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T-617-83
Universal City Studios, Inc. et Merchandising Corporation of America, Inc. (demanderesses)
c.
Zellers Inc. (défenderesse)
Division de première instance, juge Walsh— Ottawa, 15 juin et 4 juillet 1983.
Droit d'auteur Demande d'injonction interlocutoire Solide preuve prima facie de violation des droits d'auteur découlant du film 'E.T. L'Extra-Terrestre» L'incertitude quant à l'existence du droit à la protection des droits d'auteur ne suffit pas pour refuser l'injonction Étant donné la gravité des conséquences et l'importance du principe en cause, le fait que le dommage subi ne soit pas irréparable au sens strict ne justifie pas le refus de l'injonction La balance des inconvénients penche en faveur des demanderesses Injonc- tion accordée Loi sur le droit d'auteur, S.R.C. 1970, chap. C-30, art. 46(1) Loi sur les dessins industriels, S.R.C. 1970, chap. I-8 Copyright Act, 1911, 1 & 2 Geo. 5, chap. 46, art. 22.
Dessins industriels Requête en injonction interlocutoire ordonnant la remise des poupées E.T. et des porte-clés E.T. ayant l'apparence de cartes de crédit pour violation de droits d'auteur La défenderesse allègue que les poupées auraient être enregistrées en vertu de la Loi sur les dessins indus- triels et non en vertu de la Loi sur le droit d'auteur Cette dernière Loi n'exige pas une représentation de l'objet La nature même du sujet peut-elle faire l'objet de droits d'au- teur? Une demande d'injonction interlocutoire ne doit pas être l'occasion de trancher une difficile question de droit Une injonction est accordée si une importante question doit être débattue Loi sur les dessins industriels, S.R.C. 1970, chap. I-8 Loi sur le droit d'auteur, S.R.C. 1970, chap. C-30.
La présente demande d'injonction interlocutoire ordonnant la remise d'articles, de leur emballage et du matériel publicitaire s'y rapportant, découle de la violation qui aurait été faite des droits d'auteur des demanderesses sur les poupées et les porte- clés E.T., inspirés par le film «E.T. L'Extra-Terrestre». La défenderesse allègue que les poupées E.T. n'ont pas droit à la protection de la Loi sur le droit d'auteur parce qu'elles auraient être enregistrées en vertu de la Loi sur les dessins industriels. La défenderesse soutient également que la pour- suite de la vente des articles qui auraient été fabriqués en violation des droits d'auteur ne causerait pas un dommage irréparable aux demanderesses, mais qu'elle subirait pour sa part des pertes importantes si l'injonction était accordée; elle ajoute que la vente de ces articles constitue une publicité additionnelle pour les demanderesses. Elle prétend finalement que le délai de six mois écoulé avant l'introduction des poursui- tes constitue un acquiescement et fait remarquer que d'autres ventes violant les droits d'auteur ont lieu.
Jugement: la requête devrait être accueillie et une ordon- nance adressée à la défenderesse pour lui interdire de vendre lesdits articles. La demanderesse peut garder les articles en sa possession mais elle doit s'engager à ne pas faire de publicité
sur ceux-ci ni à les vendre. Les tribunaux doivent traiter avec sévérité les tentatives de contrefaçon. Il n'y a pas lieu à ce stade des procédures de déterminer si les poupées non approuvées sont de qualité inférieure. La question de savoir si les demande- resses ont droit à la protection de la Loi sur le droit d'auteur ne devrait pas empêcher le tribunal de rendre une injonction interlocutoire étant donné qu'il a été décidé dans l'affaire American Cyanamid que, lorsque les autres conditions d'une injonction interlocutoire sont satisfaites, elle ne doit pas être refusée si une importante question doit être débattue.
En ce qui concerne la question du préjudice irréparable, la possibilité de recouvrer des dommages-intérêts n'est pas, dans tous les cas, une solution satisfaisante à une action intentée contre un contrefacteur lorsque les demandeurs possèdent une solide preuve prima facie. Dans de tels cas, il faut examiner la balance des inconvénients et, en l'espèce, elle penche nettement en faveur des demanderesses. L'intérêt de ces dernières ne se limite pas à un simple intérêt pécuniaire qui peut être indem- nisé par le paiement de dommages-intérêts ou par la présenta- tion d'un état comptable des profits réalisés. Il faut souligner l'importance du principe général de la protection des articles résultant, par ricochet, de la réalisation d'un film. La difficulté d'évaluer le montant des dommages n'est pas un motif pour n'en accorder aucun.
Le laps de temps écoulé avant l'introduction des poursuites ne constitue pas un acquiescement et le fait que d'autres personnes vendent des articles contrefaits ne constitue pas un moyen de défense en l'espèce. Les prétentions de la défende- resse selon lesquelles elle subira des pertes importantes si on l'empêche de continuer à vendre les articles contrefaits, ou qu'elle fournit une publicité additionnelle pour les demanderes- ses, étaient inadmissibles.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Webb & Knapp (Canada) Limited et autre c. La Ville d'Edmonton, [1970] R.C.S. 588; Smith Kline & French Canada Ltd. c. Frank W. Horner, Inc. (1982), 68 C.P.R. (2d) 42 (C.F. 1'e inst.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Fruit of the Loom, Inc. c. Chateau Lingerie Mfg. Co. Ltd. (1982), 63 C.P.R. (2d) 51 (C.F. 1'° inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
American Greetings Corporation et autres c. Oshawa Group Ltd. et autres (1982), 69 C.P.R. (2d) 238 (C.F. l'° inst.); King Features Syndicate Incorporated, and ano ther v. O. and M. Kleeman, Limited, [1941] A.C. 417 (H.L.); The Bulman Group Ltd. v. Alpha One -Write Systems B.C. Ltd. et autre (1981), 54 C.P.R. (2d) 179 (C.F. Appel), infirmant (1980), 54 C.P.R. (2d) 171 (C.F. '1'e inst.); Formules Municipales Ltee c. Pineault et autre (1975), 19 C.P.R. (2d) 139 (C.F. 1' 0 inst.).
DÉCISION CITÉE:
Con Planck, Limited v. Kolynos, Incorporated, [1925] 2 K.B. 804 (K.B.D.).
AVOCATS:
S. Block et P. Jackson pour les demanderes- ses.
H. Richard et F. Grenier pour la défende- resse.
PROCUREURS:
Rogers, Bereskin & Parr, Toronto, pour les demanderesses.
Léger, Robic & Richard, Montréal, pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE WALSH: Les demanderesses requièrent une injonction interlocutoire ordonnant à la défen- deresse de remettre toutes les poupées E.T., leur emballage et le matériel publicitaire s'y rapportant dont elle a la charge, la garde ou la surveillance, à la garde provisoire des procureurs des demanderes- ses ou de la Cour en attendant qu'une décision finale soit rendue dans la présente action. Les poupées et leur emballage sont décrits dans la requête. Les demanderesses demandent également que tous les porte-clés E.T. ayant l'apparence de cartes de crédit, leur emballage et le matériel publicitaire s'y rapportant soient remis de la même façon, qu'il soit interdit à la défenderesse de fabri- quer, d'importer, de distribuer, et de vendre toutes poupées E.T. et tous porte-clés E.T. qui n'ont pas été approuvés par les demanderesses et d'en faire la publicité, et finalement, que la défenderesse fournisse aux procureurs des demanderesses un état comptable indiquant le nombre de poupées E.T. et de porte-clés E.T. non approuvés ou la quantité de tous les autres articles E.T. non approuvés dont elle a la charge, la garde ou la surveillance. La présente requête a été présentée le 4 mars 1983 et l'audition en a été reportée au 11 avril 1983 afin de permettre aux parties de procé- der au contre-interrogatoire. Elle a ensuite été de nouveau remise au 18 avril, le procureur des demanderesses ayant demandé des services d'inter- prétation simultanée. La requête a finalement été entendue à Ottawa le 15 juin. L'action a été intentée à la suite de la vente au Canada par la défenderesse de marchandises qui auraient été fabriquées en violation des droits d'auteur des demanderesses découlant du film intitulé «E.T. L'Extra-Terrestre». En mars 1981, Universal a engagé la compagnie Extra -Terrestrial Produc tions, Inc. pour réaliser le film. Universal devait
posséder tous les droits et droits d'auteur sur le film et la créature mécanique connue sous le nom de «E.T.» Le même mois, la compagnie Extra -Ter restrial Productions, Inc. retenait les services de la compagnie Carlo Rambaldi Enterprises Inc. pour dessiner et créer E.T. et il était entendu que tous les droits d'auteur sur E.T. appartiendraient à Extra -Terrestrial Productions, Inc. et par consé- quent, à Universal. De mars à août 1981, Carlo Rambaldi, qui était alors président de Carlo Ram- baldi Enterprises Inc., a créé les premières esquis- ses originales de E.T. Des copies de celles-ci et des photographies de E.T. dans son apparence défini- tive ont été fournies. Les prises de vue ont com- mencé en septembre 1981; le film a été réalisé par Steven Spielberg et Kathleen Kennedy qui agis- saient en vertu de contrats de services dans l'exer- cice de leur emploi chez Extra -Terrestrial Produc tions, Inc. En novembre 1982, une série de cessions a confirmé le droit de propriété d'Universal sur tous les droits d'auteur portant sur E.T., les photo- graphies et les dessins le représentant, de même que sur le film. En vertu de celles-ci, Carlo Ram- baldi a cédé son droit de créateur à Carlo Ram- baldi Enterprises Inc., qui a cédé tous ses droits à Extra -Terrestrial Productions, Inc. Steven Spiel- berg et Kathleen Kennedy ont cédé leurs droits à Extra -Terrestrial Productions, Inc. qui, à son tour, a cédé les siens à la co-demanderesse, Universal City Studios, Inc. Universal a enregistré au Canada, au Bureau du droit d'auteur, ses droits d'auteur sur l'oeuvre artistique constituée par la sculpture E.T. et sur le film. Le de série 318012 correspond à l'oeuvre dramatique publiée et intitu- lée «E.T. L'Extra-Terrestre», qui a été enregistrée le 26 juillet 1982; le 320738 à l'oeuvre dramati- que et artistique, publiée et intitulée «E.T. L'Ex- tra-Terrestre», qui a été enregistrée le 3 décembre 1982, et le 321014 à l'oeuvre artistique publiée et intitulée «E.T.» (sculpture) qui a été enregistrée le 17 décembre 1982.
Le film a été présenté au public le 11 juin 1982 ou aux environs de cette date; il a connu un succès énorme, devenant le film qui, de tous les temps, a rapporté le plus de recettes. Au 17 février 1983, ce film avait rapporté plus de 293 241 000 $, avec plus de 104 365 000 entrées aux États-Unis. À la même date, Universal avait dépensé plus de 6 300 000 $ US aux États-Unis pour la publicité de son film dans les médias, dans des cahiers de
presse, etc., et une partie de cette publicité a atteint le public canadien. Le film a également connu un très grand succès au Canada et a fait l'objet de beaucoup de publicité dans la presse canadienne et les journaux et magazines améri- cains à fort tirage au Canada. C'est pourquoi les droits d'auteur de ce film ont pris une très grande valeur. La demanderesse Universal a accordé plu- sieurs licences autorisant diverses entreprises à fabriquer et à vendre des marchandises représen- tant E.T. ou se rapportant à celui-ci. La qualité et le dessin de chaque produit fabriqué en vertu d'une licence doivent d'abord être approuvés par Univer sal, par l'intermédiaire de sa mandataire chargée d'accorder les licences, la co-demanderesse Mer chandising Corporation of America, Inc.
Dans son affidavit présenté au nom des deman- deresses, John Nuanes déclare avoir appris en octobre 1982 que la défenderesse Zellers Inc. ven- dait des poupées E.T. en plastique dans des enve- loppes de plastique fermées par des étiquettes de carton paraissaient, de chaque côté, des photo- graphies de E.T. et de Elliott. Zellers se les est procurées auprès de la compagnie International Games of Canada Ltd.; ces poupées sont fabri- quées à Taiwan et n'ont été approuvées ni par Universal ni par sa mandataire Merchandising. Le 25 octobre 1982, des lettres étaient envoyées à Zellers Inc. et à International Games of Canada Ltd. pour les informer de l'existence des droits d'auteur d'Universal et leur demander de cesser la vente des articles E.T. non approuvés. Internatio nal Games of Canada Ltd. a rapidement accepté de cesser la vente de tous les articles E.T. non approuvés et a fourni un engagement écrit à cet effet. Zellers a toutefois refusé de cesser de vendre les poupées E.T. non approuvées.
En novembre 1982, le témoin a appris que Zel- lers vendait des porte-clés sur lesquels apparais- saient des photographies tirées du film. Il s'agit d'anneaux munis d'un jeu de cinq petites feuilles de plastique portant chacune deux photographies dont plusieurs représentent E.T. et dont beaucoup sont tirées du film. Ils n'ont pas non plus été approuvés par les demanderesses. Les demanderes- ses soutiennent qu'ils sont de mauvaise qualité et qu'ils vont nuire aux efforts qu'elles-mêmes et
leurs preneurs de licence ont faits pour se créer une clientèle. Elles allèguent la même chose en ce qui concerne les poupées qui peuvent être vendues à un prix beaucoup moins élevé que les poupées vendues sous licence, parce que, d'une part, elles leur semblent être de qualité inférieure et, d'autre part, la défenderesse peut tirer profit de la réputa- tion des demanderesses et de leur coûteuse campa- gne publicitaire sans dépenser ses propres fonds pour en faire la promotion.
Une copie de l'entente intervenue le 23 septem- bre 1977 entre Universal City Studios, Inc. et Merchandising Corporation of America, Inc. con- firme un ancien accord désignant Merchandising comme le preneur de licence exclusif d'Universal et sa mandataire pour l'octroi de licences relatives à l'exploitation des droits de commercialisation de ses biens, et l'autorisant à diviser en parts égales les revenus qui en sont tirés, à accorder des licen ces à des tiers comme sous-preneurs et à exercer un droit de regard sur la publicité, la qualité et les normes de fabrication des marchandises. Des échantillons doivent être remis périodiquement à Universal pour qu'elle les inspecte et les approuve. Cette entente générale couvrait les articles E.T.
L'examen des poupées déposées devant la Cour révèle qu'il ne fait pas le moindre doute que les poupées non approuvées cherchent à reproduire les poupées E.T. approuvées. Il n'y a pas lieu à ce stade des procédures de déterminer, en l'absence du témoignage d'un expert, si elles sont de qualité inférieure, comme l'allèguent les demanderesses et le nie la défenderesse. Les poupées vendues sous licence sont certes d'une conception plus minu- tieuse et comportent plus de parties mobiles; en revanche, elles sont peut-être plus fragiles. Il ne fait cependant aucun doute qu'elles sont tirées de la représentation originale de E.T. et qu'elles ne constituent pas une conception ou un dessin origi nal. Zellers connaissait bien ces différences puis- qu'elle a aussi vendu quelques poupées E.T. approuvées qu'elle avait probablement obtenues par l'intermédiaire de titulaires de licence. Zellers était peut-être de bonne foi en ce qui concerne ses premiers achats auprès d'International Games of Canada qui lui fournit régulièrement des marchan- dises, et elle affirme en fait qu'elle tient cette compagnie responsable de toutes les conséquences qui peuvent résulter de la vente de ces poupées.
Cette question ne concerne qu'International Games of Canada Ltd. et Zellers, et ne fait pas partie du litige qui a été soumis à la Cour même si le témoin de Zellers a expliqué, au moment du contre-interrogatoire sur son affidavit, que les pro- cédures avaient été ajournées en avril parce qu'on s'attendait à la conclusion d'un accord entre les deux compagnies, accord qui ne s'est toutefois pas concrétisé. Zellers a cependant retiré tous les porte-clés du marché en janvier, et en mars, après l'institution des procédures d'injonction, a cessé de vendre tous les articles présumés contrefaits.
Zellers souligne qu'il ne s'agit pas d'une action en passing off et que la Cour n'aurait pas compé- tence pour entendre une telle action, mais que l'action doit plutôt se limiter à la violation de droits d'auteur ce qui ne comprend aucune récla- mation pour dommages causés à la réputation. Néanmoins, les demanderesses ont accordé des licences à plus de soixante preneurs qui sont auto- risés à vendre les marchandises canadiennes et certains se plaignent à bon droit de la concurrence créée par les articles contrefaits; les deux deman- deresses subiraient des pertes considérables si les articles contrefaits pouvaient continuer à être écoulés sur le marché à des prix probablement inférieurs à celui des articles approuvés, et ce, que les articles contrefaits soient de qualité inférieure ou non.
Il n'est pas rare que des droits sur des articles divers—poupées, porte-clés, T-shirts, affiches décoratives, etc.—inspirés par un film qui a cap- tivé l'imagination du public, comme ce fut le cas pour «E.T. L'Extra-Terrestre», aient une valeur immense pour ceux qui ont réalisé le film et conçu les articles qui en sont tirés. Il suffit de penser aux personnages de Walt Disney comme Mickey Mouse et Donald Duck pour mesurer les possibili- tés offertes par une telle distribution et la tentation que l'on peut avoir de les imiter, comme cela est souvent arrivé avec les casse-tête et les jouets comme le cube Rubik, les premiers frisbees, les yo-yo, etc. Il va de soi que les tribunaux doivent traiter avec sévérité ces tentatives de contrefaçon, qu'il s'agisse de droits d'auteur, de marques de commerce, de dessins industriels ou de brevets, afin de protéger les intérêts pécuniaires de leurs créateurs. En l'espèce toutefois, la défenderesse allègue que les poupées auraient être enregis-
tries en vertu de la Loi sur les dessins industriels [S.R.C. 1970, chap. I-8] et non en vertu de la Loi sur le droit d'auteur [S.R.C. 1970, chap. C-30], et que les compagnies américaines intéressées en l'es- pèce ne connaissent pas la distinction qui est faite au Canada, puisqu'il n'existe pas aux Etats-Unis de loi équivalente à la Loi sur les dessins indus- triels. La Loi sur le droit d'auteur n'exige pas une représentation de l'objet, en l'espèce de la poupée E.T. dont on envisage la fabrication et, en fait, la défenderesse soutient que les affidavits présentés à ce stade des procédures et les pièces qui y sont annexées n'indiquent pas clairement l'origine des poupées. M. Nuanes, témoin des demanderesses, a admis dans le contre-interrogatoire sur son affida vit, qu'une des photographies de E.T. produites était tirée d'un magazine américain; aucune image agrandie du film n'a été déposée, mais des copies des dessins originaux qui ont servi à la création de E.T. l'ont toutefois été. Les personnages mécani- ques qui ont été utilisés dans le film et qui étaient évidemment les personnages originaux, n'ont pas été produits au Canada et ne le seront probable- ment pas.
J'ai eu récemment l'occasion de traiter de cette question assez compliquée dans l'arrêt American Greetings Corporation et autres c. Oshawa Group Ltd. et autres [(1982), 69 C.P.R. (2d) 238 (C.F. ire inst.)] jugement daté du 15 octobre 1982 et qui a trait à des marchandises contrefaites connues sous le nom de «Douces poupées aux fruits» et à leur emballage. Les demanderesses avaient créé des cartes de voeux représentant une série de personnages connus sous les noms de «Fraisinette», «Bleuette», «Framboisine», «Pomme Bout d'Chou» et «Citronette», et avaient mis sur pied un pro gramme d'octroi de licences pour la fabrication de jouets et la commercialisation générale d'articles se rapportant notamment au personnage du nom de «Fraisinette». La vente des poupées créées à partir de dessins protégés par le droit d'auteur au Canada avait rapporté plus de 14 000 000 $ de février 1980 septembre 1982. Les faits de cette action ressemblent beaucoup à ceux de l'espèce. Dans cette affaire, on craignait également que la vente de poupées, que l'on disait de qualité infé- rieure, ne porte atteinte à la réputation des deman- deresses qui, par conséquent, n'ont pas consenti à permettre aux défenderesses d'écouler leurs stocks même si elles en remettaient un état comptable. On trouve le passage qui suit à la page 242 du jugement:
Quoi qu'il en soit, indépendamment des dommages que ces jouets ou d'autres jouets pourraient causer à la réputation des demanderesses, il est évident que les acheteurs des «Douces poupées aux fruits» seraient des acheteurs éventuels des poupées «Fraisinette», même si ces dernières coûtent plus cher, et que les profits tirés de ces ventes seraient perdus.
On a soutenu que l'enregistrement ne protégeait pas les poupées fabriquées à partir de dessins qui auraient être enregistrés en vertu de la Loi sur les dessins industriels. On a invoqué le paragraphe 46(1) de la Loi sur le droit d'auteur qui dit:
46. (1) La présente loi ne s'applique pas aux dessins suscepti- bles d'être enregistrés en vertu de la Loi sur les dessins industriels, à l'exception des dessins qui, tout en pouvant être enregistrés de cette manière, ne servent pas ou ne sont pas destinés à servir de modèles ou d'échantillons, pour être multi- pliés par un procédé industriel quelconque.
Dans cette affaire, les demanderesses ont prétendu que les dessins, une fois créés, n'étaient pas desti- nés à servir de modèles ou d'échantillons pour être multipliés par un procédé industriel quelconque, ce qui n'est évidemment pas le cas en l'espèce. On a examiné la jurisprudence dont les arrêts anglais Con Planck, Limited v. Kolynos, Incorporated' et King Features Syndicate Incorporated, and ano ther v. O. and M. Kleeman, Limited 2 . Dans ce dernier arrêt, qui portait sur le droit d'auteur se rattachant au personnage de bandes dessinées Popeye, les demanderesses avaient cédé des licen ces pour la fabrication de poupées, de jouets méca- niques, de broches et d'autres articles représentant Popeye. Il a été jugé que les poupées et les broches des défenderesses étaient des reproductions sous une forme matérielle de l'oeuvre artistique origi- nale des demanderesses et ce, même si elles n'avaient pas été tirées directement de croquis proposés mais de reproductions matérielles décou- lant directement ou indirectement de l'ceuvre ori- ginale, et que l'effet de l'article 22 du Copyright Act, 1911 [1 & 2 Geo. 5, chap. 46], d'Angleterre, n'était pas de mettre un terme à un droit d'auteur existant et d'acquitter les contrefacteurs. J'ai dit à la page 244 du jugement concernant les «Douces poupées aux fruits»:
Même si je suis loin d'être convaincu de la validité de l'argument des défenderesses, il faut se rappeler que la présente action n'est pas une action en passing off mais une action pour violation de droit d'auteur et que leur argument pourrait consti- tuer un moyen de défense valable s'il fallait conclure que les poupées elles-mêmes n'étaient pas comprises dans les dessins artistiques protégés par le droit d'auteur des demanderesses.
' [1925] 2 K.B. 804 [K.B.D.]. 2 [1941] A.C. 417 [H.L.].
On ne peut en dire autant des boîtes elles-mêmes qui sont aussi protégées par le droit d'auteur et qui comportent des dessins artistiques protégés par le droit d'auteur des demande- resses. Un coup d'oeil suffit pour constater que l'emballage des poupées des défenderesses, les représentations artistiques qui s'y trouvent ainsi que les poupées elles-mêmes ressemblent telle- ment à ceux des demanderesses qu'on peut conclure à l'inten- tion de tromper. Ce point n'a pas été débattu avec beaucoup de sérieux par les défenderesses. Il n'y a pas lieu à ce stade des procédures de déterminer si les poupées pourraient être retirées de leur emballage, qui viole manifestement des droits d'auteur, et être vendues sans emballage ou dans des boîtes ne portant pas d'illustrations.
En l'espèce, Zellers a retiré l'emballage des pou- pées qui sont maintenant vendues non emballées afin de faire disparaître les illustrations représen- tant E.T. et Elliott de la marchandise vendue. Cela ne change cependant rien au fait que la poupée elle-même ressemble indéniablement à la version des poupées E.T. qui font l'objet d'une licence. Dans l'arrêt The Bulman Group Ltd. c. Alpha One -Write Systems B.C. Ltd. et autre', le juge Addy a déclaré à la page 174:
Fondamentalement une injonction interlocutoire est un mécanisme pratique, une procédure, au moyen duquel la Cour peut empêcher ce qu'elle considère de prime abord comme une injustice, cause d'un dommage permanent, d'être prolongée tant que le litige ne sera pas résolu définitivement.
et un peu plus loin à la même page:
Habituellement celui à qui l'on reproche d'avoir violé les droits d'auteur ne doit pas pouvoir contester en cet état de la cause la validité du droit d'auteur, motif pris d'absence d'origi- nalité, d'inexistence d'un quelconque caractère unique ou tout autre motif similaire, afin d'éviter l'assujettissement à une injonction interlocutoire pour sa violation. Comme W. R. Jac- kett, l'ancien juge en chef de la Cour, l'a dit dans son ouvrage intitulé La Cour fédérale du Canada, Manuel de pratique (1971), à la p. 63:
Ainsi, en matière de propriété industrielle, lorsqu'on a nette- ment affaire à un cas de reproduction ou autre empiètement sur un droit enregistré et reconnu en vertu d'une loi cana- dienne et que le défendeur essaie de trouver quelque motif pour attaquer la validité du droit après qu'il s'est fait prendre en état d'infraction, j'estime que, pour faire respecter la loi, il faut enjoindre au contrevenant de cesser jusqu'à ce qu'il réussisse à invalider les droits qu'il s'est ainsi appropriés.
Lorsque, toutefois, la prétention au monopole est invalide à sa face même sans qu'aucune preuve extrinsèque ne soit néces- saire, le défendeur peut à bon droit, même en cet état prélimi- naire de la cause, le contester qu'il s'agisse d'un brevet ou de droits d'auteur. Cela s'applique aux espèces comme celle en cause, la question se pose de savoir si la nature même du sujet peut faire l'objet de droits d'auteur.
3 (1980), 54 C.P.R. (2d) 171 [C.F. 1"e inst.].
Il a refusé d'accorder l'injonction car il a conclu que la demanderesse n'avait pas droit à la protec tion d'un droit d'auteur. Dans l'appel 4 formé contre ce jugement, la Cour d'appel fédérale a cependant jugé qu'on pouvait soutenir que les for- mules auraient pu faire l'objet de la protection d'un droit d'auteur. On trouve le passage qui suit à la page 182 du jugement:
Il a été soutenu qu'une demande d'injonction interlocutoire ne doit pas être l'occasion de décider de difficiles questions de droit dont le fond de l'affaire dépend et que, si les autres conditions d'une injonction interlocutoire sont satisfaites, elle ne doit pas être rejetée si une importante question doit être débattue; cf. American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] R.P.C. 531 la p. 541.
Dans l'arrêt Formules Municipales Ltee c. Pineault et autres, la Cour a refusé d'accorder une injonction interlocutoire parce que la demande- resse n'avait pas subi de préjudice irréparable. Les défendeurs exploitaient une entreprise d'impor- tance respectable et apparemment prospère, et l'octroi de dommages-intérêts pouvait indemniser la demanderesse de tout préjudice qu'elle aurait subi. En rendant cette décision, j'ai toutefois conclu à la page 146:
Cependant, il semblerait que la réputation de la demanderesse ne souffrirait d'aucun préjudice grave en raison de la violation par les défendeurs de son droit d'auteur sur les formules, étant donné qu'elle ne saurait affirmer que les formules des défen- deurs sont très différentes des siennes ou leur sont inférieures et qu'en conséquence sa réputation pourrait souffrir si un acheteur imprudent faisait l'acquisition des formules des défendeurs en les prenant pour celles de la demanderesse.
Dans l'arrêt Fruit of the Loom, Inc. c. Chateau Lingerie Mfg. Co. Ltd 6 , le juge Addy a déclaré à la page 54:
Pour ce qui est de la question du préjudice irréparable, la demanderesse a démontré qu'il lui serait très difficile de trouver un nouveau preneur de licence tant qu'il ne serait pas ordonné à la défenderesse de cesser de distribuer la marchandise et que les pertes qui pourraient résulter de cet état de choses seraient très difficiles à évaluer; de plus, la demanderesse ne pourrait pas vérifier la qualité de la marchandise et une fois encore, il serait très difficile d'évaluer les dommages causés par la perte éven- tuelle de clientèle.
Il s'agissait cependant d'une affaire de marque de commerce, dans laquelle la perte de clientèle était l'un des points en litige; il a été jugé que des dommages difficiles à calculer n'étaient pas néces-
4 (1981), 54 C.P.R. (2d) 179 [C.F. Appel].
5 (1975), 19 C.P.R. (2d) 139 [C.F. 1" inst.].
6 (1982), 63 C.P.R. (2d) 51 [C.F. 1fe inst.].
sairement des dommages irréparables. Dans l'arrêt Smith Kline & French Canada Ltd. c. Frank W. Horner, Inc.', j'ai eu l'occasion de dire à la page 53:
Je ne peux souscrire à l'argument de la demanderesse selon lequel les dommages qui lui sont causés sont irréparables étant donné qu'il est impossible de séparer les dommages ou les profits résultant de la vente légale du médicament Peptol de ceux provenant de la présumée violation de son droit d'auteur sur la brochure TAGAMET qui a été utilisée pour permettre ces ventes. Dans d'autres circonstances, on a souvent jugé que la simple difficulté ou même l'impossibilité d'évaluer le montant des dommages par des calculs mathématiques ne permettait pas de conclure que des dommages-intérêts ne peuvent être accor dés lorsque le fait de conclure à l'existence d'une faute donne droit à de tels dommages-intérêts; le même principe s'applique- rait à un état comptable des profits. Le tribunal doit faire de son mieux dans les circonstances et fixer un montant global.
La Cour suprême en est arrivée à une conclusion semblable dans l'arrêt Webb & Knapp (Canada) Limited et autre c. La Ville d'Edmonton 8 dans lequel elle a jugé que la détermination des domma- ges résultant de la violation des droits d'auteur de l'appelante présentait une certaine difficulté, mais que le fait que cette détermination soit difficile n'était pas une raison suffisante de n'accorder que des dommages-intérêts symboliques.
C'est la question du préjudice irréparable qui présente le plus de difficultés dans la présente action. Il ne fait aucun doute que les demanderes- ses subiraient un préjudice grave. Toutefois il est assez difficile de conclure que la vente par la défenderesse de poupées et de porte-clés, si elle décidait de les remettre sur le marché, leur cause- rait un préjudice irréparable dont elles ne pour- raient être indemnisées par des dommages-intérêts, si difficiles soient-ils à calculer étant donné qu'ils dépendraient du manque à gagner sur les ventes des preneurs de licence et de la perte éventuelle de ces derniers pour les demanderesses en raison de l'absence de protection adéquate, et du montant des redevances ou autres paiements qu'elles rece- vraient par suite de ces ventes. Je ne crois pas que la possibilité de recouvrer des dommages-intérêts est, dans tous les cas, une solution satisfaisante à une action intentée contre un contrefacteur lorsque les demandeurs possèdent une solide preuve prima facie. La protection des droits de propriété indus- trielle contre la contrefaçon revêt une importance
7 (1982), 68 C.P.R. (2d) 42 [C.F. 1'° inst.]. s [[1970] R.C.S. 588, la p. 601.]
croissante. En principe, ces droits devraient être protégés, que leur violation cause ou non un préju- dice grave. Je crois qu'il faut par conséquent exa miner la question de la balance des inconvénients. Les demanderesses doivent protéger un droit de propriété de grande valeur, à la fois dans leur propre intérêt et dans celui des preneurs de licence, et cet intérêt ne se limite pas à un simple intérêt pécuniaire qui peut être indemnisé par le paiement de dommages-intérêts ou par la présentation d'un état comptable des profits réalisés par Zellers sur la vente des articles incriminés. Il faut souligner l'importance du principe général de la protection des articles résultant, par ricochet, de la réalisation d'un film qui a créé, avec E.T., une sorte d'idole pour la jeunesse actuelle, un principe qui s'appli- quera, dans l'avenir, aux articles fabriqués à la suite d'autres films.
La défenderesse prétend que les demanderesses ont attendu près de six mois, d'octobre 1982 à mars 1983, avant d'intenter leur poursuite; ces dernières ont tout d'abord remplir certaines exigences légales en rapport avec la cession de leurs droits d'auteur en novembre et l'enregistre- ment de la sculpture E.T. en décembre 1982. Dès la découverte des ventes d'articles en violation présumée de leurs droits d'auteur, elles ont adressé en octobre, à la défenderesse Zellers Inc. et à International Games of Canada Ltd., des lettres les invitant à cesser ces ventes; International Games a accepté et s'est engagée à cesser la vente des poupées. Ce n'est qu'en novembre que les demanderesses ont appris que la défenderesse ven- dait des porte-clés. Par conséquent, je ne crois pas que le laps de temps écoulé avant l'introduction des poursuites constitue un consentement. La défenderesse a également présenté l'affidavit de Marc-André Filion qui porte qu'en avril 1983, il a acheté, dans différents magasins de la région de Montréal, trois porte-clés semblables à ceux vendus par Zellers et qui comportaient des étiquet- tes de plastique représentant E.T. et d'autres pho- tographies apparemment tirées du film. L'exis- tence d'autres ventes violant les droits d'auteur des demanderesses ne constitue pas un moyen de défense pour la défenderesse, et rien dans la preuve soumise à la Cour dans la présente action n'indi- que que les demanderesses n'entreprennent pas de démarches contre les autres vendeurs de ces con- trefaçons lorsqu'elles sont mises au courant de ces
ventes. Ces ventes sont peut-être si nombreuses qu'il est difficile pour les demanderesses de se tenir au courant de toutes. Lorsqu'il s'agit d'un faible volume de vente, elles n'ont pas nécessairement intérêt à intenter des poursuites. À mon avis, les éléments de preuve portés à ma connaissance ne permettent pas d'affirmer que les demanderesses ont toléré une telle violation de leurs droits.
La défenderesse soutient qu'en ce qui concerne la balance des inconvénients elle subira des pertes importantes si on l'empêche d'écouler le reste des articles incriminés dont elle possède encore une grande quantité, et fait remarquer que la vente de produits de ce genre ne dure que pendant la période le film et la publicité qui en résulte occupent le premier rang dans l'esprit du public et qu'après une telle période, il devient difficile sinon impossible de vendre ces articles. Bien sûr, cet argument s'applique aussi aux vendeurs licenciés des demanderesses qui doivent réaliser leurs profits le plus rapidement possible et remettre aux deman- deresses leurs parts sur ces profits, de sorte que toute diminution de leurs ventes en raison de la vente de contrefaçons par leurs concurrents à des prix probablement inférieurs, peut aussi leur être préjudiciable. La défenderesse allègue que le témoin des demanderesses a même admis qu'il est possible que la vente de poupées E.T. contrefaites et d'autres produits constitue une publicité addi- tionnelle pour E.T. qui pourrait inciter les ache- teurs à voir le film. Le témoin des demanderesses souligne, et je suis enclin à partager son avis, que c'est plutôt le contraire, et que ce sont les gens qui ont vu le film qui sont intéressés à en acheter les sous-produits.
Quoi qu'il en soit, il est inacceptable à mon avis qu'un contrefacteur présumé (et il existe en l'es- pèce une solide preuve prima facie à cet effet) prétende qu'on devrait lui permettre de poursuivre ses activités parce qu'il subira des pertes pécuniai- res si on l'empêche de le faire, ou parce qu'il procure peut-être un avantage aux demanderesses en faisant de la publicité additionnelle sur leur produit. S'il était jugé qu'il y a eu contrefaçon, la défenderesse aurait les moyens d'indemniser les demanderesses des dommages causés par la conti nuation de la vente, mais il est également vrai que les demanderesses ont des ressources suffisantes pour indemniser la défenderesse du préjudice subi
si cette dernière a gain de cause dans l'action, mais se trouve dans l'impossibilité d'écouler le reste des articles qu'elle détient ou ne peut le faire qu'à perte. De plus, les demanderesses sont prêtes à prendre un engagement à cet effet. On peut ajou- ter que la vente de poupées et de porte-clés E.T. ne représente qu'une part négligeable des affaires de la défenderesse.
Pour résumer, je conclus donc comme suit:
1. Les demanderesses justifient d'une solide preuve prima facie de contrefaçon. Même si les affidavits qui permettent d'associer les poupées et les porte- clés contrefaits au personnage E.T. créé pour le film et protégé au Canada par le droit d'auteur, ne sont pas aussi complets qu'ils pourraient l'être, la ressemblance est suffisante pour me convaincre qu'il ne faudrait pas en cet état de la cause, refuser d'accorder une injonction parce qu'il existe des vices mineurs dans la preuve fournie. À ce stade des procédures, tous les éléments de preuve fournis suffisent amplement à établir une preuve prima facie de contrefaçon même s'il ne fait aucun doute qu'ils seront expliqués en détail ou corrigés par d'autres preuves lorsque l'action sera jugée au fond. La défenderesse justifie cependant d'argu- ments défendables en ce qui concerne la question de savoir si les poupées auraient être enregis- trées en vertu de la Loi sur les dessins industriels et en ce qui concerne d'autres points du litige.
2. Pour ce qui est de la question du préjudice irréparable, même s'il est possible que le préjudice que subiraient les demanderesses si les ventes pou- vaient continuer, ne soit pas irréparable au sens strict du terme, les conséquences sont si graves et le principe mis en cause est si important qu'il ne faudrait pas refuser d'accorder une injonction interlocutoire pour ce seul motif lorsqu'il est évi- dent que la violation répétée des droits d'auteur, s'il y a réellement violation de droits d'auteur, continuera à causer des dommages graves. Comme je l'ai déjà dit, il est plus important pour les demanderesses de faire cesser la violation répétée de leurs droits que de percevoir des dommages- intérêts pour celle-ci.
3. La balance des inconvénients penche plutôt en faveur des demanderesses.
ORDONNANCE
Une injonction qui demeurera en vigueur jus- qu'à ce qu'une décision finale ait été rendue sur le fond de la présente action, est adressée à la défen- deresse pour lui interdire d'acheter à d'autres per- sonnes que les preneurs de licence des demanderes- ses des poupées E.T., des porte-clés ou tout autre article se rapportant à E.T., et de vendre les articles de ce genre qu'elle a déjà en sa possession et qu'elle ne s'est pas procurés chez lesdits pre- neurs de licence. La défenderesse devra fournir aux procureurs des demanderesses un état compta- ble indiquant la quantité de ces articles non approuvés dont elle a la charge, la garde ou la surveillance; elle pourra toutefois les garder en sa possession à condition qu'elle s'engage à ne pas faire de publicité sur ces articles et à ne pas les vendre à dater d'aujourd'hui, à moins que les demanderesses ne l'autorisent à le faire ou qu'une décision finale sur le fond de l'action ne soit rendue en sa faveur. L'injonction est accordée sous réserve de l'engagement des demanderesses d'in- demniser la défenderesse pour tout préjudice en résultant au cas cette dernière aurait gain de cause dans l'action au fond.
Les demanderesses ont droit aux dépens de la présente requête.
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