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A-1435-83
Rudolph Hans Schaaf (requérant)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Maho- ney et Hugessen—Winnipeg, 11 janvier; Ottawa, 1" février 1984.
Compétence Cour d'appel fédérale L'arbitre a commis une erreur de droit en refusant d'accepter la reconnaissance du requérant de l'exactitude de l'allégation faite contre lui et en ne lui accordant pas la possibilité de présenter des preuves et de faire des observations, prévue aux art. 32 et 34 du Règle- ment L'omission de l'arbitre de se conformer strictement aux exigences de ces articles ayant été provoquée par l'aveu du requérant, celui-ci ne peut invoquer ladite omission Étant donné l'aveu, les erreurs n'ont eu aucune incidence sur l'issue de l'enquête L'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale est attributif de compétence La Cour est investie du pouvoir discrétionnaire d'annuler les décisions entachées de l'un des vices mentionnés, mais n'est pas obligée de le faire Des erreurs insignifiantes n'ayant aucune incidence sur l'issue de l'enquête ne sont pas des erreurs commises lorsqu'on «a rendu» une décision au sens de l'art. 28(1)b) L'art. 28 doit être rapproché de l'art. 18 qui porte sur les recours discrétion- naires que sont les brefs de prérogative Les considérations qui ont amené les cours à conclure au caractère discrétionnaire de ces recours s'appliquent au recours prévu par l'art. 28 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 28, 52a) Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 27(2)e), 30(2) Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 32(1), 34(1),(2).
Immigration L'arbitre a commis une erreur de droit en refusant d'accepter la reconnaissance du requérant de l'exacti- tude de l'allégation faite contre lui et en ne lui accordant pas la possibilité de présenter des preuves et de faire des observa tions, conformément aux art. 32 et 34 du Règlement L'aveu constitue une preuve sur laquelle, suivant l'art. 30(2) de la Loi sur l'immigration de 1976, l'arbitre peut fonder sa décision Demande d'annulation de l'ordonnance d'expulsion rejetée parce que les erreurs invoquées ne sont que des irrégularités de procédure qui ne tirent pas à conséquence Loi sur l'immi- gration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 27(2)e), 30(2) Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 32(1), 34(1),(2) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 28.
Il s'agit d'une demande d'examen et d'annulation d'une ordonnance d'expulsion. Ayant informé le requérant qu'il aurait la possibilité de présenter des preuves et de faire des observations sur le type d'ordonnance à rendre, l'arbitre chargé de l'enquête a refusé d'accepter la reconnaissance du requérant de l'exactitude de l'allégation faite contre lui, mais a rendu une ordonnance d'expulsion sans lui accorder la possibilité susmen- tionnée. On allègue que l'arbitre a commis une erreur de droit en ce sens qu'il n'a pas suivi la procédure établie par les paragraphes 32(1) et 34(2) du Règlement. La question est donc
de savoir si la Cour, ayant conclu à l'existence d'une erreur de droit, est tenue d'annuler la décision, même s'il s'agit d'une erreur insignifiante qui n'a eu aucune incidence sur celle-ci.
Jugement: la demande est rejetée.
Le juge en chef Thurlow: L'omission de l'arbitre de suivre strictement la procédure établie a été provoquée par le requé- rant du fait qu'il a dit ne pas contester l'allégation. Tel étant le cas, le requérant ne peut maintenant invoquer cette omission. Une distinction peut être faite avec l'arrêt Copeland c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, dans lequel la Cour a annulé une ordonnance d'expulsion parce que l'arbitre ne s'était pas conformé au paragraphe 34(1); cette distinction tient à ce que, dans cette affaire, on n'avait pas reconnu l'exactitude de l'allégation.
Le juge Hugessen (avec l'appui du juge Mahoney): L'arbitre a commis une erreur de droit en disant que le requérant ne pouvait reconnaître l'exactitude de l'allégation faite contre lui. Une telle reconnaissance constitue une preuve sur laquelle un arbitre peut, suivant le paragraphe 30(2) de la Loi sur l'Immi- gration de 1976, fonder sa décision. Il a en outre commis une erreur en n'accordant pas au requérant la possibilité de présen- ter des preuves et de faire des observations, prévue par le Règlement. Ces erreurs n'ont toutefois eu aucune incidence sur l'issue de l'enquête. Étant donné l'aveu du requérant, aucune preuve n'aurait pu amener l'arbitre à une décision différente. Le paragraphe 28(1) de la Loi sur la Cour fédérale n'est rien d'autre qu'une disposition attributive de compétence. Il confère à la Cour le pouvoir d'annuler les décisions entachées de l'un des vices mentionnés, sans pour autant lui imposer l'obligation de le faire dans chaque cas. C'est ce qui ressort aussi du texte de l'article 52, qui crée une faculté. La loi confère certains droits au requérant, mais elle le fait par l'attribution de pou- voirs à la Cour et il appartient exclusivement à celle-ci de déterminer si, dans un cas d'espèce, ces pouvoirs doivent être exercés. Qu'on les prenne séparément ou ensemble, les erreurs insignifiantes en question ne peuvent avoir eu aucune incidence sur l'issue de l'enquête. Pour reprendre les termes de l'alinéa 28(1)b), on ne se trouve pas en présence d'erreurs commises lorsqu'on «a rendu» une décision. De plus, l'article 28 doit être rapproché de l'article 18 portant sur les brefs de prérogative traditionnels, qui demeurent des recours discrétionnaires. Les considérations qui ont amené les cours à conclure au caractère discrétionnaire de ces recours s'appliquent de la même façon au recours prévu par l'article 28. L'exercice légitime de ce pouvoir discrétionnaire en l'espèce entraînera inévitablement le refus du recours sollicité, et ce, parce que l'erreur invoquée n'est qu'une irrégularité de procédure qui ne tire pas à conséquence.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Copeland c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, jugement en date du 10 janvier 1984, Division d'appel de la Cour fédérale, A-1171-83, encore inédit; Husson c. Laplante, [1977] 2 C.F. 393 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Harelkin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561; Quinn (T.E.) Truck Lines Ltd. c. Snow, [1981] 2 R.C.S. 657; P.P.G. Industries Canada Ltd. c. Le Procureur général du Canada, [1976] 2 R.C.S. 739; Municipal
District of Sturgeon No. 90 v. Alberta Assessment Appeal Board (1972), 3 W.W.R. 455 (C.S.C.), confir- mant (1971), 4 W.W.R. 584 (C.A. Alb.), confirmant (1971), 3 W.W.R. 185 (C.S. Alb.).
AVOCATS:
Christian Malburg pour le requérant. Brian H. Hay pour l'intimé.
PROCUREURS:
McJannet, Weinberg, Riley, Adam, Winni- peg, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Il s'agit d'une demande d'examen et d'annulation d'une ordon- nance d'expulsion rendue contre le requérant pour le motif qu'il est une personne visée à l'alinéa 27(2)e) de la Loi sur l'Immigration de 1976 [S.C. 1976-77, chap. 52] parce qu'il est entré au Canada en qualité de visiteur et y est demeuré après l'expiration de son autorisation de séjour.
Plusieurs arguments ont été invoqués à l'appui de la demande, mais un seul mérite notre atten tion, savoir que l'arbitre a négligé de suivre la procédure prévue aux paragraphes 32(1)' et 34(2) 2 du Règlement sur l'immigration de 1978 [DORS/78-172].
Au début de l'enquête, l'arbitre avait expliqué au requérant et à son avocat la nature de l'alléga- tion ainsi que l'objet de l'enquête et ce qui pouvait s'ensuivre. Le requérant avait alors répondu qu'il comprenait le pourquoi de l'enquête et les consé- quences qu'elle risquait d'avoir pour lui.
Ce qui s'est passé ensuite se dégage de l'extrait suivant tiré de la transcription:
' 32. (1) Lorsque l'agent chargé de présenter le cas a produit toutes les preuves visées au paragraphe 31(1), la personne en cause ou son conseil doit pouvoir produire toute preuve qu'elle juge pertinente et que l'arbitre estime recevable.
2 34. (2) Après que les preuves ont été présentées à l'enquête, l'agent chargé de présenter le cas et la personne en cause ou son conseil doivent pouvoir présenter les arguments qu'ils jugent pertinents, dans les circonstances, et que l'arbitre estime recevables.
[TRADUCTION]
ARBITRE Maître, avez-vous de l'expérience dans le domaine des enquêtes en matière d'immigration?
AVOCAT Non, aucune.
ARBITRE J'expliquerai brièvement à vous et à M. Schaaf comment nous allons procéder aujourd'hui.
L'enquête sera divisée en deux parties. Dans un premier temps nous allons examiner uniquement les faits qui se rapportent à l'allégation en ques tion. Il incombe au ministère de l'Immigration de démontrer le bien-fondé de cette allégation en me présentant des preuves à l'appui. La preuve produite dans le cadre d'une enquête en matière d'immigration est le plus souvent orale, mais elle peut revêtir d'autres formes, notamment celle de documents.
Cowie présentera ses preuves. Vous et votre avocat aurez la possibilité de contre-interroger les témoins qu'il aura produits, d'examiner la preuve et de la commenter. Puis, il vous sera permis d'apporter vos propres preuves.
Après cette étape, chaque partie pourra présen- ter des observations quant au rapport entre la preuve et l'allégation en cause. Cela fait, je rendrai une décision relativement à l'allégation et, au besoin, nous passerons à la seconde partie de l'enquête qui portera sur le type d'ordonnance de renvoi qui sera rendue contre vous. Dans la seconde partie on procède comme dans la pre- mière, c'est-à-dire que le ministère de l'Immigra- tion présente d'abord ses preuves et puis vous apportez les vôtres.
Comprenez-vous cela?
INTÉRESSÉ Oui.
ARBITRE Avez-vous des questions à poser, maître?
AVOCAT Non...
ARBITRE W Cowie, êtes-vous prêt à débuter?
A.C.P.C. Oui, Monsieur l'arbitre...
AVOCAT ... sauf, Monsieur l'arbitre, on m'a donné de brefs renseignements généraux sur ce genre d'en- quêtes. Je comprends l'allégation et je ne vois pas l'utilité de la contester. Elle est claire et nous sommes prêts à avouer qu'il a prolongé sa visite après avoir perdu la qualité de visiteur.
INTÉRESSÉ Oui.
AVOCAT Si cela peut aider à trancher l'affaire.
ARBITRE Je comprends ce que vous voulez faire. Malheu- reusement, la Loi sur l'immigration n'autorise pas à simplement reconnaître une allégation. Je ne puis faire autrement que de fonder ma déci- sion sur la preuve, orale ou littérale, produite lors de l'enquête. Il arrive souvent qu'on fasse des propositions comme la vôtre. À mon avis, la solution la plus simple est de procéder de la façon habituelle et Mc Cowie présentera ses preuves en conséquence.
AVOCAT D'accord.
Le requérant a alors prêté serment et, répondant aux questions posées par l'agent chargé de présen- ter le cas, a témoigné que l'allégation était exacte. La transcription se poursuit:
[TRADUCTION]
A.C.P.C. Je n'ai pas d'autres questions à poser.
ARBITRE Voulez-vous procéder à un contre-interrogatoire sur l'allégation, Maître?
AVOCAT Non, Monsieur l'arbitre.
ARBITRE M. Schaaf, comme je vous l'ai déjà signalé, la raison de la tenue de cette enquête est que le ministère de l'Immigration estime que vous avez enfreint la Loi sur l'Immigration et que vous devez par conséquent être renvoyé du Canada. D'après votre témoignage, vous n'êtes ni citoyen canadien ni résident permanent du Canada et j'en conclus donc que vous n'avez pas le droit de demeurer au Canada et que le paragraphe 27(2) de la Loi sur l'Immigration peut s'appliquer dans votre cas.
On vous reproche seulement en l'espèce d'être entré au Canada en qualité de visiteur et d'y être demeuré après avoir perdu cette qualité.
Votre témoignage appuie cette allégation en ce sens que vous dites être arrivé au Canada à titre de visiteur le 15 mai 1983 à l'aéroport interna tional de Toronto, ayant reçu l'autorisation de demeurer jusqu'au 15 août 1983. Vous n'avez pas reçu de prorogation et vous êtes resté au Canada de façon continue depuis votre arrivée. Par conséquent, vous avez perdu votre qualité de visiteur du fait d'être demeuré au Canada au- delà du délai fixé. Il s'ensuit que vous êtes une personne visée à l'alinéa 27(2)e) de la Loi sur l'Immigration parce que vous êtes entré au Canada en qualité de visiteur et y demeurez après avoir perdu cette qualité.
Comprenez-vous cela?
INTÉRESSÉ Oui, monsieur.
ARBITRE Il faut donc passer à la seconde partie de l'en- quête qui vise à établir en vertu de quel type d'ordonnance vous quitterez le Canada ...
L'arbitre a alors entendu les témoignages et les arguments portant sur l'opportunité de donner un avis d'interdiction de séjour. Il a fini par conclure qu'il ' y avait lieu de rendre une ordonnance d'expulsion.
Il est à noter qu'on n'a demandé ni au requérant ni à son avocat s'ils voulaient présenter des preuves et qu'on ne' leur a pas demandé non plus s'ils désiraient faire des observations avant que l'arbitre n'expose ses motifs et qu'il n'annonce sa conclusion quant à l'exactitude de l'allégation. De plus, l'arbi- tre n'a pas suivi la procédure qu'il avait décrite
antérieurement et qui, a-t-il dit, allait être suivie même après l'interruption de l'avocat.
Le dossier n'indique pas que l'arbitre a satisfait aux exigences des paragraphes 32(1) et 34(2) du Règlement avant d'exposer ses motifs et de formu- ler sa conclusion relativement à l'allégation d'être demeuré au Canada après avoir perdu la qualité de visiteur; j'estime toutefois que l'omission de l'arbi- tre de s'y conformer strictement a été provoquée par le requérant et son avocat du fait qu'ils ont dit ne pas contester l'allégation. Tel étant le cas, le requérant ne peut maintenant invoquer cette omission.
L'avocat du requérant s'appuie sur l'arrêt Cope- land c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, Division d'appel de la Cour fédérale, A-1171-83, encore inédit, en date du 10 janvier 1984, dans lequel la Cour a annulé une ordonnance d'expul- sion parce que l'arbitre ne s'était pas conformé au paragraphe 34(1). Dans cette affaire, cependant, on n'avait ni reconnu ni offert de reconnaître, préalablement à la décision en ce sens, l'exactitude de l'allégation, et la Cour a estimé qu'il n'y avait pas eu de renonciation au droit du requérant. Cet arrêt ne présente donc aucune analogie avec la présente espèce.
Je suis d'avis de rejeter la demande.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HUGESSEN: Dans le cadre d'une demande fondée sur l'article 28, cette Cour est appelée à décider si, dès lors qu'elle conclut l'existence d'une erreur de droit, elle est tenue d'annuler la décision contestée, même s'il s'agit d'une erreur insignifiante qui n'a eu aucune inci dence sur la décision. À mon avis, la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10] ne nous impose aucune obligation de ce genre. J'estime en outre que l'article 28 de ladite Loi confère à la Cour un pouvoir discrétionnaire d'ac- corder ou de refuser le redressement sollicité.
Voici l'historique de l'affaire. Le requérant, M. Schaaf, est arrivé au Canada à titre de visiteur avec l'autorisation d'y demeurer pendant trois mois. Son séjour ayant dépassé la durée autorisée,
il est devenu une personne visée à l'alinéa 27(2)e) de la Loi sur l'Immigration de 1976, de sorte qu'un rapport a été établi et puis une enquête tenue devant un arbitre. Comme cela arrive sou- vent dans des cas de ce genre, l'enquête s'est déroulée en deux étapes, la première visant à déterminer si M. Schaaf est effectivement une personne visée au paragraphe 27(2) et, la seconde, à établir, conformément au paragraphe 32(6), s'il devait faire l'objet d'une ordonnance d'expulsion ou simplement d'une interdiction de séjour. Il va sans dire que la seconde étape n'est nécessaire que dans le cas la première étape aboutit à une décision défavorable à l'intéressé. Bien que la Loi n'exige pas que l'enquête se tienne en deux étapes, cette pratique est d'une commodité manifeste en ce sens qu'elle permet à l'arbitre d'examiner les ques tions litigieuses d'une façon rationnelle et ordon- née.
À l'enquête, M. Schaaf était représenté par un avocat. Après des observations préliminaires, dans lesquelles l'arbitre a signalé son intention de procé- der en deux étapes de la manière indiquée ci-des- sus, le dialogue suivant a eu lieu:
[TRADUCTION]
AVOCAT ... sauf, Monsieur l'arbitre, on m'a donné de brefs renseignements généraux sur ce genre d'en- quêtes. Je comprends l'allégation et je ne vois pas l'utilité de la contester. Elle est claire et nous sommes prêts à avouer qu'il a prolongé sa visite après avoir perdu la qualité de visiteur.
INTÉRESSE Oui.
AVOCAT Si cela peut aider à trancher l'affaire.
ARBITRE Je comprends ce que vous voulez faire. Malheu- reusement, la Loi sur l'immigration n'autorise pas à simplement reconnaître une allégation. Je ne puis faire autrement que de fonder ma déci- sion sur la preuve, orale ou littérale, produite lors de l'enquête. Il arrive souvent qu'on fasse des propositions comme la vôtre. À mon avis, la solution la plus simple est de procéder de la façon habituelle et M' Cowie présentera ses preuves en conséquence.
L'agent chargé de présenter le cas a alors fait témoigner M. Schaaf qui a répondu à chacune des quinze questions posées par l'agent. Celles-ci por- taient sur le nom de M. Schaaf, sa date et son lieu de naissance, la date de son arrivée au Canada et la durée de son séjour. On visait par à établir et on a en fait établi que M. Schaaf est demeuré au Canada après avoir perdu la qualité de visiteur. À l'issue de l'interrogatoire mené par l'agent chargé
de présenter le cas, l'arbitre a demandé à l'avocat de M. Schaaf s'il voulait le contre-interroger et, ayant reçu une réponse négative, a immédiatement rendu sa décision sur la première étape, concluant que M. Schaaf était une personne visée à l'alinéa 27(2)e) de la Loi sur l'Immigration de 1976.
Selon moi, l'arbitre a commis une erreur de droit en disant que M. Schaaf ne pouvait reconnaî- tre l'exactitude de l'allégation faite contre lui. Le paragraphe 30(2) de la Loi sur l'Immigration porte:
30....
(2) L'arbitre peut recevoir les preuves qu'il considère dignes de foi eu égard aux circonstances de chaque espèce et fonder sa décision sur lesdites preuves soumises lors de l'enquête.
Un aveu du type offert par l'avocat et confirmé par M. Schaaf lui-même constitue une preuve sur laquelle un arbitre peut fonder sa décision.
L'arbitre a commis une erreur de- droit encore plus grave par son omission, après avoir décidé d'entendre des témoignages, d'accorder à M. Schaaf et à son avocat une possibilité de présenter des preuves et de faire des observations. Les obli gations qu'a l'arbitre à cet égard sont énoncées de façon très précise aux paragraphes 32(1). et 34(2) du Règlement sur l'immigration de 1978, qui sont ainsi rédigés:
32. (1) Lorsque l'agent chargé de présenter le cas a produit toutes les preuves visées au paragraphe 31(1), la personne en cause ou son conseil doit pouvoir produire toute preuve qu'elle juge pertinente et que l'arbitre estime recevable.
34....
(2) Après que les preuves ont été présentées à l'enquête, l'agent chargé de présenter le cas et la personne en cause ou son conseil doivent pouvoir présenter les arguments qu'ils jugent pertinents, dans les circonstances, et que l'arbitre estime recevables.
Toutefois, je tiens pour incontestable que ces erreurs n'ont pu avoir et n'ont eu aucun effet sur l'issue de l'enquête. Compte tenu de l'aveu fait par l'avocat, aveu que M. Schaaf a lui-même confirmé, l'esprit humain, si inventif soit-il, est tout simple- ment impuissant à concevoir une preuve ou un argument qui aurait pu amener l'arbitre à une décision différente.
Le paragraphe 28(1) de la Loi sur la Cour fédérale habilite cette Cour à examiner et à annu- ler les décisions du type dont il s'agit en l'espèce. Le paragraphe 28(1) est ainsi conçu:
28. (1) Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de toute autre loi, la Cour d'appel a compétence pour entendre et juger une demande d'examen et d'annulation d'une décision ou ordonnance, autre qu'une décision ou ordonnance de nature administrative qui n'est pas légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire, rendue par un office, une com mission ou un autre tribunal fédéral ou à l'occasion de procédu- res devant un office, une commission ou un autre tribunal fédéral, au motif que l'office, la commission ou le tribunal
a) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou
c) a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
À mon avis, il s'agit de rien d'autre qu'une disposition attributive de compétence. Elle confère à la Cour le pouvoir d'annuler les décisions enta- chées de l'un des vices mentionnés, sans pour autant lui imposer l'obligation de le faire dans chaque cas.
C'est ce qui se dégage aussi, d'après moi, de la formulation de l'article 52 qui énonce les possibili- tés qui s'offrent à la Cour dans le cadre d'une demande fondée sur l'article 28. L'article 52 débute de la façon suivante: «La Cour d'appel peut ...» Ces mots créent manifestement une faculté et rien n'indique que la Cour est tenue d'agir chaque fois qu'elle conclut à l'existence d'une erreur de droit.
Ce n'est pas dire que la Cour peut refuser d'exercer la compétence que lui attribuent les arti cles 28 et 52; c'est simplement que les termes de la Loi ne l'obligent pas à accorder le redressement sollicité s'il n'y a pas lieu de le faire. On peut sans doute prétendre que la Loi confère certains droits au requérant, mais elle le fait par l'attribution de pouvoirs à la Cour et il appartient exclusivement à celle-ci de déterminer si, dans un cas d'espèce, ces pouvoirs doivent être exercés.
Tout autre point de vue, à ce qu'il me semble, mènerait à des absurdités qui n'ont pu être dans les intentions du législateur. La présente espèce en est
un bon exemple. J'ai qualifié d'erreur de droit l'opinion de l'arbitre qu'il ne pouvait tenir compte de l'aveu de M. Schaaf quant à l'exactitude des allégations faites contre lui. Si cela avait été son unique erreur et si l'arbitre, après avoir entendu les témoins produits par l'agent chargé de présenter le cas, avait, conformément aux articles 32 et 34 du Règlement, accordé à M. Schaaf et à son avocat la possibilité d'apporter des preuves et de présenter des arguments, on ne saurait sérieusement préten- dre que cette erreur devrait entraîner l'annulation de la décision. À mon avis, la situation ne change pas du fait que d'autres erreurs, tout aussi insigni- fiantes, viennent s'ajouter à la première. Qu'on les prenne séparément ou ensemble, elles n'ont pu avoir aucune incidence sur l'issue de l'enquête. Pour reprendre les termes de l'alinéa 28(1)b), ce ne sont pas des erreurs commises lorsqu'on «a rendu» la décision.
On peut arriver à la même conclusion par un raisonnement légèrement différent que j'estime tout aussi valable. En bref, selon ce raisonnement, le recours prévu par l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale ne peut être considéré comme tout à fait nouveau, ayant reçu sa pleine ampleur dès que le législateur l'a tiré du néant. Le texte même de l'article 28 exige qu'on le rapproche de l'article 18 qui porte sur les brefs de prérogative traditionnels, notamment le certiorari et le mandamus. L'article 28 reprend en grande partie (et certains diraient que c'est son principal défaut) les formules employées dans la jurisprudence afférente à ces brefs. Compte tenu de l'arrêt Harelkin c. Univer- sité de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561, rendu par la Cour suprême du Canada à la majorité, il doit être tenu pour avéré en cette Cour, du moins en ce qui a trait aux questions d'équité en matière de procé- dure, que les brefs de certiorari et de mandamus sont des recours discrétionnaires. Même dans les ressorts il y a eu codification en totalité ou en partie de l'ancienne procédure des brefs de préro- gative (voir, par exemple, Judicial Review Proce dure Act, R.S.O. 1980, chapitre 224, de l'Ontario; Code de procédure civile du Québec, article 846), le recours conserve son caractère discrétionnaire: Quinn (T. E.) Truck Lines Ltd. c. Snow, [1981] 2 R.C.S. 657; c'est le cas aussi de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale lorsqu'on demande non pas un bref de prérogative mais son équivalent moderne, soit «la requête en annulation» (voir
P.P.G. Industries Canada Ltd. c. Le Procureur général du Canada, [1976] 2 R.C.S. 739, à la page 749). Selon moi, les considérations qui ont amené les cours à conclure au caractère discrétionnaire de ces recours s'appliquent de la même façon au recours prévu par l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale. L'exercice légitime de ce pouvoir discré- tionnaire en l'espèce entraînera inévitablement le refus du recours sollicité pour le motif que l'erreur invoquée n'est qu'une irrégularité de procédure qui ne tire pas à conséquence'.
J'ajoute simplement que je ne connais pas d'ar- rêt publié cette Cour prend le contre-pied de l'avis exprimé dans ces motifs. Bien que cela puisse paraître ne pas être le cas de l'arrêt Husson c. Laplante, [1977] 2 C.F. 393 (C.A.), un examen attentif des motifs révèle que la Cour était saisie d'une demande tendant à l'arrêt des procédures pour cause d'incompétence, conformément à l'ali- néa 52a) de la Loi sur la Cour fédérale. Puisqu'on a conclu que la Cour avait bel et bien compétence, il était tout à fait exact de dire qu'il n'était pas question de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire.
Pour tous ces motifs, je suis d'avis de rejeter la demande.
LE JUGE MAHONEY: J'y souscris.
' Sur la question de savoir si le caractère insignifiant d'une erreur de droit peut justifier le refus d'un certiorari, voir la décision Municipal District of Sturgeon No. 90 v. Alberta Assessment Appeal Board (1971), 3 W.W.R. 185 (C.S. Alb.). La décision a été approuvée à (1971), 4 W.W.R. 584 (C.A. Alb.) et à (1972), 3 W.W.R. 455 (C.S.C.), mais ce point paraît ne pas avoir été soulevé en appel. Voir aussi Reid, Administra tive Law and Practice, à la page 357, ainsi que le supplément de 1976, à la page 55.
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