Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-3777-82
George C. Carruthers et Michael S. Whelton (demandeurs)
c.
Tous les membres passés et présents des comités de l'avortement thérapeutique de Lions Gate Hos pital (nommés par le conseil d'administration de North and West Vancouver Hospital Society en vertu de l'article 251 du Code criminel du Canada), et lesdits comités de l'avortement théra- peutique (défendeurs)
Division de première instance, juge Collier—Van- couver, 13 septembre 1982 et 16 mai 1983.
Compétence Division de première instance Recours contre «tout office, toute commission ou tout autre tribunal fédéral» Définition à l'art. 2 de la Loi sur la Cour fédérale Comité de l'avortement thérapeutique de l'hôpital Le demandeur cherche à obtenir des jugements déclaratoires, des ordonnances de faire et une injonction Les médecins demandent le rejet de l'action pour incompétence L'art. 251(4) du Code criminel ne confère pas de pouvoirs fédéraux aux comités de l'avortement thérapeutique Il prévoit un moyen de défense à une accusation d'infraction criminelle Incompétence de la Cour au motif que les comités de l'avorte- ment thérapeutique sont des organismes constitués en vertu d'une loi d'une province comme le prévoit l'art. 2 Requête accueillie Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 » Supp.), chap. 10, art. 2, 18 Code criminel, S.C. 1953-54, chap. 51, art. 209, 237 (mod. par S.C. 1968-69, chap. 38, art. 18) Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 251 (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 22.1) Hospital Act, R.S.B.C. 1979, chap. 176 Societies Act, R.S.B.C. 1948, chap. 311.
Les administrateurs et membres à vie de la North and West Vancouver Hospital Society ont intenté une action contre les comités de l'avortement thérapeutique de Lions Gate Hospital. La déclaration attaque pour des motifs divers les autorisations d'avortement et le redressement demandé comporte des juge- ments déclaratoires, des ordonnances de faire et une injonction. Les demandeurs affirment que la Division de première instance, en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, a compétence pour connaître de la présente action étant donné qu'un comité de l'avortement thérapeutique est un «office, commission ou autre tribunal fédéral». Certains médecins qui contestent cette affirmation ont présenté une demande de rejet de l'action pour incompétence de la Cour.
Jugement: la requête devrait être accueillie. L'article 2 de la Loi porte que l'expression «office, commission ou autre tribunal fédéral» désigne «un organisme ou une ou plusieurs personnes ayant, exerçant ou prétendant exercer une compétence ou des pouvoirs conférés par une loi du Parlement du Canada ou sous le régime d'une telle loi, à l'exclusion des organismes de ce genre constitués ou établis par une loi d'une province ou sous le régime d'une telle loi ...» Si le comité n'exerce pas une compétence conférée par le Code criminel, la Cour n'a pas compétence pour accorder le redressement prévu à l'article 18.
L'article 251 du Code ne fait qu'énoncer ce qui constitue une infraction criminelle et ce qui ne l'est pas. Il ne confère ni compétence ni pouvoirs fédéraux au comité de l'avortement thérapeutique. Le paragraphe (4) était destiné à prévoir un moyen de défense pour ce qui serait autrement une infraction criminelle. L'article 251 n'accorde pas de pouvoirs exprès aux comités de l'avortement thérapeutique. Par conséquent, la Cour fédérale n'était pas compétente pour connaître de cette action.
En outre, le comité est, selon les termes de l'article 2, un organisme «constitué ou établi par une loi d'une province ou sous le régime d'une telle loi». La Hospital Society a été créée en vertu de la Societies Act de la Colombie-Britannique. Elle administre l'hôpital. L'hôpital a un personnel médical comme l'exigent les statuts de la Société et les règlements adoptés en vertu de la Hospital Act de la C.-B. Les règles concernant le personnel médical prévoient notamment la nomination des membres du comité de l'avortement thérapeutique. Le Parle- ment a simplement décrit au paragraphe 251(4) du Code le genre de comité de l'avortement dont la décision permet de présenter une défense à une accusation portée en vertu de l'article 251; il n'a pas établi de tels comités.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Morgentaler c. La Reine, [1976] 1 R.C.S. 616; (1975), 20 C.C.C. (2d) 449; Canadian Pacific Transport Company Limited v. Highway Traffic Board, [1976] 5 W.W.R. 541 (C.A. Sask.); Re Bicknell Freighters Ltd. et al. (1977), 77 D.L.R. (3d) 417 (C.A. Man.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Lingley c. Hickman, [1972] C.F. 171 (P» inst.).
DÉCISION CITÉE:
Coughlin v. The Ontario Highway Transport Board, [1968] R.C.S. 569.
AVOCATS:
D. W. Gibbons, pour le requérant D' Myron MacDonald.
D. Brander Smith pour les autres requérants. A. G. Henderson pour les demandeurs.
PROCUREURS:
Deverell, Harrop, Vancouver, pour le requé- rant Dr Myron MacDonald.
Bull Housser & Tupper, Vancouver, pour les autres requérants.
Davis & Company, Vancouver, pour les demandeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: Douze médecins qui ont reçu signification de la déclaration dans la présente
action, demandent le rejet de cette action pour défaut de compétence de la Cour.
Au moment du dépôt de la déclaration, les demandeurs étaient membres à vie et administra- teurs de la North and West Vancouver Hospital Society. Le 31 mai 1982, ils ont intenté la présente action contre [TRADUCTION] «tous les membres passés et présents des comités de l'avortement thérapeutique de l'hôpital Lions Gate ... et les comités de l'avortement thérapeutique.» Selon la déclaration (paragraphe 3), les comités ont été nommés conformément à l'article 251 du Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34 [mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 22.1], par le conseil d'administration de l'hôpital «pour examiner et décider les questions relatives aux arrêta de gros- sesse à l'hôpital Lions Gate». Le premier comité nommé par le conseil d'administration a été consti- tué le 21 novembre 1979. Selon le paragraphe 6 de la déclaration, ces comités font partie des offices, commissions ou autres tribunaux fédéraux définis à l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10. La déclaration attaque ensuite pour des motifs divers (et je me borne à décrire les allégations de façon très générale) les autorisations d'avortement, les certificats (en vigueur) autorisant les avortements et les avorte- ments effectués à l'hôpital Lions Gate depuis le 18, septembre 1979. Le redressement demandé com- porte plusieurs jugements déclaratoires adressés aux comités, deux ordonnances de faire et une injonction.
Les demandeurs fondent apparemment leur revendication sur l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale:
18. La Division de première instance a compétence exclusive en première instance
a) pour émettre une injonction, un bref de certiorari, un bref de mandamus, un bref de prohibition ou un bref de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire, contre tout office, toute commission ou tout autre tribunal fédéral; et
b) pour entendre et juger toute demande de redressement de la nature de celui qu'envisage l'alinéa a), et notamment toute procédure engagée contre le procureur général du Canada aux fins d'obtenir le redressement contre un office, une commission ou à un autre tribunal fédéral.
L'article 2 de la même loi définit comme suit «office, commission ou autre tribunal fédéral»:
2....
«office, commission ou autre tribunal fédéral« désigne un orga- nisme ou une ou plusieurs personnes ayant, exerçant ou prétendant exercer une compétence ou des pouvoirs conférés par une loi du Parlement du Canada ou sous le régime d'une telle loi, à l'exclusion des organismes de ce genre constitués ou établis par une loi d'une province ou sous le régime d'une telle loi ainsi que des personnes nommées en vertu ou en conformité du droit d'une province ou en vertu de l'article 96 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867;
Les requérants, qui contestent par voie de requête la compétence de la Cour, prétendent que les comités de l'avortement thérapeutique de l'hô- pital Lions Gate ne sont pas un «office, commission ou autre tribunal fédéral» et qu'il est par consé- quent impossible d'accorder le redressement prévu à l'article 18.
Les demandeurs et les requérants ont déposé un exposé conjoint des faits, joint en Annexe I des présents motifs.
Avant d'examiner les faits, il convient de citer les passages pertinents de l'article 251 du Code criminel:
Avortement
251. (1) Est coupable d'un acte criminel et passible de l'emprisonnement à perpétuité, quiconque, avec l'intention de procurer l'avortement d'une personne du sexe féminin, qu'elle soit enceinte ou non, emploie quelque moyen pour réaliser son intention.
(2) Est coupable d'un acte criminel et passible d'un empri- sonnement de deux ans, toute personne du sexe féminin qui, étant enceinte, avec l'intention d'obtenir son propre avortement, emploie, ou permet que soit employé quelque moyen pour réaliser son intention.
(4) Les paragraphes (1) et (2) ne s'appliquent pas
a) à un médecin qualifié, autre qu'un membre d'un comité de l'avortement thérapeutique de quelque hôpital, qui emploie de bonne foi, dans un hôpital accrédité ou approuvé, quelque moyen pour réaliser son intention de procurer l'avortement d'une personne du sexe féminin, ou
b) à une personne du sexe féminin qui, étant enceinte, permet à un médecin qualifié d'employer, dans un hôpital accrédité ou approuvé, quelque moyen mentionné à l'alinéa a) aux fins de réaliser son intention d'obtenir son propre avortement,
si, avant que ces moyens ne soient employés, le comité de l'avortement thérapeutique de cet hôpital accrédité ou approuvé, par décision de la majorité des membres du comité et lors d'une réunion du comité au cours de laquelle le cas de cette personne du sexe féminin a été examiné,
c) a déclaré par certificat qu'à son avis la continuation de la grossesse de cette personne du sexe féminin mettrait ou mettrait probablement en danger la vie ou la santé de cette dernière, et
d) a fait remettre une copie de ce certificat au médecin qualifié.
(6) Aux fins des paragraphes (4) et (5) et du présent paragraphe,
«hôpital accrédité» désigne un hôpital accrédité par le Conseil canadien d'accréditation des hôpitaux, dans lequel sont four- nis des services de diagnostic et des traitements médicaux, chirurgicaux et obstétricaux;
«conseil» désigne le conseil des gouverneurs, le conseil de direc tion ou le conseil d'administration ou les trustees, la commis sion ou une autre personne ou un autre groupe de personnes ayant le contrôle et la direction d'un hôpital accrédité ou approuvé;
«comité de l'avortement thérapeutique» d'un hôpital désigne un comité formé d'au moins trois membres qui sont tous des médecins qualifiés, nommé par le conseil de cet hôpital pour examiner et décider les questions relatives aux arrêts de grossesse dans cet hôpital;
Je reviens maintenant aux faits qui nous intéressent.
La North and West Vancouver Hospital Society (la Société) a été constituée en vertu des disposi tions d'une loi de la Colombie-Britannique intitu- lée Societies Act, R.S.B.C. 1948, chap. 311. Cette Société est chargée, en vertu de sa constitution et des dispositions de la Hospital Act de la Colombie- Britannique, R.S.B.C. 1979, chap. 176, du con- trôle et de la direction de l'hôpital Lions Gate qui est un hôpital accrédité au sens du paragraphe 251(6) du Code. Comme je l'ai déjà dit, le premier comité de l'avortement thérapeutique nommé par le conseil d'administration de la Société a été constitué en novembre 1979. Par la suite, les mem- bres du comité ont été nommés par résolution du conseil d'administration. Les requérants sont ou ont été membres du comité.
Je passe maintenant à la question de compé- tence.
Les deux principaux points en litige sont:
1) Le comité est-il un organisme «... ayant, exerçant ou prétendant exercer une compé- tence ou des pouvoirs conférés par une loi du Parlement du Canada ou sous le régime d'une telle loi ...»?
2) Le comité est-il un organisme «... consti- tué [...] par une loi d'une province ou sous le régime d'une telle loi ...»?
Si le comité n'exerce pas une compétence ou des pouvoirs conférés, en l'espèce, par le Code crimi- nel, la Cour n'a pas compétence pour accorder le redressement prévu à l'article 18. Même si la réponse à la première question était affirmative, la Cour serait dépourvue de compétence si la réponse à la deuxième question était également affirma tive.
Examinons la première question.
Avant 1969, le Code criminel ne contenait pas d'exceptions ou de «réserve» en ce qui concernait l'acte criminel que constituait le fait de procurer un avortement (voir S.C. 1953-54, chap. 51, art. 237). Un autre article (art. 209) du Code en vigueur à l'époque prévoyait que la personne qui causait la mort d'un enfant qui n'était pas devenu un être humain était coupable d'un acte criminel. Cependant, le paragraphe 209(1) ne s'appliquait pas à une personne qui, par des moyens que, de bonne foi, elle estimait nécessaires pour sauver la vie de la mère, causait la mort de l'enfant à naître.
Par la suite, en 1969 le Parlement ajoutait à l'article 237 ce qu'on appelle les dispositions con- cernant l'avortement thérapeutique (voir S.C. 1968-69, chap. 38, art. 18). On a attribué plus tard le numéro 251 à cet article. Le juge Dickson déclarait au sujet de l'article 251, aux pages 675 et 676 [Recueils des arrêts de la Cour Suprême] de l'arrêt Morgentaler c. La Reine, [ [ 1976] 1 R.C.S. 616]; 20 C.C.C. (2d) 449:
Par l'art. 251, le Parlement a proscrit comme un crime toute intervention chirurgicale qui procure un avortement, sauf si elle est pratiquée conformément à des mesures de protection préci- ses et détaillées qui comportent un médecin qualifié et un hôpital accrédité ou approuvé ...
et à la page 676:
... l'art. 251 est un code sur l'avortement, un code entier et complet en lui-même ...
Il a été décidé dans l'arrêt Morgentaler que le Parlement dans l'article 251 exerçait à bon droit les pouvoirs qu'il possède en matière pénale. Comme le faisait observer le juge en chef Laskin à la page 627:
... le Parlement peut déterminer ce qui n'est pas criminel aussi bien que ce qui l'est, et il peut par conséquent introduire dans ses lois pénales des dispenses ou des immunités.
En vertu du paragraphe 251(4), le Parlement rend inapplicables les sanctions prévues aux para- graphes 251(1) et (2) lorsque certaines exigences sont remplies. À. mon avis, il ne confère ni compé- tence ni pouvoirs fédéraux au comité de l'avorte- ment thérapeutique. Il ne fait que prévoir un moyen de défense pour ce qui serait autrement une infraction criminelle.
Le par. (4) est de la plus haute importance pour tout médecin qui envisage l'emploi de quelque moyen pour procurer l'avorte- ment d'une personne du sexe féminin. Le but de ce paragraphe est d'offrir, ce qu'il accorde effectivement à ceux qui satisfont à ses conditions, un moyen de défense complet. (Le juge Dickson dans Morgentaler, à la page 673)
L'article 251 n'accorde pas de pouvoirs exprès aux comités de l'avortement thérapeutique ni, à mon avis, de pouvoirs tacites. Le comité décide à la majorité s'il y a lieu de mettre fin à une grossesse. Il peut alors établir un certificat expliquant qu'à son avis, la continuation de la grossesse mettrait probablement en danger la vie ou la santé de la personne de sexe féminin. Une fois que ce certifi- cat est établi, un médecin peut procéder à l'avortement'.
Je ne vois pas quelle «compétence» ou quels «pouvoirs», au sens de ces mots à l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale, ont été conférés aux comités de l'avortement thérapeutique par le Code criminel ou une autre loi fédérale.
Par conséquent, la Cour n'est pas compétente pour connaître de la présente action.
Je passe maintenant à l'autre principal point du litige. Les requérants prétendent que le comité est un organisme «... constitué ou établi par une loi d'une province ou sous le régime d'une telle loi».
Je partage leur opinion.
La North and West Vancouver Hospital Society est une entité qui a été créée en vertu d'une loi provinciale, intitulée alors Societies Act de la Colombie-Britannique. Sa constitution et ses sta- tuts ont été adoptés en vertu de cette loi et de celles qui lui ont succédé. La Société administre l'hôpital. En vertu de l'alinéa 2(1)c) de la Hospital Act, R.S.B.C. 1979, chap. 76, un hôpital doit:
' J'ai résumé l'essentiel du paragraphe 251(4). Les motifs du juge Dickson dans Morgentaler c. La Reine en contiennent un exposé détaillé aux pp. 673 et 674.
[TRADUCTION] 2. (1) .. .
c) avoir un conseil d'administration constitué de façon régu- lière et les statuts, règles ou règlements que le ministre juge nécessaires pour administrer l'hôpital et fournir aux patients des soins et des traitements de qualité. La constitution, les statuts, les règles et les règlements d'un hôpital entrent en vigueur après leur approbation par le ministre;
L'hôpital Lions Gate remplit ces conditions.
L'hôpital a un personnel médical comme l'exi- gent les statuts de la Société et l'article 5 des règlements adoptés en vertu de la Hospital Act de la Colombie-Britannique. Les règles et les règle- ments concernant le personnel médical prévoient notamment la nomination par le conseil d'adminis- tration de l'hôpital des membres du comité de l'avortement thérapeutique, la composition et les fonctions de ce comité et les règles de procédure qu'il doit suivre.
À mon avis, il ne fait aucun doute que le comité est constitué ou établi par une loi ou des lois de la Colombie-Britannique. Le Parlement a décrit au paragraphe 251(4) le genre de comité thérapeuti- que pouvant présenter une défense à une accusa tion portée en vertu des paragraphes 251(1) et (2). J'estime qu'il n'a ni établi ni constitué le comité.
Les demandeurs soutiennent que le critère appli cable ne tient ni à l'entité qui constitue l'organisme ni au document par lequel il est constitué mais plutôt au pouvoir en vertu duquel l'entité agit et le document est promulgué. Ils affirment qu'en l'es- pèce ce pouvoir tire son origine de la compétence du fédéral en matière pénale et non d'une loi de la Colombie-Britannique.
Je ne peux souscrire à ce raisonnement.
Le pouvoir en vertu duquel le comité de l'avorte- ment thérapeutique est créé et agit est attribué par une loi provinciale. J'ai déjà indiqué quels étaient la loi et les règlements applicables. Comme je l'ai dit plus haut, le Parlement a déclaré que l'établis- sement d'un certificat par un comité et l'interrup- tion d'une grossesse, lorsque certaines conditions sont remplies, rendent les paragraphes 251(1) et (2) inapplicables à un avortement procuré par intervention chirurgicale.
On peut trouver des arguments appuyant cette interprétation dans les arrêts qui suivent: Cana- dian Pacific Transport Company Limited v.
Highway Traffic Board, [1976] 5 W.W.R. 541 (C.A. Sask.); Coughlin v. The Ontario Highway Transport Board, [1968] R.C.S. 569; Re Bicknell Freighters Ltd. et al. (1977), 77 D.L.R. (3d) 417 (C.A. Man.).
Dans l'arrêt Canadian Pacific Transport, la Commission des transports de la Saskatchewan avait délivré à la demanderesse un permis extra- provincial pour les véhicules qu'elle employait. La Commission avait été instituée conformément à la loi de la Saskatchewan applicable. La Loi sur le transport par véhicule à moteur [S.R.C. 1970, chap. M-14] (fédérale) autorisait la commission d'une province à délivrer des permis extra-provin- ciaux. Dans l'action concernant le permis extra- provincial délivré à la demanderesse par la com mission provinciale, le juge en chef Culliton décla- rait à la page 547:
[TRADUCTION] Il est incontestable que la commission est un organisme constitué et établi en vertu d'une loi de la province de la Saskatchewan, The Vehicles Act. Même si le paragraphe (2) de l'article 3 de la Loi sur le transport par véhicule à moteur dispose que la commission provinciale de transport peut, à sa discrétion, délivrer un permis d'exploitation d'une entreprise extra-provinciale en pénétrant dans la province ou en passant à travers celle-ci, cela ne modifie en rien la nature principale et le caractère de la commission provinciale; elle demeure un organisme constitué et établi par une loi d'une province ou sous le régime d'une telle loi. Il en résulte qu'elle n'est pas, selon les termes précis employés dans la définition donnée à l'article 2, un «office, commission ou autre tribunal fédéral». Par conséquent, ce n'est pas la Cour fédérale qui, comme le prétend l'appelante, a compétence exclusive pour connaître de la présente action mais plutôt la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan.
Dans une cause semblable, l'arrêt Bicknell, la Cour d'appel du Manitoba a appliqué le principe découlant de l'arrêt Coughlin et a suivi la décision rendue dans l'arrêt Canadian Pacific Transport.
Les demandeurs invoquaient l'arrêt Lingley c. Hickman, [1972] C.F. 171 [lie inst.]. Le juge en chef Culliton, dans Canadian Pacific Transport, a fait la distinction suivante à la page 546:
[TRADUCTION] Les arrêts Klingbell v. Treasury Board, [1972] 2 W.W.R. 389 (Man.) et Lingley c. Hickman, [1972] C.F. 171, 10 C.C.C. (2d) 362, 33 D.L.R. (3d) 593, ont été cités à l'appui de cette prétention. Dans Klingbell v. Treasury Board, précité, le recours par voie de certiorari visait à faire annuler la décision rendue par un arbitre en vertu d'une loi fédérale, la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-35. En cette espèce, Martin, qui a entendu le grief, exerçait un pouvoir et une compétence conférés par une loi du Parlement du Canada et relevait
manifestement de la définition d'office, commission ou autre tribunal fédéral, organismes sur lesquels la Cour fédérale a compétence exclusive en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale. De même, dans l'arrêt Lingley c. Hickman, précité, l'action visait à obtenir un jugement déclaratoire pour remplacer la décision rendue par une commission d'examen nommée par le lieutenant-gouverneur en conseil de la province du Nouveau-Brunswick conformément aux dispositions du Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34. Il est évident une fois encore que la commission était un «office, commission ou autre tribunal fédéral» car elle avait été établie en vertu d'une loi du gouvernement du Canada et qu'elle exerçait une compétence conférée sous le régime de cette loi.
Je crois que le principe qui ressort de ces deux décisions est qu'on doit déterminer si une commission ou une personne est un «office, commission ou autre tribunal fédéral» en se fondant sur la définition qu'en donne l'art. 2 de la Loi sur la Cour fédérale.
Je partage cette façon de voir les choses.
Je tranche la seconde question en faveur des requérants.
Il y avait un troisième point à trancher qui concernait l'allégation des requérants selon laquelle les défendeurs étaient poursuivis comme individus et non comme membres du comité de l'avortement thérapeutique. Étant donné les con clusions auxquelles je suis arrivé, il n'est ni néces- saire ni souhaitable de trancher cette question. Il est possible que les tribunaux de la Colombie-Bri- tannique soient saisis de poursuites similaires et je ne veux pas qu'une opinion incidente puisse avoir une influence, d'une façon ou d'une autre, sur une autre action.
La requête est accueillie et l'action est donc rejetée pour défaut de compétence. Les requérants ont droit aux dépens.
ANNEXE I
COUR FÉDÉRALE DU CANADA DIVISION DE PREMIÈRE INSTANCE
ENTRE
GEORGE C. CARRUTHERS MICHAEL S. WHELTON
DEMANDEURS
ET
TOUS LES MEMBRES passés et présents DES COMITÉS DE L'AVORTEMENT THÉRAPEUTIQUE DE LIONS GATE HOSPITAL (NOMMÉS PAR LE CONSEIL D'ADMINISTRATION DE NORTH AND WEST VANCOUVER HOSPITAL SOCIETY EN VERTU DE L'ARTICLE 251 DU CODE CRIMINEL DU CANADA), et lesdits comités de l'avortement thérapeutique
DÉFENDEURS
EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS
1. La North and West Vancouver Hospital Society (la Société) a été constituée le 13 septembre 1954 conformément aux dispositions de The Societies Act of British Columbia, R.S.B.C. 1948, chapitre 311, devenue aujourd'hui The Society Act, R.S.B.C. 1979, chapitre 390. L'annexe «A» ci-jointe contient la dernière mise à jour de sa constitution et de ses statuts.
2. En vertu de ladite Loi et de sa constitution, et en vertu en outre des dispositions de The Hospital Act of British Columbia, R.S.B.C. 1979, chapitre 176, la Société est chargée du contrôle et de la direction de l'hôpital Lions Gate, et est autorisée à adopter des règles et des règlements conformes à sa constitution et aux lois.
3. Pendant toute l'époque en cause dans la présente action, l'hôpital Lions Gate était accrédité par le Conseil canadien d'accréditation des hôpitaux et fournissait des services de dia gnostic et des traitements médicaux, chirurgicaux et obstétri- caux.
4. Pendant toute l'époque en cause dans la présente action, le comité de l'avortement thérapeutique de l'hôpital Lions Gate comprenait au moins trois médecins qualifiés ayant le droit d'exercer la médecine en vertu des lois de la Colombie-Britan- nique.
5. Aux environs du 21 novembre 1979, le conseil d'administra- tion de l'hôpital a nommé un comité de l'avortement thérapeu- tique formé des médecins suivants:
D' Arthur Barker D H.M.O. Brown D' Don Lang
D' Stuart Madill D' Kathleen Perry D` James Wilde.
La nomination dudit comité de l'avortement thérapeutique le 21 novembre 1979 a été faite par une résolution du conseil d'administration de la North and West Vancouver Hospital Society, datée du 21 novembre 1979, dont copie conforme est jointe aux présentes comme annexe «B».
6. Après le 21 novembre 1979, les membres du comité de l'avortement thérapeutique ont en général été nommés par résolution du conseil d'administration de la North and West Vancouver Hospital Society.
7. Les règles et les règlements concernant le personnel médical de l'hôpital Lions Gate ont, pendant toute l'époque en cause dans la présente action, contenu à l'article XIII une section ayant trait au comité de l'avortement thérapeutique. Le conseil d'administration de la Société a approuvé ces règles et règle- ments. Est jointe aux présentes en annexe «C», la dernière mise à jour des règles et règlements concernant le personnel médical, y compris les règles et les règlements ayant trait au comité de l'avortement thérapeutique, datés, approuvés et adoptés par le conseil d'administration le 21 avril 1982.
8. Sont jointes aux présentes en annexes «D» et «E» des copies conformes des statuts, règles et règlements du personnel médi- cal de l'hôpital Lions Gate se rapportant audit comité de l'avortement thérapeutique, tels qu'ils ont été approuvés et promulgués par ledit conseil d'administration:
a) le 15 septembre 1976 et
b) le 16 septembre 1980.
9. Ledit comité de l'avortement thérapeutique comprenait, le 31 mai 1982, les docteurs Elliott, Langley, Chubb, Crossen et MacDonald.
10. Les docteurs Madill, Wilde, Barker, Perry, Brown, Lang et Hay avaient été membres du comité, mais ils avaient tous démissionné et ne faisaient plus partie du comité aux environs du 31 mai 1981-1982.
11. Aucun des administrateurs de la North and West Vancou- ver Hospital Society n'a été membre du comité de l'avortement thérapeutique de cet hôpital pendant toute la période en cause dans la présente action.
12. Pendant toute l'époque en cause dans la présente action, le comité de l'avortement thérapeutique a établi des certificats écrits; une copie des formules de certificats que le comité de l'avortement thérapeutique de l'hôpital a utilisées de 1977 jusqu'à maintenant est jointe aux présentes en annexe «F».
13. Pendant toute l'époque en cause dans la présente action, le comité de l'avortement thérapeutique de l'hôpital Lions Gate a rempli les fonctions exposées dans ses statuts et dans les règles et règlements concernant le personnel médical, annexés aux présentes.
14. Une copie conforme d'une résolution du conseil consultatif du personnel médical de l'hôpital Lions Gate, datée du 19 août 1969. est jointe aux présentes en annexe «G». Avant le 21 novembre 1979, le comité de l'avortement thérapeutique de l'hôpital Lions Gate était nommé par le conseil consultatif du personnel médical sur recommandation du médecin chef, con- formément aux statuts approuvés par le conseil d'administra- tion le 17 juin 1970 et joints aux présentes en annexe «H». Ces statuts ont également été approuvés par le service d'assurance- hospitalisation de la Colombie-Britannique dans une lettre datée du 27 juillet 1970 et jointe aux présentes en annexe «I».
FAIT à Vancouver, Colombie-Britannique, le 3 SEPTEMBRE 1982.
«A. G. Henderson» Avocat des demandeurs
«H. R. Bowering»
Avocat des défendeurs,
Dr N.S. Madill, Dr J.M. Wilde, Dr A.J. Barker, Dr K.V. Perry, Dr H.M.O. Brown, Dr D.W. Lang, Dr D.A. Langley, Dr. Jon Elliott, Dr P.D. Chubb, Dr D.S.A. Hay,
«David W. Gibbons
Avocat du défendeur, Dr Myron MacDonald
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.