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T-311-84
Lawrence William Hewitt (requérant) c.
Commission nationale des libérations condition- nelles (intimée)
Division de première instance, juge Muldoon— Winnipeg, 29 mars; Ottawa, 25 avril 1984.
Droit constitutionnel Charte des droits Vie, liberté et sécurité de sa personne Révocation de la libération condi- tionnelle Procédure de l'audition postérieure à la suspen sion contraire à l'art. 7 de la Charte L'offre d'une nouvelle audition ne suffit pas à corriger l'irrégularité La condam- nation subséquente du requérant et la peine qui lui a été imposée parce qu'il a commis des actes criminels ne ratifient pas la procédure illégale et n'ont pas pour effet de rendre la demande et le recours purement théoriques L'enchâssement des droits individuels dans la constitution vise à obliger les personnes qui agissent sous l'autorité de l'État à agir légale- ment au risque de perdre le bénéfice de leurs efforts Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, chap. 33, art. 54 Loi sur la protection des renseignements person- nels, S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, annexe II Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sûr le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 7, 24 Loi constitu- tionnelle de 1982, art. 52(1) Règlement sur la libération conditionnelle de détenus, DORS/78-428, art. 17.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Certiorari Révocation de la libération conditionnelle Une partie de l'audition postérieure à la suspension a eu lieu ex parte Dén`i d'équité et violation de l'art. 7 de la Charte L'offre d'une nouvelle audition ne suffit pas à corriger l'irrégularité La condamnation subséquente du requérant et la peine qu'on lui a imposée parce qu'il a commis des actes criminels ne ratifient pas la procédure illégale et n'ont pas pour effet de rendre la demande et le recours purement théoriques Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 7, 24 Règlement sur la libération conditionnelle de détenus, DORS/78-428, art. 17.
Libération conditionnelle Révocation L'audition pos- térieure à la suspension a eu lieu ex parte Déni d'équité et violation de l'art. 7 de la Charte (voir Latham c. Solliciteur général du Canada) L'offre d'une nouvelle audition posté- rieure à la suspension ne suffit pas à corriger l'irrégularité (Morgan c. Commission nationale des libérations conditionnel- les) La condamnation subséquente du requérant et la peine qui lui a été imposée parce qu'il a commis des actes criminels ne ratifient pas la procédure illégale et n'ont pas pour effet de rendre la demande et le recours purement théoriques Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 7, 24 Règlement sur la libération conditionnelle de détenus, DORS/78-428, art. 17.
Le requérant, détenu dans un pénitencier, demande un bref de certiorari en vue d'obtenir l'annulation de la décision par laquelle sa libération conditionnelle a été révoquée. Alors qu'il bénéficiait d'une libération conditionnelle, le requérant a été inculpé de possession de véhicules automobiles volés. Sa libéra- tion conditionnelle a été suspendue. Le requérant et son avocat ont été écartés d'une partie de l'audition postérieure à la suspension. Par la suite, le requérant a été trouvé coupable sous deux chefs d'accusation et il a été condamné à une peine d'emprisonnement.
Le requérant soutient qu'en le tenant à l'écart d'une partie de l'audition postérieure à la suspension, la Commission nationale des libérations a manqué à son obligation d'agir équitablement puisqu'elle ne l'a pas informé des arguments présentés contre lui et qu'elle ne lui a pas donné la possibilité d'y répondre.
Selon l'intimée, les procédures et les discussions qui ont eu lieu ex parte étaient inoffensives et il n'y a pas eu déni d'équité. Elle soutient en outre que la Cour ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur du requérant car l'intimée lui a offert une nouvelle audition postérieure à la suspension. Elle prétend enfin que, vu la condamnation subséquente du requé- rant et la peine qui lui a été imposée, la demande et tout recours obtenu par voie d'ordonnance peuvent être purement théoriques.
Jugement: la demande est accordée.
La cause Latham c. Solliciteur général du Canada est tout à fait pertinente. Dans cette affaire, on avait refusé au requérant la possibilité d'être présent au cours de la majeure partie de l'audience de la Commission des libérations conditionnelles tenue à son sujet. On a statué que «cette exclusion équivalait aussi à un déni d'équité ...». Comme c'est le cas en l'espèce, la nécessité de respecter le caractère confidentiel ne justifiait pas l'exclusion. De plus, si les procédures et les discussions étaient si inoffensives, on se demande pourquoi il devait y avoir exclusion.
Il y a donc eu un déni d'équité et, par conséquent, de justice fondamentale, en violation de l'article 7 de la Charte. Quant à l'offre de l'intimée de tenir une audience postérieure à la suspension, elle ne saurait, comme on l'a dit dans l'affaire Morgan c. Commission nationale des libérations conditionnel- les, «être substituée au certiorari qui casse une décision pronon- cée en excès de pouvoir».
La condamnation subséquente du requérant et la peine qui lui a été imposée ne peuvent pas avoir pour effet de ratifier une procédure illégale. Les droits individuels enchâssés dans la constitution ne sont jamais purement théoriques ni sans effet pratique. L'enchâssement de ces droits vise à obliger les person- nes qui agissent sous l'autorité de l'État, à le faire correcte- ment, sinon, elles perdent le bénéfice de leurs efforts.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Latham c. Solliciteur général du Canada, et autres (1984), 39 C.R. (3d) 78 (C.F. lre inst.); Morgan c. Commission nationale des libérations conditionnelles, [1982] 2 C.F. 648; 65 C.C.C. (2d) 216 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Re Lowe and The Queen (1983), 149 D.L.R. (3d) 732 (C.S.C: B.); Martens v. Attorney General of British Columbia, et al. (1983), 35 C.R. (3d) 149 (C.S.C: B.).
AVOCAT:
Brian Hay pour l'intimée. A COMPARU:
Lawrence William Hewitt pour son propre compte.
PROCUREUR:
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
LE REQUÉRANT, POUR SON PROPRE COMPTE: Lawrence William Hewitt, Winnipeg.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MULDOON: Le requérant est un détenu de l'établissement de Stony Mountain au Mani- toba. À l'audition de sa requête, il a comparu en personne, sans avocat. Il demande un bref de certiorari en vue d'obtenir l'annulation de la déci- sion rendue par l'intimée le 7 avril 1983, qui a révoqué sa libération conditionnelle. Cette décision a été subséquemment examinée et confirmée par le Comité de révision interne qui en a informé le requérant dans une lettre datée du 5 juillet 1983.
Parmi les nombreux arguments qu'il a invoqués à l'appui de sa demande, le requérant a fait valoir que:
[TRADUCTION] 3. La Commission nationale des libérations conditionnelles n'a pas rempli son obligation d'agir équitable- ment en vertu de laquelle elle doit informer le requérant de l'accusation dont il fait l'objet et lui permettre d'y répondre;
8. La Commission nationale des libérations conditionnelles a tenu ex parte certaines parties de l'audition postérieure à la suspension, audition au cours de laquelle des renseignements ou des éléments de preuve lui ont probablement été communiqués par des personnes telles que l'agent de classement Schultz ou l'agent de liberté conditionnelle Bergan, ou les deux, en viola tion des articles 14, 15 et 20.1 dudit Règlement sur la libération conditionnelle de détenus, ce qui a également eu pour effet de priver le requérant d'une audition impartiale conforme aux principes de justice fondamentale aux fins de la détermination de ses droits et obligations, qui constitue la procédure régulière
à laquelle le requérant a droit avant que la Commission natio- nale des libérations conditionnelles ne prenne une décision qui influera sur sa liberté.
9. Subsidiairement au paragraphe 8, le fait que la Commis sion tienne ex parte certaines parties de l'audition postérieure à la suspension n'est pas conforme à la règle de l'équité dans la procédure imposée par la common law, en vertu de laquelle elle doit tout au moins informer le requérant de l'accusation dont il fait l'objet et lui permettre d'y répondre.
Dans l'affidavit qu'il a produit au soutien de sa demande, le requérant a exposé sous serment les faits suivants:
[TRADUCTION] 2. Par suite d'événements survenus le 18 juillet 1969, j'ai été inculpé de meurtre entraînant la peine capitale, déclaré coupable, au mois de mars 1970, de meurtre n'entraînant pas la peine capitale et condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité avec la possibilité d'obtenir une libération conditionnelle le 18 juillet 1979.
3. J'ai purgé la totalité de ma peine dans des pénitenciers du Manitoba et, en février 1979, j'ai bénéficié d'une libération conditionnelle de jour et subséquemment, au mois de novembre 1979, d'une libération conditionnelle totale.
4. Le 23 septembre 1979, j'ai été engagé à titre de dirigeant de Bison Auto Wreckers Inc. et ce, jusqu'au 10 février 1983.
5. Ma période de surveillance s'est déroulée sans incident fâcheux et au mois de janvier 1983, on a supprimé certaines conditions de ma libération conditionnelle qui restreignaient mes activités. La Commission des libérations conditionnelles a ainsi reconnu mon sens des responsabilités sur le plan financier et m'a autorisé à conclure des contrats de nature financière sans autorisation préalable.
6. Le 10 février 1983 vers 9 h 30, alors que j'étais à mon lieu de travail, on m'a exhibé un mandat de perquisition et indiqué que je ne pourrais quitter les lieux; vers 12 h 30, j'ai été mis en état d'arrestation et inculpé de possession de véhicules volés.
7. Le 11 février 1983, vers 8 h, j'ai rencontré mon surveillant, M. V. Bergan, qui m'a fait savoir que ma libération condition- nelle pouvait être suspendue et m'a demandé de répondre aux inculpations. J'ai dit que mon avocat devait assister à la réunion mais j'ai répondu à ses questions du mieux que j'ai pu, étant donné l'état de choc dans lequel je me trouvais.
8. Le 17 février 1983, j'ai rencontré V. Bergan à l'établisse- ment de Stony Mountain et on m'a remis en bonne et due forme le Rapport de suspension/violation (voir la pièce «I»). Au cours de cette réunion, on m'a fait savoir que la Commission nationale des libérations conditionnelles était disposée à tenir une audition postérieure à la suspension le 2 mars 1983 mais que je devais signer une renonciation pour permettre à la Commission de procéder à une telle audition avant l'expiration du délai de 14 jours.
11. Le 7 avril 1983, peu de temps avant le début de l'audition postérieure à la suspension, j'ai rencontré mon avocate, M"'° H. Leonoff, qui m'a remis une copie de l'acte d'accusation rédigé par la police (voir la pièce «5»). Alors qu'il se trouvait dans la salle d'attente, l'agent de classement Schultz s'est approché de
M'"» Leonoff et de moi-même et nous a fait savoir que nous ne pourrions pas assister à la première partie de la réunion. On m'a dit que cette première partie serait consacrée aux observa tions écrites contenues dans mon dossier et aux observations orales de l'établissement ou de mon agent de liberté condition- nelle, ou des deux, et que, par conséquent, ni M"'» Leonoff ni moi-même ne pouvions être présents. Nous avons été invités dans la salle de conférence après la fin de la première partie de l'audition postérieure à la suspension. En entrant dans la salle, j'ai remarqué Ron Schultz, Vic Bergan et deux membres de la Commission nationale des libérations conditionnelles qui avaient déjà pris place.
18. À la fin de l'audition, les membres de la Commission ont demandé à Mi"' Leonoff et à moi-même de quitter la salle de conférence dans laquelle ils sont demeurés avec M. Schultz et M. Bergan. Après environ 10 minutes, on nous a convoqués de nouveau et informés de la décision portant révocation. M. Young a fait remarquer que mon cas était compliqué mais il a indiqué qu'il inscrirait une note dans mon dossier pour fins de rappel rapide si la cour rendait un verdict d'acquittement.
21. Au mois d'octobre 1983, la Commission nationale des libérations conditionnelles a modifié la procédure d'audience de libération conditionnelle, ce qui a été confirmé le 7 novembre 1983 à 10 h 15 au cours de conversations avec l'agent de classement Ron Schultz. Celui-ci m'a dit [TRADUCTION] «que la procédure d'audience est effectivement modifiée en raison de récentes décisions judiciaires qui ont déclaré la pratique anté- rieure contraire à la Charte canadienne des droits et libertés.» Schultz a ajouté:
«La nouvelle pratique permet au détenu et à son agent (l'avocat) d'être présents pendant toute la réunion. Il (le détenu) n'est plus exclu de l'étape préalable à l'audition, tous les éléments de preuve sont déposés en sa présence et les personnes qui participent à l'audience quittent la salle de conférence en même temps que lui. Les membres de la Commission nationale des libérations conditionnelles sont donc seuls lorsqu'ils prennent leur décision.»
Le document produit sous la cote 5 est une dénonciation déposée sous serment le 17 février 1983 par un membre de la police de Winnipeg, accusant le requérant de sept chefs de possession illégale de véhicules automobiles et de pièces de véhicules automobiles [TRADUCTION] «sachant que ceux-ci ont été obtenus par la perpétration au Canada d'une infraction punissable par voie de mise en accusation». Au cours de l'audition posté- rieure à la suspension tenue le 7 avril 1983, les deux membres de l'intimée ont interrogé le requé- rant au sujet des circonstances entourant les infractions reprochées dans la dénonciation. Ils n'ont pas accepté ses explications.
Noel Sharp, l'un des deux membres de la Com mission a déposé un affidavit pour le compte de
l'intimée. Voici les questions et les faits qu'il a exposés:
[TRADUCTION] 2. Le 7 avril 1983, je me suis rendu à Stonewall (Manitoba) au pénitencier de Stony Mountain pour siéger à titre de membre de la Commission nationale des libérations conditionnelles aux fins d'accorder la libération conditionnelle à un certain nombre de détenus ou de la révo- quer. Phillip Young, membre de ladite Commission à Ottawa, était également présent.
3. L'une des affaires prévues ce jour-là concernait le requé- rant en l'espace, Lawrence William Hewitt.
4. Avant de nous entretenir avec M. Hewitt au sujet de la suspension et de la révocation possible de sa libération condi- tionnelle, M. Young et moi-même avons parlé à Vic Bergen, l'agent de liberté conditionnelle de M. Hewitt et à Ronald Schultz, son agent de classement. M. Hewitt et son avocate, Heather Leonoff, n'ont pas participé à cette discussion avec l'agent de liberté conditionnelle et l'agent de classement.
5. Autant que je sache et que je me souvienne, nous n'avons parlé à ce moment-là qu'à Bergen, l'agent de liberté condition- nelle, et la discussion a surtout porté sur les circonstances entourant la suspension de la libération conditionnelle de M. Hewitt, ses activités depuis sa mise en liberté conditionnelle et l'entretien postérieur à la suspension que l'agent Bergen avait eu avec M. Hewitt. Autant que je sache et que je me souvienne, nous n'avons pas discuté de questions importantes qui n'ont pas été mentionnées au cours de l'entretien subséquent avec M. Hewitt.
6. Au cours d'un long entretien avec M. Hewitt, celui-ci a été incapable d'expliquer de façon satisfaisante les circonstances entourant la suspension de sa libération conditionnelle. Une copie conforme du résumé de l'entretien de la Commission avec M. Hewitt, y compris nos conclusions, en date du 7 avril 1983, est jointe à mon affidavit sous la cote «A».
8. À la fin de l'entretien, nous avons demandé à M. Hewitt et à son avocate de quitter la salle. Son agent de liberté condition- nelle et son agent de classement sont demeurés dans ladite salle pendant que nous délibérions. Autant que je sache et que je me souvienne, la discussion s'est déroulée surtout entre M. Young et moi-même à ce moment-là, quelques questions étant posées à Bergen, l'agent de liberté conditionnelle, concernant les circons- tances de l'infraction alléguée et l'entretien postérieur à la suspension qui a eu lieu entre lui et M. Hewitt.
Le document produit sous la cote «A» est une formule officielle intitulée: [TRADUCTION] Obser vations des membres de la Commission. Il conclut comme suit:
[TRADUCTION] En résumé, il était évident, aux yeux de la Commission, que les différentes explications du sujet concer- nant certaines activités n'étaient pas dignes de foi et il nous a semblé également être un grand manipulateur.
Décision: LIBERATION CONDITIONNELLE RÉVOQUÉE Motifs:
Vos activités ayant donné lieu à de graves accusations portées contre vous, comme le souligne la Commission, nous croyons
que votre mise en liberté permanente à ce stade constituerait un risque inutile.
Si les procédures et les discussions qui ont eu lieu au moment de l'exclusion du requérant et de son avocate étaient à ce point inoffensives, comme l'indiquent les paragraphes 4, 5 et 8 de l'affidavit de M. Sharp, on se demande pourquoi ils devaient être ainsi exclus.
En examinant le paragraphe 11 de l'affidavit du requérant, on peut se demander si celui-ci a été adéquatement informé et s'il a bénéficié de suffi- samment de temps pour se préparer en vue de l'audience. Il n'est pas absolument certain que l'information divulguée par l'intimée au requérant ait été insuffisante à cet égard. La pièce «A» jointe à l'affidavit de M. Sharp indique que le requérant [TRADUCTION] «disposait d'une documentation abondante» au cours de l'audience, (telle qu'elle s'est déroulée) mais cela ne prouve pas que l'infor- mation qui lui a été divulguée était adéquate et lui avait été communiquée en temps opportun.
L'intimée n'a pas produit d'affidavit ni présenté d'arguments demandant que certaines questions demeurent confidentielles et elle n'a pas non plus invoqué l'article 17 du Règlement sur la Libéra- tion conditionnelle de détenus [DORS/78-428] pour conserver les renseignements décrits aux ali- néas 54a) à g) de la Loi canadienne sur les droits de la personne [S.C. 1976-77, chap. 33]. (Cette dernière disposition a été remplacée par la Loi sur la protection des renseignements personnels, S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, annexe II, qui est entrée en vigueur le 1 ° ' juillet 1983, après la date de l'audition portant sur la révocation en l'espèce.) Cet aspect de la question porte (mais on peut en douter) sur la divulgation antérieure à l'audition et, bien sûr, sur l'exclusion du requérant de la première et de la dernière parties de «son» audition.
Le règlement du litige qui oppose les parties est cependant grandement simplifié par la décision récente du juge Strayer de cette Cour dans l'af- faire Latham c. Solliciteur général du Canada, et autres'. Dans cette affaire, le juge Strayer a décidé que la divulgation était inadéquate et il a ajouté la page 91]:
1 (1984), 39 C.R. (3d) 78 (C.F. In inst.).
Les mêmes considérations s'appliquent généralement au refus de la possibilité, pour le requérant, d'être présent au cours d'une majeure partie de l'«audition»: Re Mason and R. (1983), 43 O.R. (2d) 321; 35 C.R. 393 (sub nom. Re Mason; Mason v. Can.); 7 C.C.C. (3d) 426; 1 D.L.R. (4th) 712 (H.C.). Puisque le requérant était disponible et attendait à l'extérieur, rien, si ce n'est l'obligation de respect de la confidentialité, ne justifie de l'exclure de l'audition. De prime abord, il m'apparaît que cette exclusion équivalait aussi à un déni d'équité. Il appartient à la Commission nationale des libérations condition- nelles de démontrer, dans des procédures à venir, qu'il existe une loi qui limite ce droit, par ailleurs garanti sous le régime de l'article 7 de la Charte, et que, dans son application, cette loi représente une limite raisonnable de ce droit.
Cette décision du juge Strayer est pertinente et elle s'applique aux circonstances de l'espèce 2 . Il semble en effet qu'on doive trancher le présent cas de la même façon, en ce sens que la révocation de la libération conditionnelle du requérant prononcée par l'intimée le 7 avril 1983, et la confirmation subséquente de cette révocation, devraient égale- ment être annulées. Il y a eu un déni d'équité et, par conséquent, de justice fondamentale, en viola tion de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)].
Cependant, cela ne met pas un point final aux arguments qu'on a opposés au requérant. Faisant remarquer que le redressement demandé est dis- crétionnaire, l'avocat de l'intimée prétend que la Cour ne devrait pas exercer son pouvoir discrétion- naire en faveur du requérant, car, dit-il, l'intimée lui a offert une nouvelle audition postérieure à la suspension. Dans la plaidoirie écrite qu'il a déposée avant cette audition et dans la plaidoirie orale qu'il a présentée à l'audition, le requérant a répondu à cette contre-attaque. Il soutient essentiellement qu'il ne croit pas pouvoir être traité équitablement par l'intimée. Il met également en doute la bonne foi de l'intimée au sujet de cette offre car, dit-il, elle a été faite seulement après qu'il s'est adressé à la Cour du Banc de la Reine du Manitoba en vue d'obtenir un redressement en l'espèce. (Il affirme, et l'intimée ne le nie pas, que la Cour du Banc de la Reine a refusé d'entendre l'affaire et l'a ren-
2 En plus de la jurisprudence citée par le juge Strayer, on a également mentionné les arrêts: Re Lowe and The Queen (1983), 149 D.L.R. (3d) 732 (C.S.C.-B.); et Martens v. Attor ney General of British Columbia, et al. (1983), 35 C.R. (3d) 149 (C.S.C.-B.).
voyée à la Cour fédérale.) La bonne foi de l'inti- mée n'est donc pas mise en cause. Cependant, comme l'a dit le juge en chef Thurlow dans l'af- faire Morgan c. La Commission nationale des libérations conditionnelles:
Une telle révision, toutefois, ne saurait être substituée au certiorari qui casse une décision prononcée en excès de pouvoir 3 .
Cela est tout à fait juste. La demande du requé- rant n'est pas mal fondée pour ce motif.
L'autre considération pour laquelle on s'oppose à l'exercice du pouvoir discrétionnaire visé en l'es- pèce est que la présente demande et tout recours obtenu par voie d'ordonnance peuvent être pure- ment théoriques. Ce que la Commission des libéra- tions conditionnelles ne savait pas et ne pouvait pas savoir le 7 avril 1983 mais que toutes les personnes concernées savent maintenant, c'est que le requérant a été déclaré coupable relativement à deux des six chefs d'accusation contenus dans la dénonciation à l'égard de laquelle il a été renvoyé à son procès. Il a été déclaré coupable relativement à ces deux chefs par le juge G. O. Jewers de la Cour de comté siégeant en matière criminelle à Winni- peg, une semaine seulement avant l'audition de la présente demande. Bien qu'il ait conclu à un aveu- glement volontaire et déclaré l'accusé coupable de deux des chefs d'accusation, le juge Jewers, dans les 43 pages de ses motifs de jugement, est arrivé à certaines conclusions qui étaient à la fois favora- bles et défavorables au requérant.
En prononçant sa sentence, le 21 mars 1984, le juge Jewers a déclaré:
[TRADUCTION] Dans le présent cas, il ne fait aucun doute que M. Hewitt, à titre de détenu en liberté conditionnelle déjà condamné à perpétuité, avait la confiance de la société en général et de l'entreprise qui l'a engagé. Cependant, cet aspect de l'affaire, cette question de confiance a été, je pense, recon- nue par la Commission des libérations conditionnelles qui a révoqué la libération conditionnelle de M. Hewitt. Par consé- quent, je ne crois pas que je doive prendre en considération cet aspect de la question. Je laisserai cette question aux bons soins de la Commission des libérations conditionnelles. J'imposerai une sentence dans le présent cas comme s'il s'agissait d'une affaire ordinaire sans tenir compte de la libération condition- nelle.
Le juge Jewers a alors imposé la sentence suivante:
[TRADUCTION] Dans le présent cas, j'imposerai une peine d'emprisonnement de six mois en ce qui concerne le deuxième
3 [1982] 2 C.F. 648, la p. 656; 65 C.C.C. (2d) 216 (C.A.), à la p. 224.
chef d'accusation et la même peine pour le troisième chef d'accusation, qui devront être purgées en même temps. Ce qui fait une durée totale de six mois.
Bien sûr, étant donné que M. Hewitt purge le reste de sa peine d'emprisonnement à perpétuité, ces peines que j'impose maintenant seront purgées et elles doivent être purgées en même temps que la peine d'emprisonnement à perpétuité. J'ai le sentiment que tout ce que j'ai fait ou que je pourrais faire aujourd'hui est quelque peu inutile. Cette question devra être examinée par les organismes de libération conditionnelle. Je demande cependant, ce qui, j'en suis sûr, se produira, qu'une copie de mes conclusions en l'espèce et une copie des motifs du jugement que je viens de prononcer soient remises à ces orga- nismes afin que ces documents puissent être pris en considéra- tion lorsqu'il s'agira de savoir, quand, s'il y a lieu, M. Hewitt doit être remis en liberté.
Étant donné que le requérant a été déclaré coupable et qu'on lui a imposé une peine, sa demande de certiorari visant à obtenir l'annulation de la révocation de sa libération conditionnelle est-elle devenue purement théorique et sans effet pratique? S'agit-il par conséquent d'un cas la Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire pour rejeter la demande?
Les procédures de l'audition postérieure à la suspension ont violé la justice fondamentale et, de ce fait, l'article 7 de la Charte. Il n'a pas été prouvé que ces procédures étaient justifiées au regard de l'article 1 de la Charte. Les droits énoncés à l'article 7 font partie intégrante de la «loi suprême du Canada», suivant le paragraphe 52(1). Ces droits ne sont donc jamais purement théoriques ni sans effet pratique. La Charte pro- tège les droits individuels contre les décisions offi- cielles. L'article 24 permet même à toute cour compétente d'écarter ou de corriger les décisions qui ont été obtenues par la violation ou la négation des droits et libertés garantis par la Charte.
La déclaration de culpabilité subséquente, la condamnation et la peine imposée au requérant ne peuvent pas avoir pour effet de ratifier la procé- dure illégale qui a exclu le requérant et son avo- cate de certaines parties de son audition posté- rieure à la suspension tenue le 7 avril 1983. Si ces événements subséquents peuvent ratifier les procé- dures irrégulières, la garantie constitutionnelle des droits et libertés serait alors simplement une fausse déclaration. À titre d'exemple, comment une personne inculpée d'une infraction pourrait- elle se prévaloir du droit d'être jugée dans un délai
raisonnable si on devait conclure plus tard que l'issue d'un procès retardé exagérément a ratifié la procédure inconstitutionnelle? Les droits indivi- duels enchâssés dans la constitution visent à obli- ger les personnes qui agissent sous l'autorité de l'Etat à le faire correctement, sinon, elles perdent le bénéfice de leurs efforts. Rien n'indique en l'espèce que les membres de la Commission des libérations conditionnelles ont agi de manière cri- minelle ou malicieuse. Il n'y a aucun doute qu'ils ont agi de bonne foi. Mais ils n'ont pas agi correctement.
Le requérant conserve le droit de ne pas être privé de sa liberté très restreinte qu'est la libéra- tion conditionnelle si ce n'est en conformité avec les principes de justice fondamentale. La décision qui résulte de cette audition doit donc être annu- lée, même si le requérant a été de nouveau con- damné à une peine d'emprisonnement.
Maintenant que les récentes déclarations de cul- pabilité du requérant concernant deux des infrac tions dont il a été inculpé sont connues, les pré- sents motifs n'interdisent d'aucune façon à l'intimée d'engager les procédures autorisées par la loi concernant la libération conditionnelle du requérant.
Je conclus qu'il y a lieu de délivrer un bref de certiorari pour que soit évoquée devant cette Cour la décision de la Commission nationale des libéra- tions conditionnelles en date du 7 avril 1983, ulté- rieurement confirmée par celle-ci, et portant révo- cation de la libération conditionnelle du requérant, et j'ordonne l'annulation de ladite décision et de toutes les ordonnances ou de tous les mandats en découlant. Le requérant a droit aux dépens.
ORDONNANCE
J'ORDONNE la délivrance d'un bref de certiorari pour que soit évoquée devant cette Cour l'ordon- nance de la Commission nationale des libérations conditionnelles en date du 7 avril 1983, confirmée par celle-ci et portant révocation de la libération conditionnelle de Lawrence William Hewitt, et j'ordonne l'annulation de ladite décision et des ordonnances et mandats en découlant; j'ordonne en outre à l'intimée de payer au requérant les frais taxables de la présente action et les faux frais.
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