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T-4215-81
La Reine (demanderesse) c.
Terra Mining & Exploration Limited (N.P.L.) (défenderesse)
Division de première instance, juge Reed— Edmonton, 7 février; Ottawa, 21 février 1984.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Déductions Méthode de comptabilisation des dépenses en intérêts aux fins d'impôt différente de la méthode utilisée pour la comptabili- sation du reste du revenu aux fins d'impôt et de celle utilisée dans les états financiers Les mots «suivant la méthode habituellement utilisée par le contribuable dans le calcul de son revenu» de l'art. 20(1)c) obligent le contribuable à utiliser la même méthode pour comptabiliser des dépenses en intérêts et le reste de son revenu L'application constante et suivie d'une méthode de «non-rapprochement» et l'existence de plu- sieurs prêteurs ne justifient pas l'emploi d'une méthode comp- table double Les art. 20(1)c) et 12(1)c) exigent une compta- bilité conforme aux usages commerciaux ordinaires et (ou) aux principes comptables généralement reconnus_— Distinc tion faite avec la décision Industrial Mortgage and Trust Company v. The Minister of National Revenue parce que dans cette décision il y avait de bons motifs fondés sur les usages commerciaux ordinaires et sur les principes comptables géné- ralement reconnus qui permettaient l'emploi d'un système comptable double Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970- 71-72, chap. 63, art. 9, 12(1)c), 20(1)c) Règles de 1971 concernant l'application de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970- 71-72, chap. 63, Partie III, art. 28(1).
La défenderesse a comptabilisé dans ses états financiers les dépenses en intérêts selon la méthode d'exercice alors qu'elle a comptabilisé aux fins d'impôt ses dépenses en intérêts selon une comptabilité de caisse et le reste de son revenu selon une comptabilité d'exercice. Appel a été interjeté devant la Com mission de révision de l'impôt de la nouvelle cotisation établie par le Ministre. Appel est interjeté de la décision de la Com mission qui a accueilli l'appel concernant la cotisation de 1975. Le Ministre soutient que le contribuable doit utiliser la même méthode de comptabilité pour calculer son revenu aux fins d'impôt que lorsqu'il comptabilise ses états financiers sauf lorsque la Loi lui permet expressément d'employer une autre méthode. La défenderesse fait valoir que les mots «suivant la méthode habituellement utilisée par le contribuable dans le calcul de son revenu» de l'alinéa 20(1)c) ont pour but de permettre au contribuable de choisir sa méthode de comptabi- lité des dépenses en intérêts sans être limité par les usages commerciaux ordinaires ni par les principes de comptabilité généralement reconnus. Elle soutient en outre que comme le libellé de l'alinéa 12(1)c) est fondamentalement analogue à celui de l'alinéa 20(1)c), l'interprétation de l'alinéa 12(1)c) permettant l'emploi d'une méthode double vaut aussi pour l'alinéa 20(1)c). Elle invoque la décision Industrial Mortgage and Trust Company v. The Minister of National Revenue et le Bulletin d'interprétation IT-396 à l'appui de la proposition voulant qu'un contribuable peut, selon l'alinéa 12(1)c), choisir de comptabiliser son revenu en intérêts en ne rapprochant pas
revenus et dépenses. La défenderesse soutient que, pour pouvoir employer la méthode comptable double autorisée par Industrial Mortgage, un contribuable doit simplement prouver qu'il utilise la même méthode comptable depuis des années et qu'il y a plusieurs prêteurs.
Jugement: l'appel est accueilli. Il existe une distinction entre l'obligation de calculer le revenu, aux fins d'impôt, selon les principes comptables reconnus et l'obligation pour le contribua- ble d'utiliser la même méthode de comptabilité pour les états financiers et les formulaires d'impôt. Dans le calcul du revenu aux fins d'impôt, il faut appliquer les principes de comptabilité généralement reconnus, tel le principe du rapprochement des revenus et des dépenses, à moins que la Loi de l'impôt sur le revenu n'autorise expressément une autre méthode. Les usages commerciaux ordinaires et les principes comptables générale- ment reconnus exigent que le contribuable comptabilise ses dépenses en intérêts selon la méthode d'exercice. Les mots «suivant la méthode habituellement utilisée par le contribuable dans le calcul de son revenu» indiquent au contribuable qui emploie la méthode comptable de caisse qu'il doit comptabiliser ses dépenses en intérêts selon la même méthode et, à celui qui utilise la méthode d'exercice, de les comptabiliser selon cette même méthode. Ces mots exigent l'emploi d'une méthode conforme aux principes comptables généralement reconnus au lieu de permettre une dérogation à ces principes.
Rien dans les alinéas 12(1)c) et 20(1)c) n'indique qu'il faut les traiter de manière différente. Le fait que l'alinéa 20(1)c) parle de «revenu» et l'alinéa 12(1)c) de «bénéfices» n'a pas d'importance. Les décisions Industrial Mortgage et Mid-West Abrasive ne permettent pas de justifier l'emploi d'une méthode comptable double sur le seul fondement de l'application cons- tante et suivie d'une méthode de «non-rapprochement» et de l'existence de plusieurs prêteurs. Le principe qui se dégage de ces décisions est que les alinéas 20(1)c) et 12(1)c) exigent une comptabilité conforme aux usages commerciaux ordinaires et (ou) aux principes comptables généralement reconnus. Dans la décision Industrial Mortgage, on a permis au contribuable d'employer une méthode double soit parce qu'il passait de la méthode d'exercice à la méthode de caisse, soit parce que les prêts comptabilisés selon la méthode d'exercice étaient plus sûrs que les prêts comptabilisés selon la méthode de caisse. Il y avait de bons motifs fondés sur les usages commerciaux ordinaires et sur les principes comptables généralement reconnus qui permet- taient l'emploi d'un système comptable double. Pareille justifi cation n'a été établie ni en l'espèce ni dans l'affaire Mid- West Abrasive.
JURISPRUDENCE
DECISION APPLIQUÉE:
Le ministre du Revenu national c. Mid-West Abrasive Company of Canada Limited, [1973] C.F. 911 (1"« inst.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Industrial Mortgage and Trust Company v. The Minister of National Revenue, [1958] R.C.E. 205; 58 DTC 1060.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Associated Investors of Canada Ltd. v. Minister of National Revenue, [1967] 2 R.C.E. 96; 67 DTC 5096; Neonex International Ltd. c. Sa Majesté la Reine (1978), 78 DTC 6339 (C.F. Appel).
DÉCISIONS CITÉES:
Oxford Shopping Centres c. La Reine, [1980] 2 C.F. 89; 79 DTC 5458 (I' inst.); Nowegijick c. La Reine, [1983] I R.C.S. 29; 83 DTC 5041.
AVOCATS:
William Mah pour la demanderesse. Gordon W. Flynn pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.
Bell, Felesky, Iverach, Flynn & Struck, Edmonton, pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE REED: La présente action porte sur la façon de traiter des dépenses en intérêts selon l'alinéa 20(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63 et ses modifications. Plus précisément, il faut déterminer si un contri- buable peut comptabiliser des dépenses en intérêts selon la méthode de la comptabilité de caisse tout en utilisant, aux fins d'impôt et dans ses états financiers, la méthode comptable d'exercice pour le reste de son revenu.
Les faits ne sont pas contestés. La mine de la défenderesse a commencé à produire de façon commerciale en mars 1971, ce qui signifie que le délai de trois ans durant lequel son revenu était exonéré d'impôt conformément à la Règle 28(1) des Règles de 1971 concernant l'application de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, chap. 63, Partie III] a commencé à cette date. Par consé- quent, si le contribuable avait comptabilisé aux fins d'impôt ses dépenses en intérêts selon une comptabilité d'exercice, cela n'aurait en aucune façon diminué son revenu imposable au cours de ces années. Durant toutes les époques pertinentes, la défenderesse a comptabilisé dans ses états finan ciers les dépenses en intérêts selon la méthode d'exercice alors que, dans le calcul de son revenu aux fins d'impôt, elle les a inscrites dans la comp- tabilité de l'année elle les a effectivement payées. Par la suite, le ministre du Revenu natio nal a établi de nouvelles cotisations pour chacun des exercices financiers se terminant aux dates suivantes: le 31 août 1973, le 31 décembre 1973, le 31 décembre 1974 et le 31 décembre 1975. La
défenderesse a interjeté appel de ces nouvelles cotisations à la Commission de révision de l'impôt qui, dans sa décision datée du 22 avril 1981, a accueilli l'appel. Les appels concernant les années d'imposition 1973 et 1974 ont été abandonnés à l'instruction parce que le montant des cotisations était nul. Par conséquent, seule la cotisation pour l'année d'imposition 1975 demeure en litige.
Il faut déterminer en premier lieu si le contri- buable doit employer la même méthode de comp- tabilité pour calculer son revenu aux fins d'impôt que lorsqu'il comptabilise ses états financiers sauf, naturellement, lorsque la Loi lui permet expressé- ment d'employer une autre méthode. Le Ministre prétend que oui. J'estime qu'il a tort. Il me semble qu'il est établi depuis longtemps que l'on peut employer des méthodes comptables différentes à des fins qui sont différentes. La méthode variera selon le but pour lequel les états financiers sont établis. L'avocat de la défenderesse a cité un arti cle de B. J. Arnold intitulé «Conformity Between Financial Statements and Tax Accounting», 81 CTJ (4) 476. Il s'est appuyé en outre sur la décision Oxford Shopping Centres c. La Reine, [1980] 2 C.F. 89; 79 DTC 5458 (1" inst.). Il convient aussi de citer un extrait de Scace, The Income Tax Law of Canada (4° éd., 1981), la page 72:
[TRADUCTION] Il faut souligner cependant que même si des principes de comptabilité servent au calcul du bénéfice aux fins d'impôt, ils ne reflètent pas toujours ce qui se fait dans la pratique commerciale; un revenu aux fins d'impôt est rarement le même que celui qui est inscrit dans les livres comptables de l'entreprise destinés à ses fins propres. Par exemple, aux fins d'impôt, le traitement accordé à une allocation du coût en capital est laissé au choix du contribuable (sous réserve des prescriptions des règlements) alors que lorsqu'il s'agit de fins commerciales, les biens immobilisés sont, dans la plupart des cas, passés en charges selon la méthode de l'amortissement constant.
Ces articles ne font pas autorité mais exposent bien, à mon sens, le point de vue qui doit être adopté.
Il faut faire une distinction entre une obligation de calculer le revenu aux fins d'impôt selon les principes comptables reconnus et une obligation d'utiliser la même méthode de comptabilité pour les états financiers et les formulaires d'impôt.
Comme l'a fait valoir l'avocat du contribuable, il faut partir de l'article 9 de la Loi. Voici ce que cet article dit:
9. (1) Sous réserve des dispositions de la présente Partie, le revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition est le bénéfice qu'il en tire pour cette année.
Selon la jurisprudence, cet article impose au contribuable de comptabiliser ses bénéfices «en respectant les principes commerciaux ordinaires»'.
[TRADUCTION] Le bénéfice tiré d'une entreprise, sous réserve de dispositions spéciales de la loi, doit être déterminé conformément aux principes commerciaux ordinaires. (Voir Canadian General Electric Co. Ltd. v. Minister of National Revenue, [1962] R.C.S. 3 [61 DTC 1300], arrêt rendu par le juge Martland, à la page 12.) En fin de compte, il s'agit pour la Cour «d'une question de droit». Pour se prononcer, la Cour doit tenir compte des faits de l'espèce et l'importance à accorder à une circonstance particulière doit dépendre de considérations pratiques. Puisqu'il s'agit d'une question de droit, le témoi- gnage des experts n'est pas péremptoire. (Voir la décision du juge Abbott dans l'affaire Oxford Motors Ltd. v. Minister of National Revenue, [1959] R.C.S. 548 [59 DTC 1119], la page 553, et le juge Reid dans l'affaire Strick v. Regent Oil Co. Ltd., [1965] 3 W.L.R. 636, aux pages 645 et 646. Voir aussi l'arrêt Minister of National Revenue v. Anaconda American Brass Ltd., [1956] A.C. 85, à la page 102 [55 DTC 1220].)
Voir aussi Neonex International Ltd. c. Sa Majesté la Reine (1978), 78 DTC 6339 (C.F. Appel) pour la règle imposant, dans le calcul du revenu aux fins d'impôt, l'application de principes de comptabilité généralement reconnus, tel le prin- cipe du rapprochement des revenus et dépenses, à moins que la Loi de l'impôt sur le revenu n'auto- rise expressément une autre méthode.
Il ne fait aucun doute qu'en l'espèce, les usages commerciaux ordinaires et les principes compta- bles généralement reconnus exigeraient que le con- tribuable comptabilise sa dépense en intérêts selon la méthode d'exercice.
Cependant, l'avocat du contribuable fait valoir que l'alinéa 20(1)c) de la Loi autorise expressé- ment une dérogation à ces usages et principes. Son argument a deux volets: (1) il s'appuie sur la formulation de l'alinéa 20(1)c), et (2) il invoque, par analogie, l'alinéa 12(1)c) de la Loi qui traite du revenu en intérêts.
L'alinéa 20(1)c) prévoit ce qui suit:
20. (1) ... lors du calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition, peuvent être déduites ...
' Associated Investors of Canada Ltd. v. Minister of Natio nal Revenue, [1967] 2 R.C.E. 96, aux pp. IOI et 102; 67 DTC 5096,à la p. 5099.
c) une somme payée dans l'année ou payable pour l'année (suivant la méthode habituellement utilisée par le contribua- ble dans le calcul de son revenu), en exécution d'une obliga tion légale de verser des intérêts ...
Le contribuable prétend que les mots mis entre parenthèses à l'alinéa 20(1)c) seraient inutiles et redondants si le législateur n'avait pas voulu qu'ils permettent au contribuable de choisir sa méthode de comptabilité des dépenses en intérêts sans être limité par les usages commerciaux ordinaires ni par les principes de comptabilité généralement reconnus.
Je n'interprète pas les mots entre parenthèses de cette façon. A mon avis, ils ne font qu'indiquer au contribuable qui emploie la méthode comptable de caisse qu'il doit comptabiliser ses dépenses en inté- rêts selon la même méthode et, à celui qui utilise la méthode d'exercice, de les comptabiliser selon cette même méthode. Pris dans leur sens littéral, ces mots seraient plus près d'exiger une méthode conforme aux principes comptables généralement reconnus que de permettre une dérogation à ces principes. Voici ce qu'a dit à ce propos, le juge suppléant Sweet, dans la décision prononcée dans Le ministre du Revenu national c. Mid-West Abrasive Company of Canada Limited, [1973] C.F. 911 (lre inst.), à la page 920:
L'expression à examiner est «un montant payé dans l'année, ou payable à l'égard de l'année» que l'on trouve à l'article 11(1)c). A mon sens, les mots «payé dans l'année» s'appliquent aux contribuables qui, dans le calcul de leur revenu, emploient régulièrement la méthode de la comptabilité de caisse et les mots «payables à l'égard de l'année» s'appliquent à ceux qui, dans le calcul de leur revenu, emploient régulièrement la méthode de la comptabilité d'exercice.
Pour ce qui est du deuxième moyen, l'avocat du contribuable prétend que l'alinéa 12(1)c) permet au contribuable de choisir la méthode selon laquelle il comptabilisera son revenu en intérêts sans être limité par les usages commerciaux ordi- naires ni par les principes comptables générale- ment reconnus parce que le libellé de l'alinéa 20(1)c) est fondamentalement analogue à celui de l'alinéa 12(1)c). Selon lui, l'alinéa 12(1)c) a été interprété comme permettant l'emploi d'une méthode comptable double et par conséquent, le même résultat devrait découler de l'alinéa 20(1)c). L'alinéa 12(1)c) prévoit ce qui suit:
12. (1) Sont à inclure dans le calcul du revenu tiré par un contribuable ... au cours d'une année d'imposition ...
c) toute somme reçue ou à recevoir par le contribuable dans l'année (suivant la méthode normalement suivie par le contri- buable pour le calcul des bénéfices) au titre ou en paiement intégral ou partiel d'intérêts;
Je reconnais que rien dans la rédaction de ces deux articles n'indique qu'il faut les traiter de manière différente. Le fait que l'alinéa 20(1)c) parle de «revenu» alors que l'alinéa 12(1)c) parle de «bénéfices» n'a pas d'importance sur ce point. On ne m'a pas présenté d'argumentation convain- cante tendant à démontrer qu'en employant des mots différents, le législateur a voulu faire une distinction dans l'interprétation de ces deux ali- néas. Dans le contexte de ces dispositions, les mots sont, à mon avis, interchangeables.
Que permet alors l'alinéa 12(1)c)? L'avocat du contribuable cite deux sources à l'appui de la proposition voulant qu'un contribuable peut, selon l'alinéa 12(1)c), choisir de comptabiliser son revenu en intérêts en ne rapprochant pas revenus et dépenses: le jugement de notre Cour dans Industrial Mortgage and Trust Company v. The Minister of National Revenue, [ 1958] R.C.E. 205; 58 DTC 1060 et le Bulletin d'interprétation IT-396 daté du 17 octobre 1977 et émanant du ministère du Revenu national. Sans être détermi- nants, on a reconnu aux bulletins d'interprétation une certaine valeur en matière d'interprétation. Voir à ce sujet Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, la page 37; 83 DTC 5041, la page 5044.
Dans l'affaire Industrial Mortgage, le contri- buable utilisait la méthode comptable de caisse pour presque tout. Quatre-vingt-cinq pour cent de son revenu était composé de revenu en intérêts, dont la plupart provenaient d'hypothèques et d'obligations. Seuls les intérêts suivants n'étaient pas comptabilisés selon la méthode de caisse: les obligations émises par les gouvernements fédéral et provinciaux; les obligations garanties par les gou- vernements fédéral et provinciaux; les obligations municipales et les intérêts provenant de quelques hypothèques datant d'avant 1942 et qui avaient été régulièrement payés. Tous ces intérêts étaient comptabilisés selon la méthode d'exercice. Le juge Thurlow (alors juge à la Cour de l'Échiquier) a exposé la raison de ce choix aux pages 1061 et 1062 [208 et 209 R.C.É.]:
[TRADUCTION] La différence de traitement comptable pour l'intérêt sur ces hypothèques particulières était explicable. Avant 1931, les comptes de l'appelante se rapportant à l'intérêt sur tous les obligations, hypothèques, contrats de vente et prêts subsidiaires avaient suivi la méthode d'exercice alors que les revenus autres que ces intérêts étaient comptabilisés selon la méthode de comptabilité de caisse. Entre 1931 et 1941, parce que certains paiements sur des hypothèques n'avaient pas été faits et qu'elle avait inclus dans son revenu une somme impor- tante d'intérêts sur hypothèques qu'elle ne pouvait recouvrer, l'appelante a changé sa manière de comptabiliser ses revenus en intérêts et chacun de ces changements tendait, jusqu'à un certain point, à rapprocher sa méthode comptable de la méthode de caisse pour tous les postes de revenu autres que les obligations gouvernementales. Au janvier 1942, après une dernière modification, sa méthode comptable concernant les intérêts sur hypothèques consistait à comptabiliser les intérêts échus sur tous les nouveaux prêts selon une méthode de caisse tout en comptabilisant selon la méthode d'exercice les intérêts échus sur les anciens prêts dont les paiements avaient toujours été effectués. Si, par la suite, le débiteur manquait à son obligation sur cet ancien prêt, l'intérêt était alors immédiate- ment comptabilisé selon la méthode de caisse.
À la page 1064 [pages 213 et 214 R.C.É.], le juge Thurlow a abordé dans les termes suivants la question soulevée par l'interprétation de l'alinéa 6b) qui est maintenant l'alinéa 12(1)c):
[TRADUCTION] ... que signifie le mot «méthode» à l'al. 6b) et l'appelante a-t-elle régulièrement suivi une méthode pour calcu- ler ses bénéfices? D'après moi, le mot «méthode» n'est pas utilisé à l'al. 6b) dans un sens étroit ou technique, mais il veut tout simplement dire le système ou procédé que le contribuable a régulièrement utilisé dans le calcul de son profit. À mon sens, ce système ou procédé peut être constitué d'un certain nombre d'usages et je ne vois pas pourquoi, dans une entreprise aussi diversifiée que celle de l'appelante, ce système ou procédé ne pourrait pas comprendre des façons différentes de calculer le revenu provenant des diverses activités ou sources, selon la nature de chacune d'elles et du revenu qui en provient, et être tout de même considéré comme une «méthode» au sens de l'al. 6b). À mon sens, les pratiques suivies par l'appelante équiva- laient effectivement à une «méthode» au sens dudit alinéa et, étant donné qu'en 1949 et au cours des sept années antérieures l'appelante avait utilisé cette méthode sans en changer, je n'hésite pas à conclure qu'il s'agissait de la «méthode» employée régulièrement par le contribuable dans le calcul de son revenu au sens de l'al. 6b).
Pour ce qui est du revenu en intérêts, voici ce que dit le Bulletin IT-396 du ministère du Revenu national:
«Méthode normalement suivie»
5. Les mots «suivant la méthode normalement suivie par le contribuable pour le calcul des bénéfices» de l'alinéa 12(1)c) font allusion à la méthode utilisée par le contribuable pour déclarer un revenu en intérêts net provenant d'une source particulière, mais pas nécessairement, s'il exploite une entre- prise, à la méthode qu'il utilise pour déclarer les bénéfices tirés de cette entreprise. Un contribuable peut, par exemple, choisir
la méthode de comptabilité de trésorerie pour déclarer l'intérêt sur des sommes qui lui sont dues et qui sont entièrement garanties et la méthode de comptabilité de caisse dans le cas de placements plus spéculatifs. Si cette façon de procéder est raisonnable et suivie à la lettre, elle constitue une méthode acceptable pour déclarer le revenu en intérêts. Comme le démontre l'exemple ci-dessus, il n'est pas obligatoire de décla- rer les intérêts de toutes sources selon la même méthode, alors Glue c'est le cas pour les intérêts provenant d'une même source. A cette fin, l'expression «intérêts d'une même source» désigne les intérêts provenant du même débiteur et visant le même genre d'obligations. Si, par exemple, un contribuable possède des obligations de deux séries différentes émises par une corpo ration, l'intérêt provenant de toutes ces obligations est consi- déré comme un intérêt provenant d'une même source et il est inacceptable d'utiliser la méthode de comptabilité de caisse pour déclarer l'intérêt provenant d'obligations d'une série et la méthode de comptabilité de trésorerie pour déclarer l'intérêt provenant d'obligations de l'autre série. L'expression «normale- ment suivie» signifie la méthode utilisée année après année.
Il s'agit là, à mon avis, d'une simple paraphrase de la décision Industrial Mortgage.
L'avocat du contribuable soutient que, pour pouvoir employer la méthode comptable double autorisée par Industrial Mortgage, un contribua- ble doit simplement prouver qu'il utilise la même méthode comptable depuis des années et qu'il y a plusieurs prêteurs.
Cette dernière exigence découle de la décision du juge suppléant Sweet dans Le ministre du Revenu national c. Mid-West Abrasive Company of Canada Limited, [1973] C.F. 911 (l'° inst.). Dans cette affaire, le contribuable voulait déduire de son revenu une dépense en intérêts dans l'année la société mère avait exigé le paiement. L'en- tente précisait la page 912] qu'il serait [TRA- DUCTION] «versé, sur demande, un intérêt ne dépassant pas 6%» sur les prêts accordés par la société mère. Le juge suppléant Sweet a exigé que le contribuable impute sa dépense en intérêts selon la méthode d'exercice. Une distinction a été faite avec la décision Industrial Mortgage aux motifs (1) que cette dernière décision traitait de revenu en intérêts et non de dépenses en intérêts; (2) que le contribuable utilisait depuis de nombreuses années la même méthode pour déclarer ses revenus en intérêts, c'est-à-dire sans rapprocher revenus et dépenses, et (3) qu'il y avait plusieurs prêteurs. Dans la décision Mid-West Abrasive Company, il n'y avait qu'un seul prêteur, la société mère. Voici ce que dit le jugement à la page 921:
Si une interprétation correcte de l'article ne limite pas à l'année dans laquelle l'argent emprunté a été utilisé la déduc- tion que peuvent faire, relativement aux intérêts, les contribua- bles qui utilisent la méthode de la comptabilité d'exercice sans la modifier et si une interprétation correcte autorise la déduc- tion dans une année subséquente (pour quelque raison que ce soit), on arrive à un résultat incompatible avec le principe sur lequel repose la méthode de la comptabilité d'exercice. Dans cette hypothèse, on pourrait donc adopter «la comptabilité d'exercice» pour tout sauf pour les intérêts, adoptant une comptabilité de caisse à cet égard. A mon sens la rédaction de cet article n'autorise pas un tel résultat, sauf dans des circons- tances telles que celles qui existaient dans l'affaire Industrial Mortgage and Trust Co. c. M.R.N. (précitée) et, à mon sens, ces circonstances ne se reproduisent pas dans la présente affaire.
Je ne crois pas que les décisions Industrial Mortgage et Mid-West Abrasive permettent de justifier l'emploi d'une méthode comptable double sur le seul fondement de l'application constante et suivie d'une méthode de «non-rapprochement» et l'existence de plusieurs prêteurs. A mon avis, le principe qui se dégage de ces décisions est que les alinéas 20(1)c) et 12(1)c) exigent une comptabilité conforme aux usages commerciaux ordinaires et (ou) aux principes comptables généralement reconnus. La décision Industrial Mortgage est tout à fait compatible avec ce point de vue. Dans cette affaire, il semble que l'on ait permis au contribua- ble d'employer une méthode double soit (1) parce qu'il passait de la méthode d'exercice à la méthode de caisse, soit (2) parce que les prêts comptabilisés selon la méthode d'exercice étaient plus sûrs que les prêts comptabilisés selon la méthode de caisse. C'est-à-dire qu'il y avait dans cette affaire, même si l'on ne l'a pas déclaré expressément, de bons motifs fondés sur les usages commerciaux ordinai- res et les principes comptables généralement reconnus qui justifiaient l'emploi d'un système comptable double. Pareille justification n'a pas été établie dans l'affaire Mid-West Abrasive ni en l'espèce. Par conséquent, j'accueille l'appel et j'an- nule la décision de la Commission de révision de l'impôt.
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