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A-1879-83
New Brunswick Broadcasting Co., Limited (appe- lante)
c.
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunica- tions canadiennes (intimé)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Pratte et Ryan—Toronto, 23 et 24 mai; Ottawa, 27 juillet 1984.
Radiodiffusion Le CRTC a limité le renouvellement des licences de radiodiffusion d'un propriétaire de quotidiens Cette décision reposait sur les instructions données par décret pris en vertu des art. 27(1) et 22(1)a)(iii) de la Loi et limitant le pouvoir du CRTC de délivrer ou de renouveler des licences aux propriétaires de quotidiens distribués dans la zone de radiodiffusion Les instructions sont-elles illégales parce qu'elles ont été données non pas aux fins de l'art. 3 de la Loi mais pour une fin étrangère? La politique de radiodiffusion exposée à l'art. 3 ne comporte pas toutes les fins de la Loi Le pouvoir prévu à l'art. 27(1) peut être exercé pour une raison valable de politique publique, qu'elle soit ou non exposée à l'art. 3 Les instructions ne réglementent pas la concentra tion de la propriété des journaux Déterminer les classes de personnes ayant le droit de faire usage de fréquences revient à «réglementer et surveiller tous les aspects du système de la radiodiffusion canadienne» - Loi sur la radiodiffusion, S.R.C. 1970, chap. B-11, art. 3a),b), 15, 17, 22(1)a)(iii), 26 (mod. par S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 65), 27(1),(2)
Instructions au CRTC sur l'attribution et le renouvellement limités des licences de radiodiffusion, DORS/82-746.
Contrôle judiciaire Demandes d'examen Radiodiffu- sion Le renouvellement des licences de radiodiffusion de l'appelante est limité conformément aux instructions au CRTC interdisant aux propriétaires de journaux de contrôler les entreprises de radiodiffusion de la même zone de marché Le droit de l'appelante de jouir de ses biens et de ne s'en voir privée que par l'application régulière de la loi aurait été violé
L'appelante a-t-elle droit à une audition quant aux ins tructions? Il n'existe aucun droit acquis ni aucun autre droit de propriété dans le renouvellement des licences La possibilité d'un renouvellement pour une plus longue période, et non le droit au renouvellement, est réduite Les instruc tions ont une portée et une application générales et ne visaient pas l'appelante en particulier Le pouvoir que le gouverneur en conseil tient des art. 27(1) et 22(1)a)(iii) de la Loi sur la radiodiffusion est de nature législative Les tribunaux ne donnent pas le droit à une audition aux personnes qui subiront probablement des inconvénients en raison de l'exercice du pouvoir législatif L'art. 27 ne prévoit pas la possibilité d'une audition Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appendice III, art. la), 2e) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28.
Droit constitutionnel Charte des droits Liberté d'ex- pression Le CRTC a limité le renouvellement des licences de radiodiffusion de l'appelante Cette décision reposait sur les instructions du gouverneur en conseil interdisant à une
personne ou à un groupe de personnes de contrôler divers moyens de communication dans la même zone de marché L'appelante et le public sont-ils privés du droit à la liberté d'expression sous le régime de l'art. 2b) de la Charte? La liberté de communiquer des idées sans restriction aucune ne comporte pas la liberté de faire usage d'un bien privé ou public pour le faire Les fréquences sont du domaine public La liberté qu'a l'appelante de radiodiffuser n'est pas refusée, parce qu'elle peut acheter le temps d'émission à une station titulaire de licence pour diffuser ses informations Le public n'a pas droit au service de radiodiffusion de l'appelante Il n'est pas nécessaire de recourir à la disposition restrictive de la Charte pour justifier le système d'octroi de licences Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 2b).
Preuve Recevabilité Un propriétaire de journaux conteste la décision par laquelle le CRTC a limité le renouvel- lement des licences de télédiffusion La décision reposait sur les instructions données au CRTC par le gouverneur en conseil
Les instructions ont été données à la suite d'un rapport établi par une commission royale sur l'industrie des quotidiens
La légalité des instructions est mise en question Le rapport est admissible à titre de preuve du contexte dans lequel le décret a été pris Le discours prononcé devant les étudiants par le Ministre responsable de la réponse du gouver- nement est également recevable Ce discours expose mieux les motifs du gouverneur en conseil Recevable au même titre que la brochure du gouvernement examinée dans le Renvoi relatif à la Upper Churchill Water Rights Reversion Act, [19841 1 R.C.S. 297.
L'appelante conteste, au moyen d'un appel sous le régime de l'article 26 de la Loi sur la radiodiffusion et d'une demande de contrôle judiciaire, la décision par laquelle le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a limité le renouvellement de ses licences de télédiffusion. L'appelante est une filiale en propriété exclusive de New Bruns- wick Publishing Company, Limited, une société Irving qui publie deux quotidiens à Saint-Jean (Nouveau-Brunswick). L'appelante est également propriétaire d'une station de télédif- fusion à Saint-Jean. En rendant sa décision, le CRTC a tenu compte des instructions qu'il a reçues et qui se trouvent dans un décret pris en application du paragraphe 27(1) et du sous-ali- néa 22(1)a)(iii) de la Loi sur la radiodiffusion. Les instruc tions restreignent le pouvoir du CRTC de délivrer ou de renouveler des licences de radiodiffusion aux personnes qui possèdent ou contrôlent des quotidiens distribués dans la zone de radiodiffusion. A été produit en preuve un rapport diffusé à la suite de l'institution d'une commission royale pour faire un examen général de la situation dans l'industrie des quotidiens, en particulier en ce qui a trait à la concentration de la propriété et du contrôle de cette industrie. On a produit un autre élément de preuve qui consiste dans un discours prononcé devant les étudiants de l'Université Western Ontario par le Ministre responsable de la réponse du gouvernement au rapport de la Commission royale. L'appelante fait valoir que les instructions étaient illégales et nulles parce que: (1) elles visent une fin autre que celles que permet l'article 3 de la Loi sur la radiodif- fusion et, par conséquent, une fin illégale; (2) elles privent l'appelante et le public du droit, que prévoit l'alinéa 2b) de la
Charte, à la liberté d'expression y compris à la liberté de la presse et des autres moyens de communication; (3) elles privent l'appelante du droit que lui accorde l'alinéa la) de la Déclara- tion des droits à la jouissance de ses biens et du droit de ne s'en voir privée que par l'application régulière de la loi.
Arrêt: l'appel et la demande d'examen sont rejetés.
(1) Recevabilité en preuve du rapport établi par la Commis sion royale et du discours ministériel
Eu égard aux objections de l'appelante face aux instructions, le rapport est admissible à titre de preuve de la situation et du contexte dans lesquels le décret a été pris.
Quant au discours, la tentative par l'intimé de le classer parmi les discours faits par les députés et qui sont donc irrecevables pour établir l'intention de la loi échoue. Ce dis- cours vient bien plus exposer les motifs du gouverneur en conseil lors de l'adoption du décret et s'apparente, à titre de preuve admissible, à la brochure du gouvernement intitulée «The Energy Priority of Newfoundland and Labrador» exami née par la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la Upper Churchill Water Rights Reversion Act.
(2) La question relative au but illégal
Certes, la politique exposée à l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion semble régir et limiter les objectifs que le CRTC doit réaliser; mais cette politique ne comporte pas toutes les fins de la Loi. Pour une raison valable de politique publique, qu'elle soit ou non prévue à l'article 3, le gouverneur en conseil peut exercer le pouvoir, que confère le paragraphe 27(1), de donner des instructions sous le régime du sous-alinéa 22(1)a)(iii), interdisant le renouvellement de licences à des catégories parti- culières de personnes. Ne pas reconnaître à ce pouvoir la faculté de faire la différence, pour des motifs de politique publique, entre des classes particulières de Canadiens revient à nier à ce pouvoir toute portée pratique. En conséquence, on ne saurait affirmer que les instructions n'ont pas été données pour une fin de la Loi.
On ne saurait affirmer non plus que les instructions ont été données dans la seule fin de réglementer la propriété et le contrôle des journaux. Par leur formulation, il s'agit d'instruc- tions relatives à des personnes qui ne peuvent détenir des licences de radiodiffusion. En fait, ces instructions ne font que restreindre les catégories de personnes qui peuvent être titulai- res de ces licences. Rien dans leur formulation ne réglemente ou bien la concentration de la propriété de quotidiens ou bien les propriétaires de quotidiens.
Même si cette interprétation n'est pas la bonne, la contesta- tion de l'appelante doit quand même échouer, parce que de telles instructions relèvent de la politique énoncée à l'article 3 et, par conséquent, correspondent aux fins que vise la Loi. Le pouvoir que le gouverneur en conseil tient du paragraphe 27(1) et du sous-alinéa 22(1)a)(iii) est assez large pour lui permettre de décider qui ou quelles catégories de personnes ou sociétés devraient obtenir des licences pour faire usage de fréquences qui sont, en vertu de l'alinéa 3a), du domaine public. Exercer ce pouvoir revient à .réglementer et surveiller tous les aspects du système de la radiodiffusion canadienne» dont font partie, en vertu de l'alinéa 3a), les entreprises de radiodiffusion au Canada.
(3) La question relative à la Charte des droits
L'argument de l'appelante reposant sur une allégation de violation de l'alinéa 2b) de la Charte confond la liberté garantie par la Charte avec le droit de faire usage d'un bien. La liberté garantie par la Charte est une liberté d'exprimer et de commu- niquer des idées sans restriction aucune, que ce soit verbale- ment, par publication ou par d'autres moyens de communica tion. Il ne s'agit pas d'une liberté d'utiliser le bien d'autrui pour le faire. Elle ne donne pas à une personne le droit de faire usage de fréquences qui, avant la promulgation de la Charte, avaient été déclarées par le législateur être du domaine public et étaient soumises au régime de licences prévu à la Loi sur la radiodif- fusion. La liberté qu'a l'appelante de radiodiffuser ce qu'elle désire communiquer ne serait pas refusée par le rejet d'une demande de licence: comme n'importe qui, elle aurait la même liberté de diffuser ses informations en achetant le temps d'émis- sion à une station titulaire de licence. La Charte ne confère pas non plus au reste du public le droit à un service de radiodiffu- sion que doit fournir l'appelante. Qui plus est, la liberté garan- tie par l'alinéa 2b) ne comportant pas le droit pour une personne d'utiliser le bien d'autrui ou un immeuble public, dont l'utilisation est régie par une loi, il n'est pas nécessaire de recourir à la disposition restrictive de l'article 1 de la Charte pour justifier le système d'octroi de licences établi par la Loi.
(4) La question relative à la Déclaration canadienne des droits
Tout d'abord, il s'agit de déterminer si l'appelante peut, à juste titre, invoquer la Déclaration des droits.
Bien que le mot «individu» à l'article 1 de la Déclaration ne vise pas une société, il n'y a aucune raison de conclure qu'une société ne possède pas en vertu de la common law le droit de jouir de ses biens et le droit de ne s'en voir privée que par l'application régulière de la loi. De même, il n'y a pas lieu de conclure que le mot «personne» utilisé à l'alinéa 2e) de la Déclaration, qui porte sur le droit à une audition impartiale, ne saurait viser une société chaque fois que l'objet de la disposition dans laquelle il se trouve peut s'appliquer à des sociétés.
Compte tenu de ce qui précède, l'appelante avait-elle droit à une audition pour faire valoir les raisons pour lesquelles les instructions n'auraient pas être émises? La réponse doit être négative. L'appelante ne possédait aucun droit acquis ni autre droit de propriété lui permettant d'obtenir que ses licences soient renouvelées. Les instructions ne font que réduire de simples possibilités: les possibilités qu'avait l'appelante d'obte- nir un renouvellement pour une période plus longue que celle accordée en réalité. Le dossier soumis à la Cour ne permet pas d'accueillir l'argument de l'appelante selon lequel elle était forcée de vendre sa station de radiodiffusion. Il ressort des instructions qu'elles ne visent personne en particulier, mais qu'elles ont une portée et une application générales, et rien dans le dossier n'indique qu'elles ne s'appliquent qu'à la situation de l'appelante ou qu'elles ont été appliquées à celle-ci seulement.
Le pouvoir que confèrent au gouverneur en conseil le para- graphe 27(1) et le sous-alinéa 22(1)a)(iii) n'est par sa nature ni judiciaire, ni quasi judiciaire, ni administratif. Il s'agit d'un pouvoir de nature législative. Il autorise la prise de décrets pour donner au CRTC des instructions concernant les classes de requérants auxquels les licences ne peuvent être accordées, et le libellé de ces articles ne limite pas ce pouvoir en indiquant les motifs pour lesquels certaines classes particulières de requé-
rants peuvent être exclues. De plus, le paragraphe 27(2) exige qu'un décret pris conformément au paragraphe 27(l) doive être publié immédiatement dans la Gazette du Canada et déposé devant le Parlement. Cela donne au Parlement la possibilité d'examiner les instructions et d'annuler ou de modifier celles-ci s'il estime approprié de le faire. Les tribunaux n'ont pas jusqu'ici donné le droit à une audition aux personnes qui subiront probablement des inconvénients en raison de l'exercice du pouvoir législatif. Finalement, rien dans l'article 27 ne prévoit qu'il faut accorder à un membre d'une classe ou à uné classe de requérants la possibilité de se faire entendre. '
JURISPRUDENCE
DECISIONS SUIVIES:
Renvoi relatif à la Upper Churchill Water Rights Rever sion Act, [1984] 1 R.C.S. 297; Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735.
DECISION APPLIQUÉE:
Bates v. Lord Hailsham of St. Marylebone, et al., [1972] 1 W.L.R. 1373 (Ch.D.).
DECISIONS CITÉES:
Thorne's Hardware Ltd. et autres c. La Reine et autre, [1983] 1 R.C.S. 106; Regina v. Colgate Palmolive Ltd. (1971), 5 C.P.R. (2d) 179 (G.S.P. Ct.).
AVOCATS:
J. Edgar Sexton, c.r. et Ronald G. Atkey, c.r.,
pour l'appelante.
Jean L. Doucet pour l'intimé.
Derek H. Aylen, c.r. et David Sgayias pour le
procureur général du Canada.
PROCUREURS:
Osler, Hoskin & Harcourt, Toronto, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce gui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: La Cour est saisie d'une procédure conjointe comprenant un appel formé en vertu de l'article 26 de la Loi sur la radiodiffusion [S.R.C. 1970, chap. B-11 (mod. par S.R.C. 1970 (2° Supp.), chap. 10, art. 65)] et une demande en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10]. L'appel et la demande d'examen attaquent tous deux une décision du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes [CRTC] , en date du 11 août 1983, qui limite le renouvelle- ment des licences de télédiffusion de l'appelante et
de ses stations réémettrices à une période prenant fin le l er janvier 1986. Il est constant que, n'eût été des instructions au Conseil données par décret en date du 29 juillet 1982 qui sont censées avoir été prises conformément à l'article 22' de la Loi sur la radiodiffusion et dont le Conseil a tenu compte en prenant sa décision, la période pour laquelle le renouvellement des licences a été accordé par le Conseil aurait été au moins un peu plus longue, bien que, d'après les motifs de la décision, ce renouvellement n'aurait pas été accordé pour toute la période de cinq ans pour laquelle la Commission a, en vertu de l'article 17, le pouvoir d'accorder ou de renouveler les licences de radiodiffusion.
L'appelante prétend que les instructions étaient illégales et nulles et que le Conseil n'aurait pas en tenir compte parce que:
(1) elles visent une fin autre que celles que permet la Loi sur la radiodiffusion et, par conséquent, une fin illégale;
(2) elles privent l'appelante et le public du droit à la liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication que pré- voit l'alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)];
(3) elles privent l'appelante du droit que lui accorde l'alinéa la) de la Déclaration cana- dienne des droits [S.R.C. 1970, Appendice Ill] à la jouissance de ses biens et du droit de ne s'en voir privée que par l'application régulière de la loi.
' 22. (1) Aucune licence de radiodiffusion ne doit être attri- buée, modifiée ou renouvelée en conformité de la présente Partie
a) en contravention d'instructions données au Conseil par le gouverneur en conseil sous l'autorité de la présente loi concernant
(iii) les classes de requérants auxquels des licences de radiodiffusion ne peuvent être attribuées ou auxquels des modifications ou des renouvellements de ces licences ne peuvent être accordés, et une telle classe peut, nonobstant l'article 3, être restreinte de façon à ne pas rendre impossi ble la modification ou le renouvellement d'une licence de radiodiffusion en vigueur le l W avril 1968; et
27. (1) Le gouverneur en conseil peut, à l'occasion, par décret, émettre des instructions à l'intention du Conseil comme le prévoient le paragraphe 18(2) et l'alinéa 22(1)a).
La question principale à l'origine du litige est que l'appelante est une filiale en propriété exclu sive de New Brunswick Publishing Company, Limited, une société dont James K. Irving, Arthur L. Irving et K. C. Irving Limited sont propriétaires et qui publie deux quotidiens à Saint-Jean (Nou- veau-Brunswick). Les instructions, dont le texte est cité ci-après la page 420], restreignent le 'pou- voir de la Commission de délivrer des licences de radiodiffusion aux personnes qui possèdent ou con- trôlent des quotidiens distribués dans la zone de radiodiffusion.
La station de télédiffusion de l'appelante, CJCH-TV, a commencé à faire de la télédiffusion le 22 mars 1954. Elle était la deuxième station de télédiffusion privée de langue anglaise à recevoir une licence de télédiffusion. Ses licences de télédif- fusion ont été successivement renouvelées depuis, lui permettant ainsi d'offrir quelque 30 ans de service de télédiffusion sans interruption. Elle emploie environ 104 personnes et, par le truche- ment de sa station CHSJ-TV de Saint-Jean, qui est une station affiliée de la Société Radio- Canada, et de ses stations réémettrices, elle offre les services du réseau de télévision de langue anglaise de Radio-Canada à toute la province du Nouveau-Brunswick et à certaines parties de la Nouvelle-Écosse et de l'Ïle-du-Prince-Edouard. On évalue à environ 100 000 le nombre des téléspecta- teurs de CHSJ-TV et de ses stations réémettrices. Radio-Canada se réserve environ la moitié des heures de diffusion de CHSJ-TV pour ses émis- sions et produit la majorité des émissions d'infor- mation et d'affaires publiques offertes par CHSJ-TV. L'appelante a investi de très grosses sommes dans les installations de transmission et l'équipement accessoire à la radiodiffusion ainsi que dans les locaux sont situés l'équipement et les bureaux requis pour l'exploitation de ce service.
Les propriétaires de l'appelante ne veulent pas abandonner l'exploitation de leur service de télé- diffusion. Ils ne veulent pas non plus se défaire de leur entreprise de publication de quotidiens. Par ailleurs, il ressort d'événements passés mentionnés au dossier de même que de l'opposition formée par l'Association des consommateurs du Canada et par d'autres personnes contre le renouvellement des licences de télédiffusion de l'appelante, que tout le monde n'est pas convaincu qu'il est bon que plu-
sieurs formes de moyens de communication dans un même marché soient contrôlées par une seule personne ou un seul groupe de personnes.
À la suite de la fermeture simultanée le 27 août 1980 de l'Ottawa Journal et du Winnipeg Tribune, une commission royale a été instituée pour faire un examen général de la situation dans l'industrie des quotidiens au Canada, en particulier en ce qui a trait à la concentration de la propriété et du contrôle de cette industrie. La Commission et son rapport tirent leur nom du président de la Com mission, M. Tom Kent. Le rapport a été soumis par l'avocat de l'appelante à l'audition et a été versé au dossier à partir duquel le litige sera tranché sans objection de l'intimé quant à son admissibilité ou à l'opportunité de le soumettre.
Le rapport propose l'adoption d'une loi sur les journaux du Canada pour assurer à la presse cana- dienne «la liberté qui est essentielle au règne de la démocratie». Les principales caractéristiques de la loi proposée comprendraient ce qui suit:
(1) Elle interdirait toute nouvelle concentration importante de la propriété et du contrôle des quotidiens, et de la propriété concomitante de ces journaux et d'autres média.
(2) Elle corrigerait les problèmes de concentration les plus graves qui existent actuellement.
Le rapport comporte également le passage suivant:
Dans le cas du Nouveau-Brunswick, l'esprit de la Loi sur les journaux que nous proposons exigerait que les intérêts Irving se départissent soit de leurs journaux couplés de Saint-Jean, soit de leurs journaux analogues de Moncton. Ils seraient également obligés, en vertu des prescriptions interdisant la propriété de différents média, de faire un choix entre leurs journaux de Saint-Jean et leurs stations de radio et de télévision.
Eu égard aux objections de l'appelante face aux instructions, le rapport de la Commission est, à mon avis, admissible à titre de preuve de la situa tion et du contexte dans lesquels le décret a été pris.
L'appelante a également soumis en preuve un exemplaire d'un discours que le ministre Jim Fle- ming, responsable de la réponse du gouvernement à la Commission royale sur les quotidiens, a pro- noncé le 25 mai 1982 l'École des études supé- rieures en journalisme de l'Université Western Ontario. Ce discours s'intitule «Propositions du gouvernement concernant la liberté de la presse et la situation des quotidiens canadiens». Il a été
admis malgré l'objection de l'intimé et a été versé au dossier, quelle que soit la valeur probante qu'on voudra bien lui reconnaître.
Le discours, qui compte quelque huit pages, comprend ce qui suit:
En considérant l'industrie des quotidiens au Canada, je me suis attardé à trois grands principes:
Premièrement, les quotidiens constituent un secteur à part. Ils nous offrent une relation écrite de l'actualité. Seuls parmi les média, ils nous informent quotidiennement et en profondeur sur les événements de l'heure.
Deuxièmement, la diversité des sources d'information est l'une des assises de la démocratie.
Troisièmement, la concentration de la presse entre les mains d'une puissance, publique ou privée, est une question capitale qui doit nous préoccuper au plus haut point. Après avoir examiné la situation de l'industrie des quotidiens au Canada à la lumière de ces trois grands principes, les membres du Cabinet ont conclu à la nécessité d'une interven tion gouvernementale afin de protéger la liberté de la presse au Canada contre toute atteinte ou ingérence.
D'aucuns ont exprimé l'avis que toute intervention gouverne- mentale constituerait une menace pour la liberté de la presse. Certes, le gouvernement doit à tout prix éviter de s'ingérer, ou de paraître s'ingérer, d'une manière qui porte atteinte à la liberté rédactionnelle. Par contre, il serait tout aussi malavisé de ne pas réagir face à une concentration qui serait de nature à compromettre la liberté de la presse. Arrive un moment le gouvernement se doit d'intervenir s'il ne veut pas être associé par sa négligence à une action qui aboutit à l'érosion de la liberté de la presse.
Les propositions que je vais vous exposer aujourd'hui sont destinées à faire en sorte que le gouvernement assume ses responsabilités par l'entremise du législateur, puis qu'il laisse les choses suivre leur cours. En somme, ce que nous voulons, c'est garantir la liberté de la presse en évitant la concentration de celle-ci aux mains d'une puissance, publique ou privée, et les mesures d'intimidation qui pourraient en découler.
On demandera au Parlement d'adopter une loi sur les quoti- diens et de modifier des lois existantes afin d'interdire à un seul propriétaire de prendre le contrôle, par l'achat ou la fusion, de quotidiens dont le tirage total dépasserait 20 p. 100 du tirage moyen des quotidiens au Canada. Cette limite ne sera pas rétroactive pour les deux propriétaires qui l'excèdent déjà, mais elle les empêchera d'acheter d'autres journaux tant que le tirage de leurs quotidiens sera supérieur au seuil de 20 p. 100. Cette mesure législative n'entravera pas un accroissement du tirage des quotidiens qu'un propriétaire possède déjà.
Après avoir décrit d'autres caractéristiques de la législation proposée et du système institué sous son régime, le Ministre a poursuivi:
Au-delà de ces mesures législatives, le Cabinet a donné son accord pour que le gouverneur en conseil ordonne au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) lors de l'étude du renouvellement ou d'une demande
de licences d'interdire aux quotidiens d'acquérir le contrôle de sociétés détentrices de licences de radiodiffusion fédérales dans la même région.
Cette interdiction ne serait levée que lorsqu'il irait de l'inté- rêt du public ou que les conséquences entraînées par son maintien occasionneraient aux intéressés des difficultés excep- tionnelles. Les restrictions concernant le cumul de propriété dans une région donnée tiendraient également compte de la concurrence existante et de la prédominance d'un grand groupe de presse dans la région; la décision en cette matière relèverait également du CRTC.
Bref, la décision du Cabinet signifie sauf dans des cas précis, qu'une société ne sera pas autorisée à contrôler un quotidien ainsi qu'une station de radio ou de télévision dans la même région. Bien sûr, étant donné la nature du marché, il se peut que dans certaines grandes villes la concurrence entre les média soit telle que le CRTC n'aurait aucune raison valable d'inter- dire le cumul de propriété dans certains cas; la directive tiendra compte de cette réalité. De plus, il se peut qu'il existe au niveau local certaines situations le CRTC estimera que le dessaisis- sement occasionnerait des difficultés exceptionnelles à un pro- priétaire; la directive tiendra également compte de cette réalité, mais insistera sur la nécessité de s'assurer que les services d'information seront indépendants et concurrentiels.
À mon avis, ce discours sert au moins à démon- trer que le but visé par le gouverneur en conseil en donnant les instructions contestées était une ques tion de politique d'ensemble de la radiodiffusion 2 plutôt qu'une mesure visant en particulier l'appe- lante et sa propriété des journaux, ou visant en général la concentration de la propriété de jour- naux. En outre, bien que l'avocat de l'intimé cher- che à faire classer ce discours avec les discours prononcés devant le Parlement et d'autres discours faits par les députés et qui sont irrecevables pour établir l'intention de la loi, ce discours en particu- lier, qui a été prononcé par le Ministre responsable de la politique adoptée par le Cabinet et qui visait à annoncer ces mesures, vient bien plus exposer les motifs du gouverneur en conseil lors de l'adoption du décret. Il m'apparaît que ce discours s'appa- rente à la brochure du gouvernement intitulée «The Energy Priority of Newfoundland and Labra- dor» examinée dans le Renvoi relatif à la Upper Churchill Water Rights Reversion Act, [ 1984] 1 R.C.S. 297, et qu'il soit tout aussi recevable. Dans cet arrêt, le juge McIntyre a dit au nom de la Cour suprême la page 319]:
2 Voir Thorne's Hardware Ltd. et autres c. La Reine et autre, [1983] 1 R.C.S. 106, le juge Dickson (alors juge puîné), à la p. 115.
Je suis aussi d'avis que la brochure publiée par le gouvernement et intitulée «The Energy Priority of Newfoundland and Labra- dor» est recevable. Le but de cette brochure, comme on l'y explique, est de faire connaître aux milieux financiers les motifs de l'adoption de la Reversion Act par le gouvernement. Le gouvernement l'a publiée moins d'un mois avant que la Rever sion Act ne reçoive la sanction royale et le texte de cette loi s'y trouve même reproduit. J'estime que cette brochure se situe dans la catégorie des documents »qui ne sont pas douteux en soi et qui ne pêchent pas contre l'ordre public», pour reprendre les termes du juge Dickson dans le passage précité, et qui sont recevables comme preuve de l'intention et du but visés par la législature de Terre-Neuve en adoptant la Reversion Act.
Le discours, toutefois, me semble n'ajouter que peu de chose à ce qui ressort du dossier, du rapport Kent et de la note explicative qui est jointe aux instructions mêmes.
Voici les instructions et la note explicative:
Enregistrement
DORS/82-746 29 juillet 1982
LOI SUR LA RADIODIFFUSION
Instructions au CRTC sur l'attribution et le renouvellement limités des licences de radiodiffusion
C.P. 1982-2294 29 juillet 1982
Sur avis conforme du ministre des Communications et en vertu du sous-alinéa 22(1)a)(iii) et de l'article 27 de la Loi sur la radiodiffusion, il plaît à Son Excellence le Gouverneur général en conseil d'émettre les instructions à l'intention du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications cana- diennes concernant l'attribution et le renouvellement de licen ces de radiodiffusion des propriétaires de quotidiens, ci-après.
INSTRUCTIONS À L'INTENTION DU CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES CONCERNANT L'ATTRIBUTION ET LE RENOUVELLEMENT DE LICENCES DE RADIODIFFUSION DES PROPRIÉTAIRES DE QUOTI DI ENS
Titre abrégé
1. Les présentes instructions peuvent être citées sous le titre: Instructions au CRTC sur l'attribution et le renouvellement limités des licences de radiodiffusion.
Définitions
2. Aux fins des présentes instructions,
«propriétaire d'un quotidien» désigne toute personne qui, de
l'avis du Conseil, effectivement possède ou contrôle ou est en
situation de contrôler ou de posséder, directement ou indirec- tement, à elle seule ou conjointement ou de concert avec une ou plusieurs autres personnes, une entreprise chargée de la publication d'un quotidien et comprend, dans le cas d'une société à capital-actions, toute personne qui, de l'avis du Conseil, à elle seule ou conjointement ou de concert avec une ou plusieurs autres personnes, effectivement possède ou con- trôle la société ou est en situation de le faire, soit directement par la possession d'actions de ladite société, soit indirecte- ment en vertu d'une fiducie ou d'un contrat ou par la possession d'actions d'une autre société, par la possession d'une partie importante de la dette de la société ou de quelque autre façon que ce soit;
«quotidien» désigne un journal qui est, règle générale, publié et distribué cinq jours ou plus par semaine.
Instructions
3. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes est prié de se conformer à la présente directive, à savoir qu'à compter du 29 juillet 1982, aucune licence de radiodiffusion ne pourra être délivrée ou renouvellée dans le cas d'un requérant qui fait partie d'une catégorie visée à l'article 4.
4. Est considéré comme faisant partie de la catégorie visée à l'article 3 tout requérant qui
a) est propriétaire d'un quotidien, ou
b) de l'avis du Conseil, est effectivement possédé ou contrôlé ou est en situation de l'être, de façon directe ou indirecte, par le propriétaire d'un quotidien
dont la zone principale de distribution couvre substantiellement le marché principal desservi ou devant être desservi par l'entre- prise de radiodiffusion.
5. Lorsque le Conseil est convaincu qu'il serait contraire à l'intérêt public primordial de ne pas accorder une licence de radiodiffusion ou son renouvellement à un requérant de la catégorie visée à l'article 4, compte tenu de tous les facteurs en jeu, y compris les inconvénients qui pourraient en résulter pour le service au public, les difficultés exceptionnelles ou excessives que ce refus risque d'occasionner au requérant et le niveau de concurrence existant dans la zone desservie ou devant être desservie en vertu de la licence de radiodiffusion, le Conseil peut, par dérogation à l'article 3, accorder une licence ou son renouvellement.
6. Aucune disposition des présentes instructions ne doit s'in- terpréter comme limitant le pouvoir du Gouverneur en conseil d'ordonner qu'une licence de radiodiffusion ne soit pas délivrée et que la modification ou le renouvellement d'une telle licence soit refusé à des requérants d'une catégorie autre que celle décrite à l'article 4 ou comme limitant le pouvoir du Conseil, dans l'exécution de son mandat, de refuser de délivrer une licence de radiodiffusion ou d'autoriser la modification ou le renouvellement d'une telle licence à un requérant n'appartenant pas à la classe décrite à l'article 4.
NOTE EXPLICATIVE
(La présente note ne fait pas partie des instructions et n'est publiée qu'à titre d'information.)
Ces instructions sont de faire en sorte qu'à quelques excep tions près, les entreprises qui s'occupent de la publication de quotidiens ne soient pas autorisées à posséder ni à contrôler les entreprises de radiodiffusion exploitées sur le même territoire commercial, afin de promouvoir au Canada la présence de sources d'information et de points de vue indépendants, concur- rentiels et diversifiés.
On n'a pas contesté en appel que l'appelante s'inscrit dans la définition de «propriétaire d'un quotidien» donnée à l'article 2 et qu'elle est visée par l'interdiction prévue aux articles 3 et 4 de ces instructions. Le Conseil a conclu que l'interdiction est applicable, mais il a, en vertu de l'article 5, décidé en outre que:
Le Conseil juge que le non-renouvellement des licences de la NB Broadcasting pourrait occasionner quelques difficultés iné- vitables pour la titulaire et avoir éventuellement d'autres consé- quences néfastes, mais il n'est pas convaincu qu'un refus de la demande de renouvellement irait à l'encontre de l'intérêt public primordial, dont il est question à l'article 5 des Instructions, sauf pour le fait que les licences en question expirent toutes le 30 septembre 1983 et qu'il mettrait fin soudainement à la seule source de service de télévision de langue anglaise de Radio- Canada au Nouveau-Brunswick. Cet arrêt de service irait à l'encontre de l'intérêt public primordial car le service au public en souffrirait.
Le Conseil renouvelle donc les licences de CHSJ-TV Saint- Jean et de ses . stations réémettrices au Nouveau-Brunswick pour une période prenant fin le 1 °r janvier 1986. Ce délai donnera à la NB Broadcasting le temps de réarranger ses affaires ou de prendre d'autres mesures, de sorte que les habitants du Nouveau-Brunswick ne soient pas privés du ser vice du réseau de Radio-Canada. Le Conseil a l'intention, en ce moment, de convoquer la titulaire à une audience publique au début de 1985 afin de passer en revue la situation globale.
La question relative au but illégal
Voici les prétentions de l'appelante sur son pre mier point:
(1) il ressort du rapport de la Commission Kent et du discours de M. Fleming que ces instruc tions ont été données non pas aux fins de la Loi sur la radiodiffusion énumérées à son article 3, mais pour une fin étrangère, soit celle de régle- menter la concentration de la possession dans l'industrie journalistique canadienne, et que dans leurs objectifs, leurs fins et leur effet, elles ne visaient pas la radiodiffusion, mais plutôt les journaux;
(2) et en outre, en fin de compte, le gouverneur en conseil, qui ne tenait ni de la loi ni d'aucune autre source le pouvoir de donner des instruc-
tions relatives à la possession des journaux, a outrepassé sa compétence en donnant les ins tructions parce qu'elles ont été émises non pas aux fins de la Loi sur la radiodiffusion, expo sées à son article 3, mais pour une fin étrangère et illégale, soit celle de réglementer la concen tration de la possession dans l'industrie journa- listique canadienne.
Certes, la politique exposée à l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion semble régir et limiter les objectifs que le CRTC doit réaliser, mais je ne crois pas qu'elle comporte toutes les fins de la Loi ou qu'elle limite les buts ou les motifs pour les- quels le gouverneur en conseil peut prescrire des catégories de personnes à qui des licences de radio- diffusion ne peuvent être attribuées. Si je com- prends bien, pour une raison valable de politique publique, qu'elle soit ou non prévue à l'article 3, le gouverneur en conseil peut exercer le pouvoir, que confère le paragraphe 27(1), de donner des ins tructions interdisant l'attribution de licences à des catégories particulières de personnes. J'ajouterai que je ne considère pas la mention de l'article 3 au sous-alinéa 22(1)a)(iii), qui autorise une déroga- tion à l'interdiction générale d'une catégorie parti- culière dans le cas de personnes qui étaient titulai- res d'une licence au 1°r avril 4968, comme limitant le pouvoir par ailleurs large conféré au gouverneur en conseil. Puisque, à l'article 3, la seule mention de possession et de contrôle d'entreprises de radio- diffusion se trouve à l'alinéa b), qui prévoit que le système de la radiodiffusion devrait être possédé et contrôlé effectivement par des Canadiens, il serait peu utile de conférer le pouvoir de donner des instructions sur le sujet si ce pouvoir permettait seulement d'ordonner que des licences ne soient pas attribuées à des personnes qui ne sont pas canadiennes. Ne pas reconnaître à ce pouvoir la faculté de faire la différence, pour des motifs de politique publique, entre des classes particulières de Canadiens revient à nier à ce pouvoir toute portée pratique.
Il découle, à mon avis, de cette interprétation du paragraphe 27(1) et du sous-alinéa 22(1)a)(iii) que même si on peut dire que les instructions ont été données non pas pour une fin de la Loi, exposée à l'article 3, et même si on peut prétendre que ces instructions ont été données pour une fin relative à un problème de politique publique ne se rattachant
pas simplement à la concentration de la possession de journaux, qu'on considère comme un problème en soi, mais se rattachant au problème plus grand de la concentration de la possession et du contrôle de journaux et d'entreprises de radiodiffusion, comme c'est le cas, à mon avis, on ne saurait affirmer que les instructions n'ont pas été données pour une fin de la Loi sur la radiodiffusion, ou qu'elles ont été données pour la seule fin de régle- menter la possession et le contrôle des journaux. Par leur formulation, il s'agit d'instructions relati ves à des personnes, qui ne peuvent détenir de licences de radiodiffusion. En fait, ces instructions ne font que restreindre les catégories de personnes qui peuvent être titulaires de licences de radiodif- fusion. Rien dans leur formulation ne réglemente ou bien la concentration de la possession de quoti- diens ou bien les propriétaires de quotidiens. Comme toujours, ils sont libres de posséder et de contrôler des quotidiens. Mais s'ils sont propriétai- res de quotidiens, on considère qu'il n'est pas convenable qu'ils soient également titulaires de licences de radiodiffusion pour les régions cir- culent ces quotidiens.
Pour ces motifs, la contestation de l'appelante doit échouer. Mais même si cette interprétation de la loi n'est pas la bonne, la contestation, à mon avis, doit quand même échouer parce qu'une telle directive relève de la politique énoncée à l'article 3 et, par conséquent, correspond aux fins que vise la Loi. Cet article prévoit notamment:
3. Il est, par les présentes, déclaré
a) que les entreprises de radiodiffusion au Canada font usage de fréquences qui sont du domaine public et que de telles entreprises constituent un système unique, ci-après appelé le système de la radiodiffusion canadienne, comprenant des secteurs public et privé;
et que la meilleure façon d'atteindre les objectifs de la politique de la radiodiffusion pour le Canada énoncée au présent article consiste à confier la réglementation et la surveillance du sys- tème de la radiodiffusion canadienne à un seul organisme public autonome.
Cet article énonce une politique et la meilleure façon d'atteindre ses objectifs.
Et voici l'article 15, qui dispose:
15. Sous réserve de la présente loi, de la Loi sur la radio et des instructions à l'intention du Conseil émises, à l'occasion, par le gouverneur en conseil sous l'autorité de la présente loi, le Conseil doit réglementer et surveiller tous les aspects du sys-
tème de la radiodiffusion canadienne en vue de mettre en œuvre la politique de radiodiffusion énoncée dans l'article 3 de la présente loi.
Malgré l'énoncé donné à la fin de l'article 3, les premiers mots de cette disposition restreignent ce que le Conseil doit réglementer et surveiller en vue de mettre en oeuvre la politique énoncée à l'article 3. À supposer que le pouvoir prévu au paragraphe 27(1) et au sous-alinéa 22(1)a)(iii) soit l'un des pouvoirs qui seraient par ailleurs inclus dans le pouvoir général de «réglementer et surveiller tous les aspects du système de la radiodiffusion cana- dienne en vue de mettre en oeuvre la politique de radiodiffusion énoncée dans l'article 3», et puisse donc être exercé seulement pour mettre en oeuvre la politique ainsi énoncée, il me semble que le pouvoir que le gouverneur en conseil tient du paragraphe 27(1) et du sous-alinéa 22(1)a)(iii) est assez large pour lui permettre de décider qui ou quelles catégories de personnes ou sociétés devraient obtenir des licences pour faire usage de fréquences qui sont, en vertu de l'alinéa 3a), du domaine public. À mon avis, cela correspond faci- lement au sens de «la réglementation et de la surveillance de tous les aspects du système de la radiodiffusion canadienne» dont font partie, en vertu de l'alinéa 3a), les entreprises de radiodiffu- sion au Canada.
En conséquence, je rejetterais le premier argu ment de l'appelante.
La question relative à la Charte des droits
Voici la prétention de l'appelante quant à la Charte:
(1) la liberté de la presse et des autres moyens de communication étant garantie par la Consti tution, l'exigence d'une licence pour l'exploita- tion d'une entreprise de radiodiffusion va à l'en- contre de l'alinéa 2b) de la Charte;
(2) il est toutefois reconnu que l'exigence d'une licence constitue une limite dont la justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique parce que:
a) comme le dit l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion, les fréquences sont du domaine public et doivent être réparties selon une entente afin d'assurer une répartition équitable des fréquences disponibles, et
b) il doit y avoir un particulier (ou une société) responsable en matière civile et criminelle;
(3) toutefois, les instructions, dans la mesure elles interdisent d'accorder des licences à des «propriétaires de quotidiens» sont incompatibles avec le droit de l'appelante à la liberté de la presse et des autres moyens de communication garantie à tous par l'alinéa 2b) de la Charte et portent atteinte à ce droit. De plus, dans la mesure les instructions refusent au public un service de radiodiffusion parce qu'un proprié- taire de quotidien contrôle une entreprise de radiodiffusion, elles sont incompatibles avec les droits et libertés garantis à chacun par l'alinéa 2b) de la Charte et violent ces droits.
À mon avis, l'argument confond la liberté garantie par la Charte avec le droit de faire usage d'un bien, et il ne saurait être accueilli. La liberté garantie par la Charte est la liberté d'exprimer et de communiquer des idées sans restriction aucune, que ce soit verbalement, par publication ou par d'autres moyens de communication. Il ne s'agit pas d'une liberté d'utiliser le bien d'autrui pour le faire. Elle ne confère nullement à une personne le droit d'utiliser le terrain ou la terrasse d'autrui pour faire un discours, ou la presse d'imprimerie de quelqu'un d'autre pour publier ses idées. Elle ne donne à personne le droit d'entrer dans un immeu- ble public et de l'utiliser pour de telles fins. Et elle ne donne pas non plus à une personne le droit de faire usage des fréquences qui, avant la promulga tion de la Charte, avaient été déclarées par le législateur être du domaine public et étaient sou- mises au régime de licences et aux autres disposi tions de la Loi sur la radiodiffusion. La liberté qu'a l'appelante de radiodiffuser ce qu'elle désire communiquer ne serait pas refusée par le rejet d'une demande de licence pour exploiter une entre- prise de radiodiffusion. Comme n'importe qui, elle aurait la liberté de diffuser ses informations en achetant le temps d'émission à une station titulaire de licence. La Charte ne confère pas non plus au reste du public le droit à un service de radiodiffu- sion que doit fournir l'appelante. Qui plus est, la liberté garantie par l'alinéa 2b) ne comportant pas le droit pour une personne d'utiliser le bien d'au- trui ou un immeuble public, dont l'utilisation est régie par les dispositions d'une loi, j'estime qu'il
n'y a pas lieu et qu'il n'est pas nécessaire de recourir à l'article 1 de la Charte pour justifier le système d'octroi de licences établi par la Loi sur la radiodiffusion.
Par conséquent, je rejetterais la prétention de l'appelante.
La question relative à la Déclaration canadienne des droits
L'appelante a invoqué dans son argumentation sur ce point la portion de l'alinéa 1 a) 3 de la Déclaration canadienne des droits qui reconnaît et déclare que le droit de l'individu à la jouissance de ses biens et le droit de ne s'en voir privée que par l'application régulière de la loi font partie des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle a prétendu que le but principal des instruc tions était de la contraindre à vendre sa station de télédiffusion et ses stations réémettrices à Radio- Canada, que le mot «loi» dans l'expression «appli- cation régulière de la loi» ne vise pas seulement les textes législatifs mais comprend aussi ce qu'on appelle les principes de justice naturelle, que les instructions ont été émises sans qu'un avis ne lui en soit donné, ce qui a eu pour résultat qu'on ne lui a pas accordé l'occasion d'exposer ses prétentions ou de se faire entendre par un autre moyen au sujet de l'émission des instructions et de leur contenu et qu'on l'a, par conséquent, empêché d'exercer ses droits à l'application régulière de la loi, garantis par l'alinéa la) de la Déclaration canadienne des droits.
J'estime que le mot «individu» à l'article 1 de la Déclaration canadienne des droits ne vise pas une société' et que le texte de cet article ne s'applique pas à l'appelante ni ne lui garantit de droits. Cependant, ce texte législatif reconnaît et déclare l'existence de droits fondamentaux, et il n'y a, à mon avis, aucune raison de conclure qu'une société
3 1. Il est par les présentes reconnu et déclaré que les droits de l'homme et les libertés fondamentales ci-après énoncés ont existé et continueront à exister pour tout individu au Canada quels que soient sa race, son origine nationale, sa couleur, sa religion ou son sexe:
a) le droit de l'individu à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne ainsi qu'à la jouissance de ses biens, et le droit de ne s'en voir privé que par l'application régulière de la loi; Voir Regina v. Colgate Palmolive Ltd. (1971), 5 C.P.R. (2d) 179 (G.S.P. Ct.).
ne possède pas en vertu de la common law les mêmes droits que ceux dont bénéficie une personne physique quant à la jouissance de ses biens et au droit de ne s'en voir privée que par l'application régulière de la loi.
L'article 2 de la Déclaration ajoute:
2. Toute loi du Canada, à moins qu'une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu'elle s'appliquera nonob- stant la Déclaration canadienne des droits, doit s'interpréter et s'appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou enfreindre l'un quelconque des droits ou des libertés reconnus et déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la diminution ou la transgression, et en particulier, nulle loi du Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme
e) privant une,personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations;
Dans cet article, le mot «personne» est utilisé dans des contextes qui laissent supposer qu'il vise des personnes physiques, mais il n'existe pas que je sache de raison impérieuse pour laquelle on ne devrait pas conclure que ce mot vise aussi des sociétés, chaque fois que l'objet de la disposition dans laquelle il se trouve peut s'appliquer à des sociétés. À mon avis, l'alinéa 2e) constitue une disposition de ce genre.
Si on présume que l'alinéa 2e) s'applique, il y a lieu de se demander quels étaient les «droits» pour la définition desquels l'appelante avait droit à une audition impartiale de sa cause selon les principes de justice fondamentale.
Il semble qu'au moment les instructions ont été émises, l'appelante:
(1) détenait une ou des licences de télédiffusion, délivrées conformément à la Loi sur la radiodif- fusion, autorisant l'exploitation d'une station de télévision pour une période se terminant le 30 septembre 1983;
(2) avait déposé devant le CRTC une demande de renouvellement de ces licences pour une période additionnelle de cinq ans; et
(3) pouvait raisonnablement s'attendre, compte tenu qu'elle a détenu des licences et obtenu leur renouvellement pendant une période de 28 ans, compte tenu des services de radiodiffusion qu'elle a fournis pendant cette période et du fait qu'elle a investi des sommes considérables dans
l'achat d'équipement et d'installations, à ce que, en conséquence de la décision du Conseil rendue un mois plus tôt lorsque la demande de renou- vellement a été présentée, des renouvellements lui soient accordés pour une certaine partie, sinon pour la totalité, de la période de cinq ans.
L'appelante ne possédait cependant aucun droit acquis ni autre droit de propriété lui permettant d'obtenir que ses licences soient renouvelées ou que la décision du Conseil soit maintenue jusqu'à ce qu'une décision ait été rendue sur sa demande ou pour l'avenir.
Je pense que c'est dans ce contexte qu'il faut examiner le droit qu'aurait eu l'appelante de se voir accorder l'occasion d'exposer ses prétentions ou de se faire entendre autrement avant que les instructions aient été émises. Les instructions n'ont nullement porté atteinte aux licences existantes mentionnées ci-dessus au paragraphe (1). Elles n'ont pas mis fin non plus à la demande de renou- vellement mentionnée au paragraphe (2). C'est ce qui ressort du fait que la demande a été accueillie en partie. Les instructions ont eu pour effet de réduire les possibilités, mentionnées au paragraphe (3), qu'avait l'appelante d'obtenir un renouvelle- ment pour une période plus longue que celle accor- dée en réalité.
Que ce soit en se voyant accorder l'occasion d'exposer ses prétentions ou celle de se faire enten- dre par un autre moyen, l'appelante avait-elle alors droit à une audition pour faire valoir les raisons pour lesquelles les instructions ne devaient pas être émises? J'ai quelques doutes sur ce point parce que les instructions ont été émises au moment la demande de renouvellement de l'appelante avait été présentée et était pendante devant le CRTC, mais après réflexion, je crois pour plusieurs motifs que la réponse doit être négative.
Premièrement, les instructions n'ont fait que réduire de simples possibilités. Il ne s'agissait pas de quelque chose que l'on pouvait reconnaître comme un droit de propriété.
Deuxièmement, il semble qu'il n'existe aucune raison de douter que les instructions aient eu une influence marquée sur les possibilités pour l'appe- lante de continuer indéfiniment à posséder et à exploiter simultanément dans la même zone de marché son entreprise de radiodiffusion et son
entreprise de publication de quotidiens, ou que les instructions présentent en réalité, pour l'appelante, la possibilité qu'à un moment donné dans l'avenir, elle ne puisse obtenir un renouvellement de ses licences de radiodiffusion si elle continue à exploi ter ses quotidiens. Il semble également que, compte tenu du contenu du rapport Kent, la situa tion de l'appelante était l'une de celles visées lors- que les instructions ont été émises. Cependant, le dossier soumis à la Cour ne permet pas, à mon avis, d'affirmer que le but principal des instruc tions était de contraindre l'appelante à vendre sa station de télédiffusion et ses stations réémettrices à Radio-Canada et qu'à cet égard, les instructions visaient spécifiquement l'appelante. Il ressort des instructions qu'elles ne visent personne en particu- lier, mais qu'elles ont une portée et une application générales, et rien dans le dossier n'indique qu'elles ne s'appliquent qu'à la situation de l'appelante ou qu'elles ont été appliquées à celle-ci seulement.
Troisièmement, à mon avis, le pouvoir que con- fèrent au gouverneur en conseil le paragraphe 27(1) et le sous-alinéa 22(1)a)(iii) de la Loi sur la radiodiffusion n'est par sa nature ni judiciaire, ni quasi judiciaire, ni administratif. Il s'agit, selon moi, d'un pouvoir de nature législative. Il autorise la prise de décrets pour donner au CRTC des instructions concernant notamment les classes de requérants, et non les requérants individuels, aux- quels les licences de radiodiffusion et leurs renou- vellements ne peuvent être accordés. Le libellé de ces articles ne limite pas ce pouvoir en indiquant les motifs pour lesquels certaines classes de requé- rants peuvent être exclues. Ce rôle revient au gouverneur en conseil qui doit en décider pour les motifs de politique générale qu'il peut adopter. Ce n'est pas sans raison que le paragraphe 27(2) exige qu'un décret pris conformément au paragraphe 27(1) doit non seulement être publié immédiate- ment dans la Gazette du Canada, mais doit aussi être déposé devant le Parlement dans les quinze jours, et si le Parlement n'est pas alors en session, dans les quinze premiers jours il siège par la suite. Cela donne au Parlement lui-même la possi- bilité d'examiner ce qui a été fait et d'annuler ou de modifier les instructions, s'il estime approprié de le faire. À mon avis, ces particularités du texte de la loi montrent la nature législative des instruc tions et du pouvoir de les émettre.
En l'absence de conditions particulières prescri- tes par les textes de loi, les tribunaux n'ont pas jusqu'ici considéré que les pouvoirs de légiférer donnent le droit à une audition de leur cause aux personnes qui subiront probablement des inconvé- nients en raison de l'exercice de ces pouvoirs. Ainsi, dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [ 1980] 2 R.C.S. 735, le juge Estey a déclaré en rendant le jugement de la Cour suprême la page 758]:
Les ordonnances en cause dans l'affaire Bates et en l'espèce sont manifestement de nature législative et j'adopte le raisonne- ment du juge Megarry qu'aucune audition n'est requise en pareils cas. Je suis conscient, cependant, que la ligne de démar- cation entre les fonctions de nature législative et les fonctions de nature administratives [sic] n'est pas toujours facile à tracer: voir Essex County Council v. Minister of Housing ((1967), 66 L.G.R. 23).
Plus haut, le juge avait cité le passage suivant tiré de la décision du juge Megarry dans l'arrêt Bates v. Lord Hailsham of St. Marylebone, et al., [1972] 1 W.L.R. 1373 (Ch.D.) la page 1378] 5 :
[TRADUCTION] Admettons que dans le domaine de ce qu'on appelle le quasi-judiciaire, on applique les règles de justice naturelle et, dans le domaine administratif ou exécutif, l'obliga- tion générale d'agir équitablement. Mais cela ne me paraît pas s'appliquer au processus législatif, qu'il s'agisse de lois ou de législation déléguée. Plusieurs de ceux que la législation délé- guée concerne, et souvent de façon très importante, ne sont jamais consultés au cours de son processus d'adoption; et pourtant ils n'ont aucun recours ... Il n'existe, que je sache, aucun droit implicite d'être consulté ou de présenter des objec tions, ni aucun principe en vertu duquel les tribunaux peuvent donner des ordres au pouvoir législatif à la demande de ceux qui prétendent qu'il n'a pas consacré un temps suffisant à la consultation et à l'étude de la question.
Finalement, la procédure prescrite par l'article 27, c'est-à-dire la prise d'un décret qui devra être publié dans la Gazette du Canada et être déposé devant le Parlement, ne prévoit pas qu'il faut accorder à un membre d'une classe ou à une classe de requérants la possibilité d'exposer leurs préten- tions ou de se faire entendre par un autre moyen avant qu'un tel décret ne soit pris.
Par conséquent, je rejetterais l'argumentation de l'appelante.
L'appel et la demande d'examen devraient donc être rejetés.
LE JUGE PRATTE: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE RYAN: J'y souscris également.
5 [1980] 2 R.C.S. 735, à la p. 757.
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