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T-2807-83
Enquête énergie (requérante)
c.
Commission de contrôle de l'énergie atomique et Hydro -Ontario (intimées)
et
Procureur général du Canada (intervenant)
Division de première instance, juge Reed— Toronto, 15 et 16 février; Ottawa, 9 avril 1984.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Certiorari La décision d'octroi de permis rendue par la Commission de contrôle de l'énergie atomique est contestée parce qu'un membre de celle-ci a fait preuve de parti pris visant un but lucratif Ce membre était président d'une société traitant avec la demanderesse de permis L'obligation d'agir équita- blement s'applique à la fonction administrative d'octroi de permis de la Commission Cette obligation comporte la condition que l'auteur d'une décision soit impartial Ne détenant aucun intérêt pécuniaire direct, au sens que la juris prudence a donné à ce concept, le membre n'a pas fait preuve de parti pris Le fait que la Loi autorise la nomination de membres à temps partiel à la Commission n'autorise pas les partis pris visant un but lucratif La doctrine de nécessité ne s'applique pas La requérante a qualité pour agir La question de savoir s'il y a crainte raisonnable de partialité n'a pas été soulevée Rejet de la demande de bref de certiorari Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, S.R.C. 1970, chap. A-19, art. 8.
Contrôle judiciaire Recours en equity Jugements déclaratoires Qualité pour agir Validité de la décision d'octroi de permis rendue par la Commission de contrôle de l'énergie atomique Allégation de parti pris visant un but lucratif Obligation d'agir équitablement Il est requis que l'auteur d'une décision soit impartial Une société sans but lucratif qui conduit des recherches et qui s'occupe de la sensibilisation du public a-t-elle qualité pour demander un jugement déclaratoire? La qualité pour agir est plus éten- due dans une demande de bref de certiorari Renvoi à la doctrine Examen des arrêts Thorson, McNeil et Borowski La question de la compétence législative constitutionnelle n'est pas la condition sine qua non de ces décisions Celles-ci n'ouvrent pas la porte à une avalanche de litiges Leur application n'étend pas trop largement les règles quant à la qualité pour agir La requérante a qualité pour agir, mais la demande de jugement déclaratoire est rejetée parce qu'il y a absence de parti pris direct visant un but lucratif.
Pratique Parties Qualité pour agir La requérante sollicite un bref de certiorari et un jugement déclaratoire contre la décision administrative d'octroi de permis rendue par la Commission de contrôle de l'énergie atomique Contesta- tion fondée sur l'allégation de parti pris visant un but lucratif de la part d'un membre de la Commission L'octroi de la qualité pour agir dans les demandes de bref de certiorari est une question discrétionnaire Le fait que la requérante soit un groupe d'intérêts sérieux et qu'elle ait fait des observations
devant la Commission relativement à la décision contestée justifie l'octroi de la qualité pour demander un bref de certio- rari La requérante a qualité pour agir dans l'action en jugement déclaratoire pour les motifs suivants: 1) une question susceptible d'être tranchée par voie judiciaire a été soulevée, 2) la requérante a, à titre de citoyenne, un intérêt véritable quant d la validité de la décision soulevant une question d'intérêt public, 3) il n'y a pas d'autre manière raisonnable et efficace de saisir les tribunaux de ces questions Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, S.R.C. 1970, chap. A-19, art. 8.
Énergie La décision d'octroi de permis de la Commission de contrôle de l'énergie atomique est contestée parce qu'un membre de la Commission, en tant que président d'une société fournissant des câbles résistant aux rayonnements pour des réacteurs nucléaires à la demanderesse de permis, a fait preuve de parti pris visant un but lucratif La requérante Enquête énergie a qualité pour agir tant dans la demande de bref de certiorari que dans la demande de jugement déclaratoire Ne détenant aucun intérêt pécuniaire direct, au sens que la jurisprudence a donné à ce concept, le membre de la Commis sion n'a pas fait preuve de parti pris Le fait que la Loi autorise la nomination de membres à temps partiel à la Commission n'autorise pas les partis pris visant un but lucratif La doctrine de nécessité n'est pas applicable Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, S.R.C. 1970, chap. A-19, art. 8.
La décision de la Commission de contrôle de l'énergie atomi- que de renouveler le permis d'exploitation de la centrale atomi- que Picquering «B» de l'Hydro-Ontario est contestée par voie de demande de bref de certiorari et d'action en jugement déclara- toire. Ces procédures reposent sur l'allégation de parti pris visant un but lucratif dont aurait fait preuve un membre de la Commission, M. Olsen, qui était, à l'époque de la décision, président d'une société vendant des câbles résistant aux rayon- nements à l'Hydro-Ontario. Les questions soulevées sont: 1) La doctrine d'équité est-elle applicable à la fonction d'octroi de permis de la Commission et cette doctrine exige-t-elle que les membres de la Commission n'aient pas de parti pris? 2) M. Olsen avait-il, dans l'issue de la décision, un avantage pécu- niaire suffisant pour constituer un parti pris? 3) La requérante a-t-elle qualité pour contester la décision de la Commission?
Jugement: tant la requête en bref de certiorari que l'action en jugement déclaratoire sont rejetées.
La doctrine d'équité s'applique aux décisions administratives de la Commission telles que celle contestée en l'espèce et comporte la condition que l'auteur d'une décision soit impartial. Puisqu'aucun contrat avec la société de M. Olsen ne dépendait directement de la décision d'octroi de permis et puisque l'Hydro-Ontario achetait des câbles résistant aux rayonnements par voie de soumission, M. Olsen ne détenait pas un intérêt pécuniaire suffisant pour constituer un parti pris.
Le fait que la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique autorise la nomination de membres à temps partiel à la Com mission n'autorise pas les partis pris visant un but lucratif. La doctrine de nécessité ne s'applique pas non plus pour légitimer ce parti pris.
La Cour, exerçant son pouvoir discrétionnaire reconnu à cet égard, accorde à la requérante la qualité pour demander un bref de certiorari parce que, même si la requérante ne se
qualifie pas comme une personne lésée, elle est un groupe d'intérêts sérieux qui a fait des observations devant la Commis sion relativement à la décision contestée.
La requérante a également qualité en ce qui concerne l'action en jugement déclaratoire parce que, appliquant les arrêts Thorson, McNeil et Borowski rendus par la Cour suprême, qui ne s'appliquent pas uniquement à des affaires la qualité pour agir est revendiquée pour contester la constitutionnalité d'une loi, 1) une question susceptible d'être tranchée par voie judi- ciaire a été soulevée, 2) la requérante a, à titre de citoyenne, un intérêt véritable quant à la validité de la décision qui soulève une question d'intérêt public, 3) il n'y a pas d'autre manière raisonnable et efficace de saisir les tribunaux de la question.
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311; S.E.A.P. c. La Commission de contrôle de l'énergie atomique et autre, [1977] 2 C.F. 473 (C.A.); AGIP S.p.A. c. La Commission de contrôle de l'énergie atomique, et autres, [1979] 1 C.F. 223; 87 D.L.R. (3d) 530 (C.A.); Croy, et autres c. La Commission de contrôle de l'énergie atomi- que, et autres, [1981] 1 C.F. 515; 105 D.L.R. (3d) 625 (C.A.); Thorson c. Procureur général du Canada et al., [1975] 1 R.C.S. 138; Nova Scotia Board of Censors c. McNeil, [1976] 2 R.C.S. 265; 55 D.L.R. (3d) 632; Ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575; 130 D.L.R. (3d) 588; In the Matter of a Suit of Forster against Mary Owen Forster and Berridge (1863), 4 B. & S. 187; 122 E.R. 430 (K.B. Div.); The Queen v. The Justices of Surrey (1870), Law Rep. 5 Q.B. 466; The King v. Groom, et al., [1901] 2 K.B. 157; The King v. Richmond Confirming Authority, [1921] 1 K.B. 248; The King v. Stafford Justices, [1940] 2 K.B. 33; Re Corporation of District of Surrey, Munici pal By -Law, 1954, No. 1291 (1956), 6 D.L.R. (2d) 768 (C.S.C.-B.); La compagnie Rothmans de Pall Mall Canada Limitée et autre c. Le Ministre du Revenu national, et autres, [1976] 2 C.F. 500 (C.A.); Martineau c. Comité de discipline de l'Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602; 106 D.L.R. (3d) 385; Canadian Broadcasting League c. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, et autres, [1980]
1 C.F. 396; 101 D.L.R. (3d) 669 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Regina v. Birmingham City Justice, [1970] 1 W.L.R. 1428 (Q.B.); McInnes v. Onslow -Fane et al., [1978] 1 W.L.R. 1520 (Ch.D.); Regina v. Secretary of State for the Environment, [1982] Q.B. 593; In the Matter of Hopkins (1858), El. Bl. & El. 100, 120 E.R. 445 (K.B. Div.); Reg. v. Hammond et al. (1863), 9 L.T. Rep. N.S. 423 (Bail Ct.); The Queen v. Gaisford, [1892] 1 Q.B. 381; The King v. Hendon Rural District Council, [1933]
2 K.B. 696; Beer v. Rural Municipality of Fort Garry (1958), 66 Man. R. 385 (C.A.); Regina v. Barnsley Licensing Justices, [1960] 2 Q.B. 167; Ladies of the Sacred Heart of Jesus (Convent of the Sacred Heart) v. Armstrong's Point Association et al. (1961), 29 D.L.R. (2d) 373 (C.A. Man.); Reg. v. Hain and others, Licen-
sing Justices (1896), 12 T.L.R. 323 (Q.B. Div.); Camino Management Ltd. et al. v. Manitoba Securities Commn. et al., [1979] 2 W.W.R. 594 (B.R. Man.); Re Webb and Ontario Housing Corporation (1978), 93 D.L.R. (3d) 187 (C.A. Ont.)
AVOCATS:
A. J. Roman and D. Poch pour la requérante. Personne n'a comparu pour la Commission de contrôle de l'énergie atomique, intimée. Ian Blue pour l'intimée Hydro -Ontario. P. Evraire, c.r. et M. J. B. Wood pour le procureur général du Canada, intervenant.
PROCUREURS:
A. J. Roman, Toronto, pour la requérante. Cassels, Brock, Toronto, pour l'intimée Hydro -Ontario.
Le sous-procureur général du Canada pour le procureur général du Canada, intervenant.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE REED: Le présent jugement se rapporte à deux actions intentées simultanément, visant à l'obtention de l'une des deux formes de redresse- ment possibles concernant la même cause d'action. Il s'agit d'abord d'une requête pour un bref de certiorari introduite pour faire annuler une déci- sion par laquelle la Commission de contrôle de l'énergie atomique a accordé à l'Hydro-Ontario un permis pour exploiter les groupes 5 et 6 de la centrale atomique Pickering «B». L'autre est une action en jugement qui déclarerait que cette déci- sion d'accorder le permis est invalide.
Les faits
Le 27 juin 1983, la Commission de contrôle de l'énergie atomique (C.C.E.A.) diffusait un bulletin de nouvelles disant que [TRADUCTION] «sous réserve de sa confirmation à la prochaine réunion», elle approuverait le renouvellement du permis d'exploitation de la centrale atomique Pickering «B» de l'Hydro-Ontario.
Le 2 septembre 1983, Enquête énergie, la requé- rante, a demandé à comparaître devant la C.C.E.A. pour présenter des observations relatives à la décision qui allait être rendue d'accorder le permis. Le 7 septembre 1983, la C.C.E.A. a
demandé à la requérante de préciser l'objet de ses préoccupations pour que celles-ci puissent faire l'objet d'un examen adéquat.
Le 12 septembre 1983, la requérante a soumis à la C.C.E.A., par écrit, plusieurs préoccupations d'ordre technique, et a contesté avec vigueur la participation de M. Olsen dans le processus déci- sionnel. Enquête énergie écrivait notamment ce qui suit:
[TRADUCTION] Nous contestons la participation de M. Olsen étant donné ses intérêts apparemment incompatibles en matière d'énergie atomique. M. Olsen est président de I'AMEEEC, le groupe de pression de l'industrie électrique; il est membre de l'Association nucléaire canadienne (le groupe de pression de l'industrie atomique); il est président de l'Electrical Industry Task Force qui fait des pressions pour promouvoir un usage plus étendu de l'électricité en Ontario. M. Olsen est également président de la société Phillips Cables.
Voici les détails des contrats connus intervenus entre l'Hydro- Ontario et Phillips Cables (les fournitures pour des centrales nucléaires sont soulignées):
Mai 1981 740 000 $ de câbles pour Pickering B
Juin 1981 60 000 $* de fil de cuivre, General Stores
Juillet 1981 100 000 $ de câbles (1' 0 année) pour Picke- ring B
Août 1981 100 000 $ de conducteur en cuivre pour Central Stores
Août 1981 350 000 $ de câbles en aluminium pour Central Stores
Septembre 1981 150 000 $ câbles pour Atikokan (chauffe au charbon) GS
Septembre 1981 230 000 $ de câbles de transport d'énergie pour la station de transformation de Bramalea
Janvier 1982 140 000 $ de câbles en cuivre pour Central Stores
Avril 1982 140 000 $ de câbles en cuivre pour Central Stores
Avril 1982 150 000 $ de câbles de commande pour Pic- kering B
Août 1982 200 000 $ de câbles de commande pour CA Darlington
Mars 1983 270 000 $ de câbles de transport d'énergie pour CA Darlington
* Estimation: le montant inscrit est de 120 000 $ et Phillips est l'une des deux sociétés nommées.
Nous demandons la suspension de la décision antérieure de la Commission et la convocation de celle-ci hors la présence de M. Olsen afin qu'elle examine de nouveau l'opportunité d'accorder le permis à Pickering «B».
Le 20 septembre 1983, la C.C.É.A. a confirmé sa décision d'accorder un permis pour les groupes 5 et 6 de Pickering.
Le 24 octobre 1983, la C.C.É.A. a répondu à la lettre en date du 12 septembre 1983 d'Enquête
énergie, disant que, selon la Commission, [TRA- DUCTION] «n'était nullement fondée l'accusation» de conflit d'intérêt portée contre M. Olsen. Dans sa réponse, la C.C.E.A. a également répondu aux préoccupations d'ordre technique soulevées par Enquête énergie.
Parmi les faits susmentionnés, le seul qui ait fait l'objet d'un débat devant moi portait sur la nature exacte des intérêts de M. Olsen. Dans son exposé des faits, l'Hydro-Ontario reconnaît que:
[TRADUCTION] Il est président de Phillips Cables Ltd. (»Phil- lips Cables»), une société canadienne de renom dont le chiffre d'affaires annuel est de 200 millions de dollars. Actuellement, il est également président de l'Association des manufacturiers d'équipement électrique et électronique du Canada. Phillips Cables a traité des affaires avec l'Hydro-Ontario par voie d'adjudication.
L'Hydro-Ontario a également fait mention d'une lettre jointe comme pièce à l'un des affida vits, et je considère que cette mention reconnaît le fait, exposé dans cette lettre, que M. Olsen était président d'un groupe d'étude spécial sur l'énergie électrique en Ontario.
Le paragraphe 13 d'un affidavit daté du 23 novembre 1983, signé par Norman Rubin et déposé à l'appui de la demande d'Enquête énergie est ainsi conçu:
[TRADUCTION] Phillips Cables Limited a vendu à l'Hydro- Ontario d'importantes quantités de câbles résistants aux rayon- nements pour des réacteurs nucléaires, notamment des câbles pour les groupes 5 et 6 susmentionnés de Pickering «B». La pièce sous la cote «I» se compose de deux exemplaires de l'avis, donné par l'Hydro-Ontario, d'une récente adjudication de con- trats importants, notamment de contrats alloués à Phillips Cables Limited pour un total de 3 280 000 $, dont 1 460 000 $ pour l'achat de câbles pour des centrales nucléaires, et dont 990 000 $ pour des câbles pour Pickering «B».
L'avocat du procureur général et celui d'Hydro- Ontario ont admis ces faits mais seulement parce que l'avocat d'Enquête énergie a aussi admis que les achats effectués par l'Hydro-Ontario avaient été faits selon un processus de soumission et que, même si le processus de soumission n'entraîne pas nécessairement l'adjudication au plus bas soumis- sionnaire, les décisions avaient été prises selon des critères objectifs. Il convient de souligner que le paragraphe 14 du même affidavit a été contesté comme ouï-dire, ce qu'il est clairement, et aucune admission n'a été faite quant à sa teneur.
Les questions soulevées par la présente demande sont: 1) La doctrine d'équité énoncée par la Cour
suprême dans l'arrêt Nicholson c. Haldimand- Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311 est-elle applicable à la fonction d'octroi de permis de la Commission de contrôle de l'énergie atomique et, particulière- ment, cette doctrine d'équité exige-t-elle que les membres de la Commission n'aient pas de parti pris? 2) M. Olsen avait-il, dans l'issue de cette décision, un avantage pécuniaire suffisant pour constituer un parti pris visant un but lucratif au sens de la définition de ce terme? 3) En tout état de cause, la requérante Enquête énergie a-t-elle qualité pour contester la décision de la Commis sion?
Doctrine d'équité
Toutes les parties reconnaissent que la fonction d'octroi de permis de la C.C.E.A. est une fonction administrative et non une fonction quasi judiciaire ou judiciaire. Cette opinion repose sur l'absence, dans la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique [S.R.C. 1970, chap. A-19], de dispositions qui obligent la Commission à siéger en public, à tenir des audiences ou à donner avis d'une demande et sur le fait qu'elle n'est pas tenue de suivre ou d'adopter des procédures analogues à celles d'un tribunal. Voir les arrêts S.E.A.P. c. La Commis sion de contrôle de l'énergie atomique et autre, [1977] 2 C.F. 473 (C.A.), aux pages 475 et 476; AGIP S.p.A. c. La Commission de contrôle de l'énergie atomique, et autres, [1979] 1 C.F. 223, aux pages 228 et 229; 87 D.L.R. (3d) 530 (C.A.), aux pages 534 et 535; Croy, et autres c. La Commission de contrôle de l'énergie atomique, et autres, [1981] 1 C.F. 515, aux pages 517, 518, 522 et 523; 105 D.L.R. (3d) 625 (C.A.) aux pages 627, 630 et 631.
Il semble donc clair que la doctrine d'équité énoncée par la Cour suprême dans l'arrêt Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, [1979j 1 R.C.S. 311, s'applique aux décisions de la C.C.E.A. relatives à l'octroi de permis. Dans cette affaire, le juge en chef Laskin expliquait cette doctrine en ces termes, à la page 324:
J'accepte donc aux fins des présentes et comme un principe de common law ce que le juge Megarry a déclaré dans Bates v. Lord Hailsham, à la p. 1378: [TRADUCTION] «dans le domaine de ce qu'on appelle le quasi-judiciaire, on applique les règles de justice naturelle et, dans le domaine administratif ou exécutif, l'obligation d'agir équitablement..
L'apparition d'une notion d'équité, moins exigeante que la protection procédurale de la justice naturelle traditionnelle, est commentée dans de Smith, Judicial Review of Administrative Action, précité, à la p. 208:
[TRADUCTION] C'est un principe bien établi à l'égard de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire que celui qui en est titulaire doit agir équitablement, si vague que soit la signifi cation de cette expression. Depuis 1967, les juges ont souvent fait appel à la notion d'obligation d'agir équitablement pour marquer l'obligation implicite de respecter certaines procédu- res. Cela signifie en général l'obligation de respecter les principes élémentaires de justice naturelle à une fin limitée, dans l'exercice de fonctions qui, à l'analyse, ne sont pas judiciaires mais administratives ...
L'apparition de cette notion résulte de la constatation qu'il est souvent très difficile, sinon impossible, de répartir les fonc- tions créées par la loi dans les catégories judiciaire, quasi-judi- ciaire ou administrative; de plus il serait injuste de protéger certains au moyen de la procédure tout en la refusant complète- ment à d'autres lorsque l'application des décisions prises en vertu de la loi entraînent les mêmes conséquences graves pour les personnes visées, quelle que soit la catégorie de la fonction en question. Voir Mullan, Fairness: The New Natural Justice (1975), 25 Univ. of Tor. L.J. 281.
Ainsi qu'il ressort des passages précités, les con ditions d'équité peuvent être différentes de celles posées par les règles de justice naturelle et moins exigeantes que celles-ci. Elles peuvent très bien varier en fonction de la nature exacte de la fonc- tion administrative à laquelle elles s'appliquent. De plus, toute la jurisprudence canadienne n'a jus- qu'ici abordé l'équité que sur les aspects de la procédure: le droit à l'avis et le droit d'être informé des circonstances de l'affaire. On ne m'a cité aucune jurisprudence canadienne qui ait discuté de la question de savoir si l'obligation de ne pas avoir de parti pris s'appliquait aussi. À cet égard, on m'a renvoyé à deux décisions du Royaume-Uni: Regina v. Birmingham City Justice, [1970] 1 W.L.R. 1428 (Q.B.); McInnes v. Onslow -Fane et al., [1978] 1 W.L.R. 1520 (Ch.D.), approuvée par Regina v. Secretary of State for the Environment, [ 1982] Q.B. 593. A mon avis, aucune de ces décisions ne préconise exactement la proposition avancée, bien qu'on y trouve effectivement des opinions qui l'appuient. Je suis certain que l'obli- gation d'agir équitablement énoncée par la Cour suprême dans l'arrêt Nicholson doit comporter la condition que l'auteur d'une décision soit impar tial. Toute autre conclusion saperait entièrement le concept de l'exigence d'une obligation d'équité.
Il serait en fait anormal qu'il faille, dans la prise d'une décision administrative, suivre les règles
d'équité sur le plan de la procédure et qu'il ne soit pas nécessaire que l'auteur d'une décision soit impartial. La partialité d'un tribunal constituerait un défaut d'équité beaucoup plus grave que la non-observation des exigences quant à la procédure.
Parti pris direct visant un but lucratif?
Il est donc nécessaire d'examiner les faits de l'espèce pour voir s'ils comportent une partialité à un degré qui enfreigne le principe d'équité. Il n'a été allégué que le parti pris visant un but lucratif. Aucune allégation d'une crainte raisonnable de partialité n'a été faite.
La règle relative au parti pris visant un but lucratif, telle qu'elle a été exprimée, est qu'un intérêt pécuniaire direct, si insignifiant soit-il, constitue un parti pris; voir: Mullan, Administra tive Law, vol. 1, Can. Ency. Dig. (3 e éd., 1979), à la page 3-128; S. A. de Smith, Judicial Review of Administrative Action, (4 e éd., 1980), la page 258.
En l'espèce, on prétend que l'intérêt pécuniaire de M. Olsen a pris naissance du fait de ses rela tions d'affaires avec l'Hydro-Ontario. Auparavant, il avait vendu à l'Hydro-Ontario des câbles résis- tant aux rayonnements. Il est clair qu'il pourrait espérer le faire encore à l'avenir. Mais, à mon avis, M. Olsen ne détenait, à la date des auditions en question, soit les 27 juin 1983 et 12 septembre 1983, aucun intérêt pécuniaire direct, au sens que la jurisprudence a donné à ce concept. Il n'existait aucun contrat dont l'effet était sous condition sus- pensive en attendant l'issue des nouveaux permis accordés à l'Hydro-Ontario. Il n'était nullement certain que M. Olsen vendrait encore des câbles à l'Hydro-Ontario pour les groupes Pickering, au cours de la validité du nouveau permis. Aussi l'avocat de la requérante a-t-il reconnu que l'achat de ces câbles par l'Hydro-Ontario avait été effec- tué par voie de soumission. À ,la date de l'audition, on pouvait tout au plus dire de M. Olsen qu'il pouvait raisonnablement s'attendre à un gain pécuniaire en raison de l'obtention des permis.
On ne m'a cité aucune décision, et je n'en ai pas trouvé, selon laquelle ce genre d'expectative consti- tue un parti pris direct visant un but lucratif. Toute la jurisprudence relative au parti pris visant
un but lucratif que j'ai examinée porte sur des particuliers qui, à titre de contribuable, d'agent immobilier pour l'opération en question, ou d'ac- tionnaire, avaient, à la date de l'audition, une sorte de rapport direct avec le bénéficiaire d'une déci- sion, de sorte qu'un avantage pécuniaire pouvait certainement prendre naissance lors même que cet avantage était minime. Les décisions classiques à ce sujet sont: In the Matter of Hopkins (1858), El. Bl. & El. 100, 120 E.R. 445 (K.B. Div.) et Reg. v. Hammond et al. (1863), 9 L.T. Rep. N.S. 423 (Bail Ct.) des magistrats qui étaient actionnai- res dans une compagnie de chemin de fer ont été déclarés inhabiles à connaître des accusations por- tées contre des voyageurs de chemin de fer sans billets; et The Queen v. Gaisford, [1892] 1 Q.B. 381, un juge a été déclaré inhabile parce qu'il était un contribuable dans la municipalité qui bénéficierait de la décision. Voir aussi: The King v. Hendon Rural District Council, [1933] 2 K.B. 696; Beer v. Rural Municipality of Fort Garry (1958), 66 Man. R. 385 (C.A.) Regina v. Barnsley Licensing Justices, [1960] 2 Q.B. 167; Ladies of the Sacred Heart of Jesus (Convent of the Sacred Heart) v. Armstrong's Point Association et al. (1961), 29 D.L.R. (2d) 373 (C.A. Man.); Reg. v. Hain and others, Licensing Justices (1896), 12 T.L.R. 323 (Q.B. Div.).
Toutefois, M. Olsen n'était pas en rapport direct et certain avec l'Hydro-Ontario à la date des décisions d'accorder le permis. L'intérêt de M. Olsen semblerait clairement assimilable à celui dont traite la jurisprudence relative à la «crainte raisonnable de partialité». Toutefois, M. Roman, l'avocat de la requérante, a affirmé, tant dans ses conclusions écrites qu'orales, que la [TRADUC- TION] «crainte raisonnable de partialité ... n'est pas en litige en l'espèce.»
Parti pris autorisé?
Je dirais que je ne suis pas d'accord avec l'argu- ment avancé par l'avocat de l'Hydro-Ontario selon lequel la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique autorise implicitement le parti pris visant un but lucratif, parce qu'elle prévoit la nomination de membres à temps partiel à la Commission. Je conviens qu'il en découle que ces membres de la Commission exerceront des activités commerciales extérieures. Mais j'estime qu'il faudrait un texte législatif beaucoup plus clair que le texte actuel
pour créer une exemption à la règle de common law exigeant de l'auteur d'une décision qu'il soit impartial.
De même, je ne suis pas d'accord que la doctrine de nécessité s'applique. J'estime qu'il serait tout à fait possible que la Commission se compose de personnes expertes et bien informées dans le domaine sans avoir à compter parmi ses membres des personnes partiales qui aient un but lucratif ou qui ont des intérêts qui engendrent une crainte raisonnable de partialité.
Il ressort de la jurisprudence que les règles d'équité, lorsqu'elles se rapportent au processus décisionnel administratif, peuvent être moins stric- tes que les règles de justice naturelle qui s'impo- sent au processus décisionnel judiciaire ou quasi judiciaire. A cet égard, l'avocat du procureur géné- ral a cité les décisions Camino Management Ltd. et al. v. Manitoba Securities Commn. et al., [1979] 2 W.W.R. 594 (B.R. Man.); Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commis sioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311, aux pages 324 326; Re Webb and Ontario Housing Corpo ration (1978), 93 D.L.R. (3d) 187 (C.A. Ont.), à la page 195. Je soulignerais que, bien que ces décisions indiquent que le parti pris n'existe pas dans le processus décisionnel administratif simple- ment parce que l'auteur de la décision a une certaine compétence, certaines connaissances ou même des préférences de politique, aucune ne traite du cas le parti pris est présumé avoir découlé de la possibilité d'un gain pécuniaire.
La qualité pour agir
Logiquement, la question de la qualité pour agir précède celle du parti pris, bien que j'aie choisi de les aborder dans l'ordre inverse. En l'espèce, l'ar- gument principal porte sur la question de savoir si la requérante, Enquête énergie, a qualité pour formuler cette demande.
L'avocat de la demanderesse s'est appuyé, dans une grande mesure, sur les arrêts de la Cour suprême Thorson c. Procureur général du Canada et al., [1975] 1 R.C.S. 138; Nova Scotia Board of Censors c. McNeil, [1976] 2 R.C.S. 265; 55 D.L.R. (3d) 632, et Ministre de la Justice du Canada et autre c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575; 130 D.L.R. (3d) 588. Il a soutenu qu'ils devraient
s'appliquer pour accorder à la requérante la qua- lité pour agir en l'espèce. Après avoir examiné la jurisprudence pertinente, je ne suis pas persuadé qu'une analyse de ces décisions élargisse la ques tion de la qualité pour agir en ce qui concerne une demande de bref de certiorari. Elle semble conve- nir mieux à une demande de jugement déclara- toire.
Enquête énergie est une société sans but lucratif qui conduit des recherches et qui s'occupe de la sensibilisation du public en matière d'énergie. Son financement provient de plus *de dix mille person- nes de partout au Canada, ainsi que des sociétés, de fondations et de plusieurs niveaux de gouverne- ment. Elle est intervenue et a fait des observations devant divers organismes gouvernementaux tels que la Commission de contrôle de l'énergie atomi- que, l'Office national de l'énergie, la Commission de l'énergie de l'Ontario et l'enquête Berger. Elle a publié une quantité de livres, de rapports, d'arti- cles de revues et de journaux traitant de questions relatives à l'énergie; elle a également participé à des émissions de radio et de télévision, à des réunions et à des conférences.
Ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, Enquête éner- gie a fait des observations devant la C.C.É.A. relativement à l'octroi de permis pour les groupes 5 et 6 de la centrale nucléaire Pickering «B» de l'Hydro-Ontario. Bien que la C.C.E.A. ait pris l'habitude d'accepter de telles observations d'En- quête énergie, elle n'est pas légalement tenue de le faire. La loi ne l'oblige nullement à tenir des audiences publiques. L'article 8 de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, S.R.C. 1970, chap. A-19, dispose:
8. La Commission peut
a) édicter des règles pour la conduite de ses délibérations et l'exécution de ses fonctions;
Un énoncé de politique de la Commission, en vigueur le 17 mai 1983 et, intitulé «Politique et ligne directrices portant sur les interventions auprès de la Commission de contrôle de l'énergie atomique», déclare:
La CCEA est consciente qu'il convient, dans l'exercice de ses responsabilités en matière de réglementation, de fournir à toute partie intéressée* la possibilité d'exposer ses vues à la Commis sion au sujet des questions qu'elle traite. Elle est donc disposée à recevoir des exposés écrits de points de vue (nommés .présen- tations» ci-après) et, dans certains cas, à accorder à leurs
auteurs la possibilité de se présenter devant le Président et les spécialistes concernés de la CCEA, ou aux réunions de la Commission, à propos des questions qu'elle traite dans l'exer- cice de ses responsabilités en matière de réglementation.
* Partie intéressée peut désigner tant un demandeur ou un détenteur de permis, qu'un ou plusieurs particuliers, ainsi que tout groupe d'intérêts spéciaux.
Le document donne en outre des directives détail- lées quant à la façon dont ces présentations devraient être faites, quant aux délais de présenta- tion et à l'endroit elles doivent être produites.
Selon mon interprétation de la jurisprudence, la qualité pour agir dans une demande d'un bref de certiorari a toujours été plus étendue que celle applicable à d'autres types d'actions, notamment celles visant à obtenir un jugement déclarant l'in- constitutionnalité d'une loi (la question abordée dans les affaires Thorson, McNeil et Borowski).
Je trouve le résumé suivant dans Judicial Review of Administrative Action, de Smith (qua- trième édition, 1980), la page 418:
[TRADUCTION] Il existe plusieurs opinions judiciaires inci- dentes préconisant qu'un «tiers» peut obtenir un bref de certio- rani. D'autre part, il n'y a pas lieu de douter du bien-fondé de la remarque de lord Denning que la cour «n'a certes pas à écouter un simple touche-à-tout qui se mêle des affaires qui ne le regardent pas»; et une requête introduite par une telle personne n'a été accueillie dans aucune cause anglaise publiée. On estime que la règle actuelle peut être correctement exposée de la façon suivante. Le bref de certiorari est une mesure discrétionnaire, et le pouvoir discrétionnaire de la cour s'étend pour permettre l'introduction d'une requête par un membre du public.
Dans «Judicial Review of Legislation in Canada» (1968), la page 107, Strayer se livre à cette analyse:
[TRADUCTION] Il semble que la condition d'un «intérêt» ne s'impose nullement à un demandeur d'un bref de certiorari. La règle générale en Angleterre est que même un «tiers» peut demander un bref de certiorari quoique la cour puisse, usant de son pouvoir discrétionnaire, rejeter la demande. Une «personne lésée» (qui peut être une personne qui a subi un préjudice, quelqu'insignifiant qu'il soit) a droit d'obtenir le bref...
Et, dans Mullan, «Administrative Law» (vol. 1, Titre 3, Ency. Dig. éd. 1979) la page 157, il est dit:
[TRADUCTION] «... lorsqu'une requête est introduite par une personne lésée, les tribunaux vont normalement accorder le redressement ex debito justitiae ou «de plein droit»; particuliè- rement lorsque l'erreur porte sur la compétence ... D'autre part, lorsque ia demande est formulée par une personne qui n'est pas lésée, l'octroi du redressement est purement facultatif et dépend de la conception prépondérante de la cour, savoir si le public a intérêt à ce que la décision contestée soit annulée.
À mon avis, ces propos sommaires reflètent exactement la jurisprudence sur cette question. On peut citer en premier lieu l'affaire In the Matter of a Suit of Forster against Mary Owen Foster and Berridge (1863), 4 B. & S. 187, à la page 199; 122 E.R. 430 (K.B. Div.), à la page 435:
[TRADUCTION] Je souscris entièrement à la proposition que, bien que la cour écoute une personne qui est un tiers et qui intervient pour faire savoir qu'un autre tribunal a outrepassé sa compétence en confirmant un tort ou un grief, il ne s'agit pas d'un cas ex debito justitiae, mais d'un cas la Cour peut légitimement exercer son pouvoir discrétionnaire, ce qui se distingue du cas une partie lésée a droit au redressement ex debito justitiae...
Voir aussi The Queen v. The Justices of Surrey (1870), Law Rep. 5 Q.B. 466; The King v. Groom, et al., [1901] 2 K.B. 157; The King v. Richmond Confirming Authority, [1921] 1 K.B. 248; The King v. Stafford Justices, [1940] 2 K.B. 33.
Cette règle a été appliquée par au moins un tribunal canadien dans Re Corporation of District of Surrey, Municipal By -Law, 1954, No. 1291 (1956), 6 D.L.R. (2d) 768 (C.S.C.-B.). Dans cette affaire, la Cour suprême de la Colombie-Britanni- que a autorisé un citadin à demander un bref de certiorari pour faire infirmer une décision de la Commission de planification municipale qui avait permis à un club de reconstruire son immeuble alors que, prétendait-on, il n'y avait pas suffisam- ment d'espace pour le stationnement. La Cour a décidé qu'une personne telle que le résident en question pourrait être une personne lésée, dans le sens requis par la jurisprudence, mais que, en tout état de cause, si elle ne l'était pas, il s'agirait d'un cas qui permettait à la Cour d'user de son pouvoir discrétionnaire pour accorder au requérant la qua- lité pour agir.
Dans l'affaire La compagnie Rothmans de Pall Mall Canada Limitée et autre c. Le Ministre du Revenu national, et autres, [1976] 2 C.F. 500 (C.A.), à la page 509, je remarque que le juge Le Dain, qui rendait l'arrêt de la Cour, fait la distinc tion entre un demandeur de bref de certiorari qui est un tiers et celui qui est une personne lésée.
La qualité pour agir peut être définie différemment d'un recours à l'autre, et il est possible que l'exigence ne soit pas aussi stricte pour les brefs de certiorari et de prohibition, lorsque l'on reconnaît à un tiers la qualité pour exercer l'action, dans certaines circonstances, qu'elle ne l'est pour d'autres recours.
De plus, il existe de nombreuses causes un intérêt minime ou indirect a été jugé suffisant pour accorder à un requérant la qualité d'une personne lésée. Et le juge Dickson, qui rendait l'arrêt de la Cour suprême dans Martineau c. Comité de disci pline de l'Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S.
602, la page 619; 106 D.L.R. (3d) 385, aux pages 402 et 403, décrit en ces termes la fonction du bref de certiorari, bien que ce soit en rapport avec la qualité pour agir d'un personne lésée:
Le certiorari est issu du pouvoir de surveillance qu'ont assumé les cours sur certains tribunaux pour garantir le bon fonction- nement de l'appareil gouvernemental. Donner une interpréta- tion étroite ou formaliste aux .droits» dans un sens individuel est se méprendre sur l'objectif plus large du contrôle judiciaire de l'activité de l'administration. On devrait, selon moi, partir de la prémisse que tout organisme public qui exerce un pouvoir sur des citoyens peut être assujetti au contrôle judiciaire, l'intérêt individuel en cause n'étant qu'un des facteurs à considérer pour résoudre la question de principe générale de la nature du pouvoir de révision qu'il convient d'appliquer à un organisme administratif particulier.
Par conséquent, même sans tenir compte des affaires Thorson, McNeil et Borowski, je suis d'avis que la situation de la requérante en l'espèce justifie qu'on lui accorde la qualité pour demander un bref de certiorari. Le fait qu'elle soit un groupe d'intérêts publics sérieux et qu'elle ait fait des observations devant la Commission de contrôle de l'énergie atomique relativement à la décision con- testée (même en vertu de la pratique de la Com mission plutôt qu'en vertu d'un droit prévu par la loi), semble, à mon avis, justifier l'exercice par la Cour de son pouvoir discrétionnaire pour accorder à la requérante la qualité pour agir. Il en est ainsi lors même que la requérante n'aurait pas un inté- rêt suffisant pour se qualifier comme une personne lésée. Voir l'arrêt Canadian Broadcasting League c. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécom- munications canadiennes, et autres, [1980] 1 C.F. 396; 101 D.L.R. (3d) 669 (C.A.), une décision un défenseur de l'intérêt public dans le domaine de la radiodiffusion qui comparaissait devant le C.R.T.C. qui devait, selon la loi, tenir des audien ces publiques, s'est vu confirmé son droit de con- tester une décision de ce tribunal.
Étant parvenu à cette conclusion, il me reste encore à essayer de comprendre la portée de l'ar- gument quelque peu diversifié de la requérante en ce qui concerne les affaires Thorson, McNeil et Borowski.
J'ai examiné la question de savoir si une partie de son argument n'était pas nette et aurait pu reposer sur la distinction entre la qualité accordée de plein droit dans une demande d'un bref de certiorari et la qualité qui est accordée à la discré- tion de la Cour seulement. Dans ce dernier cas, la jurisprudence semble indiquer qu'il est fort possi ble qu'un bref de certiorari soit refusé au motif qu'il ne serait pas dans le meilleur intérêt du public de l'accorder. À l'évidence, les considéra- tions d'intérêt public en l'espèce peuvent très bien entraîner le rejet de la demande de la requérante tendant à l'obtention d'une ordonnance qui annule- rait la décision de la C.C.É.A., même si on consta- tait l'existence d'un parti pris. Toutefois, je ne pense pas qu'on puisse s'appuyer sur les affaires Thorson, McNeil et Borowski pour prétendre que les règles de l'octroi facultatif de la qualité pour agir dans une demande d'un bref de certiorari devraient, d'une façon ou d'une autre, être conver- ties en règles conférant la qualité de plein droit. L'appelant n'a obtenu la qualité de plein droit dans aucune de ces causes. Dans toutes ces causes, la Cour a considéré l'octroi de la qualité pour agir comme une question discrétionnaire pour les tribunaux.
Il reste la question de l'applicabilité d'un argu ment reposant sur les décisions Thorson, McNeil et Borowski à la question de la qualité pour agir en l'espèce en ce qui concerne la demande d'un juge- ment déclaratoire.
Au début, il convient de souligner que l'avocat de la requérante a expliqué la demande de redres- sements subsidiaires (un bref de certiorari ou un jugement déclaratoire) de la façon suivante. La requérante préférerait un jugement déclaratoire parce qu'il a une portée [TRADUCTION] «moins draconienne» qu'un bref de certiorari, mais puis- que la jurisprudence pourrait indiquer que la requérante ne pourrait obtenir la qualité pour demander un jugement déclaratoire, elle a jugé opportun d'intenter des procédures simultanées visant les deux formes de redressement.
Je prends comme point de départ la conclusion tirée par le juge Martland dans l'arrêt Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575, la page 598; 130 D.L.R. (3d) 588, la page 606:
Selon mon interprétation, ces arrêts [Thorson et McNeil] décident que pour établir l'intérêt pour agir à titre de deman-
deur dans une poursuite visant à déclarer qu'une loi est inva- lide, si cette question se pose sérieusement, il suffit qu'une personne démontre qu'elle est directement touchée ou qu'elle a, à titre de citoyen, un intérêt véritable quant à la validité de la loi, et qu'il n'y a pas d'autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour.
Dans le cas de l'action intentée par la requé- rante en l'espèce, il est clair qu'une question sus ceptible d'être tranchée par voie judiciaire a été soulevée: celle de la validité ou de l'invalidité de la décision de la C.C.E.A. contestée pour sa partia- lité. J'estime qu'il est également clair qu'on pour- rait dire de la requérante qu'elle a, à titre de citoyenne, un intérêt véritable quant à la validité de cette décision. On peut dire que l'ensemble des citoyens a intérêt à se persuader que les décisions de ce genre sont rendues par un tribunal impartial; il y a intérêt à s'assurer que les fonctionnaires qui rendent les décisions du genre de celle en litige en l'espèce le font sans qu'on puisse leur reprocher un gain pécuniaire personnel.
En l'espèce,. il est également clair que si la requérante n'est pas autorisée à contester la vali- dité de la décision, il n'y a pas d'autre manière raisonnable et utile de saisir les tribunaux de la question. En Ontario, l'Hydro-Ontario n'a pas de concurrents qui pourraient contester la décision de la Commission; il apparaît qu'aucun des concur- rents de Phillips Cables ne serait en mesure de contester la décision de la Commission ni ne serait intéressé à le faire. À l'audition, tant l'Hydro- Ontario que le procureur général ont souligné que, théoriquement, ils pouvaient contester la décision. À l'évidence, l'Hydro-Ontario ne le ferait pas, et bien qu'on n'ait pas demandé au procureur général de le faire, le fait qu'il se porte à la défense de la décision de la Commission montre clairement qu'il ne l'aurait pas fait si on le lui avait demandé. A cet égard, comme il semble qu'il n'y aurait pas d'autre contestation efficace possible, la situation semble- rait s'apparenter à celle de l'affaire Thorson, encore plus même qu'à celle de l'affaire Borowski.
Dans les affaires Thorson, McNeil et Borowski, la question en litige portait toutefois sur la consti- tutionnalité d'une loi; il n'en est pas ainsi en l'espèce. La question reste de savoir si les principes posés dans ces décisions sont limités à des affaires on demande la qualité pour agir pour contester la constitutionnalité d'une loi, ou s'ils pourraient s'appliquer aussi à d'autres cas. L'interprétation de
ces trois arrêts m'amène à conclure que l'essentiel des décisions de la Cour suprême ne résidait pas dans le fait que la compétence législative constitu- tionnelle était contestée. La règle fondamentale est plutôt, semble-t-il, qu'il y avait une question sus ceptible d'être tranchée par voie judiciaire, une question normalement soumise au contrôle judi- ciaire, et qu'une telle question ne devrait pas échapper au contrôle judiciaire en raison de règles trop strictes quant à la qualité pour agir. Je cite les extraits suivants de la décision de la Cour dans l'affaire Thorson c. Procureur général du Canada et al., [1975] 1 R.C.S. 138, à la page 145:
La question de fond soulevée par l'action du demandeur est de la compétence des tribunaux; et, prima facie, il serait étrange et même alarmant qu'il n'y ait aucun moyen par lequel une question d'abus de pouvoir législatif, matière traditionnellement de la compétence des cours de justice, puisse être soumise à une décision de justice.
et à la page 163:
Ce n'est pas le seul gaspillage allégué de deniers publics qui étayera la qualité pour agir mais plutôt le droit des citoyens au respect de la constitution par le Parlement, quand la question que soulève la conduite du Parlement est réglable par les voies de justice en tant que question de droit.
Certes, la division de la compétence législative constitutionnelle peut être le domaine principal des questions susceptibles d'être tranchées par voie judiciaire pourraient être à l'abri du contrôle judi- ciaire, en l'absence de règles appropriées relatives à la qualité pour agir, mais je ne trouve rien dans les décisions Thorson, McNeil et Borowski qui indique que la question de la compétence législa- tive constitutionnelle soit la condition sine qua non de ces décisions.
Il me semble que les principes qui sous-tendent les décisions Thorson, McNeil et Borowski sont applicables à l'espèce. Il existe une question d'inté- rêt public comparable au droit au respect, par les assemblées législatives, des limites que leur impose la constitution; c'est le droit du public de faire trancher par des tribunaux impartiaux les déci- sions du genre de celle rendue par la C.C.É.A. Il n'existe pas d'autre moyen raisonnable et utile de saisir la Cour de la question. L'application des principes de ces décisions à une affaire telle que l'espèce n'ouvre pas la porte à une avalanche de litiges; cette application n'étend pas non plus trop largement les règles quant à la qualité pour agir. Cela ne fait que permettre aux plaideurs suscepti- bles d'introduire une requête en bref de certiorari
à présenter cette action plutôt comme une demande de jugement déclaratoire. Dans ce sens, on évite simplement ce qui serait par ailleurs la situation anormale d'un plaideur tel que la requé- rante à l'instance qui a qualité pour demander un bref de certiorari mais qui n'a pas qualité pour présenter cette même action sous la forme d'une requête en jugement déclaratoire. C'est pour ces motifs que j'estime que les décisions rendues par la Cour suprême dans les affaires Thorson, McNeil et Borowski s'étendent pour s'appliquer à une situation telle que la présente.
Conclusion
Puisque je ne vois aucun parti pris direct visant un but lucratif comme l'a allégué la requérante, et puisque ce qui apparaît comme la question impor- tante, la crainte raisonnable de partialité, n'a jamais été soulevée en l'espèce, je dois rejeter tant la requête en bref de certiorari que la demande de jugement déclaratoire.
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