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T-2805-83
Arnold Harper Crossman (demandeur) c.
La Reine (défenderesse)
Division de première instance, juge Walsh—Van- couver, 10 et 13 avril 1984.
Couronne Responsabilité délictuelle Le prévenu aurait été privé de l'exercice de son droit prévu dans la Charte d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat La responsabi- lité délictuelle de la Couronne découle du fait que le policier a commencé l'interrogatoire même s'il savait que l'arrivée de l'avocat était imminente et que par la suite il ne lui a pas permis de voir son client avant la fin de l'interrogatoire Action accueillie, dommages-intérêts punitifs accordés Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R-U.), art. 10b), 24(1),(2) Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 235, 237 Loi sur la responsabilité de la Couronne, S.R.C. 1970, chap. C-38 Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appendice III.
Droit constitutionnel Charte des droits Action en dommages-intérêts pour privation du droit d'un prévenu d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat La police a commencé à interroger le prévenu tout en sachant que l'avocat arriverait sous peu et a refusé à ce dernier le droit de voir son client pendant que l'interrogatoire était en cours Le demandeur n'a subi aucun préjudice réel puisqu'on n'a obtenu aucune déclaration et qu'il a plaidé coupable Droit à la présence d'un avocat au cours d'un interrogatoire Action
accueillie, dommages-intérêts punitifs accordés Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 10b), 24(1),(2) Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 235, 237 Loi sur la responsabilité de la Couronne, S.R.C. 1970, chap. C-38 Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appendice III.
Pendant qu'il était sous garde à un poste de la Gendarmerie royale du Canada, le demandeur a téléphoné à son avocat et lui a demandé de se rendre au poste. L'avocat s'est ensuite entretenu avec l'enquêteur et l'a informé qu'il serait au poste dans quelques minutes. L'agent et d'autres policiers ont alors commencé l'interrogatoire du demandeur sans attendre l'arrivée de l'avocat. Lorsque celui-ci est arrivé un peu plus tard et a demandé à voir son client, l'agent lui a répondu qu'il ne pourrait voir son client que lorsque l'interrogatoire serait terminé. Le demandeur n'a fait aucune déclaration. Il a finalement plaidé coupable à l'accusation pour laquelle il avait été arrêté et a été condamné à trois mois d'emprisonnement et une probation de dix-huit mois. Le demandeur réclame maintenant des dommages-intérêts en vertu de l'alinéa 10b) et du paragraphe 24(1) de la Charte parce qu'il a été privé de l'exercice de son droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat.
Jugement: l'action est accueillie, le demandeur reçoit les dommages-intérêts punitifs de 500 $.
Bien que le demandeur n'ait apparemment subi aucun préju- dice réel en conséquence de cet interrogatoire, il a droit à des dommages-intérêts punitifs pour violation de son droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat, ce qui comprend, dans les circonstances de la présente affaire, le droit à la présence de son avocat au cours de l'interrogatoire.
Sur la question de la revendication des droits du demandeur, premièrement, on ne peut présumer qu'il a renoncé à son droit en consentant à l'interrogatoire. Deuxièmement, même s'il se peut fort bien que le droit de demander d'avoir recours à l'assistance d'un avocat sans délai soit un droit qui ne peut être invoqué que par le prisonnier lui-même, une fois que les services d'un avocat ont été retenus, celui-ci a alors le droit d'invoquer au nom de son client le droit de ne pas être interrogé en l'absence de son avocat. La défenderesse ne peut s'appuyer sur une interprétation restrictive de l'alinéa 10b) pour frustrer le demandeur de ses droits puisque l'objet même de la Charte est de protéger un prisonnier contre un harcèlement injuste. L'agent a manifestement commis une faute envers le deman- deur en commençant à l'interroger sans attendre l'arrivée imminente de son avocat et en refusant à l'avocat de voir son client avant que l'interrogatoire ne soit terminé, ceci en viola tion flagrante des droits civils du demandeur.
Les circonstances dans lesquelles l'interrogatoire a eu lieu sont susceptibles de déconsidérer l'administration de la justice et justifient l'octroi de dommages-intérêts avec un caractère punitif assez fort pour avoir un effet dissuasif. Toutefois, le demandeur a finalement plaidé coupable et la présente espèce se rapporte à une question qui ne paraît pas avoir été directe- ment tranchée auparavant et qui n'est pas précisément prévue dans la Charte: ce sont des considérations dont il faut en tenir compte pour réduire le montant des dommages-intérêts.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Regina v. Rowbottom (1982), 18 M.V.R. 202; 2 C.R.R. 254 (C.P. Terre-Neuve); Manninen v. The Queen, juge- ment en date du 28 novembre 1983, Cour d'appel de l'Ontario, encore inédit; Hogan c. Sa Majesté La Reine, [1975] 2 R.C.S. 574; R. v. Shields, jugement en date du 10 mai 1983, juge Borins, Cour de comté (Ontario), encore inédit; Paragon Properties Limited v. Magna Investments Ltd., [1972] 3 W.W.R. 106; 24 D.L.R. (3d) 156 (C.S. Alb. Div. d'appel); Kingsmith v. Denton (1977), 3 A.R. 315 (C.S. Alb. Div. de l'° inst.); Rookes v. Barnard, et al., [1964] 2 W.L.R. 269 (H.L.); Regina v. Esau (1983), 20 Man. R. (2d) 230; 147 D.L.R. (3d) 561; 4 C.R.R. 144 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Regina v. Vermette (No. 4) (1982), 1 C.C.C. (3d) 477 (C.S. Qc); Re Ritter et al. and The Queen (1983), 8 C.C.C. (3d) 170 (C.S.C: B.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Regina v. Bond (1973), 14 C.C.C. (2d) 497; 24 C.R.N.S. 273; 6 N.S.R. (2d) 512 (C.A.N.-E.); Brownridge c. Sa Majesté la Reine, [1972] R.C.S. 926; Regina v. Settee (1974), 22 C.C.C. (2d) 193 (C.A. Sask.); Her Majesty the Queen v. Rodney James Ross, et al., jugement en date du 23 février 1984, juge I. A. Vannini, Cour de district, Algoma (Ontario), encore inédit.
AVOCATS:
Dennis N. Claxton pour le demandeur. Mary Humphries pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Cable, Veale, Cocso, Morris & Claxton, Whitehorse (Yukon) pour le demandeur. Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: La présente action a été entendue sur l'exposé conjoint des faits suivant:
[TRADUCTION] 1. Vers 10h le 25 octobre 1983, le demandeur a été arrêté sans mandat dans la ville de Whitehorse (territoire du Yukon) par des membres de la Gendarmerie royale du Canada.
2. Vers 11 h 40 le même jour, alors qu'il était sous garde au poste du détachement de la Gendarmerie royale du Canada, le demandeur a téléphoné à son avocat et lui a demandé de se rendre au poste du détachement de la Gendarmerie royale du Canada pour le consulter et obtenir son aide.
3. À ce moment-là, l'avocat du demandeur s'est également entretenu avec l'enquêteur, l'agent Jacklin, et l'a informé qu'il serait au poste dans quelques minutes pour voir le demandeur.
4. Vers 12 h 03 le même jour, l'avocat du demandeur est arrivé au poste de la Gendarmerie royale du Canada et a demandé à voir le demandeur.
5. Vers 12 h 15 le même jour, l'agent Jacklin a dit à l'avocat du demandeur que les policiers étaient en train d'interroger le demandeur et que celui-ci ne pouvait lui parler et qu'il ne pourrait voir le demandeur que lorsque l'interrogatoire serait terminé.
6. Vers 13 h 03 le même jour, l'avocat du demandeur a reçu un appel téléphonique de l'agent Jacklin l'informant qu'il pouvait maintenant voir le demandeur.
7. Le demandeur n'a fait aucune déclaration au cours de l'interrogatoire ni à aucun autre moment.
8. Le 15 décembre 1983, le demandeur a plaidé coupable à une accusation en vertu de l'article 245.3 du Code criminel et a été condamné à trois mois d'emprisonnement et une probation de dix-huit mois.
Dans son action en dommages-intérêts et pour les frais et dépens, le demandeur fait valoir qu'il a été privé par la défenderesse de l'exercice de son droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat, et il s'appuie sur l'alinéa 10b) et le paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des
droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)], qui sont respectivement rédigés comme suit:
10. Chacun a le droit, en cas d'arrestation ou de détention:
b) d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat et d'être informé de ce droit;
24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.
Bien que les parties aient largement invoqué la jurisprudence et la doctrine, les décisions portent principalement sur la privation du droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat ou sur l'omission d'informer le prévenu de ce droit, plutôt que sur le point précis en litige en l'espèce, soit d'avoir com- mencé l'interrogatoire du prévenu sans attendre l'arrivée de son avocat même si la police savait que ce dernier s'en venait et que son arrivée ne com- porterait aucun retard excessif. La plus grande partie de la jurisprudence sur la question en litige porte sur la recevabilité, à un procès criminel, de déclarations irrégulièrement obtenues parce qu'on avait refusé au détenu de consulter un avocat sans délai et qu'on ne l'avait pas informé de son droit de le faire. En l'espèce, on n'a obtenu aucune déclara- tion, mais le prévenu a été interrogé hors de la présence de son avocat. Comme il a finalement plaidé coupable à l'accusation portée contre lui, il n'est pas question de la production en preuve de renseignements obtenus par la police à la suite de son interrogatoire, de sorte que la question de savoir s'il y a eu ou non mise en garde régulière avant l'interrogatoire et celle relative à la distinc tion entre un «interrogatoire» et l'obtention d'une déclaration qui doit être utilisée par la suite dans les procédures intentées contre lui ne sont pas en litige. De plus, le demandeur n'a apparemment subi aucun préjudice réel en conséquence de cet interrogatoire, puisque de toute façon il a plaidé coupable le moment venu. Ainsi le demandeur ne peut réclamer que des dommages exemplaires ou punitifs si la Cour conclut que l'interrogatoire et les circonstances dans lesquelles il s'est déroulé en l'absence de son avocat étaient irréguliers et cons- tituaient un délit commis par l'agent David Jacklin
dans l'exercice de ses fonctions, délit engageant la responsabilité de la Couronne au sens des disposi tions de la Loi sur la responsabilité de la Cou- ronne [S.R.C. 1970, chap. C-38].
Au début des procédures le demandeur s'est désisté de son action contre l'agent Jacklin et l'intitulé de la cause devrait donc être modifié en conséquence, mais cela ne modifie en rien sa demande contre Sa Majesté la Reine.
Sur la question de la responsabilité, le deman- deur a cité la décision Regina v. Rowbottom (1982), 18 M.V.R. 202; 2 C.R.R. 254, rendue par la Cour provinciale de Terre-Neuve le 2 novembre 1982 dans laquelle on déclare [C.R.R. à la page 261, M.V.R. à la page 212]:
[TRADUCTION] Même si le prévenu a effectivement pu commu- niquer avec un avocat, il n'a pas obtenu de conseils juridiques et sa situation était connue des policiers. La décision des policiers de ne pas attendre, bien que seulement une heure se soit écoulée, pour permettre à l'inculpé de communiquer avec un autre avocat a porté atteinte au droit de l'inculpé d'avoir recours à l'assistance d'un avocat.
Le paragraphe suivant de ce jugement mentionne le fait que la limite de deux heures prévue aux articles 235 et 237 du Code criminel [S.R.C. 1970, chap. C-34] (la limite prévue pour demander un échantillon d'haleine si la personne est soupçonnée d'avoir commis une infraction dans les deux heures qui précèdent la sommation) n'avait pas pris fin et que, dans ces circonstances, un délai plus long aurait être accordé pour attendre l'appel télé- phonique de l'avocat de sorte que l'inculpé aurait pu bénéficier d'une communication utile avec son avocat.
Dans l'arrêt Manninen v. The Queen, de la Cour d'appel de l'Ontario en date du 28 novembre 1983, on avait lu la mise en garde à l'inculpé, y compris son droit aux services d'un avocat, et l'inculpé avait déclaré qu'il ne dirait rien tant qu'il n'aurait pas vu son avocat. La police avait alors immédiate- ment commencé à l'interroger. Ce n'est que six heures après son arrestation que son avocat a communiqué avec lui. Le jugement énonce à la page 12:
[TRADUCTION] Lorsque l'appelant a fait valoir son droit de ne rien dire et de voir son avocat dans les circonstances relatées, les agents auraient lui offrir d'utiliser le téléphone pour lui permettre d'exercer ce droit. S'il avait rejeté cette offre, d'au- tres considérations pourraient s'appliquer, mais tel n'est pas le cas en l'espèce. Ses réponses aux questions, alors qu'il aurait pu
garder le silence, ne constituent nullement, à mon avis, une renonciation à son droit de consulter son avocat sans délai et on n'insiste pas sur le fait que, par sa conduite, il a renoncé à ses droits.
Se référant à la Charte canadienne des droits et libertés, le juge déclare à la page 13:
[TRADUCTION] Ce droit fondamental à un avocat, inscrit dans la plus importante loi canadienne, doit être pris au sérieux par les agents chargés de l'application de la loi qui doivent en faciliter l'exercice «sans délai» en tenant toujours compte des circonstances particulières de l'espèce.
Bien qu'il s'agissait d'un cas l'interrogatoire a commencé avant que le prévenu ait eu l'occasion de téléphoner à son avocat, il était également question de la recevabilité de la déclaration faite à la suite de l'interrogatoire. Les observations de la page 17 peuvent très bien s'appliquer aux faits quelque peu différents de la présente espèce. A cette page, on dit:
[TRADUCTION] La violation des droits de l'appelant ne peut être qualifiée que de volontaire et intentionnelle. Cela dépasse la simple bévue ou une faute technique. Après avoir soigneuse- ment lu à deux reprises à l'appelant quels étaient ses droits et après l'avoir entendu exprimer son désir de les exercer, la police a immédiatement commencé son interrogatoire, comme si la lecture et l'exercice de ces droits n'avaient jamais eu lieu. Cette conduite est plus que «malheureuse, déplaisante ou inoppor tune». (R. v. Rothman (1981), 59 C.C.C. (2d) à la page 74.) Elle ne comporte aucun caractère d'inadvertance ou d'igno- rance quant au moment de l'interrogatoire ni quant au contenu des questions. Comme je l'ai dit, jamais il n'a été question d'invoquer la nécessité ou l'urgence pour justifier l'interroga- toire et, notamment, sa formulation qui présumait l'appelant coupable.
Dans l'arrêt Hogan c. Sa Majesté La Reine', la Cour à la majorité a rejeté le pourvoi dans une affaire on avait fait subir un test d'ivressomè- tre, relativement à une accusation de conduite avec facultés affaiblies, après que l'inculpé eut demandé à voir son avocat avant de subir le test et qu'on le lui eut refusé. La Cour à la majorité a exposé clairement, toutefois, que même si cette preuve avait été obtenue irrégulièrement ou illégalement, selon les règles de la common law, il n'y avait pas de motifs de l'écarter. Quelle que soit la portée constitutionnelle de la Déclaration canadienne des droits [S.R.C. 1970, Appendice III], cela ne veut pas dire que chaque fois qu'il y a eu une violation des dispositions de cette Déclaration, elle justifie l'adoption de la règle de «l'exclusion absolue». Le
' [1975] 2 R.C.S. 574.
juge en chef Laskin [alors juge puîné], dans une forte dissidence, renvoie à la Déclaration cana- dienne des droits comme à un «document quasi constitutionnel». Il est évident que l'actuelle Charte canadienne des droits et libertés est un document constitutionnel. Le juge Laskin a pour- suivi en disant aux pages 597 et 598:
Elle ne prévoit aucune sanction pour l'application de ses dispo sitions, mais il appartient aux tribunaux d'y pourvoir à la lumière de l'opinion qu'ils se font de l'impact de cette loi.
À la page 598, il ajoute:
Nous ne serions pas fondés à simplement refuser de tenir compte de l'atteinte à un droit fondamental déclaré ou à laisser passer le fait en nous contentant de quelques mots de reproche. De plus, autant que le refus de permettre la consultation d'un avocat est concerné, je ne vois pas de solution de rechange pratique à une règle d'exclusion si l'on veut le moindrement prendre au sérieux, comme je crois qu'on devrait le faire, cette violation de la Déclaration canadienne des droits.
Cette affaire, je le répète, portait sur le refus d'accorder le droit de consulter un avocat, mais les faits étaient assez semblables à ceux en l'espèce. À la page 587, le juge Laskin (alors juge puîné) déclare:
En l'espèce présente, l'accusé a été interpelé par un agent de la paix à environ 1 h 35 du matin et celui-ci lui a demandé de l'accompagner à la station de police ils sont arrivés à 1 h 55. On s'employa alors à faire le nécessaire pour qu'il puisse subir le test de l'ivressomètre. L'accusé ayant demandé à son amie de communiquer avec son avocat, et ce dernier s'étant immédiate- ment rendu au poste de police, l'accusé a entendu la voix de son avocat provenant d'une pièce adjacente. Le dossier indique clairement qu'il a demandé à voir l'avocat mais qu'on lui a catégoriquement refusé la possibilité de le faire. La sommation de se soumettre au test de l'haleine a été renouvelée et l'accusé s'y est conformé.
et, à la page 589, il dit:
Rien n'indique qu'il y ait eu violence physique en l'espèce avant que l'accusé ne se soumette finalement au test sans avoir pu faire reconnaître son droit de consulter un avocat, mais je ne pense pas qu'il y ait une distinction à faire dans les principes selon qu'un accusé se soumet par peur ou par sentiment d'im- puissance, ou par suite de pressions polies ou fermes ou de harcellement [sic] agressif. Je devrais aussi faire remarquer qu'on n'a pas prétendu que l'accusé avait renoncé à son droit de consulter un avocat, dans l'hypothèse que cela soit une réponse à une violation alléguée de l'un de ses droits individuels en vertu de la Déclaration canadienne des droits.
La défenderesse affirme que la présente affaire se distingue de celles on a refusé à un prisonnier le droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat ou de lui accorder rapidement ce droit, en ce que, s'il a été interrogé ensuite sans que son avocat soit présent, rien n'indique qu'il s'y soit opposé. On a
supposé que l'avocat lui aurait dit, ou au moins aurait lui dire de ne rien dire avant qu'il arrive mais c'est là, évidemment, une simple conjecture. On pourrait tout aussi bien supposer qu'il a sim- plement retenu les services de l'avocat pour le représenter et que ce dernier lui a dit qu'il vien- drait immédiatement s'entretenir avec lui. L'avo- cat a également informé l'agent Jacklin de son arrivée au poste du détachement dans quelques minutes pour voir le demandeur, comme l'indique le paragraphe 3 de l'exposé conjoint des faits. Il serait tout aussi inopportun de présumer des motifs de l'agent Jacklin pour commencer immédiate- ment l'interrogatoire du prisonnier sans attendre l'arrivée de son avocat. Dans les circonstances on peut assurément s'interroger quant à l'à-propos de ses actes.
L'avocat de la défenderesse déclare également qu'en consentant à l'interrogatoire ou en ne refu- sant pas de répondre avant l'arrivée de son avocat, le demandeur a renoncé à son droit. Cette affirma tion est également injustifiable, puisque, si l'on se rapporte à l'exposé conjoint des faits, il est possible que le demandeur ait été forcé de se soumettre à l'interrogatoire malgré ses objections. Tout ce que l'exposé conjoint des faits relate, c'est que vers 12 h 15 le demandeur a été interrogé par l'agent Jacklin. Bien que la défenderesse suppose que, si cela avait été fait en dépit des objections du demandeur, l'exposé conjoint des faits le mention- nerait, il n'est pas sûr que l'absence d'un tel énoncé et le fait que le demandeur ait réellement été interrogé justifient de supposer qu'il ait répondu volontairement sans attendre l'arrivée de son avocat.
Même si l'on accepte la prétention de la défen- deresse qu'il n'y a pas eu de faute à commencer l'interrogatoire sans attendre l'arrivée de l'avocat 23 minutes après l'appel téléphonique, assurément une venue rapide, l'agent Jacklin a aggravé l'af- faire en disant à l'avocat du demandeur, peu après son arrivée, que comme l'interrogatoire du deman- deur était en cours il ne pouvait parler à son avocat qui ne pourrait le voir avant la fin de l'interroga- toire, c'est-à-dire trois quarts d'heure plus tard. Il est inconcevable que l'avocat d'un inculpé qui arrive au poste de police l'inculpé, son client, est interrogé se fasse dire que l'interrogatoire ne peut être interrompu et qu'il ne peut voir son client
avant que l'interrogatoire soit terminé. Cela est totalement inacceptable et, à mon avis, constitue une violation flagrante des droits civils du demandeur.
L'avocat de la défenderesse prétend que les droits garantis par l'alinéa 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés ne mentionnent pas le droit à la présence d'un avocat lors de l'interrogatoire du prisonnier. Cette affirmation serait vraie dans le cas un long retard en résulterait, par exemple lorsque le prisonnier, à qui l'on permet de communiquer avec son avocat, constate que ce dernier est à l'extérieur de la ville, ou ne pourra autrement être disponible avant une longue période de temps. Chaque cas doit être tranché selon les faits qui lui sont propres, mais je crois que l'esprit de la Charte, sinon la lettre, indique qu'il n'est pas suffisant de permettre sim- plement au prévenu de téléphoner à un avocat et ensuite de commencer immédiatement après à l'in- terroger, même si l'avocat a dit à l'enquêteur qu'il se rend immédiatement au poste de police pour voir son client et, qu'en fait, il le fait.
La défenderesse prétend également que le droit de l'inculpé à être interrogé ne peut être invoqué que par le prisonnier lui-même et, comme je l'ai déjà dit, elle déduit du fait qu'il a été interrogé qu'il ne s'y est pas opposé. Il se peut fort bien que le droit de demander la permission d'avoir recours à l'assistance d'un avocat soit un droit qui ne peut être invoqué que par le prisonnier lui-même, mais une fois que les services d'un avocat ont été rete- nus, comme en l'espèce, l'avocat a alors, comme toujours, le droit de parler au nom de son client et il est certainement justifié d'invoquer en son nom le droit de ne pas être interrogé en l'absence de son avocat. Même si l'on ne peut déduire cela de la conversation téléphonique de l'avocat avec l'agent Jacklin l'informant qu'il se mettait en route, l'avo- cat avait certainement le droit d'insister, au nom de son client, pour assister au reste de l'interroga- toire dès son arrivée au poste de police, mais ce droit, qui est le droit du client, lui a été catégori- quement nié par l'agent de police.
À l'appui de ses prétentions, la défenderesse invoque également une jurisprudence volumineuse. Elle cite l'arrêt Regina v. Bond (1973), 14 C.C.C. (2d) 497; 24 C.R.N.S. 273; 6 N.S.R. (2d) 512, de la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse, une autre
affaire portant sur le refus de subir le test de l'ivressomètre, qui doit être administré dans un délai de deux heures. L'inculpé a appelé un avocat qui a refusé de le représenter et on lui alors permis d'appeler un autre avocat qui habitait à environ vingt-cinq ou vingt-huit milles de l'endroit. L'agent a informé le prisonnier qu'il ne pouvait attendre l'arrivée de son avocat et le prisonnier en a informé son avocat. Après avoir reparlé à son deuxième avocat, le prisonnier a refusé de subir le test. Il s'agissait encore d'une affaire en vertu de l'an- cienne Déclaration canadienne des droits. On y mentionne l'arrêt de la Cour suprême du Canada Brownridge c. Sa Majesté la Reine 2 . Dans cette affaire, le jugement de la Cour à la majorité rendu par le juge Laskin statue à la page 953:
Aux fins de la présente cause, je suis prêt à dire que le droit de l'accusé en vertu de l'art. 2(c)(ii) aurait été reconnu d'une façon suffisante si, ayant été autorisé à téléphoner, il avait rejoint son avocat et lui avait parlé au téléphone. Je n'interpré- terais pas le droit conféré à l'art. 2(c)(ii), lorsqu'il est invoqué par un accusé auquel une sommation a été faite en vertu de l'art. 223(1), comme lui permettant d'insister pour que son avocat soit présent s'il peut rejoindre celui-ci par téléphone. Je m'abstiens de m'étendre davantage sur les questions mention- nées dans le présent alinéa de mes motifs parce qu'il est préférable d'attendre, pour le faire, qu'une affaire particulière les mette en jeu.
L'arrêt Brownridge a été examiné en profondeur par feu le juge en chef Laskin dans ses motifs de dissidence dans l'affaire Hogan (précitée) dans laquelle il a dit à la page 589:
La question qui se pose, par conséquent, est la suivante: pour que ce droit triomphe, faut-il s'en remettre à la seule force de caractère ou fermeté d'un accusé de sorte que la situation soit celle de l'affaire Brownridge, ou n'y a-t-il pas aussi une sanc tion disponible, savoir, conclure à l'irrecevabilité de la preuve lorsque les autorités policières réussissent à vaincre la résistance que l'accusé oppose en disant qu'il veut consulter d'abord un avocat. Rien de moins ne saurait suffisamment garantir le respect du droit de l'individu à l'avocat par les autorités policiè- res dont l'obligation d'appliquer la loi va de pair avec celle d'y obéir.
Dans l'arrêt Regina v. Settee de la Cour d'appel
de la Saskatchewan 3 , le sommaire indique notamment:
[TRADUCTION] Le prévenu a retenu les services d'un avocat qui a dit à la police que son client ne devait pas être interrogé hors de sa présence. Les policiers ont passé outre en prétendant que même s'il pouvait donner toutes les directives qu'il voulait à son client, ils devaient continuer leur enquête qu'il soit présent ou
2 [1972] R.C.S. 926.
3 (1974), 22 C.C.C. (2d) 193 (C.A. Sask.).
non. Au cours des interrogatoires subséquents qui se sont déroulés en l'absence de l'avocat, la police a continué de passer en revue à son intention la preuve qui compromettait l'accusé. Le jour le prévenu a fait la déclaration incriminante, l'enquêteur lui avait dit que c'était la dernière journée il pouvait dire quelque chose, qu'il quitterait les cellules du poste de police ce jour-là. Plus tard au cours de la journée, l'agent est retourné le voir et lui a demandé s'il voulait «parler affaires». Sur ce le prévenu a avoué le meurtre. On lui a fait la mise en garde et il a fait une déclaration complète. Le prévenu a été mis en garde avant chaque interrogatoire et quand il a dit qu'il ne voulait rien dire avant d'avoir vu son avocat on l'a simplement renvoyé dans sa cellule.
Cette affaire se rapporte également à la recevabi- lité d'une déclaration, et la Cour d'appel a décidé que la décision du juge de première instance de la recevoir ne pouvait pas être modifiée en appel puisque rien n'indiquait que le juge n'ait pas pro fité de l'occasion qu'il avait eue d'entendre les témoins, ou qu'il ait négligé de tenir compte de la règle applicable. La Déclaration canadienne des droits en vigueur à cette époque n'était pas en litige.
Dans la décision R. v. Shields, un jugement non publié de l'Ontario, en date du 10 mai 1983, le juge Borins [Cour de comté] déclare à la page 12:
[TRADUCTION] Sans tenter de fixer une formule verbale précise, pour donner effet au droit créé par l'al. 10b), il faudrait expliquer à un prévenu, dans un langage facilement compréhen- sible, qu'il a le droit de parler à un avocat avant et pendant l'interrogatoire, et qu'il a le droit aux conseils d'un avocat et à la présence d'un avocat même s'il n'a pas les moyens financiers de retenir ses services, qu'on lui expliquera comment communi- quer avec un avocat, s'il ne sait pas comment faire, et qu'il a le droit de cesser de répondre aux questions en tout temps jusqu'à ce qu'il ait parlé à un avocat.
Les mots que j'ai soulignés sont lourds de sens.
On a également cité la décision Her Majesty the Queen v. Rodney James Ross, et al. [jugement en date du 23 février 1984, juge I. A. Vannini, Cour de district, Algoma (Ontario), encore inédit], dans laquelle un prévenu, après avoir été arrêté à
1 h 30, a été informé de son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat. On lui a rappelé ce droit à
2 h 03 et on lui a permis de faire un appel télépho- nique, mais il n'a obtenu aucune réponse. On lui a dit qu'il pouvait appeler un autre avocat, mais il n'a pas demandé à utiliser le téléphone pour en appeler un autre et il a été ensuite renvoyé en cellule. En temps utile, on lui a dit qu'il allait paraître à une séance d'identification, mais on ne lui a pas précisé qu'il n'était pas tenu d'y participer
s'il ne le voulait pas. Toutefois, il n'a pas refusé. La Cour a décidé que la police n'était pas obligée d'informer le prévenu de ses droits à chaque étape de l'enquête policière et qu'il suffisait, à moins de circonstances exceptionnelles, qu'il soit informé au cours de l'enquête de son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat sans délai. À la page 3, le jugement conclut:
[TRADUCTION] En conséquence, je conclus que la participation volontaire de l'inculpé Ross à la séance d'identification ne constitue pas une violation ni un déni du droit que lui garantit l'art. 13 et, a fortiori, du droit que lui garantit l'al. 11b) d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable.
Ces arrêts ont été soumis à l'appui de la proposi tion selon laquelle le demandeur ne s'est pas opposé à l'interrogatoire hors de la présence de son avocat, ce qui, comme je l'ai déjà mentionné, ne peut être valablement déduit de l'exposé conjoint des faits.
Après avoir examiné la jurisprudence, je con- clus, en me fondant sur les faits de la présente espèce et étant donné l'état actuel du droit, et plus particulièrement le but et l'objet de la Charte canadienne des droits et libertés de protéger un prisonnier contre un harcèlement injuste, que la défenderesse ne peut s'appuyer sur une interpréta- tion restrictive et étroite de l'alinéa 10b) pour frustrer le demandeur de ses droits. Je conclus que l'agent Jacklin a commis une faute envers le demandeur en commençant à l'interroger sans attendre l'arrivée imminente de son avocat et par la suite en lui refusant de consulter immédiate- ment son avocat après son arrivée jusqu'à la fin de l'interrogatoire. Il est entendu que cette conclusion se fonde sur les faits de la présente affaire et ne peut être considérée comme une règle posant qu'on ne doit jamais interroger un inculpé en l'absence de son avocat, lorsque les circonstances de l'affaire exigent que cela soit fait sans retard excessif, comme lorsque l'avocat ne peut être présent qu'a- près une période de temps assez longue, ou que le retard entraînera la perte d'une preuve, comme dans les cas de l'ivressomètre. Décider autrement conduirait à l'inacceptable conclusion qu'une fois qu'on a accordé à l'inculpé le droit de téléphoner à son avocat et qu'il le fait, toute la procédure est arrêtée en ce qui concerne son interrogatoire jus- qu'à ce que cet avocat veuille bien être présent, ce qui peut entraîner des retards de plusieurs heures ou même de plusieurs jours.
Maintenant que j'ai arrêté qu'une faute a été commise, il reste à examiner quelle sanction ou quelle mesure de redressement la Cour peut impo- ser. Il ne s'agit pas d'une affaire portant sur la recevabilité d'une déclaration irrégulièrement obtenue d'un inculpé; en fait, il n'y a eu aucune déclaration de ce genre. Il ne s'agit pas non plus d'une affaire où, à la suite d'un interrogatoire qui s'est déroulé sans qu'on ait permis la présence de l'avocat, le demandeur a subi un véritable préju- dice puisque, le moment venu, il a plaidé coupable de toute façon. Il reste cependant, que, si je n'im- posais aucune sanction, cela équivaudrait à fermer les yeux sur un comportement injuste et à mon avis illégal du policier en question. Le demandeur a invoqué la décision Paragon Properties Limited v. Magna Investments Ltd. 4 comme précédent à l'ap- pui de la proposition selon laquelle bien que des dommages exemplaires ou punitifs n'aient pas été demandés dans les conclusions de la demande reconventionnelle, ils peuvent très bien être accor dés en réponse à une demande de dommages-inté- rêts en général. Dans l'arrêt Kingsmith v. Denton (1977), 3 A.R. 315, de la Cour suprême de l'Al- berta [première instance] en date du 24 mars 1977 qui porte sur une action en dommages-intérêts intentée contre un policier pour agression injusti- fiée, la Cour a accordé 1 500 $ à titre de domma- ges exemplaires. La conduite du défendeur fut trouvée blâmable et irrespectueuse des normes de moralité ou de décence propres à la société. Cela ressemble quelque peu au paragraphe 24(2) de la Charte canadienne des droits et libertés qui déclare irrecevable les éléments de preuve obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la Charte s'il est établi, eu égard aux circonstances, que leur utilisation «est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice». Dans la présente espèce, il ne s'agit pas de la recevabilité d'une déclaration, mais les circons- tances dans lesquelles l'interrogatoire a eu lieu sont susceptibles en elles-mêmes de déconsidérer l'administration de la justice. C'est par le biais du paragraphe 24(1) que la Cour peut accorder la réparation qu'elle estime convenable et juste eu égard aux circonstances.
° [1972] 3 W.W.R. 106; 24 D.L.R. (3d) 156 (C.S. Alb. Div. d'appel).
Dans ses remarques sur l'application de la Charte canadienne des droits et libertés, Tarno- polsky, dans un document intitulé The Canadian Charter of Rights and Freedoms—Commentary dit à la page 502 que la réparation visée au paragraphe 24(1) comprendrait de toute évidence des dommages dans les cas appropriés. À la page 503, il dit que le pouvoir d'accorder des domma- ges-intérêts comprend, le cas échéant, le pouvoir d'accorder des dommages exemplaires, punitifs ou moraux aussi bien que des dommages-intérêts de nature strictement indemnitaire. Il mentionne le jugement de lord Devlin dans l'arrêt Rookes v. Barnard, et al. 5 , à la page 328 il déclare que les dommages exemplaires sont le remède approprié dans les cas [TRADUCTION] «d'actes oppressifs, arbitraires ou inconstitutionnels accomplis par des fonctionnaires».
La défenderesse, relativement à la question des dommages, cite notamment l'arrêt Regina v. Ver- mette (No. 4) 6 , qui énonce à la page 495:
[TRADUCTION] Nous sommes d'avis que lorsqu'on demande à la Cour d'accorder une réparation en vertu du par. 24(1) de la Charte, cette réparation doit non seulement être convenable et juste, mais également efficace.
et elle cite également l'affaire Re Ritter et al. and The Queen 7 dans laquelle on dit à la page 184:
[TRADUCTION] J'en arrive à la conclusion, par conséquent, que dans la mesure on peut dire qu'un droit ou une liberté garantis à l'inculpé par la Charte ont été violés, comme le révèle les faits, la seule réparation que demande le prévenu ne peut, à mon avis, être considérée comme une réparation conve- nable, et il m'est impossible également, dans les circonstances, de proposer une démarche qui, à ce point, puisse servir de réparation à cette prétendue violation.
Il s'agit de deux affaires comportant des faits hors de l'ordinaire et qu'il n'est pas nécessaire d'examiner ici puisqu'elles ne sont pas réellement applicables. La décision Regina v. Esau 8 , portant sur une fouille qu'on prétend illégale, a conclu [C.R.R.] à la page 149 [236 Man. R.]:
[TRADUCTION] Indépendamment de la question de la receva- bilité d'une preuve obtenue irrégulièrement, quiconque a fait l'objet d'une fouille et d'une saisie déraisonnable a le droit de s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir réparation. Dans le cas la fouille est infructueuse, les dommages-intérêts peuvent être élevés, particulièrement s'il y a eu recours à la
5 [1964] 2 W.L.R. 269 (H.L.).
6 (1982), 1 C.C.C. (3d) 477 (C.S. Qc).
7 (1983), 8 C.C.C. (3d) 170 (C.S.C.-B.).
8 (1983), 20 Man. R. (2d) 230; 147 D.L.R. (3d) 561; 4 C.R.R. 144 (C.A.).
force contre un citoyen innocent. Dans un cas comme le présent, toutefois, lorsque la preuve révèle la présence de stupéfiants et qu'on n'a pas eu recours à la force contre l'inculpé, j'avancerais l'hypothèse que la réparation doit être vraiment modeste.
Bien que l'avocat du demandeur ait fait valoir qu'il ne sied pas de tenir compte du fait que le demandeur a finalement plaidé coupable à l'accu- sation pour laquelle il a été arrêté, puisque c'est un fait complètement étranger aux dommages exem- plaires ou punitifs qui peuvent être accordés parce qu'on a empêché l'avocat d'être présent au cours de l'interrogatoire, je ne crois pas qu'il faut com- plètement en faire abstraction en fixant le montant des dommages-intérêts à accorder.
L'avocat de la défenderesse prétend qu'une simple déclaration portant que le policier a commis une erreur serait suffisante pour dissuader les autres policiers d'agir de la sorte à l'avenir. Je ne saurais être d'accord avec cette prétention. Les dommages-intérêts accordés doivent avoir un caractère punitif assez fort pour avoir un effet dissuasif, mais d'un autre côté, la faute commise n'est pas aussi grave que si le demandeur s'était vu refuser complètement le droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat sans délai ou n'avait pas été informé de ce droit en contravention flagrante de l'alinéa 10b) de la Charte. Puisque la présente espèce se rapporte à une question qui ne paraît pas avoir été directement tranchée auparavant et qui n'est pas précisément prévue dans la Charte, de sorte que cette violation des droits du demandeur doit se fonder par déduction sur l'intention de la Charte examinée à la lumière d'une conduite parti- culièrement répréhensible du policier relativement au droit qu'avait à mon avis le demandeur à la présence de son avocat, qui était prêt et disponible, il faut en tenir compte pour réduire le montant des dommages-intérêts.
Dans les circonstances, j'accorde des dommages- intérêts au montant de 500 $ avec dépens.
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