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T-1301-84
Gulf Trollers Association (requérante) c.
Ministre des Pêches et Océans et Wayne Shin-
ners, directeur général régional du ministère des Pêches et Océans pour la région du Pacifique (intimés)
Division de première instance, juge Collier—Van- couver, 17, 18, 19 juillet et 2 août 1984.
Pêches Les fonctionnaires des pêcheries ont modifié la période de fermeture relativement à la pêche au saumon commerciale Forte diminution du nombre de saumons de l'espèce La pêche commerciale est autorisée pendant deux mois Aucune limite n'est fixée à la période de pêche sportive La gestion et le contrôle des pêches, s'ils sont nécessairement accessoires à la protection et à la conservation, relèvent du pouvoir législatif fédéral Modifications appor- tées aux heures de fermeture fondées sur la nécessité d'assurer la conservation et sur une considération inconstitutionnelle, c'est-à-dire une préférence pour la pêche sportive Comme les deux considérations sont imbriquées, les décisions doivent être annulées Comme les décisions contestées sont de nature administrative, le bref de certiorari constitue un redressement approprié Loi sur les pêcheries, S.R.C. 1970, chap. F-14, art. 34m) Règlement de pêche commerciale du saumon dans le Pacifique, C.R.C., chap. 813, art. 5(1) (mod. par DORS/82- 529, art. 3) Règlement de pêche sportive de la Colombie- Britannique, DORS/82-645, art. 4, 13.
Droit constitutionnel Partage des pouvoirs Pêches Modification de la période de fermeture Conservation de l'espèce Restrictions quant à la durée de la saison de pêche commerciale Aucune n'est imposée à la pêche sportive La gestion et le contrôle des pêches, s'ils sont nécessairement accessoires à la protection et à la conservation des ressources, relèvent du pouvoir législatif fédéral Les décisions contes- tées ont pour effet de réattribuer les prises et de favoriser un utilisateur plutôt qu'un autre Elles s'inspirent de deux motifs disparates: la conservation et les attributions en matière de gestion socio-économique Le second objectif outrepasse les pouvoirs constitutionnels Vu le lien étroit qui unit ces deux considérations, la Cour ne peut les dissocier La demande de certiorari en vue d'annuler les décisions des intimés est accueillie Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.- U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, 5/ (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1), art. 91(12).
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Certiorari La requérante demande une ordonnance annulant les décisions par lesquelles les intimés ont modifié la période de fermeture de la pêche au saumon commerciale Les décisions sont- elles de nature administrative ou législative? Les fonctions attribuées au directeur régional ou à un fonctionnaire des pêcheries en vertu de l'art. 5 du Règlement sont clairement administratives Distinction faite avec l'arrêt Inuit Tapirisat
Certiorari accordé Loi sur les pêcheries, S.R.C. 1970, chap. F-14, art. 34m) Règlement de pêche commerciale du saumon dans le Pacifique, C.R.C., chap. 823, art. 5(1) (mod. par DORS/82-529, art. 3) Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, chap. N-17.
La requérante demande un bref de certiorari en vue de faire annuler sept décisions par lesquelles les fonctionnaires des pêcheries ont modifié la période de fermeture de la pêche au saumon commerciale dans plusieurs secteurs du golfe de Geor- gie en Colombie-Britannique. Les membres de la requérante exploitent des bateaux de pêche à la traîne commerciale. Les ordonnances font suite à une proposition du ministère des Pêches et Océans visant à réduire le nombre de prises de saumon quinnat, une espèce dont le nombre d'individus a fortement diminué. Il ressort des chiffres soumis en preuve que les prises sportives sont plus nombreuses que celles des bateaux de pêche dans le golfe. La méthode de réduction proposée pour permettre une remontée adéquate était de limiter à deux mois la saison de pêche à la traîne. La pêche sportive n'a fait l'objet d'aucune restriction précise. Selon la requérante, les pouvoirs du Parlement en ce qui concerne les pêcheries se limitent aux questions de protection et de conservation des ressources; les questions relatives à la gestion et au contrôle, nécessairement accessoires aux mesures de protection et de conservation, sont permises; les décisions ont été inspirées par un motif de conser vation mais aussi par une considération accessoire, c'est-à-dire une préférence pour la pêche sportive et doivent donc être annulées. Les intimés prétendent que leur pouvoir d'assurer la conservation et la protection des ressources existe indépendam- ment de leur pouvoir de gérer les ressources dans l'intérêt du public; qu'ils ont le pouvoir de préférer un utilisateur par rapport à un autre; que les décisions sont de nature législative et que, par conséquent, il n'y a pas lieu à un bref certiorari.
Jugement: la requête est accueillie.
Comme l'a dit le juge Laskin dans ses motifs dissidents de l'arrêt Interprovincial Co-operatives, la conservation et la reconstitution des stocks sont visées par la «protection et la conservation des pêcheries, à titre de richesse pour le public». La gestion et le contrôle, s'ils sont nécessairement accessoires à ces considérations, relèvent aussi du pouvoir législatif fédéral. On ne peut donc accepter l'argument des intimés selon lequel le pouvoir du Parlement de gérer les pêches est distinct de toute considération en matière de protection. Les décisions que les intimés ont prises s'inspirent de deux motifs disparates: la conservation et les attributions en matière de gestion socio-éco- nomique. Le second objectif outrepasse les pouvoirs constitu- tionnels permis. Vu que les deux considérations sont imbri- quées, la Cour ne peut trancher et les décisions doivent être annulées.
L'argument des intimés selon lequel les décisions contestées sont de nature législative, échoue aussi. Les fonctions attribuées au directeur régional ou à un fonctionnaire des pêcheries en vertu de l'article 5 du Règlement établi conformément à l'ali- néa 34m) de la Loi sur les pêcheries et les autorisant à modifier les périodes de fermeture sont clairement administratives. Il faut établir une distinction entre l'espèce et l'arrêt Inuit Tapi- risat la Cour suprême du Canada a jugé que le Cabinet fédéral exerçait une fonction législative en ce qui concerne une disposition de la Loi nationale des transports, de sorte que le contrôle judiciaire ne pouvait être exercé.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of
Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735.
DECISION EXAMINÉE:
Interprovincial Co-operatives Ltd. et al. c. La Reine,
[1976] 1 R.C.S. 477.
DECISIONS CITÉES:
The Queen v. Robertson (1882), 6 Can. R.C.S. 52; Reference as to constitutional validity of certain sections of Fisheries Act, 1914, [1928] R.C.S. 457; Attorney - General for Canada v. Attorney -General for British Columbia, [1930] A.C. 111 (P.C.); Mark Fishing Co. Ltd. v. United Fishermen dc Allied Workers' Union et al. (1972), 24 D.L.R. (3d) 585 (C.A.C: B.), confirmée par (1974), 38 D.L.R. (3d) 316 (C.S.C.); Fowler c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 213; Sadler v. Sheffield Corporation, [ 1924] 1 Ch. 483.
AVOCATS:
J. Keith Lowes pour la requérante. G. O. Eggerston pour les intimés.
PROCUREURS:
DuMoulin, Lowes et Boskovich, Vancouver, pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada, pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs de la décision rendus par
LE JUGE COLLIER: La requérante est une société dont les 100 membres possèdent ou exploi- tent des bateaux de pêche à la traîne commerciale. Ils pêchent presque exclusivement dans sept sec- teurs du golfe de Georgie. Ces secteurs sont com- munément appelés dans l'industrie le [TRADUC- TION] «secteur intérieur de pêche au saumon la traîne)» (le «secteur intérieur»).
En 1984, 246 permis ont été délivrés pour le secteur intérieur de pêche au saumon la traîne).
La requérante a présenté une demande de redressement de la nature d'un certiorari qui annulerait sept décisions prises le 16 avril 1984 par des fonctionnaires des pêcheries. Les ordonnances ou décisions ont modifié la période de fermeture dans le secteur intérieur relativement à la pêche au saumon commerciale. La période de fermeture totale a été ouverte du 1" juillet 1984 au 31 août 1984 pour les pêcheurs titulaires de permis.
Avant 1984, les pêcheurs à la traîne du golfe étaient autorisés à pêcher le saumon pendant les
mois d'avril, mai, juin, juillet, août et septembre. Durant les trois premiers mois, seul le saumon quinnat pouvait être pris. Pendant les trois mois suivants, il était permis de pêcher toutes les espè- ces. Toutefois, dans les trois derniers mois, le saumon coho était principalement visé.
Depuis 1982, la pêche commerciale de toutes les espèces de saumons est complètement interdite du 1°r janvier au 31 décembre de chaque année dans les secteurs et les sous-secteurs des régions du Pacifique. Cette mesure a été instituée en 1982 dans un règlement adopté par le gouverneur en conseil.
La même année, le gouverneur en conseil a, dans le Règlement de pêche sportive de la Colom- bie-Britannique [DORS/82-645], adopté la dispo sition suivante:
4. 11 est interdit à quiconque de pratiquer la pêche sportive au cours de la période commençant à 23 h et se terminant à 24 h le 31 décembre de chaque année.
Selon moi, cet article signifie que la seule période de fermeture pour un pêcheur sportif est une heure avant minuit la veille du Jour de l'An. Ce serait vraiment un euphémisme de dire qu'il s'agit d'un simulacre de mesure de conservation. Aux termes de l'article 13 du même Règlement, les périodes de fermeture ou les contingents prévus dans le Règle- ment peuvent être modifiés par le directeur régio- nal ou un fonctionnaire des pêcheries.
Le Règlement oblige les pêcheurs sportifs à n'utiliser qu'un certain type de matériel; il limite également les prises à deux saumons quinnats par jour en hiver, à quatre par jour en été et à un grand total de trente par année.
Il ressort de la preuve qui m'a été présentée que, par le passé, les pêcheurs sportifs ont pris plus de saumons quinnats dans une année que les pêcheurs à la traîne du golfe. L'année 1982 constituait apparemment une exception. En outre, par le passé, les pêcheurs sportifs ont pris en juillet et en août un nombre plus important de saumons quin- nats que durant tout autre mois. De même, au cours de ces mois, les prises sportives ont été plus nombreuses que celles des bateaux de pêche à la traîne du golfe'.
' Ces faits sont tirés de l'affidavit de M. Griswald. Voir également la pièce A-4 de l'affidavit de M. Mazzone, daté du 6 juillet 1984.
On évalue qu'il y a eu en 1983 plus de 300 000 pêcheurs sportifs dans le golfe de Georgie.
Il est établi clairement qu'il y a une forte dimi nution du nombre de saumons de l'espèce quinnat, particulièrement de la variété autochtone ou sau- vage. Il est nécessaire de prendre des mesures de conservation, de protection et de reconstitution pour faire en sorte qu'à l'avenir les stocks soient suffisants.
Au début de l'audience, les membres de la requérante l'ont franchement admis.
En 1983, les prises de saumons quinnats dans le secteur intérieur ont été approximativement les suivantes:
par les bateaux de pêche à la traîne—environ 126 000;
par les pêcheurs sportifs-198 000 à 200 000.
Le ministre des Pêches et Océans de l'époque et ses fonctionnaires ont déclaré au début de 1984 qu'une réduction des prises était nécessaire. L'ob- jectif pour 1984, dans le secteur intérieur était d'environ 225 000 prises (ou poissons): une réduc- tion de 35 % par rapport à 1983.
La méthode de réduction proposée, pour permet- tre une remontée adéquate, visait à limiter la pêche à la traîne commerciale aux mois de juillet et août. Pendant ces mois, le poisson qui est pêché est le saumon coho. Toutefois, des saumons quin- nats sont pris à l'occasion. Jusqu'à maintenant, la plupart des saumons quinnats ont été pris pendant les mois d'avril, mai et juin.
Aucune restriction ou réduction précise relative à la pêche sportive n'a été proposée. il a été déclaré ou suggéré que les prises des pêcheurs sportifs pourraient, d'une certaine manière, être limitées. (Voir par exemple: affidavit de M. Gris- wald, pièces F, G; affidavit de M. Mazzone, daté du 6 juillet 1984, pièce Al, page 9; pièce A5, particulièrement à la page 2.)
À un certain moment, le chiffre de 160 000 pois- sons a été avancé.
Le 16 mars 1984, la proposition relative au secteur intérieur et aux autres secteurs a été com muniquée à l'industrie. Elle aurait pour effet, si elle était appliquée, de réduire les prises de la pêche à la traîne commerciale au niveau de 20 à 25 % de leurs prises de 1983: 20 000 à 25 000 poissons en 1984, par rapport à 125 620 en 1983.
Le 5 avril 1984, le Ministre de l'époque et les fonctionnaires de son Ministère, ont comparu devant le Comité permanent des pêches et des forêts. Le Ministre a donné l'explication suivante (pages 13:9 et 13:10):
M. De Bané: Monsieur le président, je peux répondre en partie aux questions qu'a posées mon collègue, M. Fraser, et je suis sûr qu'il voudrait peut-être les approfondir davantage avec les spécialistes du ministère sur les avis desquels je m'appuie.
Lorsque vous parlez du saumon chinook du Détroit de Geor- gia, les principaux stocks sont étiquetés depuis un certain nombre d'années, et dans le cas de la pêche sportive et commer- ciale, les étiquettes métalliques et codées permettent de déter- miner les stocks ont été pris. Les données de remonte sont sûres pour les stocks du détroit de Georgie, et la remonte continue à décliner, même celle de certains stocks piscicoles. Je peux vous dire que la remonte est de moins 30 p. 100 du taux optimal.
Les chalutiers du golfe et lçs pêcheurs sportifs sont les principaux utilisateurs, et le total de leur prise était de 326,000 en 1983. L'avis du comité technique est de réduire les prises de 35 p. 100 à 225,000. Le comité estime que pour la pêche sportive, la réduction des prises ne devrait pas être inférieure au nombre autorisé pour 1983, soit 200,000, de sorte que la réduction pour les chalutiers devait être de 80 p. 100. Ces derniers peuvent donc prendre 25,000 saumons chinnok [sic] lors de la campagne de cohoe de juillet et de [sic] août. Par le passé, il y a toujours eu d'importantes prises de chinook d'avril à juin et en septembre.
Quant à ce qu'il adviendrait du saumon chinook que les chalutiers du golfe ne réussirait pas à pêcher, la campagne de juillet à août proposée réduirait les prises par les chalutiers d'environ 100,000 chinook, dont 30,000 atteindront les frayères et 10,000 mourront de mort naturelle. L'on estime qu'en l'ab- sence de nouvelles restrictions sur la pêche sportive, les pêcheurs de ce secteur prendront la plus grande partie du reste.
M. Fraser: Monsieur le ministre, vous-même ou vos fonction- naires pourriez peut-être nous expliquer pourquoi les prises sportives seraient maintenues à 200,000 chinook dans le Golfe Georgia. Dans ce cas, ainsi comme vous l'avez dit, les chalutiers prendraient je ne sais pas si vous avez précisé" cela. Les 326,000 représentent les prises 'actuelles" Cbntbinées des pêcheurs sportifs et des Chalutiers" dons le gblfe.Lië Ministre a dit que cela serait réduit de 35 p. 100, ce qui porterait les prises à 225,000. Les prises sportives ne tomberaient pas à moins de 200,000, ce qui laisse 25,000 pour les chalutiers. Le ministre a dit aussi qu'environ 100,000 autres saumons chinook ne seraient pas pris, et il a ajouté que 30 p. 100 iraient aux frayères, soit 30,000, 10,000 mourraient, le reste étant pris par les pêcheurs sportifs. Ce que je ne comprend pas ...
M. De Bané: S'il n'y a pas de nouvelles restrictions à la pêche sportive, oui.
M. Fraser. Qu'entendez-vous par là, monsieur le ministre?
Je viens d'entendre l'un de mes collègues dire que c'était le grand «si» bien sûr que c'est un grand «si», car cela couvre 60,000 chinooks. Si pour donner 60,000 chinooks aux pêcheurs sportifs en plus de leurs prises de 1983, plusieurs centaines de chalutiers sont mis au bord de la faillite ou font faillite, on peut se demander ce que deviennent les critères de conservation. Je reconnais bien sûr que 30,000 chinooks de plus dans les fiayè- res valent mieux que rien, mais je me demande vraiment comment on peut demander aux chalutiers d'appuyer cette mesure avec enthousiasme alors qu'ils pourront démontrer faci- lement que leur réduction profitera à quelqu'un d'autre, sans que les poissons aillent aux frayères.
Le président: Monsieur le ministre.
M. De Bané: Voyez-vous, monsieur le président, M. Fraser a bien résumé la question. Ce que j'ai dit c'est que la remonte est inférieure à 30 p. 100 du taux optimal, et l'avis que j'ai reçu était donc de réduire les prises combinées des pêcheurs sportifs et des chalutiers d'environ 100,000 , soit de 325 par exemple 225. En supposant que la pêche sportive reste ce qu'elle est, avec des prises de 200,000, soit une diminution notable par rapport aux 300,000 qu'elles étaient en 1981—nous avons donc diminué leurs prises de 100,000—et comme vous le dites, sur ces 100,000 que nous retirons aux pêcheurs sportifs, 30,000 se rendront aux frayères, 10,000 mourront de mort naturelle, et le reste sera pêché par les pécheurs sportifs, en l'absence de nouvelles restrictions les concernant. Avec votre permission, puis-je demander à M. Wayne Shinners de développer cet aspect? [C'est moi qui souligne.]
Plus loin dans les débats, on a demandé au Ministre si les prises des pêcheurs sportifs allaient être réduites en 1984. Le Ministre n'a pas donné de réponse précise (voir les pages 13:16 13:17 et 13:24). Toutefois, il a réitéré son intention d'accor- der une plus grande importance à ces utilisateurs.
Le 16 avril 1984, comme je l'ai mentionné pré- cédemment, les ordonnances ou les décisions qui sont maintenant contestées ont été prises.
Le conseil consultatif ministériel s'est réuni du 16 au 18 avril. Le conseil était formé de représentants des divers groupes intéressés par le saumon et la pêche dans la région du Pacifique. M. Griswald, le président de la société requérante, en était membre. Le conseil consultatif donne des conseils au Ministre directement ou par l'entre- mise du directeur général de la région du Pacifique.
Une partie du procès-verbal de la réunion du conseil a été présentée en preuve. Dans les extraits suivants, M. Griswald est le président de la requé- rante, M. Schutz est le coordonnateur régional du saumon de Pêches et Océans et M. Shinners est le
directeur général régional pour la région du Pacifique.
Voici les pages 15 et 16 du procès-verbal:
[TRADUCTION]
Griswold [sic]: Quels sont les plans du ministère des Pêches et Océans dans le cas le nombre maximal de prises de saumons quinnats est dépassé?
Schutz: La période du 1°f juillet au 31 août constitue deux mois garantis peu importe le nombre de prises. Nous avons également dit que nous serions en faveur d'une prolongation de cette période si le nombre de prises n'est pas atteint.
Griswold [sic]: Il est biologiquement nécessaire de limiter les prises dans le golfe à 225 000 saumons quin- nats. Que fera le Ministère si ce plafond est atteint au début de la saison?
Shinners: Je suis d'avis qu'il faut interrompre la pêche. Le gouvernement est-il prêt à imposer un contingent à la pêche sportive? C'est toute la question.
Griswold [sic]: Y aurait-il réattribution de nos prises à la pêche sportive ou y aurait-il diminution des prises sportives?
Shinners: Diminution des prises de la pêche sportive.
Nichol: M. Shinners a déclaré sur les ondes de la radio de Radio-Canada qu'il était absurde de proposer une réduction équivalente celle de la pêche à la traîne] pour la pêche sportive dans le détroit de Georgie. Comment pouvez- vous justifier une telle affirmation? Cela équivaut à la réattribution?
Shinners: Il s'agit de réattribution si la situation de la pêche sportive n'est pas modifiée. Nous nous attendons à ce que le gouvernement impose des restrictions à la pêche sportive.
Nous avons un problème avec le saumon quinnat le long de la côte, et les accords canado-américains visent plusieurs stocks. Ces stocks [détroit de Georgie] ne sont pas visés dans la même mesure par les pêches des États-Unis. Lorsque c'est possible, nous devons faire quelque chose au niveau natio nal.
Le fait de permettre la prise de 325 000 quin- nats et la remonte de seulement 25 000 pois- sons dans le détroit de Georgie dénote une incompétence totale.
Vous avez raison en ce qui a trait aux consé- quences sur les bateaux de pêche à la traîne du golfe. Ils seront éliminés. Nous leur demandons de supporter une ultime pénalité.
Je suis d'avis que le fonctionnaire supérieur de la région de la côte du Pacifique a clairement dit que la réduction de la saison de pêche à la traîne sans restrictions pour les pêcheurs sportifs équi-
vaut à la réattribution de prises de saumon quinnat.
J'examine maintenant les arguments des parties.
Selon la requérante, les pouvoirs des intimés et du Parlement en ce qui concerne «Les pêcheries des côtes de la mer et de l'intérieure; se limitent aux questions de protection et de conservation des ressources; les questions relatives à la gestion et au contrôle, nécessairement accessoires aux mesures de protection et de conservation, sont permises. Les ordonnances contestées visent deux objectifs principaux: la conservation et la reconstitution des stocks de saumon quinnat tout en préférant la pêche sportive et en lui attribuant des prises; le second objectif est une considération accessoire et inconstitutionnelle; les décisions doivent être annulées.
Voici les arguments des intimés: le gouverne- ment fédéral a non seulement le pouvoir d'assurer la conservation et la protection des ressources halieutiques mais, pour cela, il peut gérer les res- sources dans l'intérêt du public en général; il a le pouvoir de préférer un utilisateur par rapport à un autre et de lui attribuer des prises. Subsidiaire- ment, si le pouvoir fédéral ne vise que la conserva tion, la protection et la reconstitution alors, les décisions concernées visent fondamentalement ces fins; la préférence d'un utilisateur par rapport à un autre ou l'attribution à celui-ci d'un contingent de prises est simplement accessoire; la modification des périodes de fermeture est par conséquent bien fondée. En outre, les intimés font valoir que les décisions contestées ne sont pas des décisions ou des mesures administratives, mais résultent plutôt de fonctions législatives; il n'y a donc pas lieu à certiorari.
Toutes les décisions pertinentes traitant du pou- voir fédéral relatif aux pêcheries ont été citées'. Le
2 Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, 5] (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1), par. 91(12).
3 The Queen v. Robertson (1882), 6 Can. R.C.S. 52, aux pp. 120 et 121; Reference as to constitutional validity of certain sections of Fisheries Act, 1914, [1928] R.C.S. 457; Attorney - General for Canada v. Attorney -General for British Columbia, [1930] A.C. 111 (P.C.); Mark Fishing Co. Ltd. v. United Fishermen & Allied Workers' Union et al. (1972), 24 D.L.R. (3d) 585 (C.A.C.-B.), aux pp. 591 et 592, confirmé par (1974), 38 D.L.R. (3d) 316 (C.S.C.); Interprovincial Co-operatives Ltd. et al. c. La Reine, [1976] 1 R.C.S. 477; Fowler c. La Reine, [ 1980] 2 R.C.S. 213.
juge Martland qui a rendu l'arrêt Fowler de la Cour suprême du Canada a passé en revue les décisions que j'ai énumérées. La Cour a approuvé les motifs dissidents du juge en chef Laskin dans l'arrêt Interprovincial Co-operatives la page 495):
A mon avis, il est insoutenable de s'attacher aux mots d'un arrêt, tels que «visant leur réglementation, leur protection et leur conservation*, dans les motifs de La Reine c. Robertson, et de leur donner, du point de vue constitutionnel, une portée littérale. Le pouvoir fédéral sur les pêcheries ne s'étend pas à la protection des droits privés ou provinciaux dans les pêcheries par la voie de recours en dommages-intérêts ou de redresse- ments accessoires pour atteinte à ces droits. 11 vise plutôt la protection et la conservation des pêcheries, à titre de richesse pour le public, et le contrôle et la réglementation de leur exploitation abusive ou nuisible, quel qu'en soit le propriétaire, et même la suppression de l'exercice du droit par le proprié- taire. Je ne vois rien dans la Loi contestée du Manitoba qui empiète sur l'autorité législative fédérale relative aux pêcheries. [C'est moi qui souligne.]
D'après moi, la conservation et la reconstitution des stocks sont visées par la «protection et la conservation» des pêcheries à titre de richesse pour le public. La gestion et le contrôle s'ils sont néces- sairement accessoires à la protection et à la conser vation, relèvent également du pouvoir législatif fédéral.
Par conséquent, je n'admets pas l'argument des intimés selon lequel il existe un pouvoir fédéral de gestion et de contrôle des pêches pour les besoins des Canadiens, qui soit distinct de toute considéra- tion en matière de protection ou de conservation.
Il ressort de la preuve qui m'a été présentée que les modifications apportées le 16 avril aux périodes de fermeture totale étaient fondées sur deux motifs: la nécessité d'assurer la conservation et l'intention de favoriser les pêcheurs sportifs qui utilisent les ressources. Le motif de la conservation constituait une «ultime pénalité» au détriment de la pêche à la traîne commerciale dans le secteur intérieur. La préférence discriminatoire visait la pêche sportive. Les intimés savaient que la réduc- tion des prises et de la saison de pêche des bateaux de pêche à la traîne permettrait à environ 30 000 saumons quinnats de s'échapper à des fins de protection et de conservation mais que, en même temps, elle livrerait environ 60 000 saumons quin- nats à la pêche sportive.
Les décisions que les intimés ont prises le 16 avril s'inspirent, à mon avis, de deux motifs dispa-
rates et dominants: la conservation et les attribu tions en matière de gestion socio-économique.
Le second objectif outrepasse, à mon avis, les pouvoirs constitutionnels permis. Les deux considé- rations sont inextricablement liées. Dans ces cir- constances, la Cour ne peut trancher. Les décisions doivent être annulées. De Smith dans l'ouvrage intitulé Judicial Review of Administrative Action, 4 e éd. par J. M. Evans, Londres, Stevens & Sons
Limited, 1980, aux pages 325 332, a analysé toute cette question de savoir si les décisions admi- nistratives peuvent, dans ces circonstances, être contestées avec succès. Je mentionne particulière- ment le passage à la page 332:
[TRADUCTION] (5) L'un des objectifs visés était-il non auto- risé? Le cas échéant et si l'objectif non autorisé a réellement influencé la conduite de l'auteur, le pouvoir n'a pas été exercé d'une manière valide parce qu'on a tenu compte de considéra- tions étrangères.
et les motifs du juge P. O. Lawrence, dans la décision Sadler v. Sheffield Corporation, [ 1924] 1 Ch. 483, aux pages 504 et 505.
Finalement, j'examine l'argument selon lequel les décisions modificatives du 16 avril 1984 décou- lent de fonctions purement législatives et non de fonctions administratives. On mentionne l'alinéa 34m) de la Loi sur les pêcheries [S.R.C. 1970, chap. F-14] et le paragraphe 5(1) du Règlement [Règlement de pêche commerciale du saumon dans le Pacifique, C.R.C., chap. 823 (mod. par DORS/82-529, art. 3)]. En vertu de l'alinéa 34m) de la loi, le gouverneur en conseil peut édicter des règlements
34....
m) autorisant une personne engagée ou employée à l'admi- nistration ou l'application de la présente loi à modifier une période de temps prohibé ou la quantité maximum de poisson qu'il est permis de prendre, que les règlements ont fixées.
Voici le texte actuel du Règlement:
5. (1) Le directeur régional ou un fonctionnaire des pêcheries peut modifier les périodes de fermeture ou les contingents fixés dans le présent règlement pour un cours d'eau, un secteur ou un sous-secteur donné.
Les intimés se sont fondés sur l'arrêt Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735. On peut clairement établir une distinction entre l'espèce et cet arrêt. La Cour suprême en examinant les diverses lois
qui étaient à l'étude, et particulièrement la Loi nationale sur les transports [S.R.C. 1970, chap. N-17, art. 64], a jugé, notamment, que le Cabinet fédéral exerçait une fonction législative; il n'y avait pas lieu à contrôle judiciaire.
En l'espèce, les fonctions attribuées au directeur régional ou à un fonctionnaire des pêcheries sont, à mon avis, clairement administratives et non législatives.
La requérante aura gain de cause relativement à sa requête.
Je ne rendrai pas maintenant de décision ou d'ordonnance formelle. Je voudrais entendre les avocats relativement à deux points:
a) Le libellé précis des sept ordonnances ou avis à annuler. Tout ce que j'ai devant moi en ce moment, c'est un exemple, joint comme pièce «BD à l'affidavit de M. Shinners.
b) La date à laquelle la décision devrait entrer en vigueur. Si elle entrait en vigueur immédiate- ment, il se peut que des pêcheurs à la traîne qui réussiraient à prendre du saumon violent le Règlement.
La requérante recouvrera les dépens de sa requête.
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