Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-957-83
Robert Walter Sango (requérant) c.
Commission nationale des libérations condition- nelles (intimée)
Division de première instance, juge Muldoon— Winnipeg, 14 septembre; Ottawa, 11 octobre 1983.
Libération conditionnelle Compétence de la Commission nationale des libérations conditionnelles La Commission a-t-elle agi sans compétence ou a-t-elle excédé sa compé- tence? Demande visant à interdire une audience aux fins de décider si la Commission doit révoquer la surveillance obliga- toire lorsque celle-ci est interrompue par une peine consécutive Le requérant est-il un détenu à liberté conditionnelle? La Commission n'est pas dessaisie Demande rejetée Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-2, art. 10(1)a),e),(2) (abrogé et remplacé par S.C. 1976-77, chap 53, art. 25(2)), 11 (abrogé et remplacé par idem, art. 26), 13(1),(2) (abrogés et remplacés par idem, art. 27), 15(1) (abrogé et remplacé par idem, art. 28(1)), (2),(3),(4) (ajouté par idem, art. 28(2)), 16(1),(2),(3) (abrogés et remplacés par idem, art. 29), (4),(5), 18 (abrogé et remplacé par idem, art. 30) Règlement sur la libération conditionnelle de détenus, C.R.C., chap. 1249.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Prohibition La Commission des libérations conditionnelles a-t-elle compétence pour examiner ou révoquer la surveillance obliga- toire lorsque celle-ci est interrompue par une peine d'empri- sonnement consécutive? Demande rejetée.
Pendant qu'il faisait l'objet d'une surveillance obligatoire, le requérant a commis d'autres infractions pour lesquelles on lui a imposé une peine d'emprisonnement consécutive. Il sollicite une ordonnance qui interdirait à la Commission nationale des libé- rations conditionnelles de tenir une audience aux fins de décider si sa surveillance obligatoire doit être révoquée, ainsi qu'une ordonnance qui interdirait de révoquer cette surveillance sans tenir une audience. Le requérant prétend que le paragraphe 15(4) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus a primauté sur l'alinéa 10(1)e) parce qu'il n'est pas, en fait, un détenu à liberté conditionnelle puisque sa surveillance obliga- toire est interrompue par l'effet de la loi et ne doit être rétablie que lorsqu'il aura purgé sa dernière peine. À la lumière de l'arrêt Greenberg c. Commission nationale des libérations con- ditionnelles et autre, la Commission n'est pas dessaisie en ce qui concerne le réexamen de la question de la surveillance obligatoire du requérant. Par conséquent, il ne peut aucune- ment être démontré qu'elle a agi ou pourrait agir sans avoir compétence, ni qu'elle a excédé ou qu'elle pourrait excéder sa compétence lorsqu'elle examine cette surveillance, ou qu'elle n'a pas la compétence pour la révoquer au cours d'une peine d'emprisonnement consécutive.
JURISPRUDENCE
DÉCISION SUIVIE:
Greenberg c. Commission nationale des libérations con- ditionnelles et autre (1983), 48 N.R. 310; 10 W.C.B. 222 (C.F. Appel).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Oag v. R., et al., [1983] 3 W.W.R. 130 (C.B.R. Alb.); infirmée par 33 C.R. (3d) 111 (C.A. Alb.); Noonan c. Commission nationale des libérations conditionnelles, [1983] 2 C.F. 772 (C.A.).
AVOCATS:
Judy Elliott pour le requérant. Brian H. Hay pour l'intimée.
PROCUREURS:
Aide juridique du Manitoba, Winnipeg, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MULDOON: Le requérant sollicite une ordonnance interdisant à l'intimée de tenir ou de poursuivre une audience aux fins de décider si elle doit ou non révoquer sa surveillance obligatoire, ainsi qu'une ordonnance interdisant à l'intimée de révoquer sa surveillance obligatoire sans tenir une audience.
Dans son affidavit en date du 19 avril 1983, le requérant dit être un prisonnier détenu dans l'éta- blissement de Stony Mountain au Manitoba. Son avocate affirme qu'il vient d'être transféré au péni- tencier de la Saskatchewan. Il ressort de l'affidavit du requérant qu'il a quitté l'établissement de Stony Mountain le 1" octobre 1982 sous surveil lance obligatoire et qu'il s'est alors dirigé vers Winnipeg. Le 12 décembre 1982, il a été inculpé de vol d'un bien dont la valeur ne dépasse pas 200 $, de possession de marchandises obtenues illé- galement et d'escroquerie concernant un bien dont la valeur ne dépasse pas 200 $. Le même jour, on lui a refusé un cautionnement à la suite de ces inculpations et il est demeuré sous garde. Le lende- main, un mandat a été décerné en vertu des arti cles 16 [mod. par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 29] et 18 [abrogé et remplacé idem, art. 30] de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-2, suspendant la surveillance obliga- toire du requérant soi-disant [TRADUCTION] «en vue d'empêcher la violation d'une modalité de la libération conditionnelle».
Le requérant a ensuite été ramené à l'établisse- ment de Stony Mountain où, dit-il, il a comparu
devant la Commission intimée le 4 février 1983 ou vers cette date, laquelle a tenu une audience posté- rieure à la suspension en application, semble-t-il, du paragraphe 16(4) de la Loi. Sur ce, par une ordonnance signée le 8 février 1983, la Commis sion a, par l'entremise d'une personne désignée par son président, ordonné l'annulation de la suspen sion de la surveillance obligatoire du requérant qui avait pris effet le 13 décembre précédent. Celui-ci redevenait un détenu assujetti à la surveillance obligatoire en vertu du paragraphe 15(2) de la Loi «comme s'il était un détenu à liberté conditionnelle en libération conditionnelle et comme si les moda- lités de sa surveillance obligatoire étaient des modalités de sa libération conditionnelle.»
Malgré le rétablissement de sa surveillance obli- gatoire, le requérant a exercé le droit que lui confère le paragraphe 15(3) [ajouté par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 28] de la Loi de choisir de demeurer dans l'établissement. Voici ce qu'il déclare dans l'avis qu'il a fait parvenir au gestion- naire des sentences de l'établissement, une copie de cet avis étant jointe à son affidavit sous la cote «C»: [TRADUCTION] «Par conséquent, je ne désire pas pour le moment être libéré sous surveillance obligatoire». Ce document est daté du 7 février 1983. Voici les observations du gestionnaire des peines qui, semble-t-il, ont été dactylographiées sur cet avis:
[TRADUCTION] En vertu du par. 15(3) de la Loi sur la libéra- tion conditionnelle de détenus, un détenu peut choisir de purger sa période de surveillance obligatoire sous garde. Cependant, une fois qu'il a été libéré sous surveillance obligatoire, que cette surveillance a été suspendue ou que sa suspension est subsé- quemment annulée, il n'a plus le choix de demeurer dans l'établissement pour purger sa période de surveillance obliga- toire sous garde.
Le requérant n'est cependant pas demeuré dans l'établissement de Stony Mountain et il a été transféré dans un lieu de détention situé dans le Public Safety Building à Winnipeg, en attendant que les inculpations portées contre lui au mois de décembre précédent soient tranchées.
Le 23 février 1983, le requérant a plaidé «coupa- ble» auxdites accusations devant le juge M. Bary- luk de la Cour provinciale (division criminelle), qui lui a alors imposé une peine d'emprisonnement d'un an à purger à la suite de la peine qu'il était en train de purger et qu'il continue de purger.
Le requérant affirme qu'avant de plaider «cou- pable» à ces accusations, il s'est entretenu avec son agent de liberté conditionnelle qui lui a indiqué que l'intimée ne voulait plus rien entendre de lui et qu'il devrait par conséquent purger sa peine dans un établissement provincial s'il entendait plaider «coupable». Le requérant ne prétend pas citer directement les termes exacts de l'agent de liberté conditionnelle mais il présente, comme on peut le comprendre, une citation indirecte. Bien sûr, l'agent de liberté conditionnelle ne pouvait proba- blement pas prévoir, avant que le requérant ne plaide coupable, quelle peine la Cour lui imposerait.
À la suite de l'imposition de cette peine consécu- tive d'un an par le juge Baryluk, le requérant a été conduit à l'établissement correctionnel provincial de Headingley il est demeuré pendant environ une semaine et demie, pour être ensuite retourné à l'établissement de Stony Mountain. Là, son agent de liberté conditionnelle lui a dit qu'il comparaî- trait de nouveau devant la Commission intimée et que sa surveillance obligatoire serait probablement révoquée.
À la suite de ces événements, le requérant solli- cite une ordonnance de prohibition contre l'inti- mée. Voici les motifs qu'il invoque dans son avis de requête introductif d'instance:
[TRADUCTION] 1. L'intimée, LA COMMISSION NATIONALE DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES, n'a pas compétence ou elle excède sa compétence en prétendant statuer sur la surveillance obligatoire du requérant alors que celle-ci est interrompue par une peine d'emprisonnement consécutive.
2. L'intimée, LA COMMISSION NATIONALE DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES, n'a pas compétence pour révoquer la sur veillance obligatoire du requérant au cours d'une peine d'empri- sonnement consécutive.
3. Tout autre motif qui peut ressortir du dossier, que les avocats peuvent faire connaître et que cette Cour peut admettre.
L'avocate du requérant déclare que le 2 juin 1983, l'intimée a décerné un mandat visant à suspendre la surveillance obligatoire du requérant et que ce mandat a été signé à l'établissement de Stony Mountain le 6 juin 1983. Ledit mandat n'a pas été déposé devant la Cour: il n'a été que mentionné au cours de l'argumentation orale. L'in- timée a pris cette mesure quelque temps après la signification de l'avis de requête introductif d'ins- tance du requérant, appuyé de son affidavit, soit le 19 avril 1983, et elle risque de voir la suspension
de la surveillance obligatoire annulée par une déci- sion défavorable rendue au cours de la présente instance.
Il y a lieu d'examiner brièvement les dispositions législatives et la jurisprudence afin de déterminer si la Commission intimée agit sans compétence ou excède sa compétence ou si on peut raisonnable- ment craindre qu'elle agisse sans compétence ou qu'elle excède sa compétence, ou même, si elle n'a pas compétence pour prétendre révoquer la surveil lance obligatoire du requérant. On a fait mention du paragraphe 15(2) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus. En vertu de ce paragra- phe, un détenu qui fait l'objet d'une surveillance obligatoire, tel que le requérant, est censé être un détenu à liberté conditionnelle en libération conditionnelle.
Voici les autres dispositions pertinentes de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus:
10. (1) La Commission peut
a) accorder la libération conditionnelle à un détenu, sous réserve des modalités qu'elle juge opportunes, si la Commis sion considère que
(i) dans le cas d'un octroi de libération conditionnelle autre qu'une libération conditionnelle de jour, le détenu a tiré le plus grand avantage possible de l'emprisonnement,
(ii) l'octroi de la libération conditionnelle facilitera le redressement et la réhabilitation du détenu, et
(iii) la mise en liberté du détenu sous libération condition- nelle ne constitue pas un risque indu pour la société;
e) à sa discrétion, révoquer la libération conditionnelle de tout détenu à liberté conditionnelle autre qu'un détenu à liberté conditionnelle qui a été relevé des obligations de la libération conditionnelle, ou révoquer la libération condition- nelle de toute personne qui est sous garde en conformité d'un mandat délivré en vertu de l'article 16 nonobstant l'expira- tion de sa condamnation.
(2) [abrogé et remplacé par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 25(2)] La Commission ou la personne que le président désigne à cette fin peuvent mettre fin à l'absence temporaire sans escorte accordée à un détenu en vertu des articles 26.1 ou 26.2 de la Loi sur les pénitenciers ou à la libération conditionnelle de jour de tout détenu et, par mandat écrit, autoriser l'arresta- tion et le renvoi en détention de ce détenu comme le prévoit la présente loi.
11. [abrogé et remplacé idem, art. 26] Sous réserve des règlements que peut établir à ce sujet le gouverneur en conseil, la Commission n'est pas obligée, lorsqu'elle étudie la possibilité d'accorder ou de révoquer une libération conditionnelle, de donner au détenu l'occasion de se faire entendre personnelle- ment ou par l'intermédiaire d'une autre personne.
13. [abrogé et remplacé idem, art. 27] (1) Il y a présomption qu'un détenu mis en liberté conditionnelle continue, tant qu'elle n'est pas révoquée, de purger sa peine d'emprisonnement jus- qu'au terme prévue par la loi et, dans le cas d'un détenu mis en liberté conditionnelle de jour, qu'il la purge au lieu de détention d'où il a été ainsi relâché.
(2) Sauf en accord avec les modalités d'une libération condi- tionnelle de jour, il est interdit d'emprisonner en raison de sa sentence le détenu qui bénéficie d'une libération conditionnelle qui n'a été ni révoquée ni suspendue ou à laquelle, dans le cas d'une libération conditionnelle de jour, il n'a pas été mis fin; il doit, sous réserve des dispositions de la présente loi, être mis et laissé en liberté conformément aux modalités de sa libération.
15. (1) [abrogé et remplacé idem, art. 28(1)] Par dérogation à toute autre loi, le détenu remis en liberté avant l'expiration de sa sentence prévue par la loi, uniquement par suite d'une réduction de peine supérieure à soixante jours, y compris une réduction méritée, doit être assujetti à une surveillance obliga- toire dès sa mise en liberté, et pendant tout le temps que dure cette réduction.
(3) [ajouté idem, art. 28(2)] Par dérogation au paragraphe (1), le détenu qui pourrait être remis en liberté sous surveil lance obligatoire peut choisir d'achever de purger sa peine à l'intérieur de l'établissement mais ce choix n'engage pas défini- tivement le détenu qui choisit plus tard d'être remis en liberté sous surveillance obligatoire; tout choix ultérieur d'être remis en liberté sous surveillance obligatoire doit être respecté dès que possible; le détenu ne peut cependant demander sa remise en liberté que pendant les heures diurnes d'une semaine nor- male de travail.
(4) [ajouté idem, art. 28(2)] Le détenu assujetti à une surveillance obligatoire qui commet une nouvelle infraction pour laquelle une peine d'emprisonnement consécutive lui est imposée, doit la purger immédiatement, la période de mise en liberté sous surveillance obligatoire étant interrompue pendant tout ce temps.
16. [paragraphes (1) à (3) abrogés et remplacés idem, art. 29] (1) Un membre de la Commission ou la personne que le président désigne à cette fin, en cas de violation des modalités d'une libération conditionnelle ou lorsqu'il est convaincu qu'il est souhaitable sinon nécessaire d'agir ainsi pour empêcher une telle violation ou pour protéger la société, peut, par mandat écrit signé de sa main,
a) suspendre toute libération conditionnelle aux obligations de laquelle le détenu est encore assujetti;
b) autoriser l'arrestation d'un détenu en liberté condition- nelle; et
c) renvoyer un détenu en détention jusqu'à ce que la suspen sion soit annulée ou sa liberté conditionnelle révoquée.
(2) La Commission ou la personne que le président désigne, peut, par mandat écrit, ordonner le transfèrement d'un détenu renvoyé en détention en vertu de l'alinéa (1)c), en attendant l'annulation de sa suspension ou la révocation de sa libération conditionnelle.
(3) La personne qui a signé le mandat visé au paragraphe (1), ou toute personne que le président désigne à cette fin, doit, dès que le détenu en liberté conditionnelle qui y est mentionné est renvoyé en détention, réexaminer son cas, et, dans les quatorze jours qui suivent, si la Commission ne décide pas d'un délai plus court, annuler la suspension ou renvoyer l'affaire devant la Commission.
(4) La Commission doit, lorsque lui est renvoyé le cas d'un détenu à liberté conditionnelle dont la libération conditionnelle a été suspendue, examiner le cas et faire effectuer toutes les enquêtes y relatives qu'elle estime nécessaires et immédiate- ment après que ces enquêtes et cet examen sont terminés, elle doit soit annuler la supension, soit révoquer la libération conditionnelle.
(5) Un détenu qui est sous garde en vertu du présent article est censé purger sa sentence.
18. [abrogé et remplacé idem, art. 30] La Commission, ou la personne que le président désigne à cette fin, peut, par mandat écrit, autoriser l'arrestation et le renvoi en détention conformé- ment à la présente loi, du détenu dont la libération condition- nelle est révoquée.
En application de l'article 11 de la Loi, le Règlement sur la libération conditionnelle de détenus [C.R.C., chap. 1249] offre au détenu la possibilité de demander une audience postérieure à la suspension, comme l'a fait remarquer l'avocate du requérant dans son argumentation. Le Règle- ment permet en outre au détenu de demander à la Commission de réexaminer une décision visant à révoquer la surveillance obligatoire.
Il s'agit d'une situation différente de celle qui a été décrite dans les affaires Oag v. R., et al.', et Noonan c. Commission nationale des libérations conditionnelles 2 parce que dans le présent cas, le requérant a été mis en liberté le 1" octobre 1982. Après la suspension de sa surveillance obligatoire qui est survenue le 13 décembre 1982 et qui a été subséquemment annulée le 8 février 1983, il s'est prévalu du paragraphe 15(3) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus. Malgré le choix qu'il a exprimé, le requérant a été retiré de l'établissement de Stony Mountain et placé sous garde à Winnipeg parce qu'il- n'a pu bénéficier d'un cautionnement en ce qui concerne les inculpa- tions pendantes.
Ayant commis, après sa mise en liberté, d'autres infractions qui lui ont valu une peine d'emprison- nement consécutive, et sa surveillance obligatoire
' [1983] 3 W.W.R. 130 (C.B.R. Alb.), [infirmée par] 33
C.R. (3d) 111 (C.A. Alb.).
2 [1983] 2 C.F. 772 (C.A).
n'étant pas révoquée, comme le prévoit le paragra- phe 15(4) de la Loi, le requérant, craignant que la Commission intimée ne décide maintenant de révo- quer cette surveillance, demande que l'intimée soit empêchée de le faire. Il prétend que dans les circonstances actuelles, sa surveillance obligatoire doit être interrompue et continuer de l'être jusqu'à ce qu'il ait purgé sa dernière peine. Son avocate souligne que depuis le moment la suspension de la surveillance obligatoire a été annulée, il n'y a pas eu d'autre mise en liberté ni de mauvaise conduite postérieure à la mise en liberté qui pour- rait justifier la révocation de la surveillance obliga- toire. Le requérant prétend que le paragraphe 15(4) a primauté sur l'alinéa 10(1)e) parce qu'il n'est pas, en fait, un détenu à liberté conditionnelle puisque sa surveillance obligatoire est interrompue par l'effet de la loi et qu'elle ne doit être rétablie que lorsqu'il aura purgé sa dernière peine.
La Commission intimée a manifestement fait preuve d'une parfaite correction en rétablissant la surveillance obligatoire du requérant pendant la période au cours de laquelle celui-ci était seule- ment accusé d'infractions au mois de décembre 1982. Le simple respect du droit du requérant prévu par la constitution d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable conformément à la loi, si on ne connaissait rien d'autre de sa conduite, dicterait la prudence. Étant donné ces accusations pendantes, l'intimée ne pouvait pas savoir s'il en résulterait un acquittement, un aban don d'accusation, un verdict de culpabilité ou, comme dans le présent cas, un plaidoyer de «culpa- bilité». Ce n'est qu'alors, en ce qui concerne les accusations pendantes, qu'on a déterminé la con- duite du requérant postérieure à sa mise en liberté, conduite qui pouvait donner lieu à la révocation de sa surveillance obligatoire.
L'avocate du requérant a fait valoir que la légis- lation n'est pas suffisamment claire pour justifier la demande de la Commission intimée. Ce pourrait être une proposition défendable si ce n'était de la décision unanime de la Cour d'appel fédérale rendue dans l'affaire Greenberg c. Commission nationale des libérations conditionnelles et autre'. Voici ce qu'a déclaré le juge Pratte au nom de la Cour la page 314 N.R.]:
3 (1983), 48 N.R. 310; 10 W.C.B. 222 (C.F. Appel).
[TRADUCTION] Il y a lieu de faire tout d'abord un certain nombre d'observations. Il est reconnu que lorsqu'elle révoque une libération conditionnelle, la Commission exerce un pouvoir administratif et non quasi judiciaire. Il est également reconnu que lorsqu'elle décide si elle doit ou non révoquer une libération conditionnelle, la Commission est liée, comme le sont toutes les autres autorités administratives, par les règles de l'équité dans la procédure. Enfin, les deux parties conviennent qu'en vertu du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus, la Com mission ne peut révoquer la libération conditionnelle d'un détenu sans lui donner l'occasion d'être entendu.
En ce qui concerne la prétention du requérant selon laquelle le paragraphe 15(4) a primauté sur les dispositions de l'alinéa 10(1)e), voici un extrait pertinent du juge Pratte la page 313 N.R.]:
[TRADUCTION] ... au dire de l'appelant, lorsqu'un mandat de suspension d'une libération conditionnelle a été décerné et annulé en bonne et due forme, un second mandat ne peut subséquemment être décerné à partir des mêmes faits.
Cet argument se fonde sur deux hypothèses erronées. Selon la première hypothèse, l'art. 16 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus constitue la source du pouvoir de la Commission de révoquer une libération conditionnelle. Cela est inexact. La source de ce pouvoir est l'alinéa 10(1)e) en vertu duquel «La Commission peut à sa discrétion, révoquer la libéra- tion conditionnelle de tout détenu à liberté conditionnelle». L'article 16 constitue d'autre part la source du pouvoir de suspendre une libération conditionnelle et il prévoit que lors- qu'une telle libération a été suspendue, l'affaire doit être sou- mise à la Commission pour qu'elle puisse décider si elle exer- cera son pouvoir de révocation. Il s'ensuit qu'une ordonnance de la Commission révoquant une libération conditionnelle n'est pas nulle pour l'unique raison qu'elle n'a pas été précédée d'une suspension valide. La seconde hypothèse erronée de l'appelant veut que lorsqu'elle a tranché une question,. la Commission est dessaisie de l'affaire et ne peut réexaminer la question ni reconsidérer sa décision. Lorsqu'elle décide de suspendre ou de révoquer une libération conditionnelle, la Commission exerce une fonction purement administrative. Le principe qui interdit normalement aux autorités judiciaires ou quasi judiciaires de réexaminer une question qu'elles ont déjà tranchée ne s'appli- que pas aux autorités administratives. Il ne s'applique pas à la Commission.
Puisque la Commission intimée n'est pas dessaisie en ce qui concerne le réexamen de la question de la surveillance obligatoire du requérant, il ne peut aucunement être démontré qu'elle agit sans com- pétence, qu'elle excède sa compétence, ou qu'elle pourrait le faire, lorsqu'elle examine cette surveil lance, ou qu'elle n'a pas la compétence pour la révoquer au cours d'une peine d'emprisonnement consécutive. Aucun autre motif permettant d'or- donner l'interdiction n'a été prouvé ou allégué.
Conformément aux principes énoncés dans l'af- faire Greenberg c. Commission nationale des libé- rations conditionnelles et autre, précitée, la pré- sente demande est donc rejetée.
ORDONNANCE Requête rejetée avec dépens.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.