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T-831-82
Algonquin Mercantile Corporation (demande- resse)
c.
Dart Industries Canada Limited (défenderesse)
Division de première instance, juge Mahoney— Toronto, 14, 15, 16, 17, 18 mars; Ottawa, 2 juin 1983.
Dessin industriel Combiné grille four-plaque chauffante portatif Demande fondée sur la contrefaçon et défense fondée sur l'invalidité de l'enregistrement Qu'est-ce qui est enregistrable comme «dessin»? Commentaire du président Jackett dans l'affaire Cimon selon lequel le dessin de forme peut être enregistrable s'il constitue une «ornementation» et s'il n'est pas nécessairement associé à la fonction de l'article ou à son processus de fabrication Forme du dessin présente dans les grilles chauffantes anciennes et fonction de l'appareil qui rend la similitude de certaines caractéristiques inévitable Absence de contrefaçon à cause du peu de ressemblance entre les produits L'exposition du prototype de la deman- deresse à une exposition tenue à Chicago ne constitue pas une publication au Canada même s'il y avait des Canadiens «Publication» définie à l'art. 14(1) comme le fait d'offrir le dessin au public ou de le mettre à sa disposition «Public» comprend ceux qui sont réellement intéressés à l'exploitation du dessin ou considérés tels par son propriétaire La divul- gation du dessin pour obtenir des commandes de l'article dérivé constitue une publication Exposition par la deman- deresse du prototype à des acheteurs éventuels au Canada plus d'un an avant l'enregistrement Le secret qui accompagne normalement les propositions privées de commerce n'empêche pas la publication Toute révélation faite pour solliciter des commandes constitue probablement une publication quel que soit son degré de secret Invalidité de l'enregistrement Rejet de l'action Loi sur les dessins industriels, S.R.C. 1970, chap. I-8, art. 14(1).
La demanderesse soutient que le combiné grille four-plaque chauffante portatif que la défenderesse propose de mettre sur le marché constitue une contrefaçon du dessin industriel enregis- tré par la demanderesse pour un appareil semblable. La défen- deresse soutient que le dessin a été publié au Canada plus d'un an avant l'enregistrement, en contravention du paragraphe 14(1) de la Loi sur les dessins industriels et que l'enregistre- ment de la demanderesse est en conséquence invalide.
Jugement: il n'y a pas eu contrefaçon du dessin de la demanderesse qui est, de toute façon, invalide.
En vertu de la Loi, un «dessin» est ce qui peut être enregistré. La Loi elle-même ne comporte pas de définition de ce terme, mais dans l'affaire Cimon, le président Jackett a fait un commentaire sur le caractère enregistrable d'un dessin relatif à la forme d'un objet. Le président y a dit qu'un dessin de ce genre n'est pas en soi un obstacle à son enregistrement; toute- fois après avoir signalé qu'en vertu de cette Loi on ne peut obtenir un enregistrement pour un élément déterminant de la nature d'un article ou de son procédé de fabrication, il a poursuivi en distinguant la forme qui constitue une «ornementa-
tion» de l'article (laquelle est enregistrable) de la forme qu'un article doit nécessairement prendre s'il doit servir à certaines fins ou s'il a été fabriqué suivant une méthode particulière.
Il est possible de dessiner un combiné grille four-plaque chauffante d'une forme générale différente de celle du dessin du produit de la défenderesse. Cette dernière forme était cepen- dant une caractéristique des plaques chauffantes disponibles sur le marché avant l'enregistrement de la demanderesse. De plus, le rôle de l'appareil comporte certains éléments communs aux différentes marques de sorte qu'il est inévitable d'avoir certaines similitudes d'apparence générale de ces marques. Il appartient à la Cour de décider si un dessin en contrefait un autre. Il n'y a pas beaucoup de ressemblance entre les deux produits en cause en l'espèce; par conséquent il n'y a pas de contrefaçon.
La demanderesse a montré à plusieurs reprises un prototype en plastique de son produit plus d'un an avant la période de grâce d'une année permise par le paragraphe 14(1). Elle l'a fait une fois à Chicago, le prototype a été montré à une exposition. Il y avait des Canadiens présents à l'exposition; néanmoins cette exposition ne constitue pas une publication au Canada et en conséquence ne contrevient pas au paragraphe en cause. De plus la demanderesse a cependant montré le proto type à différents acheteurs au Canada dans le but de susciter de l'intérêt pour le produit et de mesurer celui-ci. Le nombre d'acheteurs potentiels est sans importance. Ce qui compte c'est de savoir si cette divulgation constitue une «publication» du dessin de la demanderesse.
Dans l'arrêt de principe Ribbons v. Belding, la Cour de l'Échiquier a par erreur défini «publication» en fonction de l'article auquel le dessin s'applique. Il faut plutôt tenir compte du dessin lui-même, «publication» dans sa définition exacte signifie offrir le dessin ou le mettre à la disposition du public. Le mot «public» a quant à lui plusieurs sens, mais, pour les fins de la définition de «publication», il faut considérer qu'il com- prend les personnes qui sont réellement intéressées ou celles que le propriétaire du dessin croit susceptibles d'être intéressées à tirer parti du dessin. La divulgation du dessin dans le but d'obtenir des commandes pour un article fabriqué d'après celui-ci constitue une publication de ce dessin.
Dans ses relations avec les acheteurs, la demanderesse n'a pas pris de disposition précise pour s'assurer que son dessin resterait secret. Il était raisonnable de penser que les acheteurs centraux ne révéleraient pas le dessin au grand public, mais on pouvait également s'attendre à ce qu'ils en discutent au sein de leur propre organisation. En bref, le niveau de secret qui caractérisait ces relations était le même que celui qui prévaut ordinairement dans les propositions commerciales privées. Un tel niveau de secret n'empêche pas que la divulgation soit une publication du dessin; en conséquence, la divulgation aux ache- teurs centraux plus d'un an avant l'enregistrement a rendu cet enregistrement inefficace et il y a lieu de le radier. Il est possible que de plus grandes précautions pour assurer le secret empêchent un tel résultat, mais il est plus probable que toute divulgation faite dans le but de prendre des commandes consti- tue une publication.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Kangol (Manufacturing) Ld. v. Centrokomise (London) Ld. (1937), 54 R.P.C. 211 (Ch.D. Angl.).
DÉCISIONS ÉCARTÉES:
Ribbons (Montreal) Limited v. Belding Corticelli Limi ted, [1961] R.C.É. 388; Global Upholstery Co. Ltd. et autre c. Galaxy Office Furniture Ltd. et autre (1976), 29 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1" inst.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Cimon Limited et al. v. Bench Made Furniture Corpora tion et al., [1965] 1 R.C.É. 811; 48 C.P.R. 31.
DÉCISIONS CITÉES:
Blank v. Footman, Pretty and Co. (1888), 5 R.P.C. 653 (Ch.D. Angl.); In the Matter of Sherwoods Design (1892), 9 R.P.C. 268 (Ch.D. Angl.); British Insulated et al. v. London Electric Wire Company et al. (1913), 30 R.P.C. 620 (Ch.D. Angl.); Gunton v. Winox, Ld. (1921), 38 R.P.C. 40 (Ch.D. Angl.).
AV CATS:
god. 2.rmPsti % iffs , AA! P)&J£ ba &] Dimock pour la demanderesse.
G. A. Macklin, c.r., pour la défenderesse.
F a rlt b erg.. G: E
PROCUREURS:
Sim, Hughes, Toronto, pour la demanderesse. Gowling & Henderson, Ottawa, pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: La Cour est saisie d'une poursuite en contrefaçon du dessin industriel d'un appareil portatif combinant une plaque chauffante et un four, enregistré le 16 février 1980 sous le 46557, conformément à la Loi sur les dessins industriels'. Vers la fin de l'instruction, on a allé- gué qu'un des témoins entendus plus tôt s'était parjuré. J'ai été obligé d'attendre la transcription des témoignages avant de pouvoir rendre mon jugement, ce qui a entraîné un long retard. Après avoir lu attentivement les notes sténographiques, j'ai conclu qu'il n'y avait pas eu parjure. A la fin de l'instruction, j'étais également convaincu qu'il n'y avait pas eu de contrefaçon et, en conséquence, j'ai prononcé une ordonnance en date du 25 mars 1983 mettant fin à l'injonction interlocutoire visant la plaque chauffante que la défenderesse s'apprêtait à lancer sur le marché lorsqu'on lui a enjoint de ne pas le faire.
' S.R.C. 1970, chap. I-8.
Des modèles du produit vendu par la demande- resse et de celui que la défenderesse se proposait de lancer sur le marché, ont été déposés en preuve comme pièces P-2 et P-4 respectivement. La pièce P-2 n'est pas une reproduction exacte du dessin enregistré. Les illustrations du dessin enregistré sont reproduites dans l'annexe «A». L'annexe «B» contient des esquisses de la pièce P-4 exécutées à la même échelle et selon les mêmes perspectives que celles des esquisses de l'annexe «A». Les esquisses contenues dans les annexes «A» et «B» sont respectivement les pièces L-3 et L-2 de l'affi- davit de l'expert Paul Arato, dont les parties perti- nentes ont été considérées comme lues. J'accepte son témoignage en totalité.
Le président Jackett [tel était alors son titre] a fait une analyse approfondie de la Loi sur les dessins industriels dans l'arrêt Cimon Limited et al. v. Bench Made Furniture Corporation et al. 2 . Je ne vois pas l'utilité de recommencer un tel examen. La Loi prévoit l'enregistrement d'un «dessin» mais elle ne définit pas ce terme. Le président Jackett a affirmé [aux pages 831 et 832 à 833 R.C.É.]:
[TRADUCTION] Le genre de dessin enregistrable est donc celui qui est «appliqué» à «l'ornementation» d'un article. Il doit donc se rapporter à l'apparence de l'article ou d'une de ses parties, car l'ornementation concerne l'aspect extérieur. Il doit avoir pour but de rendre l'article plus attrayant, car c'est le but même de tout ornement. Il ne peut s'agir d'un élément détermi- nant de la nature même de l'article (par opposition au simple aspect extérieur) ou de la méthode applicable à sa fabrication. En d'autres termes, le dessin ne peut créer un droit de mono- pole sur «un produit» ou «une méthode» tel que celui qu'un brevet d'invention permet d'acquérir. De plus, rien dans la loi ne limite le genre de dessins qui peuvent être enregistrés (comme on l'a avancé) à ceux qui prévoient la création de quelque chose à appliquer à un article qui existe déjà.
Le fait qu'un dessin se rapporte à la forme ou configuration d'un article n'est pas en soi un obstacle à son enregistrement. Tant qu'il s'agit d'un dessin qui doit être appliqué «à l'ornemen- tation» d'un article, il est admissible à l'enregistrement même si, pour atteindre en totalité ou en partie son objectif »d'orne- mentation», il faut fabriquer l'article ou certaines de ses parties en lui donnant une forme ou des formes particulières. (Voir In re Clarke's Design, [1896] 2 Ch. 38, à la p. 43, le lord juge Lindley: «Le dessin qui concerne la forme d'une chose ne peut être appliqué à cette chose que si elle est fabriquée sous cette forme.») (C'est très différent que de revendiquer la forme ou
2 [[1965] 1 R.C.É. 811]; 48 C.P.R. 31.
configuration qu'un article doit obligatoirement prendre s'il doit servir à certaines fins ou s'il a été fabriqué suivant une méthode particulière.)
J'imagine qu'il serait tout à fait possible de dessiner un appareil portatif combinant une plaque chauffante et un four qui ait une forme de base autre que celle «d'un plateau rectangulaire» rete- nue pour le dessin et l'appareil de la défenderesse. Cette forme de base est celle des plaques chauffan- tes portatives qui étaient sur le marché avant l'enregistrement du dessin, comme par exemple la pièce D-13. Quand cette forme de base est adop- tée, le fonctionnement de l'appareil exige la pré- sence d'éléments communs et il en résulte nécessai- rement une certaine similitude dans l'apparence générale des appareils fabriqués sous différentes marques, tout comme il existe des similitudes dans l'apparence générale des différentes marques modernes de berlines ou de triréacteurs.
C'est à la Cour de déterminer si un dessin en contrefait un autre. Les divers éléments qui font partie du dessin enregistré et de l'appareil de la défenderesse, dont notamment les pieds, les poi- gnées, la disposition de la surface, ont une appa- rence extérieure très différente. A mes yeux, l'ap- pareil de la défenderesse ressemble assez peu au dessin enregistré. L'allégation d'imitation fraudu- leuse n'est pas fondée. Selon moi, il n'y a pas eu contrefaçon.
La défenderesse conteste la validité de l'enregis- trement pour plusieurs motifs dont celui que le dessin a été publié au Canada plus d'un an avant son enregistrement. La Loi prévoit:
14. (1) Pour protéger tout dessin, il faut l'enregistrer dans l'année qui suit sa publication au Canada .. .
L'enregistrement date du 16 février 1980. La pré- sentation à l'exposition nationale des Arts ména- gers à Chicago, en janvier 1979, d'un modèle en plastique de l'appareil en question n'équivalait pas à une publication au Canada, même si des Cana- diens, dont la plupart étaient des acheteurs éven- tuels, l'y ont vu.
Avant de lancer la production de l'appareil, la demanderesse, en décembre 1978 et en janvier 1979, a montré le modèle en plastique (pièce D-6), à plusieurs personnes au Canada qui étaient char gées de décider si l'article serait inclus dans l'in-
ventaire ou dans le catalogue des grands magasins et autres chaînes de magasins.
À l'époque en cause, John Cluff, qui a pris sa retraite depuis, était acheteur central à la division
des achats par catalogue Shoprite de la Compa- gnie de la Baie d'Hudson. Il en a décrit le
fonctionnement.
[TRADUCTION] Q. ... Pourriez-vous expliquer ce qu'est un acheteur central?
R. L'acheteur central travaille sous les ordres d'un acheteur principal d'un des services de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Notre travail consiste à rencontrer les fournis- seurs, à négocier les conditions, à examiner les nouvelles marchandises, à s'occuper de la publicité, de la publicité à l'échelle nationale par opposition à la publicité locale ou régionale qui relève des services régionaux.
Q. Si je comprends bien, le travail de l'acheteur central est de dresser la liste des produits?
R. Oui, Monsieur, tout commence au Bureau général des marchandises. Si quelqu'un veut qu'une compagnie [sic] fasse partie du catalogue de la Baie ou de Shoprite, il s'adresse à notre bureau et se fait inscrire sur notre listage en ordinateur.
Q. En quoi consiste le listage?
R. Il faut examiner le produit et décider s'il correspond à notre marché, si nous voulons le commercialiser et si les conditions, les prix, etc., sont satisfaisants et enfin, si nous pensons que la vente de ce produit aura du succès. Nous nous faisons une opinion avant de faire une entrée en ordinateur.
Q. Bien, c'est-à-dire quand vous avez décidé de l'inscrire au listage?
R. Oui, c'est cela.
Q. Une fois qu'un produit est inscrit, qu'arrive-t-il?
R. Quand il a été inscrit et qu'une liste a été distribuée dans tout le pays, dans nos sept régions de vente au détail, il appartient aux directeurs des services régionaux de déci- der si le produit convient à leur région, s'ils vont l'acheter et en quelle quantité.
Q. Donc, qui s'occupe réellement de la quantité à commander?
R. Nos sept directeurs régionaux passent chacun leur commande.
Q. Quelles conditions stipulent-ils, la quantité et ...
R. La quantité et le prix que nous avons déjà négocié à Toronto.
Q. Le prix a donc été négocié à Toronto?
R. Le prix est dans l'ordinateur.
Q. Quelles sont les autres conditions .. .
R. Les conditions de paiement, la publicité, la démonstration éventuelle de l'article dans nos rayons, la publicité à l'échelle nationale. Dans une certaine mesure, la publicité locale qui est suivie au plan régional.
(Notes sténographiques: page 871, [ligne] 30 [la page] 873, [ligne] 19.)
L'acceptation de l'appareil par les acheteurs cen- traux était la condition sine qua non du succès commercial de l'appareil. Il fallait non seulement que les acheteurs centraux jugent que l'article était un bon produit commercial mais aussi que la demanderesse et les spécialistes des techniques marchandes s'entendent sur le prix et les autres conditions d'approvisionnement et de mise en vente. En d'autres termes, pour être inscrite au listage, la demanderesse devait s'engager à respec- ter les conditions de fourniture de l'appareil.
J'accepte le témoignage de Ben Liederman, ancien directeur des ventes de la demanderesse, qui a rencontré la plupart sinon tous les acheteurs centraux sollicités avant le 16 février 1979. Les rencontres avaient pour but de s'enquérir des pers pectives du marché et de gagner l'intérêt de spécia- listes des techniques marchandes. Aucune com- mande n'a été passée. Il a déclaré à ce moment-là:
[TRADUCTION] La plupart d'entre eux disaient: «Faites-nous savoir quand vous pourrez livrer, quel sera le montant des frais et alors, nous l'inscrirons probablement.»
(Notes sténographiques: page 840, [lignes] 26 à 28.)
La demanderesse n'a pris aucune disposition précise pour s'assurer que son dessin resterait secret. Il était raisonnable de penser que les ache- teurs centraux ne révéleraient pas le dessin au grand public. En revanche, il était normal de s'attendre à ce qu'ils en discutent au sein de leur propre organisation. La divulgation du dessin n'était considérée ni plus ni moins confidentielle qu'une proposition commerciale privée. Le nombre des acheteurs centraux auxquels le modèle a été présenté importe peu. Nous devons nous demander si une divulgation de ce genre était une «publica- tion» du dessin au sens du paragraphe 14(1).
La jurisprudence anglaise contient un bon nombre de décisions portant que la divulgation d'un dessin dans le but d'obtenir une commande est une publication du dessin au sens de diverses lois anglaises successives similaires à la nôtre'. Il
3 Blank v. Footman, Pretty, and Co. (1888), 5 R.P.C. 653 [Ch.D. Angl.]. In the Matter of Sherwoods Design (1892), 9 R.P.C. 268 [Ch.D. Angl.]. British Insulated et al. v. London Electric Wire Company et al. (1913), 30 R.P.C. 620 [Ch.D. Angl.]. Gunston v. Winox, Ld. (1921), 38 R.P.C. 40 [Ch.D. Angl.].
suffit d'examiner la plus récente de ces décisions 4 . La loi anglaise en vigueur à l'époques contenait des dispositions pour l'enregistrement d'un dessin qui [TRADUCTION] «n'avait pas été publié anté- rieurement au Royaume-Uni». L'absence du délai d'un an dans la loi anglaise n'est pas pertinente pour l'espèce. On a jugé que les entretiens com- merciaux tenus avant l'enregistrement du dessin et au cours desquels le dessinateur [TRADUCTION] «cherchait à savoir s'il serait en mesure de faire des affaires» la page 217] et au cours desquels le dessin avait été divulgué à un acheteur éventuel, équivalaient à une publication. L'enregistrement a été radié.
Au Canada, la principale décision traitant de cet aspect du paragraphe 14(1) est l'arrêt Ribbons (Montreal) Limited v. Belding Corticelli Limited 6 dans lequel la Cour a conclu:
[TRADUCTION] Le terme «publication» s'entend de la date à laquelle l'objet en question fut pour la première fois offert au public ou mis à sa disposition ...
Cette définition a été appliquée dans Global Upholstery Co. Ltd. et autre c. Galaxy Office Furniture Ltd. et autre'. Dans l'arrêt Ribbons, les divulgations en cause avaient été faites à des per- sonnes avec lesquelles le propriétaire du dessin voulait examiner la possibilité de fabriquer, pour son propre usage, un ensemble de présentation en plastique transparent. Dans l'arrêt Global, il s'agissait du dessin d'une chaise qui avait été divulgué à un fabricant que le propriétaire du dessin souhaitait apparemment intéresser à la fabrication et à la vente des chaises. En d'autres termes, il voulait vraisemblablement vendre ou faire breveter son dessin plutôt que de faire fabri- quer lui-même les articles selon son dessin pour les vendre ou les utiliser lui-même. Dans les deux cas, on a jugé que les divulgations des dessins n'équiva- laient pas à des publications.
En toute déférence, la définition adoptée paraît fondée sur la confusion du dessin enregistré avec l'article fabriqué d'après celui-ci, ce qui semble avoir conduit le juge dans l'arrêt Global à l'appli- quer comme si le paragraphe 14(1) traitait de la
4 Kangol (Manufacturing) Ld. v. Centrokomise (London) Ld.
(1937), 54 R.P.C. 211 [Ch.D. Angl.].
Patents and Designs Acts, 1907-1932, art. 49.
6 [1961] R.C.É. 388 la p. 402.
7 (1976), 29 C.P.R. (2d) 145 [C.F. lie inst.].
publication d'un tel article plutôt que de celle du dessin. Évidemment, il est possible que la publica tion du dessin coïncide avec le moment l'article fabriqué d'après le dessin est offert ou mis à la disposition du public. Toutefois, il est évident, à mon avis, que, pour rendre la définition de «publi- cation» conforme aux termes clairs du paragraphe 14(1), il faut la formuler comme suit:
«Publication. signifie offrir le dessin au public ou le mettre à sa disposition.
Conformément à cette définition, il n'y a pas eu publication dans l'arrêt Ribbons. Il semble que, pour l'arrêt Global, c'est la définition que l'on donne de «public» qui permettrait de déterminer si tel était également le cas.
Le terme «public» a plusieurs sens mais, pour les fins de la définition, il faut considérer qu'il com- prend les personnes qui sont réellement intéressées ou que le propriétaire du dessin croit susceptibles d'être intéressées à accepter l'offre du dessin ou à tirer avantage de la possibilité d'en disposer. La divulgation du dessin dans le but d'obtenir des commandes pour un article fabriqué d'après celui-ci est une publication de ce dessin. Je ne suis pas prêt à conclure que toute disposition prise pour protéger le caractère confidentiel d'un dessin empêcherait une telle divulgation d'être une publi cation; mais je conclus toutefois que la discrétion ordinaire requise en matière commerciale ne suffit pas. Je pense que la meilleure chose à faire est de suivre la jurisprudence anglaise et de conclure que toutes les divulgations faites pour obtenir des com- mandes constituent une publication du dessin. Comment peut-on dire qu'une personne ne publie pas son dessin lorsqu'elle le divulgue dans le but exprès de le commercialiser?
Le dessin a été publié au Canada plus d'un an avant son enregistrement. Il n'était pas enregistra- ble et son enregistrement devrait être radié.
L'action sera rejetée avec dépens. Il y aura un renvoi en ce qui concerne les dommages causés à la défenderesse par suite de la délivrance de l'injonc- tion interlocutoire.
APPENDIX "A" - ANNEXE «A»
APPENDIX "B" - ANNEXE «B»
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