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T-2579-82
Donald Stanley Harris (demandeur)
c.
La Reine du chef du Canada (défenderesse)
Division de première instance, juge Walsh—Van- couver, 20 et 28 mars 1984.
Douanes et accise Confiscation Le demandeur a importé une voiture au Canada Une préposée des douanes a évalué la voiture à un prix inférieur à celui payé sans deman- der au demandeur la somme payée Auparavant, le deman- deur n'avait jamais importé de voitures Le demandeur a signé la formule de Déclaration d'importation occasionnelle déjà remplie sans lire la déclaration qu'à sa connaissance, les détails y figurant sont exacts Le demandeur a payé les droits calculés par la préposée des douanes Par la suite, la voiture a été saisie et était sujette à confiscation, à moins de paiement du montant sous-évalué net, des droits additionnels nets et de la taxe de vente Les art. 192 et 205 de la Loi sur les douanes ne s'appliquent pas, puisque le demandeur n'a ni passé en contrebande ni recelé la voiture L'art. 180 ne s'applique pas puisqu'il n'y a eu aucune violation de l'art. 18 Y a-t-il lieu de maintenir la confiscation lorsqu'il n'y a pas intention frauduleuse? Le Ministre a refusé de restituer la chose confisquée sans connaftre tous les faits Le frère du demandeur a, après l'importation par le demandeur, importé une voiture identique quant au modèle et à l'année et il a déclaré la même valeur que celle attribuée par l'appréciatrice à la voiture du demandeur Le frère n'a pas agi de bonne foi Le Ministre ne savait pas que les deux affaires n'étaient pas identiques, parce que la formule d'estimation douanière n'ac- compagnait pas le rapport sur lequel il a fondé sa décision Dans des cas plus graves comportant une déclaration délibéré- ment fausse ou une intention d'induire en erreur, l'amende a été réduite La justice naturelle exige la restitution de la voiture sur paiement des droits additionnels et de la taxe d'accise dus Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, chap. C-40, art. 2, 18a),b),c), 46(2)6),(4)6),d),(5), 150, 163(1),(2) 165, 180(1),(2)b), 192(1)c), 205(1),(3) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10, art. 18.
Le demandeur sollicite la restitution de sa voiture Corvette 1965 saisie pour une prétendue violation de la Loi sur les douanes. Il demande également que la Cour examine la péna- lité en tenant compte de l'absence d'intention frauduleuse en important la voiture et qu'elle ordonne l'annulation de la confiscation et de la peine. En vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, il sollicite un jugement déclarant qu'il est le propriétaire légitime de la voiture et ordonnant que le paiement des droits de douane soit imposé conformément au taux normal. Le demandeur a acheté la voiture en Californie au prix de 7 500 $ US. Au moment de l'importation, il a présenté tous les documents qu'il avait reçus en Californie, dont aucun ne men- tionnait le prix de vente ou l'année du modèle. Auparavant, le demandeur n'avait pas importé de voitures et on ne l'a pas interrogé sur la valeur de la voiture. L'appréciatrice a rempli une formule indiquant l'année et le modèle de la voiture, son numéro de série, le nombre de kilomètres parcourus et son état. Le prix courant du fabricant, qui était de beaucoup inférieur au
prix réellement payé, a été utilisé pour déterminer la valeur de la voiture. Le demandeur a inscrit son nom et son adresse sur la formule de Déclaration d'importation occasionnelle, à laquelle l'appréciatrice a ajouté les chiffres consignés sur sa formule d'estimation, et elle a calculé les droits exigibles. Le demandeur a signé la formule sans lire la déclaration que les détails y figurant sont, autant qu'il sache, exacts et complets et il a payé les droits. Sept mois plus tard, la voiture a été saisie et était sujette à confiscation, à moins de paiement par le demandeur, dans les 30 jours, de la somme de 9 286,33 $ représentant le montant sous-évalué net de la voiture, les droits additionnels nets et la taxe de vente. Le demandeur conteste une telle confiscation, faisant valoir qu'il a agi de bonne foi et sans intention frauduleuse. Lorsque le Ministre a refusé de restituer la chose confisquée, il était également saisi de l'affaire du frère du demandeur qui avait également importé de Californie, après l'importation par le demandeur, une Corvette 1965. Toutefois, le frère du demandeur ne pouvait invoquer la bonne foi parce qu'il avait sciemment fait une déclaration donnant la même valeur que celle que l'appréciatrice avait attribuée à la voiture du demandeur sans passer par une estimation douanière. Le Ministre ne savait pas que les affaires n'étaient pas identiques, parce que l'estimation douanière n'accompagnait pas le rapport sur lequel il fondait sa décision. La défenderesse invoque les articles 180(1), 192(1)c) et 205(1) de la Loi sur les douanes.
Jugement: la confiscation n'aurait pas être faite, et la voiture devrait être restituée au demandeur sur paiement des droits de douane additionnels et de la taxe de vente dus.
Seul le paragraphe 180(1) s'applique à l'espèce. Les articles 192(1)c) et 205(1) traitent de contrebande. Il est clair que le demandeur n'a pas passé la voiture en contrebande au Canada ni ne l'y a gardée pendant six mois «sans excuse légitime», puisqu'il croyait sincèrement qu'il était tenu de payer, pour les droits, uniquement la somme qui avait été fixée par la préposée des douanes. L'article 180 porte sur l'omission de se conformer à l'article 18 qui exige de faire connaître par écrit au receveur tous les «effets» dont une personne a la charge et leur valeur. La définition de «effets» comprend les véhicules. Le demandeur ne peut être accusé que d'une seule faute, soit d'avoir négligem- ment signé la formule de Déclaration d'importation occasion- nelle contenant les valeurs y consignées par l'appréciatrice, et de ne pas lui avoir signalé qu'elles étaient trop basses. Son explication selon laquelle il a présumé que les calculs de l'appréciatrice représentaient la façon dont une voiture était évaluée aux fins des douanes est plausible et réaliste pour un profane qui n'a pas l'habitude de faire de telles importations.
Dans l'affaire Lawson et autre c. La Reine, il a été jugé que «Le pouvoir de remettre une confiscation appartient au gouver- neur en conseil; la Cour peut seulement ordonner la restitution des marchandises ou déclarer qu'elles demeurent confisquées.» L'affaire La Reine c. Canabec Trailers Inc. constitue un précé- dent sur lequel on peut s'appuyer pour ne pas imposer de pénalité lorsque la bonne foi existe, bien que cette affaire porte sur le recouvrement de droits et d'amendes et non sur la confiscation. Même s'il est douteux que la Cour puisse ou doive intervenir dans une décision administrative du Ministre, il ressort des éléments de preuve que cette décision a été prise sans que l'on connaisse tous les faits, notamment l'estimation faite de bonne foi par la préposée des douanes, que le deman- deur a adoptée dans sa déclaration. Dans des cas beaucoup plus
graves comportant une déclaration délibérément fausse ou une intention d'induire en erreur, l'amende a fréquemment été réduite ou remise, et la justice naturelle exige de ne pas appliquer toute la rigueur de la loi pour maintenir la confiscation.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Lawson et autre c. La Reine, [1980] 1 C.F. 767 (1« inst.); Marun v. The Queen, [1965] 1 R.C.É. 280; His Majesty The King v. Krakowec et al., [ 1932] R.C.S. 134; His Majesty The King v. Bureau, [1949] R.C.S. 367; La Reine c. Sun Parlor Advertising Company, et autre, [1973] C.F. 1055 (1" inst.); Allardice c. La Reine, [1979] 1 C.F. 13 (1« inst.); La Reine c. Canabec Trailers Inc., [1982] 1 C.F. 788 (1« inst.).
AVOCATS:
G. Angelomatis pour le demandeur. A. Louie pour la défenderesse.
PROCUREURS:
G. Angelomatis, Vancouver, pour le deman- deur.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Le demandeur sollicite la restitution de sa voiture Chevrolet Corvette 1965 portant le de série VIN 194375S103181 qui a été saisie le 18 août 1981 pour violation présumée des lois sur les douanes et sur l'accise. Il demande également que la Cour examine la pénalité compte tenu des faits de l'affaire, qu'elle tienne compte de l'absence d'intention frauduleuse en important la voiture au Canada et qu'elle ordonne l'annulation de la confiscation et de la peine. L'affaire est déférée à cette Cour conformément à l'article 150 de la Loi sur les douanes'.
Le 17 février 1982, le demandeur a été informé que ladite voiture serait libérée sur paiement de la somme de 9 286,33 $, qui devait être confisquée et que, à défaut de paiement dans les 30 jours, la voiture serait confisquée. Les présentes procédures ont été intentées le 13 avril 1982, dans le délai de trois mois à compter de la décision, comme l'exige le paragraphe 150(2).
' S.R.C. 1970, chap. C-40.
En vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10], le demandeur sollicite un jugement déclarant qu'il est le propriétaire légitime de la voiture et ordon- nant que le paiement des droits de douane soit imposé conformément au taux normal des droits, à savoir 13,6 %. Il est allégué que la décision rendue par le ministre du Revenu national a un caractère répressif et arbitraire et que le montant imposé par voie d'amende devrait être réduit.
Il ressort d'un exposé conjoint des faits que, le 16 janvier 1981, le demandeur a acheté cette automobile en Californie au prix de 7 500 $ US. Le 18 janvier 1981, il l'a importée au Canada et l'a déclarée aux Douanes canadiennes, Pacific Highway, province de la Colombie-Britannique, et a alors signé la formule de Déclaration d'importa- tion occasionnelle portant la même date que lui a donnée pour signature Carol McKinley, préposée des douanes. Il lui avait présenté trois documents, savoir une demande d'immatriculation de la voi- ture adressée au Department of Motor Vehicles de la Californie, un reçu de paiement de la taxe de vente délivré par le Department of Motor Vehicles de la Californie, et un reçu provisoire en date du 16 janvier 1981 relativement à cette Corvette. Conformément à la formule de Déclaration d'im- portation occasionnelle, le demandeur a payé des droits et la taxe de vente, soit la somme de 327,66 $. À la suite d'une enquête tenue le 21 juillet 1981, le demandeur a avoué au gendarme John Slattery, de la Gendarmerie royale du Canada, que, comme ils le savaient probablement déjà, il avait acheté la voiture au prix de 7 500 $ US. Celle-ci a été saisie le 18 août 1981 et est encore sous la garde de la Gendarmerie royale du Canada.
Dans sa déposition, le demandeur a donné des explications sur la valeur quelque peu surprenante de la voiture en disant que les Corvette de 1965 avaient un attrait spécial auprès de certains ache- teurs. En tant que jeune pompier de Vancouver, il n'était certainement pas collectionneur de voitures d'époque, mais ce modèle figurait toujours parmi ses voitures préférées et comportait une option particulière qu'il recherchait. Il a vu une annonce pour cette voiture dans le Los Angeles Times et a estimé que le prix de 7 500 $ US était réaliste parce qu'il croyait qu'elle pourrait valoir jusqu'à
10 000 $ au Canada. Il avait l'intention de l'utili- ser seulement le dimanche et à des occasions spé- ciales. Le vendeur californien s'est occupé de toutes les formalités de transfert et la documenta tion reçue n'est pas très révélatrice. On lui a donné un reçu pour la somme de 174 $, pour ce qui paraît être la taxe de vente, un autre document appelé «suspense receipt» [TRADUCTION] «reçu provi- soire» pour la somme de 99 $, qui indique au recto qu'il s'agit d'une preuve de paiement des droits d'immatriculation de la voiture et qui doit être conservé jusqu'à la réception de la carte d'imma- triculation. On n'a pas à le produire. Un troisième document, à l'en-tête du State of California Department of Motor Vehicles, adressé à qui de droit, dit simplement qu'il a demandé l'immatricu- lation de la voiture décrite ci-dessus et donne le numéro du moteur, celui de l'étiquette et l'adresse de son domicile. Un quatrième document, intitulé Transfer of a Vehicle or Vessel, portant ce qui semble être le numéro de série de la voiture, le nom du demandeur à titre d'acheteur et le nom du vendeur, lui a été envoyé plus tard par la poste. Au recto de la formule, on peut lire [TRADUCTION] «Pour vous protéger contre une responsabilité pos sible découlant de l'utilisation du véhicule par l'acquéreur, aviser immédiatement le Department of Motor Vehicles quand vous vendez ou transfé- rez un véhicule. Cet avis vous mettra à l'abri de toute poursuite pour violations du code de la route que peut commettre la partie à qui vous avez vendu ou transféré la voiture.» Il y est dit aussi [TRADUCTION] «En vertu de la loi, vous êtes tenu de déclarer la vente ou le transfert de tout véhicule ou navire immatriculé en votre nom. Cette décla- ration doit être faite au Department of Motor Vehicles immédiatement après la vente ou le trans- fert. Aux fins de la déclaration, vous pouvez utili- ser le verso du présent avis.» On y trouve d'autres instructions pour remplir la formule. Y figurent en surimpression, en lettres moulées, les mots [TRA- DUCTION] «À compter du 16 janvier 1981» et ce qui semble être la signature du vendeur et, évidem- ment, son adresse. On trouve en haut de cet avis, et c'est presque indéchiffrable sur la photocopie, la seule copie qui ait été produite, le mot [TRADUC- TION] «mille» d'un côté, les mots [TRADUCTION] «avis important» et les mots [TRADUCTION] «deux cent» de l'autre. Rien n'indique l'auteur ni le sens de ces mots. Selon la déposition du demandeur, ce n'est pas lui l'auteur de ces écritures et rien n'indi-
que que cela ait quelque rapport avec la valeur de la voiture. Ce qui semble quelque peu étrange, c'est qu'aucun des documents de la Californie ne fait mention de ce qu'on pourrait présumer être les renseignements les plus importants, soit le prix de vente et l'année du modèle de la voiture.
Le demandeur a témoigné qu'à son arrivée aux Douanes canadiennes, il a dit qu'il avait une voi- ture à déclarer et qu'on lui a donné une formule de déclaration qu'il devait présenter au bureau. Il a donné à l'appréciatrice des douanes qui s'y trouvait tous les documents qu'il avait reçus en Californie. Selon lui, on ne l'a pas interrogé sur la valeur de la voiture. L'appréciatrice a dit que c'était la pre- mière fois qu'elle avait l'occasion de faire une telle évaluation. Il a dit qu'il n'avait jamais importé de voitures auparavant et qu'il croyait qu'une voiture vieille de plus de quinze ans était exempte de droits. Il a appris depuis que la limite est de vingt ans. Aucun autre élément de preuve n'a été pro- duit sur cette question.
L'appréciatrice a rempli la formule, indiquant l'année et le modèle de la voiture, le numéro de série, les 53 000 milles parcourus et mentionnant que l'auto était en bon état. La ligne suivante de la formule a trois rubriques intitulées respectivement «Prix courant du fabricant», «Prix livré du fabri- cant» et «Facture»; il y est indiqué de biffer la rubrique qui n'est pas applicable. En fait, on a encerclé le prix courant du fabricant et indiqué 4 321 $; on y a ajouté le fret, au point d'expédition, de 144 $ et la somme de 55 $ pour les vitres à commande électrique. On y a ajouté la taxe cali- fornienne de 6 %, soit la somme de 271,20 $, et on a obtenu un total de 4 791,20 $; on en a déduit la dépréciation de 75 % pour les 16 années d'utilisa- tion, ce qui a donné le chiffre final de 1 197,80 $. Quant à l'état de la voiture, aucune autre déduc- tion n'a été faite. On a alors converti cette somme en dollars canadiens, au taux de 1,19, et on est arrivé au chiffre final de 1 425,38 $; l'appréciatrice a signé «C. McKinley» sur la formule.
On lui a donné alors ce qu'on appelle la formule de Déclaration d'importation occasionnelle il a inscrit son nom et son adresse. M"° McKinley y a alors mis tous les chiffres consignés dans sa for- mule d'estimation. La déduction de 50 $, déduc- tion pour exemption de droits de douane à l'épo- que, a été effectuée, le taux de droits de douane de
13,6 % sur le solde de 1 375,38 $ a été appliqué, ce qui a donné des droits de douanes de 187,05 $. La taxe de vente, soit la somme de 140,61 $, a été appliquée à la valeur attribuée à la voiture; cette somme plus les droits de douanes donnent un total de 327,66 $. L'appréciatrice y a consigné tous ces chiffres. Le demandeur a alors signé la formule sans lire la déclaration qui dit en partie ceci:
Je déclare que, autant que je sache, les détails qui figurent sur cette déclaration sont exacts et complets.
Il a payé la somme réclamée de 327,66 $ et a amené la voiture au Canada. Par la suite, il a dépensé chez D.J. Corvette Repairs la somme de 4 879,02 $ pour réparer la voiture et la remettre à neuf. Six mois plus tard, au mois de juillet 1981, le gendarme Slattery de la Gendarmerie royale du Canada l'a interrogé sur le prix qu'il avait payé pour la voiture en Californie, et il lui a dit la vérité. Le 18 août, la voiture a été saisie pour violation de la Loi sur les douanes.
Le 23 septembre 1981, il a reçu du Directeur de l'arbitrage, ministère du Revenu, Douanes, à Ottawa une formule disant que la voiture était saisie et était susceptible d'être confisquée pour avoir été illégalement importée au Canada ou parce qu'il s'agissait d'un bien sur lequel des droits de douanes légalement exigibles n'avaient pas été versés, et que, conformément à l'article 161 de la Loi sur les douanes, il avait 30 jours pour produire tout renseignement jugé utile. Il est constant que tous les avis ont été donnés et que toutes les conditions ont été remplies concernant les appels. Le 17 février 1982, le demandeur a reçu du Direc- teur de l'arbitrage un autre document disant que, en vertu de l'article 163, il avait été décidé que la voiture serait restituée sur paiement de la somme de 9 286,33 $, qui serait confisquée, et que, à défaut de paiement dans un délai de 30 jours, la voiture serait confisquée. L'article 163 prévoit que le Ministre peut déférer l'affaire à la décision de la Cour, et l'article 165 prévoit la même chose si le propriétaire donne au Ministre, dans les 30 jours après que la décision lui a été notifiée, avis par écrit que cette décision n'est pas acceptée. Dans une lettre en date du 2 mars 1982, le Ministre a refusé de déférer l'affaire à la décision de la Cour et le 13 avril 1982, les présentes procédures ont été intentées sous le régime du paragraphe 150(2), trois mois après la décision, dans le délai y imparti.
Au contre-interrogatoire, on a demandé au demandeur pourquoi il avait versé la somme de 327,66 $ réclamée s'il croyait qu'une voiture vieille de plus de 15 ans pouvait entrer au Canada exempte de droits. Il a répondu qu'il n'y avait jamais pensé et qu'il avait simplement payé la somme demandée. Il a collaboré étroitement avec la préposée des douanes, lui a même montré que le numéro de série se trouvait sous le tableau de bord. 11 ne se rappelle pas lui avoir dit que c'était une voiture de 1965, bien que cela apparaisse sur la feuille d'estimation. Il a dit qu'il croit que le numéro de série de la voiture révélera son année à quiconque consulte le carnet de déchiffrement approprié. Par la suite, il a reçu de la Californie, dans le courrier, une autre formule que, bien entendu, il n'avait pas en main pour le dédouane- ment de la voiture, et qui indique bien l'année du modèle, soit 1965, et la somme de 174 $ versée au titre de droit d'immatriculation, comme l'indiquait déjà le reçu provisoire. encore, la valeur de la voiture n'est nullement indiquée.
Le demandeur a ensuite reçu des douanes une autre formule intitulée «Relevé des marchandises saisies» et l'a signée; ce document indique la façon de calculer la somme maintenant réclamée. Il indi- que d'abord que l'auto a une valeur de 7 500 $ US, qui est sa «valeur réelle», convertit cette somme en monnaie canadienne, défalque la déduction de 50 $ pour exemption de droits, ce qui donne des droits de douane de 1 207 $ et la taxe de vente de 970,38 $, qui sont réclamés. Il en est déduit les valeurs déclarées, les droits de 187,05 $ et la taxe de vente de 140,62 $ en découlant, ce qui donne une sous-évaluation de 7 499,62 $ Can., des droits additionnels nets de 1 019,95 $ et la taxe de vente de 766,76 $, qui sont dus. Au lieu de réclamer simplement ces sommes cependant, on y ajoute le montant sous-évalué net de la voiture, soit 7 499,62 $, ce qui donne un total de 9 286,33 $. Le demandeur est tout à fait disposé à verser les droits additionnels de 1 019,95 $ et la taxe de vente de 766,76 $, mais il conteste la peine de confiscation de la voiture à défaut de paiement de son montant sous-évalué de 7 499,62 $, prétendant qu'il a tou- jours agi de bonne foi et sans intention frauduleuse.
Carol McKinley, l'appréciatrice, a également déposé et a confirmé en substance le témoignage
du demandeur. Elle semble avoir agi de façon tout à fait régulière, bien qu'elle ne se souvienne nulle- ment du demandeur ni de cette estimation précise faite il y a trois ans. Selon elle, le premier préposé aurait donné au demandeur une carte jaune lors- qu'il a dit qu'il avait une déclaration à faire. Elle lui aurait alors demandé la facture pour l'achat de l'auto. Son témoignage diffère de celui du deman- deur uniquement sur le fait qu'elle avait effective- ment fait l'estimation de voitures auparavant. Elle reconnaît qu'elle ne se rappelle pas avoir fait une estimation en l'absence d'une facture indiquant le prix. Toutefois, elle dit en toute franchise qu'elle ne sait vraiment pas pourquoi la rubrique «Fac- ture» figure sur la formule d'estimation puisqu'on n'a pas l'habitude de se fonder sur cette donnée. Ils ont un livre indiquant le prix courant du fabricant pour toutes les voitures. Elle croit que les numéros de série vont, par leur ordre, indiquer l'année de fabrication de la voiture, même si le numéro réel 65 ne figure pas dans le numéro de série de la voiture en question. Elle croit donc qu'elle a trouvé dans ce livre le modèle et elle y a certainement trouvé le prix courant du fabricant, le fret et le supplément pour les vitres à commande électrique. 75 pour cent est la dépréciation maximum autori- sée quel que soit l'âge de la voiture. Aucune autre déduction n'a été faite pour l'état de la voiture puisqu'il semblait normal pour une voiture de seize ans. Interrogée sur ce qui arriverait s'il y avait une facture indiquant un prix beaucoup plus élevé que celui donné dans le livre, elle a dit alors que l'appréciateur adopterait bien entendu le prix figu- rant sur la facture. D'habitude, on ne recourt pas à celle-ci. La raison en est évidente, puisqu'elle pour- rait être frauduleuse: en matière d'importation, il arrive souvent qu'on indique un prix inférieur à celui réellement payé. Comme on l'a déjà dit, aucun des documents reçus par le demandeur du vendeur ou de l'État de Californie lors de l'achat de la voiture n'indique le prix payé. Selon elle, le livre réglementaire utilisé indique simplement le prix courant du fabricant au moment de l'achat de la voiture; il ne prévoit pas l'augmentation ulté- rieure de la valeur de la voiture si elle devient un article de collection ou une voiture d'époque, de sorte que les appréciateurs des douanes n'en tien- nent pas compte.
L'unique écart entre son témoignage et celui du demandeur s'explique facilement puisque, selon
elle, c'est peut-être la première fois qu'elle a estimé la valeur d'une voiture pour laquelle on n'a pas produit de facture indiquant le prix. Il semble- rait que le demandeur l'ait mal comprise et qu'il ait cru qu'elle avait dit n'avoir jamais fait d'esti- mation de ce genre auparavant. Selon elle, lorsque les papiers lui ont été envoyés pour qu'elle les examine en vue de sa déposition, sa formule d'esti- mation n'était pas jointe à la formule de Déclara- tion d'importation occasionnelle sur laquelle elle avait transcrit les chiffres et qui portait bien entendu la signature du demandeur. Sa formule d'estimation aurait y être annexée. Dans son interrogatoire au préalable, le sergent Gordon Cameron White, de la G.R.C., qui était caporal à l'époque, a reconnu que lui non plus n'avait pas une copie de l'estimation et ne savait pas qu'elle avait été faite, à l'exception de ce que Harris lui avait dit. Comme on verra plus loin, il s'agit d'un point très important. Il existe également une contradiction qui, bien que d'une importance beau- coup moindre, découle de ce que la copie de la formule de Déclaration d'importation occasion- nelle qu'avait le demandeur n'indique pas l'année ni le modèle de la voiture alors que la copie originale donne ces détails. Puisque la copie du demandeur est un double, les ajouts doivent avoir été faits plus tard. Selon le témoin, ce n'est pas elle qui a ajouté ces détails.
Bien que la défenderesse invoque les articles 180(1), 192(1)c) et 205(1) de la Loi sur les doua- nes, seul, à mon avis, le paragraphe 180(1) pour- rait s'appliquer aux faits de l'espèce. L'alinéa 192(1)c) figure sous la rubrique «Contrebande» et dispose:
192. (I) Si quelqu'un
c) tente, de quelque manière de frauder le revenu en évitant de payer les droits ou quelque partie des droits sur des marchandises de quelque valeur que ce soit;
ces marchandises, si elles sont trouvées, sont saisies et confis- quées, ou, si elles ne sont pas trouvées, mais que la valeur en ait été constatée, la personne ainsi coupable doit remettre la valeur établie de ces marchandises, cette remise devant être faite sans faculté de recouvrement dans le cas de contraventions prévues à l'alinéa a).
En vertu du paragraphe (3), quiconque passe en contrebande ou introduit clandestinement au Canada des marchandises frappées de droits, d'une valeur imposable de deux cents dollars ou plus, peut être poursuivi pour un acte criminel et être condamné aux peines prévues.
Le paragraphe 205 (1) figure aussi sous la même rubrique et prévoit le cas d'une personne qui recèle, sans excuse légitime, des effets illégalement importés au Canada lorsque les droits exigibles n'ont pas été acquittés. Encore une fois, le para- graphe (3) prévoit une peine et une poursuite pour un acte criminel. Que les droits légitimes aient été acquittés ou non, il est clair que le demandeur n'a pas passé la voiture en contrebande au Canada ni ne l'y a gardée pendant six mois «sans excuse légitime», puisqu'il croyait sincèrement qu'il était tenu de payer, pour les droits, uniquement la somme qui avait été fixée dans l'estimation du préposé des douanes.
Le paragraphe 180(1) dispose:
180. (1) Lorsque la personne ayant la charge ou garde de quelque article mentionné à l'alinéa 18b) a omis de se confor- mer à l'une des exigences de l'article 18, tous les articles mentionnés à l'alinéa b) susdit et dont ladite personne a la charge ou garde, sont acquis légalement et peuvent être saisis et traités en conséquence.
L'article 18, dont il est fait mention, dispose:
18. Toute personne ayant la charge d'un véhicule, autre qu'une voiture de chemin de fer, arrivant au Canada, comme toute personne arrivant au Canada à pied ou autrement, doit
a) se rendre au bureau de douane le plus rapproché de l'endroit elle est arrivée au Canada, ou au poste du préposé le plus rapproché de cet endroit si ce poste en est plus rapproché qu'un bureau de douane;
b) avant d'en effectuer le déchargement ou d'en disposer de quelque façon, faire connaître par écrit au receveur ou préposé compétent, à ce bureau de douane ou à ce poste, tous les effets dont elle a la charge ou garde ou dans le véhicule, et les garnitures, équipements et accessoires du véhicule, et tous animaux qui le traînent ainsi que leurs harnais et attelages, de même que les quantités et les valeurs des effets, équipements, accessoires, harnais et attelages en question; et
c) sur-le-champ répondre véridiquement à telles questions, relatives aux articles mentionnés dans l'alinéa b), que lui pose le receveur ou préposé compétent et faire à ce sujet une déclaration en bonne forme ainsi que l'exige la loi.
Même à l'article 180, l'alinéa (2)b) prévoit une condamnation pour un acte criminel, pour «impor- tation illégale», ainsi qu'une amende équivalant à la valeur des articles.
Cet article ne traite pas de contrebande, mais de l'omission de se conformer aux exigences de l'arti- cle 18, ce qui est différent. Bien que l'article 18 soit maladroitement formulé parce que la mention à l'alinéa b) de «tous les effets dont elle a la charge ou garde ou dans le véhicule, et les garnitures,
équipements et accessoires du véhicule» pourrait paraître exclure le véhicule lui-même, la définition que l'article 2 donne de «effets» comprend les véhicules et, en pratique, les automobiles impor- tées doivent certainement être déclarées.
Le demandeur s'est conformé à l'alinéa a) en faisant une déclaration, et à l'alinéa b) en faisant une déclaration écrite de la valeur de la voiture (qui a été fixée par le préposé auteur de l'estima- tion, mais qui n'était toutefois pas la valeur réelle). Il a respecté l'alinéa c) en répondant aux questions posées par le receveur et en faisant une déclaration en bonne et due forme. En fait, on ne lui a pas posé de questions relatives à la valeur de la voiture. La receveuse ne se souvient pas du tout de lui. Il nie avoir été interrogé à ce sujet. La receveuse con- firme en partie ce fait en disant qu'elle pouvait trouver la valeur dans le livre indiquant le prix courant du fabricant en 1965 et en défalquant la dépréciation. Le demandeur ne peut être accusé que d'une seule faute, soit d'avoir négligemment signé la formule de Déclaration d'importation occasionnelle contenant le montant de la valeur y consignée par l'appréciatrice, et de ne pas lui avoir signalé que l'évaluation était beaucoup trop basse par rapport au prix de 7 500 $ US qu'il avait payé pour la voiture. Son explication selon laquelle il a présumé que les calculs de l'appréciatrice repré- sentaient la façon dont une voiture était évaluée aux fins des droits de douane et les a acceptés, est plausible et réaliste pour un profane qui n'a pas l'habitude de faire de telles importations. On peut même prétendre que l'énoncé que les détails de la déclaration sont véridiques et complets, autant qu'il sache, n'est pas faux, puisque la formule de Déclaration d'importation occasionnelle ne com- porte pas de rubrique indiquant le prix payé pour la voiture, mais seulement la valeur y consignée par l'appréciateur sous la rubrique «Valeur imposable».
Bien que le demandeur prétende que l'article 180 exige l'existence d'une intention frauduleuse, qui ne doit pas être implicite comme dans le cas des articles 192(1)c) et 205(1), j'hésite à adopter le même raisonnement dans l'interprétation du paragraphe 180(1). Bien que le paragraphe (2), qui impose une amende égale à la valeur des articles importés, fasse mention de «importation illégale», il se peut que l'omission de déclarer et de
payer des droits de douane et la taxe de vente sur la valeur réelle des marchandises constitue en soi une «importation illégale» même en l'absence d'une intention frauduleuse, de propos ou de production de documents destinés à induire l'appréciateur en erreur.
L'alinéa 46(2)b) de la Loi, qui donne à l'appré- ciateur des douanes le droit d'établir, dans les deux ans, une nouvelle estimation de la valeur imposable de la voiture dans tous les cas il juge approprié de le faire, va plus loin que l'alinéa 4b) qui confère au sous-ministre le droit d'établir en tout temps une nouvelle estimation de la valeur, si l'importa- teur a fait une fausse représentation ou commis quelque fraude lorsqu'il a déclaré ces effets. Comme je l'ai indiqué, je ne pense pas que le demandeur ait fait une fausse représentation ou commis une fraude. L'alinéa 4d) permet toutefois au sous-ministre d'exercer ce pouvoir dans tout autre cas il le juge opportun, dans les deux ans de la date de la déclaration en douane. L'estima- tion faite, l'importateur doit, en vertu du paragra- phe (5), payer tout droit additionnel ou toute taxe additionnelle exigible.
En vertu de l'article 163, après que la notifica tion de la saisie ou de la détention a été faite au propriétaire conformément à l'article 161, et si le propriétaire n'est pas d'accord, le sous-ministre ou tel autre fonctionnaire que le Ministre désigne doit faire rapport, et le Ministre peut dès lors rendre sa décision dans l'affaire concernant la saisie, la détention, l'amende ou la confiscation, et, s'il y a lieu, prescrire les conditions auxquelles la chose saisie ou détenue peut être restituée, ou l'amende ou la chose confisquée remise, ou il peut déférer la question à la décision de la Cour. En vertu du paragraphe (2), il peut autoriser un sous-ministre ou un autre fonctionnaire, selon qu'il l'estime opportun, à exercer ces pouvoirs. Il n'est pas du tout rare que le Ministre restitue, sur paiement des droits de douane et de la taxe d'accise dus, les marchandises saisies et qu'il remette l'amende ou la chose confisquée. Non seulement cela n'a pas été fait en l'espèce, mais la lettre du 2 mars 1982 adressée au Chef de l'arbitrage de la région de l'Ouest dit encore que le Ministre ne se prévau- drait pas de l'article 165 de la Loi sur les douanes pour déférer à la décision de la Cour l'avis de non-acceptation, puisque [TRADUCTION] «ces cas
ne sont pas ceux qu'il déférerait à la cour». La mention de «ces cas», au pluriel, l'objet portant également sur la saisie douanière 49539 pratiquée contre Daryl S. Harris, indiquent la raison pour laquelle la mesure de confiscation sévère a été maintenue en l'espèce malgré la bonne foi mani- feste du demandeur. Certes, il est vain de spéculer sur ce que peuvent avoir été les motifs du Ministre. Il y avait une autre action intentée devant cette Cour par Daryl S. Harris, de greffe T-2580-82, qui devait être entendue immédiatement après la présente action. Ledit Daryl S. Harris, frère du demandeur à l'instance, avait par la suite importé de Californie une Corvette 1965 identique, et avait fait une déclaration donnant la même valeur que celle que l'appréciatrice avait attribuée à la voiture du demandeur en l'espèce. Dans le cas de Daryl S. Harris, il n'y avait pas eu d'estimation douanière. L'absence d'estimation constitue une différence importante entre cette affaire et celle en l'espèce, de sorte que, en remplissant la formule de Déclara- tion d'importation occasionnelle, il avait sciem- ment déclaré une valeur beaucoup inférieure au prix qu'il avait payé pour la voiture, et il ne pouvait donc pas invoquer la bonne foi comme dans le cas du demandeur en l'espèce. Il a reconnu ce fait et, après la fin de l'audition en l'espèce, il s'est désisté de son action en annulation de la confiscation de sa voiture. Les deux affaires ne sont donc pas identiques, mais le Ministre n'en était pas au courant lorsqu'il a déclaré la confisca tion de la voiture du demandeur, dont la restitu tion n'est possible que sur paiement de la somme de 9 286,33 $. Le Ministre n'était pas conscient de cette distinction parce que, ou bien de propos délibéré ou par inadvertance, l'estimation faite par M"° McKinley avait été égarée et ne se trouvait ni en sa possession ni en la possession du caporal White, auteur du rapport sur lequel reposait la décision. Il a lui-même reconnu dans son interro- gatoire au préalable que la politique habituelle dans les cas de sous-évaluation exige la confisca tion sans tenir compte des facteurs atténuants. D'après lui, lui-même, ainsi que toutes les autres personnes de sa section, ont toujours suivi cette politique, puisqu'ils n'ont pas de pouvoir discré- tionnaire sur cette question. Il en est certes ainsi à son niveau, mais étant donné qu'il ne possède pas une copie de l'estimation ou même qu'il ne savait pas qu'elle avait été faite, comme il l'a reconnu, la partie la plus pertinente des renseignements faisait défaut dans le rapport qu'il a établi.
Certes, ce n'est qu'à un niveau plus élevé que doit être exercé le pouvoir discrétionnaire quant à la restitution de la chose confisquée. Mais la déci- sion aurait certainement être prise seulement en tenant compte de tous les faits.
Ceci nous amène à la question de savoir ce que la Cour peut faire en la matière. Dans l'affaire Lawson et autre c. La Reine 2 , le juge Mahoney dit aux pages 771 et 772:
Aux fins de l'examen d'une demande de remise de confiscation, la Cour doit examiner dans la preuve tous les motifs en vertu desquels les marchandises auraient pu être confisquées. Elle ne peut restreindre son examen aux motifs énoncés de la confisca tion. La Cour doit toutefois se limiter à déterminer si les marchandises étaient en fait et en droit passibles de confisca tion. Le pouvoir de remettre une confiscation appartient au gouverneur en conseil; la Cour peut seulement ordonner la restitution des marchandises ou déclarer qu'elles demeurent confisquées.
Dans cette affaire, qui portait sur la confiscation d'une camionnette et d'une remorque, une déclara- tion certainement fausse portant que la remorque avait été achetée à Ottawa avait été faite. Les deux véhicules ont été confisqués. En fin de compte, le propriétaire a pu récupérer sa camion- nette en versant un cautionnement qui, à 500 $ près, lui a finalement été restitué, alors que la remorque demeurait confisquée. La Cour a cons- taté que Rioux s'était rétracté et avait probable- ment dit la vérité avant l'annonce de la confisca tion. À la page 773, il a été fait mention de l'article 2 de la Loi qui est ainsi conçu:
2. (1) Dans la présente loi ou toute autre loi relative aux douanes,
«saisi et confisqué», «passible de confiscation» ou toute autre expression qui pourrait par elle-même impliquer la nécessité d'un acte quelconque postérieur à l'infraction, en vue d'opé- rer la confiscation, ne doit pas s'interpréter comme rendant cet acte postérieur nécessaire, mais la confiscation résulte du fait même de l'infraction à l'égard de laquelle la peine de confiscation est imposée, à compter du moment l'infrac- tion est commise;
Le jugement conclut donc la page 773]:
Selon la loi, la camionnette et la remorque ont été confisquées au moment les mensonges étaient faits.
Il est intéressant de souligner que l'expression à compter du moment «l'infraction» est commise introduit apparemment l'élément d'intention frau-
2 [1980] 1 C.F. 767 (1"» inst.).
duleuse, à moins que l'on ne donne du terme «infraction» une interprétation très large de manière à inclure une fausse déclaration faite de bonne foi.
Dans l'affaire Marun v. The Queen 3 portant sur l'importation de diamants, le juge Cattanach est arrivé à la même conclusion. Il s'exprime en ces termes à la page 295:
[TRADUCTION] La confiscation ne résulte pas d'un acte des préposés des douanes ou des fonctionnaires du Ministère, mais elle est la conséquence légale inévitable de l'importation illégale de marchandises par le pétitionnaire, Marun. Les effets sont devenus dès lors propriété de la Couronne et aucun de ses préposés n'a le pouvoir d'empêcher la confiscation.
Il est intéressant de noter toutefois que, à la page 292, le juge Cattanach déclare quant aux articles 18 et suivants de la Loi:
[TRADUCTION] En conséquence, une personne qui introduit des marchandises au Canada est tenue à trois obligations: (1) celle de déclarer les marchandises au bureau de douane; (2) celle de faire une déclaration en bonne et due forme de ces marchandises et (3) celle de payer l'impôt. Or le pétitionnaire Marun ne s'est acquitté d'aucune de ces obligations ...
Tel n'est pas le cas en l'espèce.
Dans l'ancien arrêt His Majesty The King v. Krakowec et al. 4 , la Cour suprême du Canada dit à la page 143:
[TRADUCTION] Il n'appartient pas à la Cour de dire si, dans certains cas—par exemple lorsque le véhicule utilisé a été volé à son propriétaire—la confiscation peut constituer une épreuve. Le par. (2) de l'art. 133 de la Loi sur l'accise prévoit particuliè- rement ces cas. Le gouverneur en conseil est donc expressément investi du droit de statuer sur ces cas, ce qui permet l'applica- tion de l'art. 91 de la Loi du revenu consolidé et de la vérification (chap. 178, S.R.C. 1927), pour la remise des confiscations. *
Dans l'affaire His Majesty The King v. Bureau 5 , une automobile a été confisquée lorsque, à son entrée au Canada, le propriétaire a déclaré seulement un fusil qu'il avait en sa possession et a omis de déclarer une très grande quantité de ciga rettes. Dans son jugement, le juge en chef Rinfret a dit, à la page 377:
3 [1965] 1 R.C.É. 280.
4 [1932] R.C.S. 134.
5 [1949] R.C.S. 367.
* Les articles mentionnés sont bien entendu ceux qui étaient
en vigueur à l'époque de l'arrêt.
[TRADUCTION] Revenons à nouveau à l'alinéa p) de l'article 2; les expressions «saisi et confisqué», «passible de confiscation» ou «frappé de confiscation», ou toutes les autres expressions qui pourraient en elles-mêmes impliquer qu'il est nécessaire de faire quelque chose à la suite de la contravention pour qu'il puisse y avoir confiscation, ne doivent pas s'interpréter de façon à rendre cette chose subséquente nécessaire. La confiscation s'impose dès que l'infraction a été commise et résulte du fait même de l'infraction à l'égard de laquelle la peine de la confiscation est imposée. En conséquence, en agissant comme il l'a fait, l'intimé s'est rendu passible de saisie et de confiscation des cigarettes et de l'automobile, même s'il n'a pas été par la suite au-delà du bureau de douane avec ses marchandises.
L'affaire plus récente La Reine c. Sun Parlor Advertising Company, et autres 6 ressemble peut- être davantage à l'espèce présente en ce que Parr a importé, apparemment de bonne foi, des films au Canada à 31 reprises, croyant, selon ce qu'indique- rait une note d'estimation donnée à une occasion antérieure par un préposé des douanes, que ces films n'étaient pas imposables. Le juge Urie a conclu que les effets n'avaient pas été passés en contrebande ou introduits clandestinement au Canada, mais néanmoins, les exigences des articles 18, 20, 21 et 22 de la Loi n'ont pas été observées. Parr a fait une déclaration orale à chacune des 31 occasions et on l'a autorisé à entrer avec les mar- chandises en question.
Aux pages 1065 et 1066, le juge Urie se livre à cette analyse:
Il y a eu importation illégale puisque les défendeurs ont omis de se conformer aux dispositions de l'article 18b) de la loi; donc, en vertu de l'article 180(1), les effets doivent être confis- qués et, en vertu de l'article 2(1), cette confiscation s'impose dès que l'infraction a été commise.
Les conséquences d'une conclusion en ce sens par le juge Cattanach dans l'affaire Marun (préci- tée) ont été mentionnées. Toutefois, il n'y a pas eu, en l'espèce, inobservation de l'alinéa 18b).
On a également cité l'affaire Allardice c. La Reine', où, à la page 23, le juge Dubé fait cette remarque en ce qui concerne la définition des termes «saisie» et «confiscation» à l'article 2 de la Loi:
Ces expressions doivent recevoir l'interprétation la plus propre à assurer la protection du revenu et ne doivent pas être comprises de façon à rendre nécessaire un acte quelconque postérieur à l'infraction en vue d'opérer la confiscation. En d'autres termes, ainsi que je l'ai dit plus haut, la confiscation
6 [1973] C.F. 1055 (1"» inst.).
7 [1979] 1 C.F. 13 (1"e inst.).
est établie par la perpétration de l'infraction, et la ou les saisies effectivement exécutées par des préposés des douanes ne sont pas nécessaires. Après la confiscation du bateau et des mar- chandises par la Couronne, celle-ci est pleinement habilitée à imposer des droits, taxes et pénalités y relatifs, quel que soit le nombre de saisies subséquemment effectuées par les préposés des douanes.
Dans l'affaire La Reine c. Canabec Trailers Inc.' concernant un cas de fausse déclaration rela tive à neuf remorques du fait que le propriétaire croyait que le système de réfrigération installé sur celles-ci n'était pas imposable, le juge Marceau a refusé d'imposer une pénalité, à l'exception des droits exigibles sur la totalité du prix d'achat comprenant le système de réfrigération installé sur les remorques. Il déclare à la page 791:
En revanche, la réclamation pour pénalité m'apparaît sans fondement. La défenderesse, par le témoignage de son gérant d'alors, a prouvé à ma satisfaction que ses déclarations n'avaient pas été faites dans le but de tromper ou d'éviter le paiement de droits. La défenderesse, au contraire, a, à mon avis, agi de bonne foi, son erreur d'interprétation sur la portée de l'exemption étant fort compréhensible comme en témoigne le fait qu'elle a été commise par certains officiers des douanes eux-mêmes.
Cette décision constitue un précédent sur lequel on peut s'appuyer pour ne pas imposer de pénalité lorsque la bonne foi existe, mais il faut souligner que cette décision a été rendue dans une action intentée par la Reine pour recouvrer les droits et l'amende et ne portait pas sur la confiscation des véhicules en question.
En appliquant cette jurisprudence à l'espèce, il est certain qu'il convenait de réévaluer les droits de douane et la taxe d'accise payables et ce, sur la base du prix estimé de la voiture, soit 7 500 $ US. Il est également vrai que si la voiture a été légale- ment confisquée au moment de la déclaration du fait de non-paiement de ce qu'on considère mainte- nant comme le montant exact des droits exigibles, le Ministre ne saurait remettre cette confiscation lui-même. Toutefois, la question se pose de savoir si on peut, à juste titre, considérer la voiture comme confisquée en premier lieu en l'absence d'une intention frauduleuse de la part du deman- deur, que l'appréciatrice a amené à signer la for- mule de Déclaration d'importation occasionnelle comportant des chiffres qu'elle y avait consignés en suivant la procédure normale, sans que le demandeur ait provoqué cet état des choses ou
8 [1982] 1 C.F. 788 (1" inst.).
donné des renseignements trompeurs ou faux don- nant lieu à ces chiffres. Dans des cas beaucoup plus graves comportant une déclaration délibéré- ment fausse ou une intention d'induire en erreur, l'amende a fréquemment été réduite ou remise, et la justice naturelle exigerait de ne pas appliquer toute la rigueur de la loi pour maintenir la confis cation en l'espèce.
Bien qu'on ne sache pas si la Cour peut ou doit intervenir dans une décision administrative du Ministre, il resssort des éléments de preuve pro- duits en l'espèce que cette décision a été prise sans que l'on connaisse tous les faits, notamment l'esti- mation faite de bonne foi par l'appréciatrice des douanes, que le demandeur a adoptée dans sa déclaration.
Conformément à la conclusion du juge Mahoney dans l'affaire Lawson (précitée) que la Cour ne saurait remettre une confiscation, mais peut seule- ment ordonner la restitution des marchandises ou déclarer qu'elles demeurent confisquées, j'arrive à la conclusion que, étant donné les faits de l'espèce, la confiscation n'aurait pas être faite, et j'or- donne que la voiture soit restituée au demandeur sur paiement du montant des droits de douane additionnels et de la taxe d'accise dus, soit la somme de 1 786,71 $, et ce sans dépens.
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