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T-1011-83
Dennis Augustus Williams (requérant) c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration et Ken Lawrence, chef des agents chargés de présenter les cas (intimés)
Division de première instance, juge en chef adjoint Jerome—Toronto, 13 juin; Ottawa, 28 octobre 1983.
Immigration Ordonnances d'expulsion Demande en vue d'interdire l'exécution d'une ordonnance d'expulsion Le requérant a été mis en liberté sur reconnaissance en vertu d'une ordonnance de mise en liberté L'art. 52(1) de la Loi prévoit qu'il ne sera pas procédé à l'exécution d'une ordonnance de renvoi lorsque l'exécution irait directement à l'encontre d'une autre ordonnance rendue par un organisme ou une autorité judiciaires ou lorsque la présence au Canada de la personne déportée est requise aux fins de procédures criminelles La reconnaissance de cautionnement ne constitue pas une ordon- nance judiciaire L'ordonnance provisoire de mise en liberté a été déposée La Couronne soutient que, comme l'art. 52(1)b) traite précisément de la présence au Canada du requé- rant aux fins de procédures criminelles, la question ne doit pas être réglée par l'art. 52(1)a) L'utilisation du terme 'ou» à la fin de l'art. 52(1)a) indique qu'on voulait que les alinéas a) et b) traitent de situations différentes L'art. 52(1)b) traite d'un accusé ou d'un témoin quand aucune ordonnance judi- ciaire n'est intervenue L'art. 52(1)a) traite précisément de la violation directe d'une ordonnance rendue au Canada par un organisme ou une autorité judiciaires L'exécution de l'or- donnance d'expulsion entraînerait directement une violation d'une ordonnance rendue par une autorité judiciaire au Canada La demande est accueillie en vertu de l'art. 52(1)a) tant que le requérant continuera d'être lié par les dispositions de l'ordonnance provisoire de mise en liberté Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 52.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUER:
Persaud c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, ordonnance en date du 14 octobre 1981, Division de première instance de la Cour fédérale, T-4081-81, non publiée.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Locke c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, ordonnance en date du 17 mai 1978, Division de première
instance de la Cour fédérale, T-2015-78, non publiée.
AVOCATS:
B. Knazan pour le requérant. Marlene Thomas pour les intimés.
PROCUREURS:
Knazan, Jackman & Goodman, Toronto, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: La pré- sente demande en vue d'obtenir un bref de prohibi tion interdisant l'exécution d'une ordonnance d'ex- pulsion rendue contre le requérant a été présentée à Toronto (Ontario), le lundi 13 juin 1983. Depuis lors, des demandes en vue d'obtenir des ordonnan- ces semblables fondées sur des motifs identiques ont été présentées par trois autres requérants: Bela Joseph Toth, Reginald Anthony Fernandes et Gio- vanni Frangipane. Par conséquent, les présents motifs s'appliquent dans les quatre cas.
Les faits sont simples et ne sont pas contestés. Au moment les intimés ont tenté d'exécuter une ordonnance d'expulsion contre le requérant, celui-ci devait répondre d'une accusation crimi- nelle à l'égard de laquelle, le 18 mars 1982, il a été mis en liberté par l'ordonnance d'un juge de la Cour provinciale. Lors de la présentation de la demande initiale, le seul document qui était joint à l'affidavit du requérant était une formule de recon naissance de cautionnement qui ne semble pas constituer une ordonnance judiciaire aux termes de l'article 52 de la Loi sur l'immigration de 1976 [S.C. 1976-77, chap. 52] :
52. (1) Il ne sera pas procédé à l'exécution d'une ordonnance de renvoi dans les cas suivants:
a) l'exécution irait directement à l'encontre d'une autre ordonnance rendue au Canada par un organisme ou une autorité judiciaires; ou
b) la présence au Canada de la personne visée par l'ordon- nance étant requise aux fins de procédures criminelles, le Ministre ordonne le sursis durant lesdites procédures.
(2) L'ordonnance de renvoi rendue à l'égard d'une personne alors détenue dans un pénitencier, une prison ou une maison de correction, ou qui est détenue dans une telle institution avant que l'ordonnance n'ait été exécutée, ne peut être exécutée tant que cette personne n'aura pas purgé sa peine, compte tenu des réductions statutaires de peine et des mesures de clémence.
Le document relatif à la reconnaissance est d'une importance secondaire en l'espèce. Ce qui importe,
c'est la mise en liberté du requérant qui, d'après moi, doit être faite au moyen d'une ordonnance officielle. Par conséquent, j'ai ajourné l'affaire afin de permettre à l'avocat de déposer une copie de l'ordonnance provisoire de mise en liberté. Je n'ai pas l'intention de citer intégralement le texte de cette ordonnance; en voici les parties importantes:
[TRADUCTION] ATTENDU QUE Dennis Augustus WILLIAMS, ci-après appelé le prévenu, a été accusé d'avoir commis le 17 fév. 1982 ou vers cette date, dans la communauté urbaine de Toronto, dans ledit district judiciaire, l'infraction de tentative de vol.
IL EST ORDONNÉ que ledit accusé soit mis en liberté s'il donne ou s'engage à donner
2.c) une reconnaissance avec au moins une garantie suffisante au montant de 1 500 $.
EN DATE DU 18 mars signature «illisible»
1982 dans la juge de la province
communauté urbaine de de l'Ontario Toronto
À ma connaissance, les juges de la présente Cour ont déjà traité de cet argument à deux reprises. Dans l'affaire Locke c. Ministre de l'Em- ploi et de l'Immigration', le juge Dubé a rejeté une demande semblable en raison du manque de preuve de l'existence d'une ordonnance judiciaire qui serait nécessairement violée par l'exécution d'une ordonnance d'expulsion. Le dossier contient peu de renseignements, mais il semble que l'accusé ait été mis en liberté sous cautionnement avec l'engagement de comparaître à son procès. On ne sait pas s'il était sous garde et, par conséquent, si l'ordonnance de mise en liberté a été exécutée. L'appel à la Cour d'appel fédérale a été rejeté sans motifs.
Par la suite, dans l'affaire Persaud c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration 2 , le juge Mahoney s'est reporté brièvement à la décision rendue dans l'affaire Locke pour établir une dis tinction avec l'affaire Persaud puisque, à son avis, on lui avait présenté la preuve d'une ordonnance enjoignant à la requérante de remplir certaines obligations, ce qu'il lui serait impossible de remplir
I Ordonnance en date du 17 mai 1978, Division de première instance de la Cour fédérale, T-2015-78, non publiée.
2 Ordonnance en date du 14 octobre 1981, Division de pre- mière instance de la Cour fédérale, T-4081-81, non publiée.
si l'ordonnance d'expulsion était exécutée. Je sous- cris à cette analyse de la question par le juge Mahoney quoique, en raison des circonstances par- ticulières de l'affaire Persaud, je ne sois pas lié par sa décision. Les motifs auxquels je fais allusion ont été rendus le 14 octobre 1981, date à laquelle le juge Mahoney a ordonné l'ajournement de l'affaire pour permettre aux parties de présenter d'autres arguments sur la question de savoir si ce qui est maintenant l'alinéa 52(1)b) constituait une réponse complète aux arguments de la requérante. La question n'a jamais été débattue parce que, dans une lettre datée du 20 octobre 1981, le procu- reur de la Couronne a avisé le tribunal que les accusations sur lesquelles portaient l'ordonnance de mise en liberté avaient été retirées au cours de l'enquête préliminaire tenue les 5 et 13 octobre 1981. Par conséquent, Nadira Persaud a été libé- rée et la requête Persaud a été retirée à Toronto, le 9 novembre 1981, sur consentement.
Toutefois, je répète que je souscris à la décision de mon collègue et je dois conclure que l'ordon- nance visée dans la présente demande a été signée par un juge de la Cour provinciale dûment consti- tuée et qu'elle oblige le requérant à comparaître devant le tribunal à Toronto à une date précise, ce qu'il serait incapable de faire s'il était expulsé. Il s'ensuit que l'exécution de l'ordonnance d'expul- sion entraînerait directement une violation de l'or- donnance rendue par une autorité judiciaire au Canada, selon les termes de l'alinéa 52(1)a).
La Couronne soutient également que, comme l'alinéa 52(1)b) traite précisément de la présence au Canada du requérant aux fins de procédures criminelles, cette question ne doit pas être réglée sur le fondement de l'alinéa 52(1)a). Je ne suis pas convaincu de la justesse de cet argument. D'abord, l'utilisation du terme «ou» à la fin de l'alinéa a) m'oblige à conclure que le Parlement voulait que les alinéas a) et b) traitent de situations différen- tes. Ensuite, l'alinéa b) semble être redondant puisqu'il exige la présence au Canada de la per- sonne contre qui l'ordonnance est rendue, aux fins de procédures criminelles, ainsi que le sursis par le Ministre à l'exécution de cette ordonnance. Il me semble assez évident que le Ministre a le pouvoir de différer une ordonnance d'expulsion ou d'y surseoir dans bien d'autres cas que ceux dans lesquels la présence de la personne frappée d'ex-
pulsion est requise aux fins de procédures criminel- les, à titre d'accusé ou de témoin. Cette disposition précise de l'alinéa b) doit, par conséquent, être considérée comme une indication que le Parlement s'attendait à ce que le Ministre subordonne son pouvoir d'expulser au rôle plus vaste que la per- sonne devant être expulsée peut avoir dans l'admi- nistration de la justice criminelle. De toute façon, il est évident que les deux alinéas portent sur des problèmes différents. L'alinéa b) peut traiter d'un accusé ou d'un témoin, avec ou sans ordonnance judiciaire. L'alinéa a) traite précisément de la violation directe d'une ordonnance rendue au Canada par un organisme ou une autorité judiciai- res. Dans les décisions précédentes, il n'y avait aucune preuve que l'ordonnance judiciaire conte- nait des exigences précises que le requérant ne pourrait remplir s'il était expulsé. L'ordonnance de mise en liberté de Williams remplit ces conditions et, par conséquent, en conformité avec les termes de l'alinéa 52(1)a), une ordonnance sera rendue interdisant l'exécution de l'ordonnance d'expulsion dans cette affaire tant que le requérant continuera d'être lié par les dispositions de l'ordonnance pro- visoire de mise en liberté rendue le 18 mars 1982. Une ordonnance semblable sera rendue relative- ment aux trois autres affaires.
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