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T-201-83
Irving Oil Limited (requérante)
c.
La Reine (intimée)
Division de première instance, juge Walsh— Ottawa, 20, 21 avril et 3 juin 1983.
Énergie Accord sur un mémoire spécial en vue de faire trancher des questions de droit Les exportations de pétrole de la requérante excèdent les importations Les directives de l'intimée sont silencieuses quant à cette situation La requé- rante a informé l'intimée de son intention de faire, dans ses demandes d'indemnités d'importation, un report prospectif du volume net du pétrole exporté en surplus et de l'imputer au pétrole importé au cours des mois suivants L'Office de répartition des approvisionnements d'énergie ne s'est pas opposé à cette méthode de répartition et a payé l'indemnité réclamée Quelques années plus tard, l'Office a exigé l'im- putation des déductions d'exportation aux importations du mois précédent et le recouvrement de l'excédent d'indemnité par voie de compensation lors de la première demande d'in- demnité La requérante avait droit à la compensation des paiements en trop Le Règlement exige d'exclure du pétrole qui donne droit à une indemnité «les quantités de pétrole» exportées L'interprétation littérale exige que les déductions soient reportées rétrospectivement Les variations du prix influent sur l'indemnité et obligent à identifier les exportations par rapport au pétrole déjà importé Les variations du prix auraient aussi empêché la requérante d'ajuster ses affaires différemment L'Office n'a pas agi functus officio L'art. 76 de la Loi sur l'administration du pétrole prévoit le recou- vrement, comme une créance de la Couronne, d'une indemnité versée à une personne qui n'y a pas droit La Division de première instance a le pouvoir de décider si la requérante a droit à la compensation et si la décision est relative à un droit ou au montant à payer Les décisions de l'Office se rappor- tent au montant de l'indemnité à payer et sont de nature administrative Le Règlement oblige l'Office à recouvrer les paiements en trop L'opposition à la compensation pour des raisons de procédure n'est pas retenue parce qu'elle entraîne une duplication des procédures L'estoppel ne s'applique pas parce que l'intérêt public exige que soit perçu le paiement en trop qui résulte d'une interprétation erronée de la Loi Il n'est pas injuste d'appliquer correctement la loi Rien n'indique que la requérante ait été amenée à employer la méthode de report prospectif Il n'y a pas de preuve que d'autres sociétés aient reçu un traitement différent Loi sur l'administration du pétrole, S.C. 1974-75-76, chap. 47, art. 76, Partie IV Règlement 1 de 1975 sur l'indemnité d'importation du pétrole, DORS/75-140, art. 6(2), 10 Règlement sur l'indemnité compensatrice du coût d'importa- tion du pétrole, DORS/75-384, art. 9(2), 10 Loi sur l'admi- nistration financière, S.R.C. 1970, chap. F-10, art. 19 Loi 5 de 1974 portant affectation de crédits, S.C. 1974-75-76, chap. 22, annexe, crédit 53c Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 17(3)6).
Il s'agit d'un accord sur un mémoire spécial pour faire trancher certaines questions de droit découlant de la procédure
adoptée pour déterminer le montant de l'indemnité à payer aux importateurs et aux raffineurs de pétrole en vertu du pro gramme d'indemnisation des importateurs de produits pétro- liers. Au mois de juillet des années 1975 à 1978 inclusivement, la requérante a exporté plus de pétrole qu'elle en a importé. Les directives publiées par l'intimée n'envisageaient pas cette situa tion. Dans ses demandes d'indemnité d'importation pour ces mois, la requérante a fait un report prospectif de la quantité nette du surplus d'exportation du pétrole et l'a appliquée à la quantité de pétrole importée les mois suivants. La requérante a informé l'Office de répartition des approvisionnements d'éner- gie (maintenant l'Office des indemnisations pétrolières) de sa méthode d'imputation des déductions avant de l'adopter en 1975. L'Office ne s'est pas opposé à cette méthode de report prospectif et a versé l'indemnité réclamée. En 1978, l'Office a informé la requérante qu'à compter du V octobre 1978, les déductions d'exportation devaient être imputées au pétrole importé le mois précédent, mais qu'il n'y aurait pas de rajuste- ment des indemnités versées. En 1979, l'excédent d'indemnité a été recouvré par voie de compensation lors de la première demande d'indemnité d'importation. Chaque demande d'in- demnité comportait l'engagement de la requérante de rembour- ser tout montant d'indemnité d'importation à laquelle elle «n'avait pas droit«. La requérante fait valoir que: (1) l'Office a agi functus officio puisqu'il avait compétence lorsqu'il a vérifié les demandes contestées et qu'il a versé l'indemnité demandée; (2) même si la première série de décisions était entachée d'erreur, il s'agissait d'une erreur commise dans l'exercice de sa compétence que l'Office pouvait faire sans perdre sa compé- tence; (3) l'Office n'avait aucun pouvoir statutaire pour exami ner de nouveau la première série de décisions; (4) parce qu'il a continué à certifier les demandes et à verser l'indemnité, l'Of- fice est empêché d'appliquer rétroactivement sa nouvelle méthode; (5) la requérante ne pouvait reporter les excédents d'exportation sur les mois précédents puisque les importations antérieures à l'entrée en vigueur du programme ne donnaient pas droit à une indemnité; (6) il est injuste de recouvrer le paiement en trop après que la requérante s'est conformée aux décisions de l'Office et a adapté en conséquence la conduite de ses affaires; (7) il est injuste que l'intimée se rembourse par compensation au lieu d'intenter des procédures pour recouvrer les sommes qu'elle réclame. L'intimée fait valoir qu'en vertu de la common law et de la loi, la Couronne a le droit de recouvrer les paiements en trop. Le Règlement qui régit le paiement de l'indemnité d'importation prévoit qu'il faut déduire du pétrole à l'égard duquel une indemnité peut être versée «toute quantité dudit pétrole brut ...« Puisqu'il est impossible d'exporter du pétrole avant qu'il ne soit importé, les déductions pour la quantité de pétrole exportée doivent être faites sur les quantités de pétrole importées pour une période antérieure à la date d'exportation. Selon l'intimée, dans l'arrêt Shell Canada Limi ted c. Le ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources et autre, la Cour d'appel fédérale a conclu que le droit à une indemnité découle de la Loi et du Règlement. L'Office accom- plit simplement l'acte administratif de s'assurer du montant payable. De même, l'arrêt Auckland Harbour Board v. The King a conclu que tout paiement à même le fonds consolidé effectué sans l'autorisation du Parlement est illégal. Elle pré- tend en outre que le recouvrement est autorisé par la loi puisque l'article 76 de la Loi sur l'administration du pétrole prévoit que lorsqu'a été versé un paiement relatif à une indem- nité d'importation qui excède le montant auquel la personne a
droit, il peut être recouvré comme une créance de la Couronne. En outre, dans ses demandes d'indemnité, la requérante s'est engagée à rembourser les paiements en trop. L'intimée prétend également que la doctrine du functus officio ne s'applique pas puisque l'Office n'exerce pas un pouvoir décisionnel, et même s'il exerçait un tel pouvoir, le Parlement a empêché l'applica- tion de cette doctrine puisqu'il a accordé à l'Office le pouvoir de décider si un importateur a reçu un montant auquel il n'a pas droit. Elle prétend que la doctrine d'estoppel ne s'applique pas puisque la conduite des fonctionnaires de la Couronne ne fait pas obstacle au recouvrement, par la Couronne, de paie- ments effectués à même le Fonds du revenu consolidé sans l'autorisation du Parlement. En outre, l'estoppel ne peut l'em- porter sur les dispositions d'une loi. Enfin, l'intimée prétend que rien n'établit que la requérante ait été amenée à agir comme elle l'a fait ou qu'elle ait subi un préjudice en conséquence de ce qu'on lui aurait dit. Sur la question d'équité administrative, l'intimée prétend que puisque la décision de l'Office ne touche pas d'une façon irrévocable les droits d'une personne, la doc trine d'équité de la procédure ne s'applique pas. Elle prétend que la décision de recouvrer les paiements en trop n'est pas une décision qui affecte les droits de la requérante qui ne peuvent être décidés que par la Cour. En outre, la requérante avait été suffisamment avisée de l'intention de l'Office de recouvrer le paiement en trop.
Jugement: la requête est rejetée et l'intimée a droit à la compensation. La méthode consistant à reporter la déduction, pour le pétrole importé puis réexporté, sur les importations des mois précédents lorsqu'il n'y a pas d'importations nécessitant des paiements d'indemnités dans un mois donné est la méthode appropriée suivant l'interprétation littérale de l'alinéa 9(2)a) du Règlement qui permet de déduire de la quantité de pétrole «les quantités de pétrole ...» Également, puisque la date de la déduction influe sur le montant de l'indemnité à payer, étant donné les variations importantes des prix du pétrole, la corres- pondance entre le pétrole exporté et le pétrole déjà importé devrait être la plus rapprochée possible, et si ces exportations ne peuvent être déduites du pétrole importé dans un mois donné, elles devraient être déduites de celui importé dans les mois précédents plutôt que dans les mois ultérieurs. L'argument de la requérante qu'elle aurait arrangé ses affaires en conséquence échoue parce que les variations des prix ne permettaient pas de prévoir si elle devait ajuster la date de ses chargements pour importation ou reporter ses exportations. L'Office n'a pas agi functus officio parce qu'il avait déjà effectué les paiements et qu'il a ensuite décidé qu'ils avaient été calculés erronément. La Division de première instance a le pouvoir de décider si la compensation doit être reportée rétroactivement sur des cargai- sons antérieures ou non et s'il s'agit d'une décision relative à un droit ou simplement au montant d'indemnité qui devrait être versé. L'article 76 de la Loi sur l'administration du pétrole donne à la Cour le pouvoir de conclure que les paiements excédentaires découlant d'une ligne directrice erronée peuvent être recouvrés et être retenus sur les indemnités qui deviennent ultérieurement dues. Les décisions de l'Office étaient de nature administrative en ce qu'elles portaient sur le montant de l'in- demnité à laquelle avait droit la requérante et non sur un droit seulement. En raison de l'article 10 du Règlement 1 de 1975 sur l'indemnité d'importation du pétrole et de l'article 10 du Règlement sur l'indemnité compensatrice du coût d'importa- tion du pétrole, l'Office était tenu de recouvrer les paiements en trop. Bien qu'on puisse accorder une certaine valeur à
l'argument que l'Office ne pouvait déduire par compensation le montant du paiement en trop, accueillir la requête pour des raisons de procédure entraînerait une duplication des procédu- res puisque l'intimée demanderait le recouvrement du montant qui lui est dû. On ne peut appliquer l'estoppel pour empêcher le recouvrement des paiements en trop puisque la méthode du report des déductions d'exportation du pétrole sur les importa tions subséquentes découlait d'une interprétation erronée de la Loi et qu'il est dans l'intérêt public de recouvrer le paiement en trop. Il n'est pas injuste d'appliquer correctement une loi ou un règlement ou de corriger une erreur d'interprétation. Rien n'indique que la requérante ait été amenée à employer la méthode de report prospectif puisque c'est elle-même qui a proposé d'employer cette méthode. Rien n'indique que d'autres sociétés pétrolières aient reçu un traitement différent de celui de la requérante.
JURISPRUDENCE DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Shell Canada Limited c. Le ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources et autre, [1979] 2 C.F. 367 (C.A.); Greenwood v. Martins Bank, Limited, [1933] A.C. 51 (H.L.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
La Cité de Jonquière v. Munger et al., [1964] R.C.S. 45; Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada c. MacDonald Tobacco Inc., [1981] 1 R.C.S. 401; H.T.V. Ltd. v. Price Commission, [1976] I.C.R. 170 (C.A. Angl.); Robertson v. Minister of Pensions, [1949] 1 K.B. 227 (C.A. Angl.); Laker Airways Ltd. v. Department of Trade, [1977] 1 Q.B. 643 (C.A. Angl.); Harel c. Le sous-ministre du Revenu de la province de Québec, [1978] 1 R.C.S. 851.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Auckland Harbour Board v. The King, [1924] A.C. 318 (P.C.); Stickel c. Le ministre du Revenu national, [1972] C.F. 672 (1" inst.); Le Ministre du Revenu National c. Inland Industries Limited, [1974] R.C.S. 514; Lugano c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1977] 2 C.F. 605 (C.A.); Grillas c. Le Ministre de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration, [1972] R.C.S. 577; Re Lornex Mining Corporation Ltd. and Bukwa (1976), 69 D.L.R. (3d) 705 (C.S.C.-B.); The Becker Milk Com pany Limited v. Minister of Revenue, [1978] CTC 744 (H.C. Ont.); Sous-ministre du Revenu du Québec c. Ciba-Geigy Canada Ltd., jugement en date du 24 août 1981, C.A. du Québec (Montréal), 500-09-001153-766, non publié; Maritime Electric Company Limited v. General Dairies, Limited, [1937] A.C. 610 (P.C.); Irving Oil Limited c. La Reine, [1979] 2 C.F. 200 (1" inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Le procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735; Martineau c. Le Comité de discipline de l'Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602; The Queen v. Randolph et al., [1966] R.C.S. 260; Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311.
AVOCATS:
Michel Côté, c.r. et J. Drouin Knoppers pour la requérante.
E. A. Bowie, c.r. et D. P. F. Hermosa pour l'intimée.
PROCUREURS:
Clarkson, Tetrault, Montréal, pour la requé- rante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: L'audition de cette affaire repose sur un accord sur un mémoire spécial, lequel mémoire est ainsi conçu:
[TRADUCTION] CONSIDÉRANT qu'il existe un litige entre Irving Oil Limited et Sa Majesté La Reine quant aux consé- quences juridiques de certains événements, et qu'elles désirent donc faire trancher les questions de droit précisées au paragra- phe 43 par la Cour fédérale en vertu de l'alinéa 17(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970, chap. 10, 2' Supp.;
PAR CONSÉQUENT, Irving Oil Limited et Sa Majesté La Reine conviennent par les présentes que les questions de droit précisées au paragraphe 43 seront ci-après tranchées par la Cour fédérale, et elles conviennent en outre que les faits exposés ci-dessous aux paragraphes 1 à 42, ainsi que les pièces 1 à 12 y mentionnées, constituent un exposé complet et exact des faits nécessaires à la détermination de ces questions de droit.
1. À toutes les époques en cause, Irving Oil Limited (ci-après appelée la «requérante») était une société constituée sous le régime des lois de la province du Nouveau-Brunswick, son siège social étant dans la ville de Saint-Jean (Nouveau-Brunswick).
2. Par la promulgation de la Loi 1 de 1974 portant affecta tion de crédits, entrée en vigueur le 28 mars 1974, le crédit 1lb d'EMR prévoyait à la fois les fonds pour opérer le programme d'indemnisation des importateurs de pétrole et l'autorité pour édicter les règlements nécessaires à l'administration de ce pro gramme pour la période allant du 1" janvier 1974 au 31 mars 1974.
3. En vertu de ladite Loi portant affectation de crédits, le 10 avril 1974, le Règlement sur les indemnités d'importation du pétrole et des produits pétroliers CP 1974-806; DORS/74-232, a été enregistré, édictant des règles relatives au versement d'une indemnité à certains raffineurs et importateurs de pétrole des- tiné à la consommation au Canada.
4. En vue de financer le programme d'indemnisation des impor- tateurs de produits pétroliers (le «programme») décrit dans ledit Règlement, les mandats spéciaux suivants ont été émis en vertu de l'article 23 de la Loi sur l'administration financière (S.R.C. chapitre F-10), CP 1974-1175 (22 mai 1974), CP 1974-1519 (27 juin 1974), CP 1974-1697 (25 juillet 1974), CP 1974-1943
(28 août 1974), et CP 1974-1973 (4 septembre 1974).
5. En juillet 1974, pour la conduite du programme, l'intimée a émis des directives administratives intitulées le Manuel des règles de pratique du programme d'indemnisation des importa- teurs de pétrole (ci-après appelé le «manuel (I) de 1974»), où, à la section 3B portant sur les formules de demande, sous la rubrique «Désignation de la cargaison», les déclarations suivan- tes sont faites relativement à la déduction pour les produits pétroliers tirés du pétrole importé:
«La déduction pour les produits exportés doit refléter aussi près que possible les proportions dans lesquelles les produits sont tirés respectivement du pétrole brut canadien et du pétrole brut importé lorsqu'il y a le mélange des deux.
EMR devrait être consulté en cas de doute sur les procédures d'évaluation pour les déductions.»
6. En vertu de la Loi 3 de 1974 portant affectation de crédits, entrée en vigueur le 30 octobre 1974, par le crédit 52a d'EMR, les fonds destinés à l'administration du programme et l'autorité pour prendre d'autres règlements en vue de son administration ont été prévus pour la période commençant le 1°' novembre 1974.
7. En vertu de ladite Loi 3 de 1974 portant affectation de crédits, le 8 novembre 1974, le Règlement sur l'indemnité d'importation du pétrole CP 1974-2419; DORS/74-627 a été enregistré, prévoyant de nouvelles règles de versement d'une indemnité d'importation à compter de novembre 1974.
8. Avec la promulgation de la Loi 5 de 1974 portant affectation de crédits, entrée en vigueur le 20 décembre 1974, d'autres fonds ont été prévus pour la poursuite du programme.
9. Pour remplacer le manuel (1) de 1974, un manuel modifié des règles de pratique du programme d'indemnisation des importateurs de pétrole a été publié en décembre 1974 (ci-après appelé le «manuel (2) de 1974»).
10. En vertu du crédit 53 dans ladite Loi 5 de 1974 portant affectation de crédits, le Règlement I de 1975 sur l'indem- nité d'importation du pétrole, CP 1975-545, DORS/75-140 a été enregistré le 12 mars 1975, et est resté en vigueur jusqu'à l'adoption, le 1°' juillet 1975, d'un nouveau Règlement pris en vertu de la Loi sur l'administration du pétrole («LAP»).
11. Pour remplacer le manuel (2) de 1974, un manuel modifié des règles de pratique du programme d'indemnisation des importateurs de pétrole a été publié en mars 1975, dont l'effet rétroagit au 1 ° ' janvier 1974 (ci-après appelé le «manuel (1) de 1975»).
12. Le 8 avril 1975, le Règlement (CP 1974-2419: DORS/ 74-627), enregistré le 8 novembre 1974, a été modifié pour limiter la période de son application, la disposition prévoyant l'entrée en vigueur: «à compter du 1 ° ' novembre 1974» étant remplacée par: «entre la période commençant le 1°' novembre 1974 et se terminant le jour qui précède l'entrée en vigueur du Règlement 1 de 1975 sur l'indemnité d'importation du pétrole.»
13. En vertu de la LAP, promulguée le 19 juin 1975, le programme a continué de s'appliquer: une indemnité d'importa- tion était versée à certains importateurs pour le coût d'importa- tion du pétrole au Canada.
14. En vertu de la LAP, le 4 juillet 1975, le Règlement sur l'indemnité compensatrice du coût d'importation du pétrole CP
1975-1487: DORS/75-384 (ci-après appelé le «Règlement») a été enregistré. Il prévoyait de nouvelles règles relatives à l'in- demnité compensatrice du coût d'importation pour les importa- teurs de pétrole au Canada.
15. En vertu de la LAP et du Règlement, le programme était alors géré par l'Office de répartition des approvisionnements d'énergie (l'«ORAE»), l'office étant actuellement appelé l'Of- fice des indemnisations pétrolières («Office») en application de la Loi modifiant la Loi sur l'administration du pétrole et la Loi d'urgence sur les approvisionnements d'énergie, S.C. 1978, chapitre 24, article 7, entrée en vigueur le 20 avril 1978.
16. Aux fins du calcul, en vertu de l'article 9 du Règlement, de l'indemnité d'importation dont l'Office peut autoriser le paie- ment à un importateur admissible tel que la requérante, il faut déterminer à la fois le taux de l'indemnité d'importation par baril de pétrole, à l'exclusion des produits pétroliers, et la quantité de pétrole.
17. Le taux de l'indemnité d'importation par baril de pétrole fixé par la législation en vigueur pour les mois de juin, de juillet et d'août des années 1975 à 1978 inclusivement a été exposé dans la pièce 1 produite en l'espèce pour faire partie du présent mémoire.
18. L'alinéa 9(2)a) du Règlement est ainsi rédigé:
«9 (2) Dans le calcul de la quantité de pétrole qui peut donner droit à une indemnité d'importation, sont exclues
a) les quantités de pétrole et des produits pétro- liers tirés de ladite quantité vendues ou four- nies pour livraison à l'extérieur du Canada, ou livrées à l'extérieur du Canada;»
19. Dans ces circonstances, lorsque l'indemnité d'importation avait déjà été versée, et comme il était pratiquement impossible de déterminer directement la quantité de pétrole pour laquelle une indemnité adéquate avait été versée et d'où étaient tirés les produits pétroliers exportés, l'Office, pour effectuer la déduc- tion d'exportation, a adopté une procédure administrative pour faire établir la corrélation entre le pétrole importé et les produits pétroliers exportés tirés de celui-ci.
20. Cette procédure administrative a été communiquée aux importateurs admissibles, tels que la requérante, par la publica tion d'un nouveau manuel (ci-après appelé le «manuel (2) de 1975»), qui remplaçait le manuel (1) de 1975. Le manuel (2) de 1975 s'appliquait à tous les chargements de pétrole à compter du 1»' juillet 1975.
21. Dans le manuel (2) de 1975, dans la section 3B concernant les demandes, sous la rubrique «Désignation de la cargaison», les directives suivantes ont été données relativement aux déduc- tions d'exportation:
«—Toutes les déductions d'un mois doivent être défalquées de la première cargaison réclamée pour le mois. Lorsque les déductions du mois dépassent le nombre de barils nets déchargés pour la première cargaison, alors l'excé- dent doit être reporté sur la deuxième cargaison récla- mée dans le mois. Les requérants peuvent utiliser ou bien le premier chargement ou bien le premier décharge- ment du mois, selon la méthode de déduction préalable- ment établie en consultation avec l'ORAE.
Sur les demandes provisoires, les requérants peuvent inscrire des déductions estimatives; toutefois, ils doivent appliquer une méthode d'estimation uniforme pour tous les mois.
Lorsque les déductions portent sur les produits pétroliers fabriqués à partir du pétrole importé, le volume doit être majoré en tenant compte du carburant de raffinerie et du facteur de perte.
Les déductions de produits pétroliers doivent refléter aussi près que possible les proportions dans lesquelles les produits pétroliers sont tirés respectivement du pétrole brut canadien et du pétrole brut importé lorsqu'il y a mélange des deux.
Pour de plus amples renseignements sur les déductions, voir la section 3C.»
22. Le manuel (2) de 1975 donne, dans la section 3C portant sur les demandes, sous la rubrique «Déductions», les procédures administratives applicables suivantes:
«L'article 9, paragraphe (2) du Règlement:
(1) Prévoit les exclusions suivantes pour ce qui concerne le
droit à une indemnité;
A. Le pétrole importé vendu ou fourni pour livraison à l'extérieur du Canada, ou livré à l'exté- rieur du Canada;
B. Les produits pétroliers tirés du pétrole importé qui sont vendus ou fournis pour livraison à l'extérieur du Canada, ou livrés à l'exté- rieur du Canada.
(8) À compter du 1»' juillet 1975, toutes les déductions doivent être défalquées de la première cargaison récla- mée pour chaque mois. Lorsque les déductions du mois dépassent le nombre de barils nets déchargés pour la première demande, alors l'excédent doit être reporté sur la deuxième cargaison réclamée pour le mois. Les requé- rants peuvent utiliser ou bien le premier chargement ou bien le premier déchargement du mois, selon la méthode de déduction préalablement établie en consultation avec l'ORAE. Toutefois, la cargaison utilisée (premier char- gement ou premier déchargement) doit être employée constamment pour tous les mois.
(13) Les déductions effectuées sur les demandes finales doi- vent être des déductions réelles plutôt que des déduc- tions estimatives qui peuvent avoir été utilisées pour les demandes provisoires. Les demandes finales doivent être soumises par groupes, c.-à-d. par mois ou par trimestre. Toutefois, lorsque toutes les données sur une demande du mois sont déjà dans leur forme finale, à l'exception des renseignements sur les déductions, alors seulement la demande dans laquelle sont effectuées des déductions (c.-à-d. la première cargaison chargée ou déchargée dans le mois) doit être soumise de nouveau pour confir mation définitive. L'ORAE doit être informé que les autres demandes pour le mois n'exigent pas de révision et sont dans leur forme définitive.»
23. Dans le manuel (2) de 1975, on n'a pas prévu particulière- ment la procédure administrative à suivre dans le cas il n'y a eu dans le mois aucune importation de pétrole pour laquelle une demande d'indemnité d'importation pouvait être formée, mais une quantité de produits pétroliers avait été exportée, ou
dans le cas la quantité de produits pétroliers exportée dépassait la quantité de pétrole importée pour le mois.
24. En application du Règlement, la requérante a soumis 13 demandes d'indemnités: N°' IRV41, 42, 43, 45, 66, 70, 94, 098, 118, 119, 120, 123 et 124, dont les photocopies, les modifica tions ou révisions sont jointes en liasses aux présentes et consti tuent la pièce 2, lesquelles demandes ont été vérifiées en octobre 1980. Ces demandes forment la base de la présente action et d'un document intitulé «Report de déductions d'expor- tation»; une photocopie de ce document est jointe aux présentes sous la cote pièce 3; les colonnes 1 à 6 de ce document indiquent ce qui suit:
Colonne 1 «Mois d'exportation»—indique le mois dans lequel le volume de produits pétroliers exporté par la requérante excédait le volume de pétrole importé par celle-ci;
Colonne 2 «Volume (barils)»--indique le volume net qui a été reporté sur le volume de pétrole importé dans un mois ultérieur ou dans des mois ultérieurs. C'est ce volume que l'ORAE a, par la suite, ajusté et déduit d'une quantité de pétrole impor- tée dans les mois précédents;
Colonne 3 «Taux d'indemnité»—donne le taux d'indemnité d'importation par baril applicable au mois donné;
Colonne 4 «Numéro de la demande»—indique les numéros des demandes pertinentes formées par la requé- rante, au sujet desquelles les rectifications de l'indemnité d'importation ont été faites;
Colonne 5 «Chargé/Déchargé»—indique le mois et l'année un navire a été chargé dans le pays exporta- teur, et le mois et l'année la quantité de pétrole pertinente a été déchargée et importée au Canada;
Colonne 6 «Indemnité—diminution (augmentation)»—indi- que le rajustement en dollars canadiens effectué pour chaque demande. Une somme entre paren- thèses représente une augmentation dans l'in- demnité d'importation versée pour la demande, et une somme qui n'est pas entre parenthèses repré- sente une diminution dans l'indemnité d'importa- tion versée. L'«indemnité totale diminuée» indi- que le montant total d'indemnité rectifié par le report rétrospectif des déductions d'exportation plutôt que par le report prospectif, et représente le montant contesté de l'indemnité d'importation au sujet de laquelle une compensation a été faite.
25. En conformité avec le Règlement, la requérante s'est enga gée, par écrit, dans chaque demande, à remettre au receveur général du Canada toute somme versée à l'égard de l'indemnité d'importation à laquelle elle n'avait pas droit, ou qui n'avait pas été autorisée, et à fournir une attestation que tous les renseigne- ments donnés dans la formule de demande relative à la cargai- son spécifique de pétrole étaient exacts quant aux faits, et justes et raisonnables quant aux estimations.
26. Au cours du mois de juillet pour les années 1975 1978 inclusivement, le volume de produits pétroliers exporté par la requérante dépassait le volume de pétrole importé pour le même mois et, par conséquent, certaines déductions d'exporta-
tion ne pouvaient être faites par la requérante sur la quantité de pétrole importée pour ce mois.
27. Les demandes maintenant contestées de la requérante (pièce 2), qui ont reçu l'approbation d'un représentant compé- tent de l'ORAE et de l'Office sous la forme d'une attestation qu'elle a respecté toutes les exigences de la Loi et du Règlement et à l'égard desquelles, un versement a, par la suite, été effectué en vertu de cette approbation et de cette attestation, ont été déposées, étant admis qu'au cours du mois de juillet pour les
années 1975 1978 respectivement, le nombre de barils de pétrole brut importé par la requérante est inférieur à la quan- tité de produits pétroliers raffinés exportée pour la même période.
28. Les déductions d'exportation pour les mois en question ont fait l'objet d'un report prospectif et ont été imputées aux importations ultérieures de brut de la requérante, celle-ci ayant peu ou pas de chargements de pétrole brut importé pour le mois
de juillet pendant les années 1975 1978 dont les déductions d'exportations pouvaient être défalquées.
29. Avant l'adoption de la méthode de répartition des déduc- tions susmentionnée, la requérante a, le 31 octobre 1975, écrit à l'ORAE une lettre que l'Office a reçue, mais à laquelle il n'a pas répondu; une photocopie de cette lettre est produite en l'espèce sous la cote pièce 4.
30. À l'exception des manuels susmentionnés, la première com munication relative aux procédures de déduction provenant de l'ORAE et de l'Office destinée à la requérante était un télex en date du 17 août 1978, dont une photocopie est jointe aux présentes et forme la pièce 5.
31. La requérante a appliqué, pour les années 1975 à 1978, une méthode de répartition des déductions uniforme pour les mois les exportations dépassaient les importations. Le 2 juin 1980, le vérificateur de l'Office a écrit à MM. Touche, Ross & Co., vérificateurs indépendants, une lettre qui est produite en l'es- pèce et forme la pièce 6. La mention, au premier alinéa de cette lettre, de l'ancien système et du nouveau système de répartition des exportations n'a aucun rapport avec les points litigieux de l'espèce présente.
32. À une réunion avec l'Office tenue le 24 août 1978, la requérante a discuté de la procédure de report prospectif des déductions d'exportation et a demandé qu'on ne modifie pas sa procédure.
33. Au cours du mois de septembre 1978, un représentant dûment autorisé de l'Office a informé la requérante que l'Of- fice n'exigerait pas de rajustement rétroactif des demandes pertinentes d'indemnité d'importation.
34. Par télex en date du 2 octobre 1978, l'Office a informé la requérante qu'à compter du 1°" octobre 1978, les déductions d'exportation devaient être imputées à la quantité de pétrole importée au cours du mois précédent par la distribution propor- tionnelle du volume d'exportation d'un mois sur toutes les importations de pétrole du mois précédent, et ceci a été con firmé par lettre en date du 21 novembre 1978 adressée à la requérante; une photocopie de ce télex et une de cette lettre sont jointes, en liasses, aux présentes et forment la pièce 7.
35. Par lettre en date du 3 octobre 1978, un représentant dûment autorisé de l'Office a informé la requérante qu'une rectification des demandes pertinentes (pièce 2) de la requé- rante ne serait pas requise, et qu'une procédure modifiée de déductions pour les exportations effectuées à compter du 1e"
octobre 1978 avait été établie, dont une photocopie est produite en annexe et forme la pièce 8.
36. Pour remplacer le précédent manuel (2) de 1975, l'Office a, en décembre 1978, délivré à la requérante un manuel modifié (ci-après appelé le «manuel de 1979») exposant les procédures administratives qui entreraient en vigueur le 1°' janvier 1979.
37. À la suite de critiques formulées dans le rapport du vérificateur général pour l'année 1979, l'Office a informé la requérante de son intention de recouvrer ce qu'il a appelé l'excédent d'indemnité, ainsi qu'il ressort d'une lettre écrite par l'Office le 22 décembre 1980. Une photocopie de cette lettre est jointe aux présentes et forme la pièce 9.
38. À la suite d'une réunion entre les représentants de la requérante et de l'intimée, par lettre datée du 4 février 1981, le président de l'Office, A. Digby Hunt, a avisé la requérante qu'étant donné la méthode employée par la requérante pour reporter sur les mois ultérieurs les déductions d'exportation, des indemnités d'importation qui avaient antérieurement été ver sées, de temps à autre, à la requérante, pour une somme totale de 3 700 928 $, n'étaient pas autorisées par la LAP et le Règlement, et que cette somme dépassait celle à laquelle la requérante avait droit, la somme totale étant composée de parties de paiements d'indemnité effectués à l'égard des 13 demandes (pièce 2). Une photocopie de cette lettre est produite en l'espèce et forme la pièce 10.
39. Ainsi qu'il ressort de la pièce 9, A. Digby Hunt a également informé la requérante que la somme totale susdite serait recou- vrée par voie de compensation lors de la première demande d'indemnité d'importation formée par la requérante après le 15 février 1981.
40. L'Office a prélevé la somme de 3 700 928 $ sur les indemni- tés d'importation ultérieures payables à la requérante en vertu de la demande IRV 215, dont une photocopie est jointe aux présentes et forme la pièce 11.
41. Les parties pertinentes des manuels applicables sont repro- duites en annexe et forment la pièce 12.
42. Il existe un véritable litige entre les parties quant au droit de l'Office de réclamer et de recouvrer de la requérante la somme de 3 700 928 $ et de déduire, comme il l'a fait, cette somme des paiements d'indemnité ultérieurs dus à la requérante.
43. La question que cette Cour a à trancher est la suivante:
Sa Majesté la Reine est-elle en droit de retenir la somme de 3 700 928 $, ou toute somme moindre sur les sommes totales payables à Irving Oil Limited en vertu de la demande IRV 215?
Si la réponse est affirmative, l'action sera rejetée sans dépens; dans le cas contraire, la Cour adjugera, sans dépens, à Irving Oil Limited la somme de 3 700 928 $ ou toute somme moindre que la Cour pourra déterminer.
FAIT à Ottawa (Ontario) le 12 janvier 1983.
Comme il a été indiqué, la question à trancher est de savoir si l'intimée avait le droit de prélever la somme de 3 700 928 $ ou toute autre somme moindre sur les sommes totales payables à Irving
Oil Limited en vertu de la demande IRV 215. La requérante avance divers arguments pour étayer cette prétention.
1. Que l'Office de répartition des approvisionne- ments d'énergie et l'Office des indemnisations pétrolières avaient compétence, dans la première série de décisions, pour conclure à l'approbation et à la vérification des demandes maintenant contestées de la requérante et pour verser la somme payable pour l'indemnité d'importation, et que, comme il s'agissait de décisions valides, l'Office s'était acquitté de ses fonctions, ce qui fait que ses nouveaux examens sont nuls.
2. Même si la première série de décisions était entachée d'une erreur de droit, il s'agissait d'une erreur commise dans l'exercice de leur compétence et que les Offices pouvaient faire sans entraîner une perte de compétence; les déci- sions étaient donc valides et les nouveaux exa- mens sont nuls.
3. Qu'en tout état de cause, l'Office n'avait aucun pouvoir statutaire pour examiner de nou- veau la première série de décisions.
4. Même si l'Office tenait de la loi le pouvoir de réviser sa propre décision, cela ne saurait porter préjudice à la requérante, étant donné l'appro- bation, la certification et la vérification conti nues de ses méthodes comptables et le versement de toutes les indemnités d'importation, ce qui fait que l'Office est empêché d'appliquer rétroactivement sa nouvelle méthode.
5. La méthode de calcul de la requérante, savoir le report prospectif, non seulement rendait la comptabilité simple, mais aussi tenait compte du fait que le programme d'indemnité d'importa- tion du pétrole touchait une entreprise en marche. Il est allégué que la requérante ne pouvait reporter les excédents d'exportation sur les mois précédents, les importations antérieures à l'entrée en vigueur du programme n'ayant pas fait l'objet d'une indemnisation, et que, de plus, ladite méthode n'allait pas à l'encontre des directives contenues dans le manuel des règles de pratique relatives aux indemnisations de l'intimée.
6. Qu'il est injuste de recouvrer, à l'égard d'une indemnisation d'importation, un prétendu paie- ment en trop et ce, plusieurs années après le fait au moment la requérante est absolument
incapable de prendre les mesures qu'elle aurait pu prendre si on l'avait informée en temps utile que ses procédures de déduction étaient inaccep- tables, et que l'obligation d'agir équitablement comporte l'obligation de permettre à la requé- rante de s'en tenir aux décisions de l'Office et d'adapter en conséquence la conduite de ses affaires.
7. Il est injuste, par la simple retenue du verse- ment de dettes reconnues dues, à la suite de l'approbation et de la certification par l'Office de la demande IRV 215 de la requérante, de forcer celle-ci à intenter des actions en recouvre- ment de ces dettes, alors qu'il appartient plutôt à l'intimée d'intenter ses propres actions en recouvrement des sommes qui, selon elle, sont remboursables.
L'avocat de l'intimée prétend que, pour les exportations de juillet, le report des déductions sur des demandes ultérieures d'indemnité plutôt que sur des demandes antérieures dans chacune des années 1975 1978 a eu pour effet de donner lieu, pour chacune de ces années, à des paiements en trop qu'en vertu de la common law et de la loi, la Couronne peut recouvrer, que la doctrine de func- tus officio et la doctrine d'estoppel n'interviennent pas pour empêcher la Couronne de procéder au recouvrement, et que la doctrine d'équité dans la procédure ne s'applique pas en l'espèce.
L'intimée soutient qu'aucun paiement ne doit être fait à même le Fonds du revenu consolidé sans l'autorisation du Parlement' et que le pouvoir qu'a le Parlement d'autoriser le versement des indemni- tés d'importation du pétrole en question pour le mois de juin 1975 est prévu à la Loi 5 de 1974 portant affectation de crédits 2 , qui permet les paiements effectués «conformément au règlement établi par l'Office de répartition des approvision- nements d'énergie avec l'approbation du gouver- neur en conseil ...» Il s'agit du Règlement 1 de 1975 sur l'indemnité d'importation du pétrole'. Le paragraphe 6(2) de ce Règlement prévoit que dans le calcul du volume de pétrole à l'égard duquel une indemnité peut être versée, il sera exclu
Loi sur l'administration financière, S.R.C. 1970, chap. F-10, art. 19.
2 S.C. 1974-75-76, chap. 22, annexe, crédit 53c.
3 DORS/75-140.
entre autres «toute quantité dudit pétrole brut ... vendu ou fourni pour exportation». [C'est moi qui souligne.]
L'autorisation de faire des versements après le 1er juillet 1975 est prévue dans la Loi sur l'admi- nistration du pétrole'', qui permet les paiements effectués «conformément aux règlements», et le règlement pris en vertu de cette Loi est le Règle- ment sur l'indemnité compensatrice du coût d'im- portation du pétroles. Le paragraphe 9(2) de ce Règlement prévoit que dans le calcul de la quan- tité de pétrole qui peut donner droit à une indem-
nité «sont exclues . les quantités de pétrole ... vendues ou fournies pour livraison à l'extérieur du Canada, ou livrées à l'extérieur du Canada». [C'est moi qui souligne.]
L'intimée fait donc valoir que les déductions pour la quantité de pétrole exportée doivent être faites sur les quantités de pétrole importées pour une période antérieure à la date d'exportation, puisqu'il est impossible d'exporter du pétrole importé antérieurement à sa date d'importation, ce qui fait que les exportations faites par la requé- rante pendant le mois il n'y avait pas d'importa- tions suffisantes doivent être tirées des charge- ments antérieurs, et que dans le calcul de l'indemnité à laquelle elle a droit, ses quantités de pétrole exportées doivent faire l'objet d'un report rétrospectif et non d'un report prospectif.
Toujours selon l'intimée, la Cour d'appel fédé- rale a jugé dans l'affaire Shell Canada Limited c. Le ministre de l'Énergie, des Mines et des Res- sources et autre 6 que le droit à une indemnité découle de la Loi et du Règlement pris en applica tion de celle-ci et non d'une décision de l'Office, qui ne statue pas sur le droit de la requérante à l'indemnité, mais qui accomplit simplement l'acte administratif de s'assurer du montant payable au besoin et d'en effectuer le versement. Le juge en chef Jackett, qui rendait l'arrêt de la majorité, dit ceci à la page 378:
En d'autres mots, à mon avis, un requérant qui remplit les conditions a droit à l'indemnité qui doit être fixée conformé- ment aux règlements et, si, en cas de désaccord sur le montant, l'affaire aboutit devant les tribunaux, la Cour n'est pas liée par la décision de l'Office.
4 S.C. 1974-75-76, chap. 47, Partie IV.
5 DORS/75-384.
6 [1979] 2 C.F. 367 (C.A.).
et il ajoute ceci à la page 380:
Pour ces motifs, je suis d'avis que l'Office n'a aucun pouvoir de statuer sur le droit de la requérante à l'indemnité et, dès lors, que sa décision de recalculer cette indemnité n'était pas légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire.
À l'appui de sa prétention que les paiements en trop peuvent être recouvrés par la Couronne en vertu de la common law, l'intimée cite les propos tenus par le vicomte Haldane dans l'affaire Auck- land Harbour Board v. The King', il dit ceci à la page 327:
[TRADUCTION] Tout paiement à même le fonds consolidé effectué sans l'autorisation du Parlement est simplement illégal et ultra vires, et peut être recouvré par le gouvernement s'il est possible, comme en l'espèce, de le récupérer.
Il est allégué que la Couronne tient aussi de la loi le droit de recouvrer les paiements en trop, puisque l'article 76 de la Loi sur l'administration du pétrole est ainsi rédigé:
76. Lorsqu'une personne reçoit en vertu de la présente Sec tion une indemnité d'importation qui ne lui est pas due ou une indemnité supérieure à celle qui lui est due, l'indemnité ou l'excédent peuvent être recouvrés comme une créance de Sa Majesté du chef du Canada ou être retenus sur les indemnités d'importation qui deviennent ultérieurement dues à cette per- sonne en vertu de la présente loi.
Il est également fait mention du fait que les Règle- ments applicables exigeaient que la requérante s'engage à rembourser tout paiement en trop qu'elle a reçu, et elle a effectivement pris cet engagement dans chacune de ses demandes d'in- demnité. Les dispositions légales portant sur le recouvrement de paiements en trop ont fait l'objet d'une discussion dans les motifs dissidents pronon- cés par le juge Le Dain* dans l'affaire Shell Canada (susmentionnée). Les autres membres de la Cour n'ont pas pris en considération ces disposi tions puisqu'ils avaient conclu à l'incompétence de la Cour.
L'intimée prétend que la doctrine de functus officio ne s'applique nullement en l'espèce. Elle ne s'applique qu'à une personne qui exerce le pouvoir décisionnel, celui de rendre un jugement, une
7 [1924] A.C. 318 (P.C.).
[Note de l'arrêtiste: Si les motifs du juge Le Dain sont différents, sa conclusion, par contre, est identique à celle de la Cour.]
ordonnance ou une sentence arbitrale. Les Offices n'exercent pas de pouvoir décisionnel. À ce sujet, on invoque encore une fois l'affaire Shell Canada. Il est allégué en outre que même si l'Office était un organisme auquel cette doctrine pouvait s'appli- quer, son application a été exclue par le Parlement. A ce sujet, il est fait état de l'opinion dissidente du juge Le Dain dans l'affaire Shell Canada, à la page 386:
A mon avis, ces dispositions de la Loi et du Règlement impliquent nécessairement que l'Office, étant l'autorité statu- taire qui doit fixer le montant de l'indemnité devant être versée, a le pouvoir, une fois le versement autorisé et effectué, de décider qu'un importateur a reçu un montant auquel il n'avait pas droit.
(Comme l'avocat de la requérante l'a souligné avec vigueur, l'intimée ne peut s'appuyer à la fois sur le jugement majoritaire et sur les motifs dissidents de l'affaire Shell Canada.) Je discuterai de cet argu ment plus tard, d'une façon plus adéquate.
L'intimée fait valoir en outre que la doctrine d'estoppel ne s'applique aucunement en l'espèce, puisque la conduite des fonctionnaires de la Cou- ronne ne fait pas obstacle au recouvrement par la Couronne de paiements effectués à même le Fonds du revenu consolidé sans l'autorisation du Parle- ment. À ce sujet, on invoque, entre autres, l'affaire Auckland Harbour Board v. The King (précitée). Il est allégué qu'en tout état de cause, l'estoppel ne peut avoir pour effet de l'emporter sur les disposi tions d'une loi. À titre d'exemple, on peut citer l'affaire Stickel c. Le ministre du Revenu natio nal 8 , le juge Cattanach a jugé qu'un bulletin d'information publié par le Ministre, qui exposait de façon erronée l'effet de l'article VIII A de la Convention relative à l'impôt entre le Canada et les États-Unis d'Amérique [S.C. 1943-44, chap. 21], n'avait pas entraîné une fin de non-recevoir opposable au Ministre. En tirant ces conclusions, il s'est appuyé, entre autres, sur l'affaire Le Ministre du Revenu National c. Inland Industries Limited 9 , où, à la page 523, le juge Pigeon, qui rendait l'arrêt de la Cour, dit ceci: « ... il me paraît clair qu'une approbation donnée sans que les conditions prescrites par la loi ne soient remplies ne lie pas le ministre».
8 [1972] C.F. 672 (1'° inst.).
9 [1974] R.C.S. 514.
Finalement, au sujet de l'estoppel, l'intimée fait état de l'arrêt rendu par la Chambre des lords dans l'affaire Greenwood v. Martins Bank, Limited 10 , lord Tomlin s'exprime en ces termes à la page 57:
[TRADUCTION] Les facteurs essentiels pour fonder une fin de non-recevoir sont, je pense, les suivants:
(1.) Une affirmation, ou une conduite y équivalant, qui a pour but d'inciter la personne à qui elle est faite à adopter une certaine ligne de conduite.
(2.) Une action ou une omission résultant de l'affirmation, en paroles ou en actes, de la part de la personne à qui l'affirmation est faite.
(3.) Un préjudice causé à cette personne en conséquence de cette action ou omission.
Appliquant cet énoncé à l'espèce présente, l'inti- mée fait valoir que rien ne permet de conclure que quelqu'un a incité la requérante à agir comme elle l'a fait, ou qu'à la suite d'une affirmation, celle-ci a fait ou n'a pas fait quelque chose à son détriment.
Finalement, prétendant que la doctrine d'équité dans la procédure ne s'applique pas en l'espèce, il est allégué que les deux décisions qui font jurispru dence à ce sujet, Le procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre" et Marti- neau c. Le Comité de discipline de l'Institution de Matsqui' 2 , parlent d'organismes exerçant le pou- voir statutaire de rendre des «décisions», terme entendu dans le sens administratif, qui affectent les droits ou les privilèges d'une personne, et qu'en l'espèce, il ne s'agit pas d'une décision qui touche, de façon irrévocable, les droits d'une personne, comme dans l'affaire The Queen v. Randolph et al. 13 , qui traitait d'une ordonnance provisoire rendue sans audition et interdisant la livraison de courrier, mais une audition avait été prévue avant la délivrance d'une ordonnance finale.
Bien que puisse être quelque peu spécieux le raisonnement selon lequel la décision ne touchait pas les droits de la requérante ni n'influait définiti- vement sur ceux-ci, l'intimée s'appuie sur l'affaire Shell Canada Limited pour conclure que la «déci- sion» de recouvrer les paiements en trop d'indemni- tés d'importation au moyen d'une compensation n'est pas une décision qui affecte le droit de la
10 [1933] A.C. 51 (H.L.).
11 [1980] 2 R.C.S. 735.
12 [1980] 1 R.C.S. 602.
13 [1966] R.C.S. 260.
requérante puisque seule la Cour peut statuer sur cette question. De plus, au sujet de l'équité, il a été souligné que la question faisait l'objet de discus sions entre l'Office et la requérante à partir d'août 1978, celle-ci ayant suffisamment été avisée de l'intention de l'Office de recouvrer le paiement en trop et ayant eu l'occasion de rencontrer le person nel de l'Office pour présenter ses arguments avant le recouvrement du paiement en trop à même le paiement d'indemnité de février 1981.
Ici encore, je pense que cet argument présume la question résolue, puisque ce n'est pas du défaut d'audition de ses prétentions que la requérante se plaint, mais plutôt du fait que l'Office a donné une nouvelle interprétation de ses Règlements, et ce, longtemps après la reconnaissance et l'approbation d'une conduite uniforme, ladite interprétation ayant pour effet de régler les déductions d'une autre manière, au grand détriment, en l'occur- rence, de la requérante.
La première question à examiner est de savoir si la méthode en vigueur depuis 1978 consistant dans le report de la compensation, pour le pétrole importé puis réexporté, sur les importations des mois précédents lorsqu'il n'existe pas d'importa- tions nécessitant des paiements d'indemnité dans un mois donné, ou si, subsidiairement, la méthode autrefois adoptée, de 1975 à 1978, de reporter les déductions de compensation sur les quantités de pétrole importées des mois ultérieurs comme la requérante l'avait déjà fait avec l'entière approba tion de l'Office, est la méthode appropriée pour régler la situation étant donné le silence des Règle- ments. Ainsi qu'il est exposé au paragraphe 22 de l'accord sur un mémoire spécial, l'article 9(1)B du manuel (2) de 1975 prévoit que sont exclus de l'indemnité «Les produits pétroliers tirés du pétrole importé qui sont vendus ou fournis pour livraison à l'extérieur du Canada, ou livrés à l'extérieur du Canada.» Le paragraphe (8) est ainsi rédigé:
(8) À compter du 1" juillet 1975, toutes les déductions doivent être défalquées de la première cargaison réclamée pour chaque mois. Lorsque les déductions du mois dépassent le nombre de barils nets déchargés pour la première demande, alors l'excé- dent doit être reporté sur la deuxième cargaison réclamée pour le mois. Les requérants peuvent utiliser ou bien le premier chargement ou bien le premier déchargement du mois, selon la méthode de déduction préalablement établie en consultation avec l'ORAE. Toutefois, la cargaison utilisée (premier charge- ment ou premier déchargement) doit être employée constam- ment pour tous les mois.
Puisque, malheureusement, au cours du mois de juillet des années 1975 à 1978 inclusivement, la quantité de produits pétroliers exportée par la requérante dépassait la quantité de pétrole impor- tée pour le même mois, de telles déductions n'ont pu être faites de la quantité importée pour ce mois, de la première cargaison et des cargaisons ultérieu- res réclamées dans le mois.
Ainsi qu'il est exposé au paragraphe 18 de l'ac- cord sur un mémoire spécial, l'alinéa 9(2)a) du Règlement est ainsi rédigé:
9. ...
(2) Dans le calcul de la quantité de pétrole qui peut donner droit à une indemnité d'importation, sont exclues
a) les quantités de pétrole et des produits pétroliers tirés de ladite quantité vendues ou fournies pour livraison à l'exté- rieur du Canada, ou livrées à l'extérieur du Canada;
La requérante fait valoir qu'on ne devrait pas interpréter restrictivement les expressions «thereof» («les quantités de pétrole») et «therefrom» («tirés de») pour rattacher l'exportation à une cargaison spécifique de pétrole importé ou à des cargaisons spécifiques de pétrole importé, à l'égard de laquelle ou desquelles une indemnité est réclamée, mais on devrait se fonder sur la quantité de pétrole importée moins ce qui est ultérieurement utilisé par l'importateur ou exporté du Canada. Le pétrole importé est bien entendu mélangé au pétrole intérieur pour fins de raffinage, et il peut se passer des mois avant que certaines parties d'une cargaison de pétrole importé ne viennent à être exportées. Toutefois, il n'y a pas eu de contes- tation quant aux chiffres réels et à la méthode de calcul. La requérante fait valoir que lorsque le Règlement a pour la première fois été pris, un requérant ne pouvait reporter les exportations excédentaires sur les importations antérieures à l'entrée en vigueur du programme, ces importa tions n'ayant pas fait l'objet d'une indemnisation; alors, ces excédents devaient être reportés sur des importations ultérieures susceptibles d'une indem- nisation. Cet argument ne pourrait s'appliquer qu'au stade initial, et je ne considère pas qu'il y ait des raisons suffisantes de ne pas donner aux expressions «thereof» («les quantités de pétrole») et «therefrom» («tirés de») leur sens usuel, même si l'identité du pétrole tiré d'une cargaison donnée se perd par la suite après importation.
Indépendamment de la conclusion tirée de l'in- terprétation littérale du Règlement, cela me semble plus logique et plus conforme au but du programme d'indemnisation. Si les prix payés pour le pétrole importé ne variaient pas beaucoup, il n'y aurait pas de litige devant la Cour, puisqu'il importerait peu si la compensation pour l'exporta- tion ultérieure faisait l'objet d'un report prospectif, comme cela s'était fait au début, pendant quatre années, ou d'un report rétrospectif comme il est d'usage actuellement depuis 1978. Toutefois, en l'espèce, les exportations de juillet de chacune des années en question étaient reportées sur des impor tations des mois ultérieurs en vue d'une compensa tion, au lieu de faire l'objet d'un report rétrospec- tif, cette méthode étant plus avantageuse pour la requérante. Les requérants ont toujours formé leurs demandes en se fondant sur la date de char- gement des cargaisons plutôt que sur la date de déchargement, et l'intimée ne conteste pas cette méthode. Toutefois, si une compensation doit être faite pour le pétrole exporté, le calcul devrait, à mon avis, être fondé sur l'indemnité payable à la requérante en fonction du moment du chargement pour l'importation, qui détermine le taux d'indem- nisation auquel elle avait droit à l'égard d'une cargaison donnée, et non sur les prix payés pour le pétrole chargé ultérieurement pour exportation, puisqu'à ce moment, le prix aurait pu avoir chuté. Bien que les quantités à exclure soient les mêmes, qu'elles soient déduites des importations précéden- tes ou ultérieures, il est évident que la date de la déduction influera sur le montant de l'indemnité à verser du fait de variations de prix touchant le taux d'indemnisation, que la correspondance entre les exportations de pétrole et le pétrole déjà importé devrait être la plus rapprochée possible et que si ces exportations ne peuvent être déduites du pétrole importé dans un mois donné, elles devraient être déduites de celui importé dans les mois précédents plutôt que dans les mois ulté- rieurs, comme l'indique l'emploi des expressions «thereof» («les quantités de pétrole») et «therefrom» («tirés de»).
La requérante prétend que si elle avait su que telle était l'interprétation à adopter, elle aurait pu fixer la date de ses chargements pour importation de façon à pouvoir former une demande d'indem- nité en juillet si cela l'avantageait, ou peut-être reporter ses exportations à des mois ultérieurs de
manière à ce que la compensation soit imputée aux demandes d'indemnité pour les importations de ces mois. Il est de droit constant, en matière d'impôt sur le revenu, de dire que le contribuable peut ainsi arranger ses affaires dans le cadre de la loi afin de payer le moins d'impôt possible, et le même prin- cipe pourrait certainement s'appliquer aux avanta- ges dont on peut bénéficier dans le cadre du programme d'indemnisation des importateurs de produits pétroliers. Toutefois, cet argument repose sur la spéculation, et comme il a été déjà indiqué, les avantages relatifs d'imputer la compensation aux importations ultérieures plutôt qu'aux impor tations antérieures dépendaient des fluctuations de prix, ce qui fait qu'on ne pouvait prévoir quelle méthode serait plus avantageuse pour la requé- rante. Cet argument ne saurait donc être invoqué pour interpréter le Règlement qui, selon moi, est maintenant interprété correctement.
Il ressort des faits que la requérante a bien des raisons de s'estimer lésée par le changement dans l'interprétation. Le 31 octobre 1975, Irving Oil a écrit à l'Office de répartition des approvisionne- ments d'énergie une lettre contenant trois exem- plaires de la demande IRV 044 (se rapportant, paraît-il, au mois de juillet). La lettre dit ceci: [TRADUCTION] «Vous constaterez qu'il n'existe aucune somme due, les exportations du mois dépassant nos importations. Nous reportons la déduction d'exportation de 438 178 barils sur les levées d'août.» Cette lettre n'a pas reçu de réponse, et bien qu'en droit, le silence ne vaille pas consen- tement, puisqu'il n'y a pas eu d'accord, cette lettre révèle du moins la ligne de conduite que Irving Oil Limited allait adopter. Cette lettre n'a été contes- tée ni par une réponse à la lettre ni dans le règlement des demandes ultérieures formées sur cette base jusqu'en 1978. Ce n'est qu'en 1978 que l'Office a fait savoir qu'il avait l'intention d'adop- ter une politique différente. Le 17 août 1978, A. J. Kealey, directeur intérimaire du Oil Incentive Compensation Plan (Programme d'indemnisation pour l'encouragement du secteur pétrolier) a envoyé à Irving Oil un télex qui disait ceci:
[TRADUCTION] Plusieurs demandes de renseignements ont été reçues au sujet des déductions d'exportation dans les cas il n'est pas possible de demander une indemnité pour le mois dans lequel la déduction serait normalement faite.
Dans ces cas, la déduction devrait être faite sur le dernier chargement ou déchargement antérieur, selon la procédure reconnue. Lorsqu'une procédure autre que celle mentionnée a
été suivie dans le passé sans l'approbation du OICP, un rajuste- ment approprié dans les demandes pertinentes s'impose.
Après des discussions, le président de l'Office a écrit à la requérante à l'instance le 22 décembre 1980, disant que dans ses deux derniers rapports, le vérificateur général avait commenté la méthode de déduire les exportations de pétrole employée par la requérante au cours de la période entre 1975 et 1978, méthode selon laquelle, dans un mois aucun chargement pour importation n'avait eu lieu, les exportations étaient déduites des charge- ments de pétrole des mois ultérieurs.
[TRADUCTION] Lorsque cette méthode a été employée au moment d'une augmentation du prix du pétrole brut intérieur et d'une diminution de l'indemnité correspondante, votre société a reçu un avantage sous la forme d'un remboursement d'indemnité inférieur. Le vérificateur général estime que cette pratique a entraîné le versement d'une indemnité excessive.
La lettre ajoute que l'Office des indemnisations pétrolières se voit dans l'obligation d'effectuer des recouvrements, et l'avis du ministère de la Justice conclut que les déductions d'exportation faites de la manière décrite ne sont autorisées ni par la Loi ni par le Règlement.
La requérante fait valoir que l'Office n'avait plus compétence, s'étant acquitté de ses fonctions et cite, à l'appui de cette prétention, une jurispru dence abondante. Il s'agit, entre autres, de l'affaire Lugano c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration 14 , le juge en chef Jackett dit ceci, à la page 608:
Une fois qu'un appel est terminé par une décision rendue en vertu de l'article 11(3), je suis d'avis qu'il le demeure tant que cette décision n'est pas annulée; et, en l'absence d'une disposi tion législative expresse, un tribunal ne peut annuler ses propres décisions.
Dans l'affaire La Cité de Jonquière v. Munger et al. 15 , il a été décidé qu'un conseil municipal pouvait interpréter une décision qu'il avait rendue et corriger une erreur d'écriture mais non la modi fier; mais il ne s'agissait pas d'une erreur d'écri- ture, les termes de l'accord sur lequel portait la décision étant clairs et non équivoques, et la demanderesse avait droit à la somme qui lui avait été adjugée. Le juge Cartwright fait sienne cette remarque du juge Montgomery de la Cour d'appel du Québec la page 481:
14 [1977] 2 C.F. 605 (C.A.).
15 [1964] R.C.S. 45.
[TRADUCTION] Je suis convaincu que le conseil avait le droit d'interpréter la décision et non le droit de la modifier. Toute- fois, cela ne veut pas dire qu'il n'avait pas le droit de corriger une simple erreur d'écriture. Quiconque a des pouvoirs quasi judiciaires doit être investi d'un tel droit. Autrement, les consé- quences d'une simple erreur dans la rédaction d'une décision pourraient être désastreuses.
Il convient de noter que le juge Montgomery fait état de pouvoirs quasi judiciaires et que dans l'affaire Shell Canada, il a été jugé que ce n'est pas le cas de l'Office des indemnisations pétrolières.
Dans l'affaire Grillas c. Le Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration 1 b, le juge Pigeon dit ceci aux pages 592 et 593:
A mon avis, l'arrêt de cette Cour dans l'affaire Cité de Jonquière c. Munger, constitue le précédent décisif quant au caractère définitif des décisions d'une commission établie en vertu d'une loi relative à l'exercice d'une compétence administrative.
Dans l'affaire Re Lornex Mining Corporation Ltd. and Bukwa' 7 , le juge Verchere de la Cour suprême de la Colombie-Britannique fait cette remarque aux pages 708 et 709:
[TRADUCTION] Il me semble clair que la règle ordinaire relative au pouvoir qu'a un tribunal administratif de reprendre l'audition d'une question qu'il a déjà entendue et tranchée est que, à défaut d'un pouvoir statutaire, un tel pouvoir n'existe pas: voir R. v. Development Appeal Board, Ex p. Canadian Industries Ltd. (1969), 9 D.L.R. (3d) 727, 71 W.W.R. 635. Toutefois, dans l'affaire Grillas c. Le Ministre de la Main- d'Oeuvre et de l'Immigration (1971), 23 D.L.R. (3d) 1, [1972] R.C.S. 577, la Cour suprême du Canada a expliqué le fonde- ment de cette règle, et après avoir établi des distinctions quant à l'application de cette règle dans les cas où, comme en l'espèce, il n'existait pas d'instance d'appel à laquelle une personne non contente de la décision pourrait s'adresser, elle a jugé que la Commission d'appel de l'immigration, dont l'ordonnance ne pouvait, selon la Cour, faire l'objet d'un appel, avait compé- tence pour reprendre une audition afin de permettre la produc tion d'éléments de preuve additionnels. Le juge Martland, avec qui les juges Abbott, Judson et Laskin sont d'accord, tient ces propos à la p. 9:
Au début de sa plaidoirie en cette Cour, l'avocat de l'intimé a soutenu que ni l'un ni l'autre de ces moyens n'étaient fondés du fait que la Commission n'avait aucune compétence pour reprendre l'audition après avoir rendu l'or- donnance écrite du 22 octobre 1968. Après avoir rendu cette ordonnance, la Commission était, d'après lui, functus officio.
Et puis, après avoir fait état du jugement rendu par le juge
Rinfret dans Paper Machinery Ltd. et al. v. Ross Engineering
Corp. et al., [1934] 2 D.L.R. 239, [1934] R.C.S. 186, le juge
Martland poursuit à la p. 10:
16 [1972] R.C.S. 577.
17 (1976), 69 D.L.R. (3d) 705 (C.S.C.-B.).
Le même raisonnement ne s'applique pas aux décisions de la Commission, dont il n'y a pas d'appel, sauf sur une question de droit. Il n'y a pas d'appel par voie de nouvelle audition.
Il a également été fait mention de l'affaire Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada c. MacDonald Tobacco Inc. 18 , le juge en chef Laskin s'exprime en ces termes à la page 403:
Il n'est pas contesté, à proprement parler, que l'employeur n'avait pas droit aux réductions de taux de cotisation pour les années 1974, 1975 et 1976. Il s'agit cependant de savoir si l'esprit de la Loi, et en particulier du Règlement pertinent, permet à un fonctionnaire de la Commission ou, même, au comité de révision ou à la Commission elle-même d'annuler rétroactivement et de son propre chef les réductions de taux de cotisation accordées pour les années antérieures.
Il ajoute aux pages 408 et 409:
Il n'appartient pas aux tribunaux de fournir un moyen de réviser une décision erronée rendue en faveur d'un employeur lorsque le Règlement ne le fait pas et qu'il pourrait être si facilement modifié en ce sens. Ceci étant, l'erreur de droit qu'a pu commettre le fonctionnaire en accordant des réductions pour les années 1974, 1975 et 1976 ne signifie pas qu'il a outrepassé sa compétence ou qu'il ne l'a pas exercée. Il a été régulièrement saisi des demandes respectives pour ces années et ses erreurs ne rendent pas ses décisions nulles.
encore, selon l'intimée, il s'agit d'une décision quasi judiciaire. À la page 403, il est souligné ceci:
Sur une demande adressée à la Cour d'appel fédérale en vertu de l'art. 28, cette cour a conclu que le fonctionnaire chargé de la décision d'accorder ou de refuser une réduction de taux de cotisation exerçait une fonction quasi judiciaire et qu'en l'ab- sence de pouvoir exprès de révoquer les décisions antérieures, il avait agi illégalement. C'est sur ce point que l'affaire nous est soumise.
Ainsi donc, on peut faire la distinction entre cette affaire et l'espèce présente.
La requérante invoque un certain nombre d'au- tres causes qui pourront être examinées de façon plus appropriée sous les rubriques d'«estoppel» ou d'«obligation d'équité».
L'intimée répond que puisque la Cour n'est pas liée par la décision de l'Office, en tout état de cause, la modification y apportée est sans effet juridique.
Elle fait remarquer que la plupart des causes citées par la requérante portent sur des décisions quasi judiciaires, et non sur des décisions purement
18 [1981] 1 R.C.S. 401.
administratives, alors qu'en l'espèce, les décisions ne sauraient être considérées comme définitives, puisque c'est à la Cour de trancher la question juridique de savoir si le Règlement devrait être interprété de manière à prévoir un report rétros- pectif plutôt qu'un report prospectif des déductions pour le pétrole exporté.
L'intimée prétend que la doctrine de functus officio ne s'appliquerait que si l'Office, dans l'exercice d'un pouvoir décisionnel, rend un juge- ment, une ordonnance ou une décision, et que dans la décision majoritaire rendue dans l'affaire Shell Canada Limited déjà mentionnée et portant rejet de l'appel fondé sur l'article 28 et formé contre la décision, il a été jugé que celle-ci était une décision administrative plutôt que judiciaire ou quasi judi- ciaire. Toutefois, il ressort d'une lecture attentive de cette affaire qu'elle n'est d'aucune utilité pour l'intimée sur la question de savoir si l'Office pou- vait modifier sa politique antérieure. À la page 377 du jugement, se pose la question: «l'Office, à l'étape du premier paiement, avait-il le pouvoir de statuer ou exécutait-il une simple fonction admi nistrative»? Il est dit alors ceci:
... si l'Office, dans un premier temps, a exercé un pouvoir de statuer sur le droit de la requérante, alors une action subsé- quente de l'Office qui modifie ce montant, aurait pour effet de modifier le droit de la requérante ...
On souligne que l'emploi du terme «autoriser» relativement à un versement, ce qui serait une fonction administrative, est ambigu si on fait la comparaison avec le terme «fixe» employé à l'arti- cle 73 qui prévoit que l'Office «fixe», conformé- ment au Règlement, l'indemnité dont il «autorise» le versement, ce qui suppose donc un pouvoir
statutaire d'adjuger le montant du versement.
À la page 378, le juge en chef Jackett se livre à cette analyse:
... je suis d'avis que l'Office a l'obligation, avant d'autoriser le versement, de s'assurer du respect de toutes les conditions préalables et que ce qu'il doit «fixer», en vertu des règlements, est le montant de l'indemnité d'importation dont il peut autori- ser le versement, et non la valeur du droit du requérant à une indemnité d'importation. En d'autres mots, à mon avis, un requérant qui remplit les conditions a droit à l'indemnité qui doit être fixée conformément aux règlements et, si, en cas de désaccord sur le montant, l'affaire aboutit devant les tribunaux, la Cour n'est pas liée par la décision de l'Office.
Examinant le but de l'article 76 de la Loi (susmen- tionné), il conclut que le pouvoir de l'Office de réexaminer ne saurait être sous-entendu.
Voici ce qu'il dit aux pages 379 et 380:
A mon avis, les dispositions en question créent un droit à être indemnisé et le définissent en détail. En règle générale, les litiges concernant des droits sont du ressort des tribunaux. Des tribunaux particuliers sont mis sur pied pour rendre des déci- sions dans des domaines qui échappent à une définition juridi- que précise ou qui, pour quelque autre raison, font appel à l'exercice d'un jugement non juridique. Je ne vois aucune raison pour laquelle le présent droit requerrait un tribunal particulier. De plus, s'il est vrai que la requérante aurait un fondement additionnel au maintien de son droit à l'indemnité supérieure si l'Office détenait des pouvoirs décisionnels, (parce que celui-ci n'aurait pas le pouvoir de la diminuer même si sa première décision accordait un montant supérieur à celui prescrit par les Règlements) un réclamant n'aurait pas de recours, dans cette hypothèse, si son grief se basait sur la prétention que l'Office aurait autorisé un montant moindre que celui prescrit par les Règlements.
Le litige en l'espèce ne porte pas sur le droit de la requérante à une indemnité, mais plutôt sur le droit, selon son désir, de reporter les compensa tions sur des demandes d'indemnité ultérieures comme cela s'est fait dans le passé. Bien que cette distinction soit délicate, il semble que les décisions de l'Office étaient fondées sur le montant de l'in- demnité à laquelle la requérante a droit pour les périodes en question, et il s'agit là, selon la Cour, d'une décision administrative plutôt que d'un jugement.
Bien que, comme le souligne l'avocat de la requérante, l'intimée ne puisse vraiment pas pré- tendre pouvoir s'appuyer également sur les motifs dissidents du juge Le Dain, il faut se rappeler que sa dissidence reposait sur la question de savoir si une demande fondée sur l'article 28 pouvait ou non être portée devant la Cour d'appel, et que, puisque le jugement majoritaire a conclu négativement, la Cour n'était pas tenue d'examiner la question de savoir ce que l'Office aurait faire s'il avait exercé une fonction judiciaire ou quasi judiciaire. En concluant qu'il s'agit d'une telle fonction, le juge Le Dain, dans les passages déjà cités (supra) constate que puisque l'Office doit déterminer le montant à verser à titre d'indemnité, il a le droit de déterminer qu'un importateur a reçu une somme à laquelle il n'a pas droit. Il s'agit vraiment d'un argument subsidiaire quant au functus offi- cio. Ce qui est clair, c'est que la Division de première instance, dans la présente demande, a le
pouvoir de décider, comme je l'ai fait, si la com pensation doit être reportée rétroactivement sur des cargaisons antérieures ou non, et dans l'affir- mative, s'il s'agit d'une décision relative à un droit ou simplement au montant d'indemnité qui devrait être versé. À l'évidence, la Cour tient également de l'article 76 de la Loi le pouvoir de conclure que les paiements excédentaires pour les années 1974 à 1978 découlant d'une ligne directrice erronée appliquée pendant cette période peuvent être recouvrés comme une créance de Sa Majesté du chef du Canada, et être retenus sur les indemnités d'importation qui deviennent ultérieurement dues à l'importateur en vertu de la Loi. C'est précisé- ment ce qu'a fait l'intimée.
Je ne conclus pas que l'Office était functus officio après avoir effectué les versements dûment approuvés et vérifiés, à l'égard desquels l'Office a par la suite décidé qu'ils avaient été calculés sur une base erronée (la Cour est maintenant d'accord avec cette décision). Comme corollaire, il s'ensuit donc qu'il était tenu de recouvrer les paiements en trop. L'article 10 du Règlement 1 de 1975 sur l'indemnité d'importation du pétrole porte notam- ment ce qui suit:
10. L'importateur admissible ne reçoit de paiement en vertu
du présent règlement que s'il a
a) pris par écrit, envers l'Office, l'engagement
(ii) de remettre au receveur général
(A) tout montant versé à l'importateur admissible au titre de quelque indemnité d'importation à laquelle il n'avait pas droit ou dont le versement n'est pas autorisé par le présent règlement .. .
Et on trouve une disposition semblable dans l'arti- cle 10 du Règlement sur l'indemnité compensa- trice du coût d'importation du pétrole avec seule- ment une légère différence dans la rédaction. L'expression «m'avait pas droit> est assez large pour couvrir la présente situation et ne se limite pas simplement à un calcul des sommes réelles qui devraient être payées.
Il se peut toutefois que, comme le prétend la requérante, l'Office se soit arrogé des pouvoirs judiciaires dont seule la Cour serait investie, si le jugement majoritaire dans l'affaire Shell Canada s'applique, en déduisant, pour opérer compensa tion, les sommes qu'il avait le droit de réclamer, et que la requérante était tenue de rembourser, à même sa demande ultérieure valide IRV 215. Par
conséquent, la requérante a été forcée d'intenter les présentes procédures pour réclamer, quoique sans succès, les montants qui, selon elle, avaient illégalement été déduits de la somme due en vertu de cette demande, alors que, selon la requérante, la procédure appropriée aurait été de payer la totalité de la somme demandée et de saisir ensuite cette Cour d'une action, contre la requérante, en recou- vrement du montant du paiement en trop.
Bien que cet argument puisse avoir une certaine valeur, du point de vue strictement juridique, je ne m'y range pas étant donné les conséquences prati- ques. L'équilibre entre les arguments des deux parties n'est pas à ce point parfait que la décision dépende dans quelque mesure que ce soit de ques tions de fardeau de la preuve. La question des frais pourrait se poser, bien qu'il semble importer peu que la requérante n'ait pas gain de cause par suite du rejet de son avis introductif de requête, ou que, au lieu de cela, elle doive rembourser les sommes payées en trop par suite d'un jugement pris contre elle en sa qualité de défenderesse dans une action intentée contre elle. Si la présente demande était confirmée pour des raisons strictement procédura- les, même s'il a été conclu que la requérante n'est pas en droit de retenir les montants des paiements en trop, au motif que l'intimée aurait intenter des actions en recouvrement de ces montants, plutôt qu'au moyen d'une compensation imputée à une autre demande, une telle décision serait iné- luctablement suivie d'une action en recouvrement desdites sommes intentée par l'intimée. Une telle duplication des procédures n'est ni utile ni souhai- table, et la Cour ne l'approuvera pas.
En plus de l'argument selon lequel l'Office était functus officio après avoir autorisé le report pros-
pectif de 1974 1978, comme il l'a indubitable- ment fait, et ne pouvait alors modifier son inter- prétation, la requérante soulève également la question d'estoppel relativement à toute demande de remboursement des paiements en trop décou- lant de la nouvelle interprétation. Elle a accepté la nouvelle interprétation et y a donné suite depuis 1978, mais elle conteste la demande de rembourse- ment. Dans une certaine mesure, la jurisprudence a relié la doctrine d'estoppel à l'obligation d'agir équitablement qui est maintenant consacrée, même pour les tribunaux purement administratifs, par suite des affaires Nicholson [c. Haldimand-Nor-
folk Regional Board of Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311] et Martineau. Plusieurs décisions anglaises relativement récentes rendues par lord Denning et d'autres ont traité de cette question. Dans l'affaire H.T.V. Ltd. v. Price Commission 19 , une affaire d'impôt la Commis sion des prix avait d'abord, à plusieurs reprises, reconnu que des paiements supplémentaires fai- saient partie des frais ou des dépenses de la société, pour ensuite décider de les qualifier différemment, lord Denning souligne à la page 185 que la cotisa- tion conservait le même caractère tant avant qu'a- près la modification de l'interprétation, et qu'il ne voit aucune raison de ne pas traiter la question de façon constante. À la page 185, il dit ceci:
[TRADUCTION] À mon avis, il incombe à la Commission des prix d'agir avec équité et uniformité dans ses rapports avec les fabricants et les commerçants. Bien qu'il faille admettre qu'il lui appartient principalement d'interpréter et d'appliquer le code, néanmoins, si elle interprète régulièrement le texte du code dans un sens donné—ou si elle l'applique régulièrement d'une façon spécifique—, elle devrait continuer à le faire de la même façon par la suite, à moins qu'il n'existe de bons motifs pour y déroger. Du reste, elle ne devrait pas s'en écarter dans les cas où, par sa conduite, elle a amené le fabricant ou le commerçant à croire qu'il pouvait, en toute sécurité, agir en conformité avec cette interprétation du code ou avec cette méthode d'application, et il a effectivement agi en consé- quence. Il ne lui est pas permis de s'écarter de son interpréta- tion et de son application antérieures lorsqu'il ne serait pas équitable ou juste de le faire. On a souvent dit, je le sais, qu'un organisme public, auquel le Parlement a confié l'exercice de pouvoirs dans l'intérêt public, ne peut s'imposer des limites dans l'exercice de ces pouvoirs. Aucune fin de non-recevoir ne saurait l'empêcher de s'acquitter de son devoir public, avec cette réserve, toutefois, qu'il ne doit pas abuser de ses pouvoirs. Et c'est un abus de pouvoir pour lui que d'agir inéquitablement ou injustement envers un citoyen lorsque l'intérêt public ne le justifie pas.
Il convient de noter toutefois qu'il est dit: «Bien qu'il faille admettre qu'il lui appartient principale- ment d'interpréter et d'appliquer le code», alors que pour ce qui nous concerne, l'affaire Shell Canada a tiré une conclusion différente. Dans la même affaire, le lord juge Scarman, en traitant de l'obligation d'agir équitablement, fait cette remar- que à la page 192:
[TRADUCTION] La Commission a agi d'une façon non uni- forme et injuste et, par ce motif, si cela était nécessaire, j'estime que H.T.V. a également droit à un redressement par voie de jugement déclaratoire.
19 [1976] I.C.R. 170 (C.A. Angl.).
Dans l'affaire Robertson v. Minister of Pensions 20 , un ancien combattant s'est appuyé sur le fait qu'on l'avait assuré que son invalidité était imputable au service militaire, et il n'a pas obtenu d'expertise médicale indépendante. Plus tard, le ministre des Pensions a décidé que son invalidité n'était pas imputable au service militaire. À la page 232, lord Denning s'exprime en ces termes:
[TRADUCTION] À mon sens, si, dans ses rapports avec un particulier, un ministère assume de lui-même compétence rela- tivement à une affaire concernant ledit particulier, ce dernier est en droit de penser que ce ministère a bien la compétence qu'il a assumée. Il ne connaît pas les limites de cette compé- tence et on ne peut pas lui demander de la connaître. Le ministère lui-même s'est manifestement engagé, n'étant rien d'autre qu'un agent de la Couronne, il a aussi engagé la responsabilité de cette dernière. Si la Couronne est liée, les autres ministères le sont également car eux aussi ne sont que des agents de la Couronne. La lettre envoyée par le War Office engage donc la Couronne et, par son intermédiaire, le ministre des Pensions. Le ministre des Pensions a pour fonction d'exécu- ter le mandat du Souverain et, dans l'exercice de cette fonction, il est tenu d'honorer toutes les assurances données par la Couronne ou en son nom.
Toutefois, les faits dans cette affaire sont consi- dérablement différents, parce qu'il s'agissait de la défense d'une nécessité administrative.
Dans l'affaire Laker Airways Ltd. v. Depart ment of Trade 21 , à la page 707 lord Denning aborde de nouveau la question d'estoppel. Il dit ceci:
[TRADUCTION] Le procureur général reconnaît que dans des circonstances pertinentes, on pourrait opposer l'estoppel à la Couronne; mais il prétend qu'on ne peut le faire dans le présent cas. Depuis peu, le droit à ce sujet s'est développé considérable- ment. Le principe de base est que l'estoppel ne peut empêcher la Couronne d'exercer ses pouvoirs, que ces pouvoirs découlent d'une loi ou de la common law, quand elle le fait dans le cadre de son obligation d'agir pour le bien public, même si cela peut occasionner une injustice ou une iniquité à un particulier: voir Maritime Electric Co. Ltd. v. General Dairies Ltd. [1937] A.C. 610, le Conseil privé, malheureusement à mon avis, a infirmé l'arrêt de la Cour suprême du Canada, [1935] R.C.S. 519. L'estoppel peut toutefois l'empêcher de le faire lorsqu'elle n'exerce pas, de façon appropriée, ses pouvoirs, mais qu'elle en abuse; et elle en abuse vraiment si elle les exerce dans des circonstances qui occasionnent une injustice à un particulier sans que le public en bénéficie: voir Robertson v. Minister of Pensions [1949] 1 K.B. 227; Reg. v. Liverpool Corporation, Ex parte Liverpool Taxi Fleet Operators' Association [1972] 2 Q.B. 299 et H.T.V. Ltd. v. Price Commission [1976] I.C.R. 170, 185 et 186.
En l'espèce, si le Secrétaire d'État avait vraiment un pouvoir discrétionnaire lui permettant de retirer la désignation, et l'a
20 [1949] 1 K.B. 227 (C.A. Angl.).
21 [1977] 1 Q.B. 643 (C.A. Angl.).
exercé de façon appropriée, il ne serait aucunement question d'estoppel. Il exercerait le pouvoir discrétionnaire pour le bien public et serait en droit de le faire même si cela causait une injustice à quelques particuliers. J'estime donc que l'estoppel ne s'applique pas.
Encore une fois, les faits sont tout à fait différents. Étant donné ma conclusion que l'interprétation actuelle de reporter les déductions d'exportation du pétrole sur les importations antérieures est celle qui doit être retenue, il est certainement dans l'intérêt public de corriger une interprétation qui a entraîné un paiement en trop de plus de 3 700 000 $. Je ne crois pas que l'estoppel puisse s'appliquer.
La requérante a toutefois invoqué l'affaire cana- dienne The Becker Milk Company Limited v. Minister of Revenue 22 qui portait sur une modifi cation apportée par le Ministre à la formule employée pour le calcul du montant de la taxe de vente, ce qui entraînait des versements plus élevés. Aux pages 759 et 760, le juge en chef Estey [tel était alors son titre] s'exprime en ces termes:
[TRADUCTION] Comme il a été exposé plus haut, la procé- dure d'autocotisation a fait l'objet d'un accord entre le person nel de vérification du contrôleur général des finances et Beckers et ses vérificateurs dès les premiers temps de l'application de la Loi et certainement bien avant l'arrivée de la première période de cotisation. Des déclarations d'impôt et des versements ont donc été effectués sur cette base par Beckers pendant la première période de cotisation et ce, sans aucune réaction apparente de la part de l'intimé. Après que le personnel de vérification de l'intimé eut proposé, vers la fin de 1967 et au début de 1968, certains rajustements des taux de ventes exemp- tes d'impôt, l'appelante a modifié la procédure d'autocotisation et a appliqué, pendant la seconde période de cotisation, la procédure modifiée. De nouveau, les déclarations d'impôt et les versements de Beckers pendant la seconde période ont été effectués sur la base de l'entente intervenue relativement aux formules d'autocotisation découlant de la première période de cotisation, et aucune critique n'a été formulée par l'intimé sauf après la fin de la seconde période de cotisation. Sur le plan des faits, la preuve révèle les éléments nécessaires à l'application de la doctrine d'estoppel.
Il y a été fait mention de l'affaire Robertson v. Minister of Pensions (précitée).
Dans l'affaire Harel c. Le sous-ministre du Revenu de la province de Québec 23 , le juge de Grandpré dit ceci à la page 858:
22 [1978] CTC 744 (H.C. Ont.).
23 [1978] 1 R.C.S. 851.
Si j'avais le moindre doute à ce sujet, je conclurais quand même en faveur de l'appelant en m'appuyant sur la politique administrative de l'intimé. Évidemment, cette politique admi nistrative ne saurait être prise en considération si elle allait à l'encontre du texte de la Loi. En l'espèce, toutefois, compte tenu de l'évolution historique que je veux rappeler rapidement, cette démarche administrative peut validement être utilisée vu qu'au mieux pour l'intimé, le texte est ambigu.
Il ajoute toutefois à la page 859:
Encore une fois, je n'affirme pas que l'interprétation admi nistrative puisse aller à l'encontre d'un texte législatif clair mais dans une situation comme celle que je viens d'esquisser, cette interprétation a une valeur certaine et, en cas de doute sur le sens de la législation, devient un facteur important.
Cette affaire diffère aussi de l'espèce présente quant aux faits puisque dans celle-ci, il existe peu de doute sur la bonne interprétation du Règlement en question, même si l'Office l'a mal appliqué pendant un certain temps.
Dans une autre affaire fiscale, l'arrêt Sous- ministre du Revenu du Québec c. Ciba-Geigy Canada Ltd., décision rendue à Montréal le 24 août 1981 par la Cour d'appel, du greffe 500-09-001153-766, le juge Bisson, qui prononçait les motifs de jugement de la Cour d'appel du Québec, examine particulièrement l'affaire Harel et les deux passages cités, et conclut [aux pages 8 et 9]:
En présence de la force toujours grandissante des appareils administratifs des gouvernements, il est important pour le citoyen de savoir qu'il peut se fier sur la permanence des ententes qui lui sont proposées par l'administration dans le cadre de l'application d'une loi et ce jusqu'à ce qu'on prévienne qu'on y met fin.
L'intimée cite l'affaire Maritime Electric Com pany Limited v. General Dairies, Limited 24 rendue par la Chambre des lords. Le sommaire porte notamment ce qui suit:
[TRADUCTION] Arrêt: l'estoppel n'empêchait pas les appe- lantes de recouvrer la somme réclamée. L'obligation, imposée par la Public Utilities Act, qu'ont les appelantes de facturer, et les intimées de payer, aux taux fixés, le courant électrique fourni par l'une et employé par l'autre ne saurait être mise en échec ni être évitée par une simple erreur dans le calcul des comptes. Les articles applicables de la Loi ont été promulgués dans l'intérêt d'une partie du public, et, en pareil cas, lorsque la loi a imposé une obligation précise de faire, il n'était pas loisible aux intimées de créer une situation d'estoppel pour y faire échec.
24 [1937] A.C. 610 (P.C.).
Il a également été fait état (supra) de l'affaire canadienne Stickel c. Le ministre du Revenu national, il a été jugé qu'un bulletin d'informa- tion publié par le Ministre, qui exposait de façon erronée l'effet de l'article VIII A de la Convention relative à l'impôt entre le Canada et les États-Unis d'Amérique, ne liait pas le Ministre. Cette affaire s'est fondée en partie sur l'affaire Le Ministre du Revenu National c. Inland Industries Limited 25 .
Finalement, pour ce qui concerne la question d'équité, on ne saurait conclure à une injustice à l'égard de la requérante du seul fait que la nou- velle interprétation lui donne droit, pour les années 1974 à 1978, à une indemnité inférieure à celle accordée par l'ancienne interprétation. Il n'est pas injuste d'appliquer correctement une loi ou un règlement, ni de corriger une interprétation erro- née, et, hormis l'hypothèse avancée par la requé- rante selon laquelle elle aurait adopté une attitude différente si elle avait su que la loi allait être interprétée de cette manière, rien n'indique qu'elle ait été amenée à employer la méthode de report prospectif. C'est elle-même qui propose l'adoption de cette méthode, et l'intimée lui a simplement permis de procéder de cette façon pendant quel- ques années avant de conclure que c'était une erreur. Rien dans l'exposé conjoint des faits ne permet de conclure que d'autres sociétés pétroliè- res ont reçu un traitement différent de celui réservé à la requérante dans l'application de la procédure de report rétrospectif. La situation est très différente de celle des affaires Becker Milk, Ciba-Geigy Canada et d'autres affaires fiscales. La requérante fait valoir que le programme des subventions vise expressément à faire bénéficier les consommateurs de la réduction du prix qui devrait, sans cela, être imposé dans l'est du Canada pour les produits pétroliers tirés du pétrole importé; que, selon elle, les sociétés pétrolières n'agissent qu'à titre d'intermédiaires qui font passer ces avantages aux consommateurs, et que si elle doit maintenant restituer plus de 3 700 000 $ représentant les avan- tages qui ont été transmis aux consommateurs, ce sont ces derniers qui en souffriront ultimement. Cet argument ne m'impressionne pas. La fixation des prix du pétrole étant ce qu'elle est, il est impossible de déterminer avec précision jusqu'à quel point des subventions pétrolières ont été
25 [1974] R.C.S. 514.
transmises au consommateur. Pour exprimer cela très simplement, on demande maintenant à la requérante de rembourser, au moyen d'une com pensation imputée à sa demande de subvention IRV 215, l'argent qu'elle n'aurait pas reçu en premier lieu si une politique erronée n'avait pas été adoptée. Si elle subit une perte du fait qu'elle doit restituer les sommes dont elle a déjà fait bénéficier les consommateurs en imposant des prix plus bas pendant les années en question, la réduction de la demande IRV 215 signifiera simplement qu'elle aura moins de subventions à transmettre. Avant de conclure, il convient de citer l'affaire Irving Oil Limited c. La Reine 26 où, bien qu'elle traite d'une question entièrement différente, savoir si les quan- tités de pétrole importées avant le 12 mars 1975 et fournies comme carburant à des navires non immatriculés au Canada et s'y livrant au cabotage auraient donner lieu à une indemnité payable à la demanderesse, on a, néamoins, en rejetant l'ac- tion de celle-ci, autorisé l'Office de répartition des approvisionnements d'énergie à retenir, par suite du trop-payé, la somme de plus de 2 000 000 $ sur les demandes subséquentes, présentées par la demanderesse, d'indemnités d'importation aux- quelles elle avait droit. C'est exactement la situa tion de l'espèce présente. Aux pages 207 et 208, le juge Cattanach dit ceci:
C'est un organisme fédéral qui a statué que les $2,005,073 payés à la demanderesse pour le pétrole vendu ou fourni comme carburant à des navires non immatriculés au Canada avaient été payés à tort, car la législation en vigueur antérieurement au 11 mars 1975 ne faisait aucune exception pour les navires autorisés par la loi à faire du cabotage au Canada, d'où il s'ensuivait que les sommes payées l'avaient été par erreur et pouvaient être recouvrées par l'Office. C'est pourquoi j'ai invité les avocats à me dire si, à leur avis, l'espèce pourrait faire l'objet d'une demande, devant la Division d'appel, en examen et annulation de la décision de l'Office, conformément à l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, car en ce cas, la Division de première instance n'a pas compétence.
Après avoir entendu leurs observations, j'ai conclu que la décision de l'Office était purement administrative et non quasi judiciaire et donc que l'article 28 précité ne s'appliquait pas.
Dans cette affaire, il semble qu'on n'ait pas sou- levé la question de savoir si l'Office, au lieu de déduire les montants payés en trop, par suite d'une interprétation erronée de la loi, des demandes d'in- demnité subséquentes, aurait verser la totalité des sommes réclamées, et si la défenderesse aurait
26 [197 9 ] 2 C.F. 200 (1 fe inst.).
alors intenter contre la demanderesse une action en recouvrement de ces montants, proposi tion que fait aujourd'hui la requérante et sur laquelle j'ai statué. Toutefois, cette affaire est manifestement très semblable à l'affaire Shell Canada Limited en ce qu'il y a été décidé que les décisions de l'Office étaient uniquement adminis- tratives.
Je conclus donc que Sa Majesté la Reine a, sur le plan légal, le droit de retenir la somme de 3 700 928 $ ou toute autre somme moindre sur les sommes totales payables à Irving Oil Limited en vertu de la demande IRV 215. L'action de la requérante sera donc rejetée sans dépens comme il a été convenu dans l'accord sur un mémoire spé- cial. Je peux même ajouter que même en l'absence d'un tel accord sur les dépens, je n'aurais pas, en tout état de cause, adjugé les dépens à l'intimée puisque, bien que j'aie fait droit aux prétentions de celle-ci, la controverse est due à des politiques erronées adoptées pendant une assez longue période de temps par l'intimée et qui consistaient à accepter la méthode, suivie par la requérante, de calculer ses demandes d'indemnité en reportant les déductions d'exportation sur les mois futurs lors- qu'il n'existait pas d'importations dont les déduc- tions pouvaient être faites en juillet, pour les années en question, au lieu de les reporter sur les mois précédents comme on aurait le faire. De plus, on ne savait pas très bien s'il était approprié d'imputer les paiements en trop à une demande future ou s'il fallait plutôt que l'intimée intente devant cette Cour une action en recouvrement de ces paiements en trop pour faire trancher la ques tion de droit relative à la bonne interprétation du Règlement, lors même qu'en fin de compte, le résultat serait le même.
La requérante avait donc des raisons valables pour intenter les présentes procédures, et elle ne devrait pas être pénalisée quant aux dépens.
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