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T-1362-83
Bailey Bedard (requérant) c.
Service correctionnel du Canada et directeur de l'établissement Leclerc (intimés)
Division de première instance, juge Muldoon— Ottawa, 23 et 30 septembre 1983.
Pénitenciers Détenu purgeant une sentence dans un péni- tencier fédéral pour une infraction à la Loi sur les stupéfiants Plusieurs mandats ont été émis pour le non-paiement d'amendes relatives à des infractions aux règlements de sta- tionnement et aux règlements de la circulation routière Le détenu sollicite un mandamus enjoignant au Service correc- tionnel et au directeur de l'établissement de recevoir et d'exé- cuter les mandats pendants Aucune loi n'impose aux inti- més l'obligation d'exécuter les mandats d'incarcération municipaux et provinciaux Il n'existe aucune entente fédé- rale-provinciale par laquelle le gouvernement du Québec con- vient que de tels mandats doivent être exécutés par les fonc- tionnaires des pénitenciers fédéraux Explication de l'arrêt Durand v. Forget et al. (1980), 24 C.R. (3d) 119 (C.S.Qc.) Demande rejetée Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, chap. P-6, art. 15 (abrogé et remplacé par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 39) Règlement sur le service des pénitenciers, C.R.C., chap. 1251 Loi sur les prisons et les maisons de correction, S.R.C. 1970, chap. P-21 Loi sur la libération conditionnelle des détenus, S.R.C. 1970, chap. P-2.
Droit constitutionnel Charte des droits Y a-t-il viola tion des droits à la liberté, à la protection contre la détention ou l'emprisonnement arbitraires, aux droits d'être jugé dans un délai raisonnable et de bénéficier de la peine la moins sévère, garantis par la Charte, lorsqu'un détenu dans un pénitencier fédéral se voit refuser la possibilité de purger en même temps la sentence imposée pour un acte criminel prévu à la Loi sur les stupéfiants et les sentences imposées en vertu de lois provinciales pour le non-paiement d'amendes pour des infractions aux règlements de stationnement ou aux règle- ments de la circulation? La Cour fédérale n'est pas un «tribunal compétent. aux fins de l'art. 24 de la Charte en ce qui concerne l'application de lois provinciales Mandamus refusé Loi sur les stupéfiants, S.R.C. 1970, chap. N-1, art. 4— Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 2, 659(1),(2) (abrogé et remplacé par S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 79), (3),(4) Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, chap. P-6, art. 15 (abrogé et remplacé par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 39) Loi sur les poursuites sommaires, L.R.Q. 1977, chap. P-15, art. 1(4), 63.14, 72 (mod. par L.Q. 1982, chap. 32, art. 9) Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 7, 9, 11b),i), 24 Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 52(1).
Compétence Division de première instance de la Cour fédérale La Cour n'est pas compétente, aux fins de l'art. 24 de la Charte, en ce qui concerne l'application de lois provincia- les quant à l'imputation sur les sentences que le requérant doit
purger pour les infractions provinciales du temps qu'il a passé dans un pénitencier fédéral, ou quant à la détention ou à l'emprisonnement arbitraires Mandamus refusé Loi sur les stupéfiants, S.R.C. 1970, chap. N-1, art. 4 Code crimi- nel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 2, 659(1),(2) (abrogé et remplacé par S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 79), (3),(4) Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, chap. P-6, art. 15 (abrogé et remplacé par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 39) Loi sur les poursuites sommaires, L.R.Q. 1977, chap. P-15, art. 1(4), 63.14, 72 (mod. par L.Q. 1982, chap. 32, art. 9) Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 7, 9, 11b),i), 24 Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 52(1).
Le requérant, qui purge une sentence de cinq ans pour trafic de stupéfiants dans un pénitencier fédéral situé au Québec, sollicite un mandamus enjoignant aux intimés de recevoir et d'exécuter tous les mandats d'incarcération pour le non-paie- ment d'amendes pour des infractions aux règlements de station- nement ou aux règlements de la circulation prévus dans des lois du Québec. Invoquant le paragraphe 659(2) du Code, le requé- rant cherche à obtenir l'autorisation de purger ses sentences en même temps. Il s'agit de déterminer si ce paragraphe s'applique non seulement aux sentences imposées en vertu de lois fédéra- les, mais aussi à celles imposées en vertu de lois provinciales et de règlements municipaux. Le requérant s'appuie également sur les dispositions d'une loi du Québec de 1983 concernant les mandats d'emprisonnement, les amendes et les peines pécuniai- res. Il invoque finalement les articles 7, 9, 11 b) et i) de la Charte pour étayer son argument selon lequel le paragraphe 659(2) crée une inégalité préjudiciable compte tenu du para- graphe 659(4).
Jugement: la demande de mandamus devrait être rejetée. Il n'y a pas lieu à un mandamus pour obliger une autorité publique à faire quelque chose que la loi ne l'oblige pas à faire, en particulier lorsque aucun fonctionnaire fédéral n'a le pouvoir d'annuler ou de modifier les mandats lancés par les officiers judiciaires provinciaux et qu'il n'existe pas d'entente fédérale- provinciale à ce sujet. L'arrêt Durand ne constitue pas un précédent démontrant le contraire.
L'article 7 de la Charte n'est d'aucune utilité pour le requé- rant étant donné que son droit à la liberté n'est pas violé. En outre, la Cour fédérale n'est pas «un tribunal compétent», au sens de l'article 24 de la Charte, pour forcer les autorités québécoises à imputer sur les sentences que le requérant doit purger pour les infractions provinciales le temps qu'il a passé au pénitencier. Elle n'est pas non plus compétente en ce qui a trait à l'application des lois du Québec, ce qui l'empêcherait d'inter- venir même si les allégations de détention ou d'emprisonnement arbitraires avaient été fondées. Pour ce qui est du droit d'être jugé dans un délai raisonnable, garanti par l'alinéa 11 b) de la Charte, on ne peut conclure qu'il équivaut à un droit de purger une peine d'emprisonnement dans un délai raisonnable. L'ali- néa 110 de la Charte, garantissant le droit de bénéficier de la peine la moins sévère lorsque la peine est modifiée entre le moment de la perpétration de l'infraction et celui de la sen tence, ne s'applique pas dans les circonstances de l'espèce.
JURISPRUDENCE
DÉCISION EXAMINÉE:
Durand v. Forget et al. (1980), 24 C.R. (3d) 119 (C.S. Qc).
DÉCISIONS CITÉES:
St-Germain c. La Reine, jugement en date du 10 février 1976, Cour d'appel du Québec, 10-000108-744, non publié; Olson c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 808; Re Dinardo and the Queen (1982), 67 C.C.C. (2d) 505 (C.A. Ont.); Re Federal Republic of Germany and Rauca (1982), 70 C.C.C. (2d) 416 (H.C. Ont.); Quebec Association of Protestant School Boards et al. v. Attor- ney -General of Quebec et al. (1982), 140 D.L.R. (3d) 33 (C.S. Qc).
AVOCATS:
Céline Pelletier pour le requérant. Stephen Barry pour les intimés.
PROCUREURS:
Sirois, Rumanek, Denault, Corte, Spagnoli & Carette, Montréal, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MULDOON: Le requérant purge actuel- lement une période d'emprisonnement de cinq ans à laquelle il a été condamné le 19 juillet 1977, après avoir été reconnu coupable d'un acte crimi- nel en vertu de l'article 4 de la Loi sur les stupé- fiants [S.R.C. 1970, chap. N-1]. Il est incarcéré à l'établissement Leclerc, pénitencier fédéral situé dans ville de Laval, dans le district de Montréal, province de Québec.
Dans son affidavit, le requérant allègue qu'il existe 37 mandats d'incarcération émis contre lui pour le non-paiement d'amendes s'élevant à envi- ron 860 $, frais non compris, adressés aux agents de la paix et leur enjoignant de l'arrêter et de le livrer au directeur de la prison commune auquel il est ordonné de le garder en prison pour un total de 123 jours consécutifs à moins que les amendes et les frais ne soient payés auparavant. Chaque amende a été imposée après le prononcé d'une condamnation soit en vertu des règlements de sta- tionnement de la ville de Montréal soit en vertu des dispositions du Code de la route [L.R.Q. 1977,
chap. C-24] de la province de' Québec. Le premier mandat a été lancé le 30 avril 1979 et le dernier, le 22 septembre 1980.
Le requérant sollicite un bref de mandamus, ou une ordonnance de la nature d'un tel bref, enjoi- gnant aux intimés de recevoir et d'exécuter immé- diatement tous les mandats d'incarcération exposés dans son affidavit. Voici les motifs de sa demande de mandamus:
1. Le refus des intimés de recevoir et d'exécuter les mandats d'incarcération allégués plus haut contre- vient au paragraphe 659(2) du Code criminel [S.R.C. 1970, chap. C-34 (abrogé et remplacé par S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 79)].
2. Le refus des intimés d'exécuter les mandats d'incarcération avant l'expiration de la sentence que le requérant purge actuellement lui sera préjudiciable.
Voici, dans son contexte, la disposition du Code criminel mentionnée:
659. (1) Sauf lorsqu'il y est autrement pourvu, une personne qui est condamnée à l'emprisonnement
a) à perpétuité,
b) pour une durée de deux ans ou plus, ou
c) pour deux périodes ou plus de moins de deux ans chacune, à purger l'une après l'autre et dont la durée totale est de deux ans ou plus,
doit être condamnée à l'emprisonnement dans un pénitencier.
(2) Lorsqu'une personne condamnée à l'emprisonnement dans un pénitencier est, avant l'expiration de cette sentence, condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans, elle doit être condamnée et purger cette dernière sentence dans un pénitencier, mais si la sentence antérieure d'emprisonnement dans un pénitencier est annulée elle doit purger l'autre confor- mément au paragraphe (3).
(3) Lorsqu'une personne est condamnée à l'emprisonnement et qu'il n'est pas requis de la condamner comme le prévoit le paragraphe (1) ou (2), elle doit, à moins que la loi ne prescrive une prison spéciale, être condamnée à l'emprisonnement dans une prison ou autre lieu de détention de la province elle est déclarée coupable, autre qu'un pénitencier, la sentence d'emprisonnement peut être légalement exécutée.
(4) Lorsqu'une personne est condamnée à l'emprisonnement dans un pénitencier pendant qu'elle est légalement emprisonnée dans un autre endroit qu'un pénitencier, elle doit, sauf lorsqu'il y est autrement pourvu, être envoyée immédiatement au péni- tencier et y purger la partie inexpirée de la période d'emprison- nement qu'elle purgeait lorsqu'elle a été condamnée au péniten- cier, ainsi que la période d'emprisonnement pour laquelle elle a été condamnée au pénitencier.
Ni le requérant lui-même ni les intimés ne con- testent que le requérant est «une personne condam-
née à l'emprisonnement dans un pénitencier» et que sa demande est présentée «avant l'expiration de cette sentence». Il est également incontestable que le requérant a été «condamné[...] à un empri- sonnement de moins de deux ans», soit une peine totale de 123 jours consécutifs imposée sous condi tion, à défaut du paiement des amendes et de leurs frais, pour des infractions aux règlements de sta- tionnement municipaux et au Code de la route du Québec.
Le requérant fait valoir par sa demande de mandamus que les intimés sont légalement obligés de recevoir les 37 mandats et de les exécuter de façon à ce qu'il puisse purger ces 123 jours d'em- prisonnement consécutifs en même temps qu'il purge le reste de la sentence qui lui a été imposée le 19 juillet 1977 en vertu de la Loi sur les stupéfiants. En fait, il s'agit de déterminer si le paragraphe 659(2) vise non seulement les senten ces imposées en vertu du Code criminel et d'autres lois du Canada mais aussi celles imposées en vertu des lois d'une province et de l'une de ses municipalités.
L'avocate du requérant fait d'abord remarquer les dispositions de l'article 2 du Code criminel qui porte qu'aux fins dudit Code, le terme «loi» ou «Act» comprend
2....
a) une loi du Parlement du Canada,
b) une loi de la législature de l'ancienne province du Canada,
c) une loi de la législature d'une province ...
Elle produit en second lieu les dispositions suivan- tes de la Loi sur les poursuites sommaires de la province de Québec, L.R.Q. 1977, chap. P-15, qui allègue-t-elle, sont pertinentes en l'espèce. Ces dis positions ont été modifiées en vertu des L.Q. 1982, chap. 32 [art. 9]:
63.14 Un mandat d'emprisonnement délivré alors qu'un défendeur est déjà incarcéré dans un établissement de détention ou dans un pénitencier doit être remis sans délai au directeur de l'établissement le défendeur est détenu.
Le juge de paix qui délivre le mandat peut ordonner que l'emprisonnement pour la nouvelle condamnation soit purgé de façon consécutive à toute autre période d'emprisonnement. Toutefois le juge doit ordonner que l'emprisonnement pour défaut de paiement de l'amende soit purgé de façon consécutive s'il lui est démontré que l'emprisonnement actuellement en cours a lui-même été imposé pour défaut de paiement d'une amende.
72. (1) Lorsqu'une amende ou une peine pécuniaire peut être imposée pour une infraction, le chiffre de cette amende ou la peine pécuniaire est, dans les limites prescrites à cet égard, s'il en est de prescrit, à la discrétion du tribunal ou de la personne qui prononce la sentence ou déclare la culpabilité.
(2) La durée de l'emprisonnement en vertu d'une condamna- tion commence, à moins que la condamnation ne prescrive autrement, du jour de l'emprisonnement à la suite de la con- damnation, mais le temps durant lequel le prisonnier est en liberté sous caution ou à la suite d'une évasion n'est pas compté comme partie de la durée de l'emprisonnement auquel il a été condamné.
L'article 63.14 est une nouvelle disposition qui a été adoptée, en même temps que d'autres disposi tions portant sur le même sujet, en janvier 1983.
L'avocate du requérant soutient subsidiairement que la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitution- nelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)], et en particulier ses articles 7, 9 et 11 b) (et peut-être aussi l'alinéa 11i)) lorsqu'ils sont considérés en corrélation avec le paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, a pour effet de rendre le paragraphe 659(2) du Code criminel nul et non avenu parce que ce paragraphe, allègue-t-elle, crée une inégalité de traitement préjudiciable compte tenu du paragra- phe 659(4).
L'avocate du requérant cite à l'appui de sa demande la jurisprudence suivante: St-Germain c. La Reine, décision unanime de la Cour d'appel du Québec rendue à Montréal le 10 février 1976 sous le du greffe 10-000108-744 [non publiée]; Olson c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 808, jugement rendu unanimement «par la Cour»; Durand v. Forget et al. (1980), 24 C.R. (3d) 119, décision du juge Boilard de la Cour supérieure du Québec; Re Dinardo and the Queen (1982), 67 C.C.C. (2d) 505, décision unanime de la Cour d'appel de l'On- tario; Re Federal Republic of Germany and Rauca (1982), 70 C.C.C. (2d) 416, décision du juge en chef Evans de la Haute Cour de l'Ontario et finalement, Quebec Association of Protestant School Boards et al. v. Attorney -General of Quebec et al. (1982), 140 D.L.R. (3d) 33, décision du juge en chef Deschênes de la Cour supérieure du Québec.
L'avocat des intimés accepte l'opposition du requérant et demande s'il existe une obligation générale imposée aux intimés, qui donnerait lieu à
un mandamus. Il fait valoir, et il a parfaitement raison, qu'il n'y a pas lieu à un mandamus pour obliger une autorité publique à faire quelque chose que la loi ne l'oblige pas à faire. Les obligations des intimés sont définies dans la Loi sur les péni- tenciers, S.R.C. 1970, chap. P-6, et le Règlement sur le service des pénitenciers, C.R.C., chap. 1251 et les directives, ordres permanents et ordres de service courant qui sont adoptés pour son applica tion. L'avocat fait remarquer qu'il n'existe aucune disposition dans le Code criminel, la Loi sur les pénitenciers (précitée), la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-2, ou la Loi sur les prisons et les maisons de correc tion, S.R.C. 1970, chap. P-21, qui impose l'obliga- tion aux intimés d'exécuter les 37 mandats d'in- carcération municipaux et provinciaux pour non-paiement d'amendes et de frais. Je partage cette opinion. Les dispositions de l'article 659 du Code criminel ne créent certainement pas une telle obligation. En dehors de la simple mention de «pénitencier» à l'article 63.14 de la Loi sur les poursuites sommaires du Québec, mention qui sert seulement à identifier le défendeur, aucune dispo sition de cette loi n'autorise les membres du service fédéral des pénitenciers à intervenir dans son application. En fait, le paragraphe 1(4) de cette Loi exclut expressément le pénitencier de la défini- tion de l'expression «établissement de détention». Il n'y a pas incorporation par renvoi des dispositions de la loi du Québec dans le Code criminel et vice versa. Aucun fonctionnaire fédéral n'a donc le pouvoir d'annuler ou de modifier les mandats lancés par les officiers judiciaires provinciaux.
Aucun des avocats n'a été capable de citer des ententes fédérale-provinciales du genre de celles prévues à l'article 15 de la Loi sur les pénitenciers, ou de tout autre genre, par lesquelles le gouverne- ment du Québec convient que les mandats d'incar- cération pour le non-paiement d'amendes, lancés en vertu de lois provinciales ou municipales, doi- vent être exécutés par les fonctionnaires des péni- tenciers fédéraux. Même si la Cour décidait d'or- donner aux intimés de recevoir et d'exécuter les mandats, il leur serait absurde de se conformer à cette ordonnance en ce qui concerne le requérant si les 123 jours consécutifs de prison purgés à l'éta- blissement Leclerc ne devaient pas lui être crédités en vertu de la loi du Québec.
L'avocate du requérant fait valoir que l'affaire Durand (précitée) fait autorité quant aux principes avancés par son client. Cette cause est résumée ainsi dans le Martin's Criminal Code, 1982 la page 634]: [TRADUCTION] «Ce paragraphe [659(2)] s'applique et exige que la période d'em- prisonnement additionnelle soit purgée au péniten- cier même si elle est imposée pour des violations de lois provinciales». Un examen attentif des motifs de l'ordonnance du juge Boilard ne corrobore pas ce principe. Selon les notes sténographiques signées du jugement (district de Montréal, du greffe 05-013346-802), les intimés dans l'affaire Durand étaient «Maurice Forget, es-qualité de commandant, section des mandats pour la police de la Communauté Urbaine de Montréal, et La Communauté Urbaine de Montréal -et- Le Procu- reur général de la Province de Québec, et le Procu- reur général du Canada, mis-en-cause». Ni les notes sténographiques ni le compte rendu de l'af- faire publié dans 24 C.R. (3d) n'indiquent que l'avocat des deux procureurs généraux a fait valoir des arguments ou que ces derniers ont participé de quelque manière aux procédures. Le dispositif de l'ordonnance exécutoire prononcée par le juge Boi- lard ne visait pas à ordonner aux fonctionnaires du pénitencier de faire quelque chose. Il s'est exprimé comme suit aux pages 124 et 125 de 24 C.R. (3d):
Pour toutes ces raisons, la requête pour l'obtention d'un bref de mandamus est accueillie, j'ordonne que le bref émane immé- diatement adressé à l'intimé, Maurice Forget, lui enjoignant d'exécuter sans délai tous les mandats de dépôt dont il est en possession concernant le requérant, Gilles Durand, relatifs à des peines qui lui auraient été imposées au sujet des offenses décrites aux alinéas 3.1 à 3.27 inclusivement de la requête et qu'il remette ces mandats de dépôts au directeur ou à tout autre officier que pourrait désigner le directeur du pénitencier fédéral qui possède juridiction sur la personne de Gilles Durand, qui se trouve, à l'heure actuelle, en milieu hospitalier à Philipp -Pinel.
J'ordonne également que le jugement que je viens de rendre soit exécutoire immédiatement nonobstant l'appel.
Je réserve au requérant ses recours contre qui que ce soit. Je déboute le requérant de son recours à l'égard de la Commu- nauté Urbaine de Montréal et je déclare que les frais de cette requête suivront.
Bien que l'on puisse comprendre le désir louable du juge Boilard de permettre à Durand de purger les sentences qui lui étaient imposées pour ses infractions aux lois provinciales en même temps qu'il purgeait des sentences pour des infractions criminelles dans un pénitencier fédéral, il est évi-
dent que le juge Boilard n'a fait qu'ordonner à un fonctionnaire municipal de renvoyer les mandats au fonctionnaire fédéral responsable du péniten- cier.
Il serait sans doute raisonnable et souhaitable de permettre au requérant de purger pendant sa pré- sente incarcération dans le pénitencier fédéral les sentences qui lui ont été imposées pour son omis sion de payer ses amendes provinciales et munici- pales. Étant donné que ni les lois provinciales ni les lois fédérales examinées ne permettent d'atteindre un tel résultat, le requérant demande à la Cour d'appliquer la Charte canadienne des droits et libertés afin d'y parvenir.
Vu les faits, l'article 7 de la Charte ne serait d'aucune utilité pour le requérant. Il est vrai qu'il a été privé de sa liberté puisqu'il est actuellement détenu dans un pénitencier fédéral. Toutefois, le requérant n'allègue pas qu'une telle privation de sa liberté, à la suite d'une condamnation en vertu de la Loi sur les stupéfiants, viole les principes de justice fondamentale. Son droit à la liberté n'a donc pas été violé ni dénié. Le requérant fait plutôt valoir que son droit à la liberté sera violé ou qu'il lui sera impossible de l'exercer si, au lieu de purger ses sentences pour des infractions provinciales pen dant qu'il est au pénitencier, il est obligé de les purger par la suite. Le procureur général du Québec n'est pas partie à l'action. La Cour fédé- rale du Canada n'est pas «un tribunal compétent», aux fins de l'article 24 de la Charte, pour forcer les autorités québécoises à imputer sur les sentences qu'il doit purger pour les infractions provinciales le temps qu'il a passé au pénitencier.
En ce qui concerne les droits du requérant prévus à l'article 9 de la Charte, il est évident qu'il n'est pas détenu ni emprisonné arbitrairement. S'il a une plainte à formuler contre l'application des lois du Québec à sa situation actuelle, il est égale- ment manifeste que la Cour fédérale n'est pas «un tribunal compétent» pour lui accorder réparation à cet égard. Ni le droit fédéral ni la Cour fédérale ne peuvent s'immiscer dans l'application des lois du Québec.
L'alinéa 11b) prévoit que «Tout inculpé a le droit ... d'être jugé dans un délai raisonnable». L'avocate fait valoir qu'on devrait, par analogie, conclure que cette disposition signifie qu'il devrait
être permis à une personne de purger sa peine d'emprisonnement dans un délai raisonnable. Une telle analogie n'est pas applicable. Le délai raison- nable pour subir un emprisonnement ne peut être que celui prévu dans une règle de droit qui reste elle-même opérante par rapport à la Charte. Une fois encore, dans les circonstances, on ne peut imputer de violation des droits et libertés aux lois du Canada.
L'alinéa 110 de la Charte ne s'applique pas en ce qui regarde les lois du Canada dans les circons- tances de l'espèce, parce que la peine qui sanc- tionne l'infraction du requérant n'a pas été modi- fiée de la manière décrite dans cet alinéa.
Pour tous ces motifs, et non sans quelques regrets, je conclus que je ne peux accéder à la demande du requérant. Dans un tel cas, les intimés ont droit à une ordonnance pour leur dépens s'ils désirent les obtenir.
ORDONNANCE
1. La demande de mandamus est rejetée avec dépens si les intimés les demandent.
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