul profit de l'acheteur. Il a fait une distinction entre la décision Genern Investments et l'arrêt Turney et al. v. Zhilka.
Je conclus donc que les conditions en cause ne constituaient pas de véritables conditions suspensi- ves et qu'en conséquence, le terrain a été vendu par la société demanderesse pendant son année d'impo- sition 1968. Dans les circonstances, il est inutile d'étudier l'argument subsidiaire de la demande- resse. La nouvelle cotisation attaquée doit être modifiée ou annulée en conséquence. La demande- resse a donc gain de cause et a droit à ses dépens.
14 [1969] 1 O.R. 694 [H.C.].
15 [1972] 1 O.R. 585 [H.C.].
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