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A-697-83
Harvey Taback (appelant)
c.
Commission de la Fonction publique (intimée)
Cour d'appel, juges Heald, Mahoney et Huges- sen—Ottawa, 1" et 2 février 1984.
Fonction publique Droits d'un fonctionnaire en matière de concours et d'appels entre la date de son renvoi et celle de sa réintégration dans la Fonction publique La Commission devait-elle constituer un comité d'appel pour connaître de l'appel interjeté contre la décision d'exclure l'appelant du concours pour le motif qu'il n'était pas un «employé» entre la date du renvoi et la date de sa réintégration? L'appel prévu à l'art. 21 est ouvert à «chaque candidat non reçu» Le juge de première instance a eu tort d'exercer son pouvoir discré- tionnaire pour refuser le mandamus et pour contrecarrer l'ap- pel au motif que celui-ci était voué à l'échec L'appelant avait le droit d'être entendu par un comité d'appel L'appel est accueilli Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32, art. 2(1), 21 Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-35.
Entre la date de son renvoi de la Fonction publique et celle de sa réintégration à son poste, l'appelant a posé sa candidature à un autre poste au sein de la Fonction publique mais sa candidature a été rejetée au motif qu'il n'était pas un «employé» au sens de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Lorsqu'il a interjeté appel de cette décision en vertu de l'article 21 de la Loi, la Commission de la Fonction publique a refusé de constituer un comité d'appel pour entendre l'appel, toujours au motif que l'appelant n'était pas un «employé». L'appelant a ensuite sollicité auprès de la Division de première instance de cette Cour un mandamus visant à obliger la Commission à établir un comité d'appel. N'ayant pas obtenu le redressement recherché, l'appelant interjette appel de cette décision.
Arrêt: l'appel est accueilli. La Commission de la Fonction publique a manifestement eu tort de refuser de constituer un comité d'appel puisqu'aux termes de l'article 21 «chaque candi- dat non reçu» jouit d'un droit d'appel. En outre, la Commission ne peut, par un simple acte administratif, empêcher que cet appel ait lieu, surtout lorsque son refus est fondé sur les mêmes motifs que ceux dont il est fait appel.
Le juge de première instance n'a pas examiné la question principale, savoir le droit d'appel conféré par l'article 21, lorsqu'il a rejeté la demande au motif que l'appel était voué à l'échec. Il ne pouvait exercer son pouvoir discrétionnaire à l'égard de la demande de mandamus pour contrecarrer l'appel. L'appelant avait droit à ce que son appel soit déterminé par un comité d'appel et non par le juge de première instance.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Procureur général du Canada c. Landriault, [1983] 1 C.F. 636; 143 D.L.R. (3d) 163 (C.A.).
DÉCISION CITÉE:
Harelkin c. L'université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561.
AVOCATS:
Maurice W. Wright, c.r. et A. J. Raven pour
l'appelant.
John H. Sims pour l'intimée.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston, Greenberg, O'Grady, Morin, Ottawa, pour l'appelant. Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HUGESSEN: L'appelant occupait un poste au sein de la Fonction publique du Canada. Renvoyé par suite de mesures disciplinaires exer- cées contre lui, il a déposé un grief qui a fait l'objet d'arbitrage conformément à la Loi sur les rela tions de travail dans la Fonction publique [S.R.C. 1970, chap. P-35]. Il a obtenu gain de cause en partie, car l'arbitre a conclu que la conduite de l'appelant méritait bien des mesures disciplinaires, mais que le renvoi constituait une peine trop sévère. En conséquence, il a imposé une suspension de relativement courte durée de sorte que l'appe- lant a été réintégré dans son poste.
Toutefois, entre la date du renvoi et celle de la décision arbitrale, l'appelant a eu vent d'un con- cours pour un autre poste dans la Fonction publi- que auquel il s'intéressait. Il s'agissait d'un «con- cours restreint» qui, aux termes du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique [S.R.C. 1970, chap. P-32], est «ouvert seulement aux personnes employées dans la Fonc- tion publique». La candidature de l'appelant a donc été rejetée parce qu'il n'était pas un «employé» au sens de la Loi. S'autorisant de l'arti- cle 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, il a interjeté appel de la décision qui écartait sa candidature. La Commission de la Fonction publique a cependant refusé de constituer un comité d'appel, donnant exactement les mêmes motifs qu'on avait invoqués antérieurement à l'ap- pui de la décision que l'appelant voulait porter en appel, savoir qu'il n'était pas un «employé» au sens de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. L'appelant a ensuite sollicité auprès de la Division de première instance de cette Cour un mandamus qui aurait obligé la Commission à établir un comité d'appel. Cette Division [ordonnance en
date du 10 mai 1983, T-1019-83, encore inédite] n'a pas accédé à sa demande, d'où le présent appel.
Je tiens à préciser dès le début qu'à mon avis, la Commission de la Fonction publique a manifeste- ment eu tort de refuser de constituer un comité d'appel conformément à l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Dans le cas d'un concours restreint, «chaque candidat non reçu» jouit d'un droit d'appel. D'après leur sens ordinaire, ces mots englobent aussi bien le candi- dat jugé inadmissible que celui qu'on estime ne pas posséder les compétences voulues et celui qui n'a tout simplement pas été sélectionné. Comme le dit le juge Pratte (les juges Heald et Ryan souscrivant à son avis sur ce point) dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Landriault, [[1983] 1 C.F.
636, la page 641]; 143 D.L.R. (3d) 163, aux pages 166 et 167 [C.A.]:
... il me paraît sage de donner au terme «candidat,, tel qu'il apparaît à l'article 21, son sens ordinaire qui, à mon avis, s'applique à tous ceux qui ont fait acte de candidature.
En vérité, permettre à la Commission d'agir comme elle l'a fait en l'espèce entraîne des résul- tats qui sont pour le moins étonnants. La décision initiale de rejeter la candidature de l'appelant au motif qu'il n'était pas un employé au sens de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique a été prise au nom de la Commission. Il est évident, du fait qu'il en a interjeté appel, que l'appelant conteste la validité de cette décision. En refusant d'établir le comité d'appel, la Commission déclare que l'appe- lant n'est pas un employé au sens de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Mais c'est exactement ce qu'elle avait déjà conclu et, aux termes de l'article 21, cette décision ouvre droit à un contrôle non pas par la Commission elle-même mais par un comité d'appel. Il faudrait une disposi tion des plus explicites pour me convaincre que le législateur a voulu que l'organisme même dont la décision est portée en appel puisse, par un simple acte administratif, empêcher que cet appel ait lieu.
Le juge de première instance n'a pas en réalité examiné la question du droit de la Commission de la Fonction publique de faire obstacle à l'appel interjeté par l'appelant en vertu de l'article 21. Il mentionne en passant l'arrêt Landriault, précité,
mais, si je comprends bien ses motifs, il rejette la demande de mandamus non pas parce que la Commission a eu raison de refuser d'établir un comité d'appel mais parce que, selon lui, l'appel était voué à l'échec; il s'agissait, pour reprendre les termes du juge la page 2 des motifs], d'aun exercice futile et inutile».
Avec grands égards, j'estime que le juge a eu tort de prendre cela comme fondement de sa déci- sion. Je reconnais, bien sûr, que le mandamus est toujours un recours discrétionnaire (Harelkin c. L'université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561), mais lorsque le Parlement confère explicitement un droit d'appel à un comité d'appel, comme il le fait à l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, je ne puis croire qu'un tribunal puisse à bon droit exercer son pouvoir discrétion- naire de manière à contrecarrer cet appel. Il se peut bien, comme l'a estimé le juge de première instance, que l'échec de l'appel soit inévitable. Pour ma part, je préfère ne pas me prononcer sur cette question. Toujours est-il que l'appelant avait droit à ce que son appel soit entendu par le comité d'appel et non pas par le juge de première ins tance. De plus, selon mon interprétation de l'arti- cle 21, les parties peuvent apporter des preuves devant un comité d'appel, mais ce droit perd toute sa valeur si on refuse d'accorder un mandamus. Puisqu'il n'y a pas eu de plaidoiries, on ne peut conclure à l'impossibilité de produire, lors d'une audience devant le comité d'appel, des preuves qui auraient pu avoir pour effet de changer l'issue de la cause.
À mon avis, l'appelant a droit à une audience devant le comité d'appel et il n'appartient pas à cette Cour de la lui refuser. Je suis d'avis d'ac- cueillir l'appel avec dépens, d'infirmer la décision de la Division de première instance et de rendre une ordonnance de mandamus qui exigera que la Commission de la Fonction publique constitue, conformément à l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, un comité d'appel chargé d'entendre l'appel de l'appelant relative- ment au concours 82-TAX-HO-CCID-15.
LE JUGE HEALD: J'y souscris.
LE JUGE MAHONEY: Je suis d'accord.
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