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A-561-84 A-562-84
Enquête Énergie (appelante) c.
Commission de contrôle de l'énergie atomique et Hydro -Ontario (intimées)
et
Procureur général du Canada (intervenant)
Cour d'appel, juges Heald, Marceau et Stone Toronto, 13 et 14 septembre; Ottawa, 29 octobre 1984.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Énergie
Certiorari Contestation de la décision de la Commission de contrôle de l'énergie atomique pour parti pris visant un but lucratif de l'un de ses membres Ce dernier était président d'une compagnie qui faisait affaire avec la partie qui deman-
dait la délivrance d'un permis Le juge de première instance n'a pas commis d'erreur en statuant qu'il n'y avait aucun parti pris direct visant un but lucratif Il est trop tard pour soulever la question de la crainte raisonnable de partialité car cette question n'était pas en litige au moment de l'instruction Le juge de première instance n'est pas obligé de soulever
une question si les parties ne l'ont pas fait Un tribunal administratif ne perd pas nécessairement sa compétence lors- que le motif de contestation est la crainte raisonnable de partialité.
Contrôle judiciaire Recours en equity Jugements déclaratoires Le juge de première instance a commis une erreur en rejetant l'action visant à obtenir un jugement décla- ratoire étant donné que la requête qui lui a été présentée avait pour seul but d'obtenir une décision préliminaire sur une question de droit Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 474.
Énergie Validité de la décision de la Commission de contrôle de l'énergie atomique d'accorder un permis alors que l'un de ses membres est président d'une compagnie qui fournit à la partie qui demande la délivrance du permis des câbles résistants aux rayonnements pour des réacteurs nucléaires Allégation de parti pris visant un but lucratif Intérêt éloigné Question de la crainte raisonnable de partialité soulevée trop tard Règlement sur le contrôle de l'énergie atomique, C.R.C., chap. 365, art. 8, 9, 10.
Pratique Parties Le procureur général du Canada a le droit d'intervenir lorsque la décision de la Commission de contrôle de l'énergie atomique d'accorder un permis est con- testée en raison du parti pris visant un but lucratif d'un de ses membres, qui est président d'une compagnie faisant affaire avec la partie qui demande ledit permis La question en
cause est d'intérêt public L'espèce concerne des actes de l'exécutif autorisés par le Parlement étant donné que le litige porte sur la manière dont l'exécutif a utilisé les pouvoirs qui ont été conférés par le Parlement.
Le 20 septembre 1983, la Commission de contrôle de l'éner- gie atomique a confirmé sa décision du 27 juin de délivrer à
Hydro -Ontario des permis d'exploitation de deux groupes de la centrale nucléaire Pickering «B». M. Olsen, un membre à temps partiel de la Commission, a participé à la décision d'accorder les permis alors qu'il était, à l'époque, président d'une compa- gnie qui vend à l'Hydro-Ontario des câbles résistants aux rayonnements. L'appelante a contesté cette décision par une requête en certiorari et par une requête visant à obtenir une décision préliminaire sur un point de droit, savoir si la Commis sion a commis une erreur de droit en permettant à M. Olsen de participer à sa décision d'accorder les permis. Ces requêtes reposaient sur une allégation de parti pris visant un but lucratif de la part de M. Olsen. Le procureur général du Canada a alors présenté une requête pour être ajouté comme intervenant à l'action.
Le juge de première instance a accueilli la demande du procureur général mais a rejeté la demande de certiorari pour le motif que M. Olsen n'avait pas un intérêt pécuniaire suffi- sant pour constituer de la partialité. Même si le juge de première instance a souligné qu'il aurait pu exister une crainte raisonnable de partialité, il s'est abstenu de se prononcer sur cette question parce que les parties ne l'avaient pas soulevée. Pour ce qui est de la requête visant à obtenir une décision préliminaire sur une question de droit, le juge de première instance a rejeté «l'action visant un jugement déclaratoire».
Il s'agit de deux appels dont l'un (A-562-84) vise l'ordon- nance ayant ajouté le procureur général comme partie interve- nante à l'action, et l'autre (A-561-84), l'ordonnance ayant rejeté la requête pour bref de certiorari présentée par l'appe- lante et son action subsidiaire visant à obtenir un jugement déclaratoire.
En ce qui concerne l'appel A-561-84, l'appelante soutient que le juge de première instance a commis une erreur de droit en statuant qu'il n'y avait aucun parti pris visant un but lucratif. Subsidiairement, elle allègue que le juge de première instance a commis une erreur de droit en concluant que la crainte raison- nable de partialité constituait le véritable point en litige et en n'ayant pas demandé aux parties, avant de se prononcer, de faire valoir leurs arguments sur cette question.
Arrêt: l'appel A-561-84 est accueilli en partie et l'appel A-562-84 est rejeté.
Le juge Heald (avec l'appui du juge Stone): Appel A-561-84: Le juge de première instance a rejeté à juste titre la requête pour bref de certiorari. Il n'existait pas d'intérêt pécuniaire direct. L'intérêt de M. Olsen était indirect et incertain et trop éloigné pour constituer un intérêt pécuniaire direct ou créer de la partialité. Et même s'il est possible qu'il ait pu s'agir d'un cas de crainte raisonnable de partialité, cette question n'était pas en litige devant le juge de première instance. Partant de là, ledit juge n'était pas obligé de soulever cette question puisque les parties ne l'avaient pas fait. Étant donné que la validité de procédures administratives dépend des circonstances particuliè- res de chaque cas, on ne peut affirmer qu'un tribunal adminis- tratif perd sa compétence lorsque le motif de contestation est uniquement la crainte raisonnable de partialité. L'argument suivant lequel le juge de première instance aurait examiner la question de la crainte raisonnable de partialité est donc rejeté. Pour ce qui est du redressement subsidiaire demandé dans le même appel, le juge n'aurait pas rejeter l'action visant à obtenir un jugement déclaratoire sur une requête ayant pour but de faire trancher une question de droit. L'ordonnance
est modifiée de manière à ce qu'il y soit indiqué qu'il faut répondre par la négative à la question préliminaire sur un point de droit.
Appel A-562-84: Étant donné que le litige porte sur la manière dont l'exécutif a utilisé les pouvoirs qui lui ont été conférés par le Parlement, les faits de l'espèce concernent des «actes de l'exécutif autorisés par le Parlement» et le procureur général du Canada a le droit d'intervenir.
Le juge Marceau: Les appels doivent être tranchés de la manière proposée par les juges Heald et Stone, mais pour des motifs différents.
Il n'existe aucune raison d'établir une distinction stricte entre le caractère direct et indirect ou certain ou incertain du béné- fice pécuniaire que l'arbitre peut espérer tirer de sa décision. Les seules exigences rationnelles sont que le bénéfice vienne de la décision elle-même et qu'il soit suffisamment probable pour «colorer» le cas aux yeux de l'arbitre. De toute façon, la simple possibilité de gain futur découlant d'autres contrats accordés au cours de la construction d'autres groupes était sans doute trop étrangère, trop incertaine et trop éloignée pour constituer un cas de parti pris visant un but lucratif relativement à la décision qui devait être rendue à ce moment-là.
Il n'existait aucune crainte raisonnable de partialité «étant donné qu'elle s'applique uniquement aux intérêts non-pécuniai- res et parce qu'aucun intérêt autre que pécuniaire n'a été allégué ni même évoqué». Mais si la preuve avait révélé l'exis- tence d'un intérêt non-pécuniaire suséeptible d'influer sur la décision et suffisant pour créer une nette possibilité de partia- lité, le juge de première instance n'aurait pas été empêché d'en tenir compte même si l'avocat avait mal présenté sa cause.
Il ne semble pas jusqu'à présent y avoir d'autorité qui permette d'affirmer que le droit relatif à la partialité doive s'appliquer à un tribunal purement administratif comme la Commission qui ne se prononce pas sur des droits privés, n'a aucun pouvoir décisionnel au sens propre et ne ressemble nullement à une cour de justice. Il est nécessaire que l'auteur d'une décision soit impartial, mais non pas suivant les règles de la justice naturelle mais plutôt selon les règles d'équité. Et bien que les règles d'équité créent des garanties contre la partialité et s'appliquent à la Commission, il n'est pas nécessaire que la norme à atteindre soit aussi élevée que celle requise pour un tribunal ayant un pouvoir décisionnel; les règles applicables pourraient, par conséquent, être moins strictes.
Pour ce qui est de l'appel A-562-84, bien que rien ne permette de prétendre que le procureur général du Canada possède un droit général d'intervention dans une action mettant en cause des tiers dès lors qu'une question d'intérêt public est soulevée, la Cour a le pouvoir d'autoriser une telle intervention: Commission des services téléphoniques du gouvernement de l'Alberta c. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunica- tions canadiennes, [1983] 2 C.F. 443 (1fe inst.), confirmée par [1983] 2 C.F. 839 (C.A.). Et le juge de première instance n'a pas commis d'erreur en invoquant les principes dégagés par l'arrêt Adams v Adams, [ 1970] 3 All E.R. 572 (P.D.A.).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Metropolitan Properties Co. (F.G.C.) Ltd. v. Lannon, [ 1969] 1 Q.B. 577 (C.A. Angl.); Adams v Adams, [ 1970] 3 All E.R. 572 (P.D.A.).
DÉCISION EXAMINÉE:
British Airways Board v Laker Airways Ltd, [1983] 3 All E.R. 375 (C.A. Angl.).
DÉCISIONS CITÉES:
Rex v. Sussex Justices, Ex parte McCarthy, [1924] I K.B. 256; Nicholson v. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311; Re Gooliah and Minister of Citizenship and Immigration (1967), 63 D.L.R. (2d) 224 (C.A. Man.); Commission des services téléphoniques du gouvernement de l'Alberta c. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, [1983] 2 C.F. 443 (lfe inst.), confirmée par [1983] 2 C.F. 839 (C.A.).
AVOCATS:
A. J. Roman et D. Poch pour l'appelante.
I. A. Blue et J. S. de Pencier pour l'intimée, Hydro -Ontario.
J. E. Thompson pour l'intimée, Commission de contrôle de l'énergie atomique et pour l'intervenant procureur général du Canada.
PROCUREURS:
The Public Interest Advocacy Centre, Toronto, pour l'appelante.
Cassels, Brock & Blackwell, Toronto, pour l'intimée Hydro -Ontario.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée Commission de contrôle de l'énergie atomique et pour son propre compte.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Ces deux appels, qui du con- sentement des avocats des parties ont été entendus en même temps, portent sur deux ordonnances rendues par la Division de première instance le 9 avril 1984. L'appel portant le numéro de greffe A-561-84 vise l'ordonnance [[1984] 2 C.F. 227] ayant rejeté la requête pour bref de certiorari présentée par l'appelante et son action subsidiaire visant un jugement déclaratoire. L'appel portant le numéro de greffe A-562-84 vise l'ordonnance [[1984] 2 C.F. 138] ayant ajouté le procureur général du Canada comme partie intervenante à l'action.
Suivant les dispositions de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, S.R.C. 1970, chap. A-19, et ses règlements d'application (voir le Règlement sur le contrôle de l'énergie atomique, C.R.C., chap. 365, articles 8, 9 et 10), l'exploitant d'un établisse- ment nucléaire au Canada doit détenir un permis délivré par l'intimée, la Commission de contrôle de l'énergie atomique (C.C.E.A.), ou une autorisation de la C.C.E.A. l'exemptant de la nécessité de détenir un permis.
L'intimée Hydro -Ontario possède et exploite la centrale nucléaire Pickering située à Pickering (Ontario), et elle a pris l'habitude de demander et d'obtenir des permis pour ses réacteurs plutôt que de réclamer des exemptions. Le complexe nucléaire de Pickering comporte deux stations, Pickering «A» et Pickering «B». Chaque station comprend quatre groupes de réacteurs. Pickering «A» est formée des groupes 1 à 4, et Pickering «B», des groupes 5 à 8.
Le 27 juin 1983, la C.C.E.A. a approuvé en principe le renouvellement du permis d'exploita- tion du groupe 5 de Pickering «B» et la délivrance d'un nouveau permis pour commencer l'exploita- tion du groupe 6, sous réserve de leur confirmation au moment de sa réunion qui devait être tenue en septembre 1983. L'appelante a demandé à compa- raître devant la C.C.E.A. à sa réunion de septem- bre, déclarant qu'elle s'inquiétait des récentes rup tures de tuyaux survenues à la station Pickering «A». Elle a également demandé à la C.C.E.A. de suspendre sa décision antérieure approuvant en principe la délivrance de permis pour les groupes 5 et 6 pour le motif qu'un membre à temps partiel de la C.C.E.A., M. J. L. Olsen qui était présent à la réunion la décision a été prise, était en situation de conflit d'intérêts. Ayant conclu que l'accusation n'était nullement fondée, la C.C.E.A. a rejeté la demande de suspension présentée par l'appelante et, le 20 septembre 1983, elle a confirmé sa déci- sion d'accorder un permis pour les groupes 5 et 6 de Pickering.
Les parties admettent que, depuis huit ans, M. Olsen est membre à temps partiel de la C.C.E.A. Il est président de Phillips Cables Ltd. (Phillips Cables), une société canadienne dont le chiffre d'affaires annuel est d'environ 200 millions de dollars. Actuellement, il est également président de l'Association des manufacturiers d'équipement
électrique et électronique du Canada (A.M.E.É.É.C.). De mai 1981 mars 1983, Phil- lips Cables a vendu à l'Hydro-Ontario des quanti- tés de câbles résistants aux rayonnements pour des réacteurs nucléaires, notamment des quantités importantes de câbles pour les groupes 5 et 6 de Pickering «B». Phillips Cables a obtenu ces con- trats par voie de soumission. Il ressort d'éléments de preuve non contredits qu'en plus d'être prési- dent de Phillips Cables, M. Olsen était, au 19 mars 1981, administrateur de cette société et proprié- taire de 2 000 actions. Il n'existe toutefois aucune preuve directe quant à la possession d'actions de M. Olsen ni quant à la question de savoir s'il était encore administrateur de la société le 27 juin 1983 quand la C.C.É.A. a rendu sa décision d'approuver en principe les demandes de permis présentées par l'Hydro-Ontario relativement aux groupes 5 et 6.
APPEL A-561-84
Cet appel vise l'ordonnance [ [ 1984] 2 C.F. 227] par laquelle la Division de première instance a rejeté la requête en certiorari présentée par l'appe- lante ainsi que son action visant un jugement déclaratoire. La requête en certiorari visait à faire annuler la décision susmentionnée de la C.C.É.A. d'accorder un permis, pour le motif que [TRADUC- TION] «... la décision était empreinte de partialité parce que la Commission avait permis à J. L. (Roy) Olsen de participer au processus décisionnel alors qu'il avait un intérêt pécuniaire dans le résul- tat des demandes de permis.» (Dossier d'appel, p. 6.) Cependant, la requête relative à l'action visant un jugement déclaratoire ne demandait pas le rejet de l'action, mais plutôt une ordonnance conforme à la Règle 474 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663] afin que soit entendue et tran- chée une question préliminaire de droit qui est de savoir si la C.C.É.A. a commis une erreur de droit en permettant à M. Olsen de participer le 20 septembre 1983 à sa décision d'accorder les permis. Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelante a fait remarquer à la Cour que le juge de première instance n'aurait pas rejeter l'action de l'appe- lante visant un jugement déclaratoire étant donné que la requête qu'on lui avait présentée avait pour seul but de faire trancher une question de droit. J'estime que l'avocat de l'appelante a technique- ment raison et que la partie de l'ordonnance qui se rapporte à l'action visant un jugement déclaratoire doit être modifiée.
L'appelante conteste la décision de la Division de première instance pour deux motifs. L'avocat soutient d'abord que le juge de première instance a commis une erreur de droit en statuant qu'il n'y avait aucun parti pris visant un but lucratif. Subsi- diairement, l'appelante allègue que le juge de pre- mière instance a commis une erreur de droit en concluant que la crainte raisonnable de partialité constituait le véritable point en litige et que, compte tenu de ces circonstances, le juge aurait dû, avant de rendre sa décision, dévoiler sa conclu sion et demander aux parties de faire valoir leurs arguments sur cette question. Je me pencherai d'abord sur les allégations de l'avocat selon les- quelles le juge de première instance aurait commis une erreur en ne concluant pas à l'existence d'un parti pris visant un but lucratif. Cette question a été examinée par le juge de première instance aux pages 235 et 236 elle a déclaré:
En l'espèce, on prétend que l'intérêt pécuniaire de M. Olsen a pris naissance du fait de ses relations d'affaires avec l'Hydro- Ontario. Auparavant, il avait vendu à l'Hydro-Ontario des câbles résistants aux rayonnements. Il est clair qu'il pourrait espérer le faire encore à l'avenir. Mais, à mon avis, M. Olsen ne détenait, à la date des auditions en question, soit les 27 juin 1983 et 12 septembre 1983, aucun intérêt pécuniaire direct, au sens que la jurisprudence a donné à ce concept. Il n'existait aucun contrat dont l'effet était sous condition suspensive en attendant l'issue des nouveaux permis accordés à l'Hydro-Onta- rio. Il n'était nullement certain que M. Olsen vendrait encore des câbles à l'Hydro-Ontario pour les groupes Pickering, au cours de la validité du nouveau permis. Aussi l'avocat de la requérante a-t-il reconnu que l'achat de ces câbles par l'Hydro- Ontario avait été effectué par voie de soumission. A la date de l'audition, on pouvait tout au plus dire de M. Olsen qu'il pouvait raisonnablement s'attendre à un gain pécuniaire en raison de l'obtention des permis.
On ne m'a cité aucune décision, et je n'en ai pas trouvé, selon laquelle ce genre d'expectative constitue un parti pris direct visant un but lucratif. Toute la jurisprudence relative au parti pris visant un but lucratif que j'ai examinée porte sur des particuliers qui, à titre de contribuable, d'agent immobilier pour l'opération en question, ou d'actionnaire, avaient, à la date de l'audition, une sorte de rapport direct avec le bénéficiaire d'une décision, de sorte qu'un avantage pécuniaire pouvait certainement prendre naissance lors même que cet avantage était minime. Les décisions classiques à ce sujet sont: In the Matter of Hopkins (1858), El. Bl. & El. 100, 120 E.R. 445 (K.B. Div.) et Reg. v. Hammond et al. (1863), 9 L.T. Rep. N.S. 423 (Bail Ct.) des magistrats qui étaient actionnaires dans une compagnie de chemin de fer ont été déclarés inhabiles connaître des accusations portées contre des voyageurs de chemin de fer sans billets; et The Queen v. Gaisford, [ 1892] I Q.B. 381, un juge a été déclaré inhabile parce qu'il était un contribuable dans la municipalité qui bénéficierait de la déci- sion. Voir aussi: The King v. Hendon Rural District Council, [1933] 2 K.B. 696; Beer v. Rural Municipality of Fort Carry
(1958), 66 Man. R. 385 (C.A.); Regina v. Barnsley Licensing Justices, [1960] 2 Q.B. 167; Ladies of the Sacred Heart of Jesus (Convent of the Sacred Heart) v. Armstrong's Point Association et al. (1961), 29 D.L.R. (2d) 373 (C.A. Man.); Reg. v. Hain and others, Licensing Justices (1896), 12 T.L.R. 323 (Q.B. Div.).
Toutefois, M. Olsen n'était pas en rapport direct et certain avec l'Hydro-Ontario à la date des décisions d'accorder le permis. L'intérêt de M. Olsen semblerait clairement assimilable à celui dont traite la jurisprudence relative à la «crainte raison- nable de partialité». Toutefois, M. Roman, l'avocat de la requé- rante, a affirmé, tant dans ses conclusions écrites qu'orales, que la [TRADUCTION] «crainte raisonnable de partialité ... n'est pas en litige en l'espèce.»
Il semble, d'après l'extrait qui précède, que le juge de première instance a fait les constatations suivantes:
1. M. Olsen avait dans le passé vendu à l'Hydro- Ontario des câbles résistants aux rayonnements et il pouvait espérer le faire encore dans l'avenir.
2. Le 27 juin 1983 et au mois de septembre de la même année, il n'existait aucun contrat dont l'effet était sous condition suspensive en attendant la décision sur les nouveaux permis de l'Hydro-Onta- rio, et il n'était nullement certain que M. Olsen vendrait encore des câbles à l'Hydro-Ontario pour les groupes Pickering au cours de la validité du nouveau permis.
3. À la date de l'audition à laquelle il a assisté, M. Olsen pouvait raisonnablement s'attendre à un gain pécunaire en raison de l'obtention des permis.
4. M. Olsen n'était pas en rapport direct et certain avec l'Hydro-Ontario à la date de la déci- sion d'accorder les permis.
Se fondant sur ces faits et sur son interprétation de la jurisprudence pertinente qu'elle a examinée en détail, le juge a conclu que «l'expectative» décou- lant de ces faits pour M. Olsen ne constituait pas un parti pris direct visant un but lucratif. Je partage cette opinion. La décision de la Cour d'appel d'Angleterre Metropolitan Properties Co. (F.G.C.) Ltd. v. Lannon, [1969] 1 Q.B. 577 est pertinente pour les fins de l'examen de cette ques tion. Dans cette affaire, un comité chargé de la fixation des loyers a se prononcer sur la demande d'augmentation des loyers présentée par le propriétaire d'un immeuble d'appartements. Le président de ce comité, avocat de profession, habi-
tait avec son père qui était lui-même locataire dans un autre immeuble appartenant au même groupe de propriétaires. Le bureau d'avocats dont ledit président faisait partie avait représenté d'autres locataires dans des différends semblables sur la fixation du loyer, et le président avait lui-même agi au nom de son père relativement à cette ques tion du loyer. Voici ce qu'a dit le maître des rôles lord Denning à la page 598 du recueil:
[TRADUCTION] Un homme peut perdre qualité pour siéger à titre de juge pour l'un des deux motifs suivants. Premièrement, un «intérêt pécuniaire direct» dans l'affaire en cause. Deuxiè- mement, la «partialité» en faveur d'une partie ou un préjugé contre l'autre.
En ce qui concerne «l'intérêt pécuniaire», je suis d'avis, comme la Cour divisionnaire, qu'il n'existe aucune preuve que M. John Lannon avait un intérêt pécuniaire direct dans l'ac- tion. Il n'avait aucun intérêt dans les appartements de Oakwood Court. Seul son père pouvait avoir intérêt à ce que le loyer du 55, Regency Lodge, soit réduit. Voici pourquoi: si le comité réduisait les loyers de Oakwood Lodge, ceux-ci seraient utilisés comme «points de comparaison» avec Regency Lodge, ce qui pourrait avoir pour effet que les loyers de ce dernier immeuble soient fixés à un prix inférieur à ce qu'ils auraient été autre- ment. Même si on assimile l'intérêt du fils à celui du père, j'estime qu'il s'agit d'un intérêt trop éloigné. Il n'est ni direct ni certain. Il est plutôt indirect et incertain.
En ce qui concerne la partialité, on a admis que M. Lannon n'avait pasyéellement agi avec partialité ou de mauvaise foi.
Je pense qu'il faudrait tirerr une conclusion simi- laire des faits de l'espèce. À mon avis, l'intérêt de M. Olsen était indirect et incertain et trop éloigné pour constituer un intérêt pécuniaire direct ou créer de la partialité. Pour ces motifs, je conclus que le juge de première instance n'a pas commis d'erreur en statuant qu'il n'existait aucun parti pris direct visant un but lucratif.
Passons maintenant à la conclusion subsidiaire de l'appelante selon laquelle le juge de première instance a commis une erreur lorsqu'elle a dit la page 236]: «L'intérêt de M. Olsen semblerait clai- rement assimilable à celui dont traite la jurispru dence relative à la "crainte raisonnable de partialité".»
Dans l'arrêt Lannon précité, après s'être pro- noncé sur la question de la partialité réelle (voir plus haut), lord Denning a examiné la question de la crainte raisonnable de partialité aux pages 599 et 600 du recueil:
[TRADUCTION] Il doit exister des circonstances dont un homme raisonnable déduirait qu'il est probable ou vraisemblable que le
juge ou le président, suivant le cas, favoriserait ou a effective- ment favorisé injustement une partie aux dépens de l'autre. Le tribunal ne cherchera pas à établir s'il a effectivement favorisé une partie aux dépens de l'autre. Il suffit que des personnes raisonnables puissent le penser. La raison en est assez simple: la justice doit s'appuyer sur la confiance, et la confiance est détruite quand des gens ayant l'esprit droit peuvent penser: «Le juge était partial.»
Appliquant ces principes, je me demande si M. John Lannon aurait siéger. Je ne le crois pas. S'il était lui-même un locataire ayant un différend avec son propriétaire au sujet du loyer de son appartement, il est clair qu'il ne devrait pas trancher une affaire dirigée contre le même propriétaire por- tant également sur loyer d'un appartement, même s'il s'agis- sait d'un autre appartement. En l'espèce, il n'était pas locataire mais fils d'un locataire; cela ne fait cependant aucune diffé- rence. Aucun homme raisonnable n'établirait de distinction entre lui et son père étant donné qu'il habite avec ce dernier et qu'il l'aide dans son litige.
Le critère applicable est très simple. Si M. Lannon avait posé la question suivante à n'importe lequel de ses amis: «On m'a demandé de présider une affaire concernant les loyers exigés par le Freshwater Group of Companies à Oakwood Court. Cependant, j'assiste déjà mon père dans une cause contre ce groupe au sujet du loyer de son appartement à Regency Lodge j'habite avec lui. Crois-tu que je pourrais siéger dans cette affaire?», sa réponse serait sûrement la suivante: «Non, tu ne devrais pas. Tu agis déjà contre eux pour ainsi dire. Tu ne devrais pas en même temps les juger.»
Nul ne doit agir à titre d'avocat pour ou contre une partie dans une poursuite et, en même temps, juger cette partie dans une autre poursuite. Tous admettront qu'un juge, ou un avocat (lorsqu'il siège comme membre spécial d'un tribunal), ne devrait pas connaître d'une cause à laquelle un proche parent ou un ami intime est partie. Par conséquent, un avocat ne devrait pas non plus connaître d'une affaire à laquelle un de ses clients est partie, ni d'une affaire dans laquelle il agit déjà contre l'une des parties. Les gens penseraient inévitablement qu'il serait partial.
Par conséquent, je conclus que M. John Lannon n'aurait pas faire partie de ce comité chargé de la fixation des loyers. La décision est annulable pour ce motif et devrait être annulée.
Bien que le tribunal ne soit pas du même avis que la Cour divisionnaire, j'aimerais souligner qu'il a reçu beaucoup plus de renseignements que la Cour, en particulier, une lettre datée du 13 janvier 1967 et d'autres documents qui ne lui avaient pas été soumis lorsqu'elle a rendu sa décision. En d'autres circons- tances, je n'aurais pas jugé approprié d'intervenir.
J'accueillerais l'appel et renverrais l'affaire à un autre comité chargé de la fixation des loyers pour qu'elle soit entendue à nouveau aussitôt que possible.
Le juge en chef Hewart a énoncé brièvement le même principe dans l'arrêt Rex v. Sussex Justices, Ex parte McCarthy, [1924] 1 K.B. 256, la page 259:
[TRADUCTION] ... il est non seulement important, mais tout à fait fondamental, que non seulement justice soit rendue, mais il doit être manifeste et indubitable qu'elle a été rendue.
Le lord juge Edmund Davies, qui était également membre du tribunal dans l'arrêt Lannon, a dit à la page 606:
[TRADUCTION] ... les circonstances auxquelles mes collègues ont déjà fait allusion sont telles que je trouve très regrettable que ledit président ait entendu ces appels.
Parce que le juge de première instance a conclu qu'au moment de l'audience en cause, M. Olsen pouvait raisonnablement s'attendre à un gain pécuniaire en raison de l'obtention des permis, les faits en l'espèce auraient pu démontrer l'existence d'un cas de crainte raisonnable de partialité si cette question avait été soulevée en première ins tance. Toutefois, comme le juge de première ins tance l'a souligné et comme les avocats de l'appe- lante l'ont admis dans leur exposé des faits et du droit, leur position en première instance était que [TRADUCTION] «les faits de l'espèce correspon- daient aux caractéristiques du parti pris visant un but lucratif et, par conséquent, la crainte raisonna- ble de partialité ne constituait pas la question en litige». Ils font maintenant valoir en appel que si le juge de première instance avait déjà conclu que les avocats avaient mal défini la nature de la partia- lité, elle aurait les en informer et demander aux avocats des autres parties de présenter des argu ments sur la question de la crainte raisonnable de partialité soit au cours de l'audience soit à une date ultérieure avant le prononcé du jugement. Je ne peux souscrire à cette prétention. Il est clair et incontestable que la question de la crainte raison- nable de partialité n'était pas en litige devant le juge de première instance. Partant de là, cette dernière n'était pas obligée de soulever une ques tion qui n'avait été soulevée par aucune des par ties. De même, comme l'avocat du procureur géné- ral du Canada et de la C.C.E.A. l'a souligné, le fait d'examiner cette question en appel alors qu'elle n'a pas été soulevée en première instance causerait un préjudice grave aux autres parties. Il a fait remarquer que si la question de la crainte raisonnable de partialité avait été en litige devant la Division de première instance, il aurait très bien pu juger opportun de produire des éléments de preuves portant sur cette question qui, à son avis, constituait une question distincte de celle qui avait été soulevée en première instance, c'est-à-dire le parti pris visant un but lucratif. Il faut se rappeler que la conclusion de fait du juge de première
instance voulant que M. Olsen pouvait raisonna- blement s'attendre à un gain pécuniaire constituait une conclusion accessoire relative à une question qui n'avait pas été soulevée devant le juge et au sujet de laquelle les parties n'ont pu fournir d'élé- ments de preuve.
Les avocats de l'appelante soutiennent toutefois que sur le plan juridique, une conclusion de partia- lité fondée sur l'existence d'un intérêt suffisant pour justifier une exclusion entraîne normalement l'annulation de la décision parce qu'une décision partiale est rendue en l'absence de compétence. Ils ont prétendu qu'il en est ainsi, peu importe que la partialité soit réelle, qu'elle vise un but lucratif, ou qu'il y ait une crainte raisonnable de partialité. Partant de là, ils étaient d'avis que le fait de ne pas avoir dès le départ soulevé la question de la crainte raisonnable de partialité ne pouvait conférer au tribunal la compétence qu'il avait perdue ou excé- dée. Je ne suis pas d'accord pour dire que la jurisprudence va jusqu'à poser en principe qu'un tribunal administratif perd sa compétence lorsque le motif de contestation n'est pas l'intérêt pécu- niaire, mais plutôt la crainte raisonnable de partia- lité. Dans la quatrième édition de l'ouvrage Judi cial Review of Administrative Action, de Smith a examiné cette question à la page 273:
[TRADUCTION] EFFET DE LA DÉCISION D'UN TRIBUNAL LORS- QU'IL EXISTE UN INTÉRÊT OU UN ÉLÉMENT DE PARTIALITÉ CONSTITUANT UNE CAUSE D'EXCLUSION
En droit prétorien, les tribunaux ont régulièrement statu( qu'une décision judiciaire doit être annulée si l'un des juges un intérêt pécuniaire dans cette décision. Ils ont refusé dl «sonder les juges connaissant d'une affaire» [R. v. Cheltenhan Commissioners (1841) 1 Q.B. 467, 480.] ou de «discuter df l'étendue de l'influence exercée par la partie intéressée." [R. y Herts JJ. (1845) 6 Q.B. 753, 758.] Le même principe sembli prévaloir lorsque le moyen de contestation n'est pas l'intérê pécuniaire, mais plutôt la possibilité de partialité. [R. v. Meyer (1876) 1 Q.B.D. 173; R. v. Huggins [1895] 1 Q.B. 563. Voir aussi R. v. Barnsley Licensing JJ. [1960] 2 Q.B. 167, 181, 18( (où la question de l'intérêt pécuniaire a chevauché celle de 12 possibilité de partialité).] Il est concevable que l'attitude envers les procédures d'organismes administratifs ou municipaux exer gant des fonctions judiciaires soit différente selon que le moti. de contestation est l'intérêt pécuniaire ou la possibilité df partialité; l'intérêt pécuniaire d'un seul de leurs membre: influera sur la validité des procédures; toutefois, il se peut quf la possibilité de partialité de sa part n'ait aucun effet [voir R. y Hendon R.D.C., ex p. Chorley [1933] 2 K.B. 696 (intér& pécuniaire); et voir les opinions incidentes dans R. v. L.C.C., ea p. Empire Theatre (1894) 71 L.T. 638, 640 et R. v. Huggins [1895] 1 Q.B. 563, 565, 566-567; le nombre de membres df l'organisme en cause peut constituer un élément important
Voir cependant, R. v. L.C.C., ex p. Akkersdyk [1892] 1 Q.B. 190, et les pp. 267, 272] à moins qu'il ne joue un rôle proéminent dans les procédures. [Voir Taylor v. National Union of Seamen [1967] 1 W.L.R. 532 (une affaire syndicale).]
Il semble ressortir clairement de ce qui précède que la validité de procédures administratives dépendra des circonstances particulières de chaque cas. De toute façon, dans l'affaire en instance, étant donné que la question de la crainte raisonna- ble de partialité n'a pas été soulevée en première instance, le juge ne s'est pas prononcé sur ce sujet. Cette question n'a pas été soulevée et les parties n'ont pas eu l'occasion de produire d'éléments de preuve à cet égard puisqu'elle n'était pas en litige. Par conséquent, vu l'absence de conclusion sur la partialité réelle, le parti pris visant un but lucratif, ou la crainte raisonnable de partialité, la Cour n'a pas perdu sa compétence.
Par ces motifs, je conclus que l'appel portant le numéro A-561-84 ne peut être accueilli, sauf en ce qui concerne la partie de l'ordonnance qui rejetait la demande de jugement déclaratoire présentée par l'appelante.
APPEL A-562-84
Cet appel vise la décision [[19841 2 C.F. 138] du juge de première instance d'ajouter le procu- reur général du Canada comme partie interve- nante à l'action. Voici ce qu'a déclaré le juge de première instance pour appuyer son opinion sui- vant laquelle le procureur général du Canada avait le droit d'être ajouté comme partie intervenante [aux pages 142 et 143]:
Je suis certain qu'il s'agit d'un cas approprié on devrait accorder au procureur général l'autorisation de se constituer partie. Le procureur général a un intérêt direct dans l'issue de cette affaire. On allègue que l'un des membres de la C.C.E.A. a fait, dans un but lucratif, preuve de parti pris dans les décisions de la Commission, parce qu'il est président et administrateur d'une société qui vend à l'Hydro-Ontario d'importantes quanti- tés de câbles résistants aux rayonnements pour des réacteurs nucléaires. Il ne s'agit pas d'un cas de prétendu parti pris relatif à une opération isolée, mais à une activité commerciale perma- nente. S'il y a parti pris dans cette affaire, alors le membre de la Commission sera incompétent pour plusieurs décisions que rend celle-ci. Par conséquent, avec la question soulevée, on conteste la pratique du gouverneur en conseil de nommer, à titre de membres à temps partiel de la C.C.E.A., des personnes ayant dans l'industrie des intérêts de la nature décrite ci-dessus. La question se rapporte au choix des personnes qui peuvent être nommées à la Commission et aux conditions qu'on devrait leur imposer (p. ex. qu'ils cèdent leurs intérêts) pour faire d'elles des membres compétents de la Commission.
Je ne saurais souscrire à l'argument d'Enquête énergie selon lequel le litige en l'espèce se rapporte uniquement au prétendu parti pris de M. Olsen et constitue un [TRADUCTION] «COUP unique». La portée en est beaucoup plus grande. Comme je l'ai indiqué ci-dessus, le litige soulève en fait des questions relatives à la composition de la Commission, et peut-être à celle d'autres commissions semblablement constituées; il comporte effective- ment, comme l'avocat d'Enquête énergie a été tenu de le plaider dans l'action principale, des questions relatives à la confiance que le public en général accorde aux commissions de cette nature.
Elle a conclu en faisant notamment remarquer la page 146] que la question dont la Cour est saisie est d'intérêt public et d'une nature telle «... que la Cour estime avantageux d'entendre l'argument du procureur général sur la question pour s'assurer que toutes les prétentions sont suffisamment exa minées.» (Dossier d'appel p. 165.) Elle a invoqué à l'appui de cette opinion l'arrêt Adams y Adams, [1970] 3 All E.R. 572 (P.D.A.) le juge Jocelyn Simon a dit à la page 577:
[TRADUCTION] J'estime que le procureur général a aussi le droit d'intervenir sur l'invitation ou avec l'autorisation du tribu nal lorsque l'action soulève une question d'ordre public sur laquelle le pouvoir exécutif émet une opinion qu'il souhaite porter à l'attention du tribunal.
Les avocats de l'appelante ont toutefois allégué que la Cour d'appel d'Angleterre a considérable- ment limité la portée de l'arrêt Adams par la décision qu'elle a rendue dans l'arrêt British Air ways Board y Laker Airways Ltd, [1983] 3 All E.R. 375 (Q.B.D. and C.A.). Je ne suis pas con- vaincu que la Cour d'appel énonce dans cette cause une opinion qui retirerait au procureur géné- ral du Canada le droit d'intervenir en l'espèce. Le maître des rôles, sir John Donaldson, a dit à la page 403 du recueil:
[TRADUCTION] Il est très important au point de vue constitu- tionnel que les tribunaux soient totalement indépendants du pouvoir exécutif, et ils le sont. Ainsi, bien que les juges en tant que citoyens ordinaires soient au courant de la «politique» du gouvernement en place, c'est-à-dire ses objectifs politiques, ses aspirations et son programme, ces questions n'ont absolument rien à voir avec les décisions des tribunaux qui n'en tiennent pas du tout compte. En ce qui concerne les questions de politique intérieure, les tribunaux ne tiennent compte que de la volonté du législateur exprimée dans les textes de loi, dans les ordon- nances promulguées par pouvoir délégué et dans les actes de l'exécutif autorisés par le Parlement. [C'est moi qui souligne.]
À mon avis, les faits de l'espèce concernent des «actes de l'exécutif autorisés par le Parlement» étant donné que le litige porte sur la manière dont
l'exécutif a utilisé les pouvoirs qui lui ont été conférés par le Parlement.
Le juge de première instance a donné d'autres motifs pour justifier l'intervention du procureur général. Compte tenu de ma conclusion qui pré- cède, il est inutile d'examiner ces motifs addition- nels.
Je rejetterais donc l'appel A-562-84 pour les motifs qui précèdent.
Voici un résumé des décisions que je me propose de rendre dans les présents appels. Je rejetterais l'appel A-562-84 avec dépens. En ce qui concerne l'appel A-561-84, j'accueillerais l'appel et je modi- fierais comme suit l'ordonnance rendue en Division de première instance: «LA COUR ORDONNE que la requête visant un bref de certiorari présentée par la requérante soit rejetée, et statue qu'il faut répondre par la négative à la question préliminaire sur un point de droit, qui est de savoir si la C.C.É.A. a commis une erreur de droit en permet- tant à M. J. L. Olsen de participer à sa décision d'octroyer un permis rendue le 20 septembre 1983, le tout sans dépens.» Pour ce qui est des dépens de l'appel A-561-84, étant donné que les intimées et l'intervenant ont eu gain de cause pour l'essentiel, j'estime qu'ils ont également droit aux dépens de cet appel.
LE JUGE STONE y a souscrit.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MARCEAU: Je disposerais des deux appels dont la Cour est maintenant saisie de la manière proposée par mes collègues les juges Heald et Stone, c'est-à-dire en confirmant les ordonnances contestées, mais comme les motifs de ma décision sont différents, j'estime que je devrais exposer, en toute déférence, ma propre vision de l'affaire.
La nature des procédures en cause et les faits qui y ont donné ouverture sont clairement énoncés dans les motifs de jugement rédigés par le juge Heald. Cela ne servirait à rien de les examiner une nouvelle fois. Pour ce qui est des procédures, il suffira de rappeler que si, au premier coup d'œil, elles semblent concerner pas moins de cinq diffé-
rentes demandes pendantes devant le juge des requêtes (une action en vue d'un jugement déclara- toire, une requête demandant que soit tranchée la question de droit soulevée par cette action, une demande visant une ordonnance de certiorari, une requête visant l'annulation de cette demande en raison de l'incapacité d'agir de l'appelante, et fina- lement, une requête en intervention), elles se résu- ment en fait à quelque chose de plutôt simple. Il s'agit principalement d'une contestation de la vali- dité d'une décision de la Commission de contrôle de l'énergie atomique pour le motif qu'un membre du comité appelé à rendre la décision était partial (A-561-84), et accessoirement, d'une demande par laquelle le procureur général du Canada cherche à être constitué partie au litige (A-562-84). Pour ce qui est des faits, seuls ceux qui se rapportent à l'objet de la décision contestée et à l'essentiel de l'allégation de partialité sont réellement impor- tants, et ils peuvent être rappelés rapidement. La décision portait sur le renouvellement du permis d'exploitation du groupe 5 de la centrale nucléaire Pickering «B» de l'Hydro-Ontario, et sur la déli- vrance d'un nouveau permis pour commencer l'ex- ploitation du groupe 6. Ces permis n'avaient rien à voir avec la construction des groupes; en fait, c'est l'instauration de conditions d'exploitation visant à améliorer les conditions de sécurité qui était en jeu. On s'est opposé à ce que J. L. (Roy) Olsen, un membre à temps partiel de la Commission, parti- cipe à la décision pour le motif que la société Phillips Cables Limited, dont M. Olsen était prési- dent, faisait affaire avec l'Hydro-Ontario. En fait, Phillips Cables avait dans le passé fait des offres pour la fourniture de câbles et matériaux connexes requis pour la construction de réacteurs et avait obtenu des contrats, et elle était sans aucun doute intéressée à faire encore une fois des offres pour obtenir d'autres contrats lorsque d'autres groupes seraient construits. On a affirmé que cet intérêt existait même si l'octroi de permis en lui-même ne pouvait profiter immédiatement à M. Olsen ou à sa société, ni même créer de nouvelles possibilités de contrats.
Je ne vois pas quels autres éléments pourraient être soulignés à ce stade préliminaire, et je passe immédiatement à l'examen des questions soulevées dans l'ordre proposé par le jugement de première instance.
APPEL A-561-84
Il s'agit de l'appel visant la conclusion par laquelle le juge des requêtes, Mme Reed, a rejeté les allégations de partialité [dans [1984] 2 C.F. 227].
Lorsqu'elle examine les caractéristiques fonda- mentales des règles de common law concernant la partialité afin de les appliquer aux faits de l'es- pèce, le juge des requêtes, dans ses motifs, semble dégager une opposition directe entre le cas de «partialité due à un intérêt pécuniaire» (pecuniary bias) et celui de «crainte raisonnable de partialité» et s'en tenir strictement à l'idée que seul un intérêt pécuniaire «direct» et «certain», par opposition à un intérêt pécuniaire indirect et incertain, peut consti- tuer un cas de «partialité due à un intérêt pécu- niaire». En fait, tout son raisonnement repose sur ces deux distinctions. C'est en effet en se fondant sur la seconde distinction que Mme le juge Reed pouvait se dire d'avis que même si «à la date de l'audition, ... M. Olsen ... pouvait raisonnable- ment s'attendre à un gain pécuniaire en raison de l'obtention des permis», ce gain ne pouvait lui être acquis que de manière indirecte et non de manière directe, et, par conséquent, ne pouvait légalement donner lieu à de la «partialité due à un intérêt pécuniaire»; et c'est en se fondant sur la première opposition qu'elle a pu statuer que, même si la preuve invoquée contre M. Olsen pouvait très bien constituer une preuve de «crainte raisonnable de partialité» (aux pages 236 et 245), la Cour ne pouvait examiner la situation sous cet angle, l'avo- cat ayant limité son allégation à la «partialité due à un intérêt pécuniaire». Ces propositions juridi- ques sur lesquelles le juge des requêtes a fondé son raisonnement et appuyé ses conclusions ne me semblent pas en parfait accord avec les enseigne- ments de la jurisprudence telle que je les com- prends, et je dois, en toute déférence, exprimer mon désaccord avec elles.
Le principe de justice naturelle en cause dans toutes les questions de partialité est, bien sûr, celui qu'un tribunal appelé à trancher des différends entre particuliers doit être indépendant, désinté- ressé et impartial, et il va sans dire que l'applica- tion pratique la plus évidente et la plus facile à percevoir de ce principe est que nul ne doit être juge dans sa propre cause. On a rapidement «découvert», tous les manuels l'enseignent, que la
common law, comme le droit romain et le droit canon bien avant elle, ne permettait pas à un juge de connaître d'une affaire dans laquelle il avait un intérêt d'ordre pécuniaire ou venant d'un droit de propriété (voir de Smith's Judicial Review of Administrative Action, (4e éd. 1980), page 248). Depuis ce moment, si je comprends bien, le droit en ce domaine a évolué à partir de deux idées. La première est qu'il existe plusieurs intérêts autres que pécuniaires qui peuvent avoir un effet sur l'impartialité d'une personne appelée à rendre une décision, des intérêts de type émotionnel pour- rait-on dire (voir Pépin et Ouellette, Principes de contentieux administratif (2e éd.) page 253), comme la parenté, l'amitié, la partialité, des rela tions professionnelles ou commerciales particuliè- res avec l'une des parties, l'animosité envers une personne ayant un intérêt dans l'affaire, une opi nion arrêtée sur la question en litige, etc. L'autre idée qui est devenue une sorte d'axiome juridique, porte que [TRADUCTION] «il est non seulement [. ..] fondamental que [...] justice soit rendue, mais il doit être manifeste et indubitable qu'elle a été rendue». L'évolution du droit à partir de ces deux idées a eu pour conséquence qu'on distingue aujourd'hui nettement les situations la personne appelée à rendre une décision a un intérêt pécu- niaire dans le résultat du litige et les situations son intérêt est d'un autre genre. Dans le premier cas, la maxime nemo judex in causa sua trouve application immédiate, la personne appelée à rendre une décision devient péremptoirement inha- bile à statuer peu importe l'importance de son intérêt, pourvu seulement qu'il s'agisse d'un intérêt rattaché à la décision elle-même et que cet intérêt ne soit pas trop éloigné ou incertain pour avoir quelque influence. Dans le second cas, la personne appelée à rendre une décision devient inhabile à statuer si son intérêt est tel qu'il laisserait dans l'esprit d'un homme raisonnable informé des faits une crainte raisonnable de partialité. (Voir au sujet de ces propositions: de Smith's, op. cit. à la page 250; 1 Halsbury's Laws of England (4th Ed. 1973) pages 67 et s.; Pépin et Ouellette, op. cit. pages 252 et s.)
Il est évident que cette manière de voir le droit relatif à la partialité tel qu'il est appliqué aujour- d'hui par les tribunaux de common law m'empêche de souscrire au raisonnement du juge de première
instance, et si je suis d'accord avec ses conclusions sur les deux points essentiels que je viens de men- tionner, c'est pour des raisons complètement différentes.
a) Je ne crois pas qu'il faille interpréter le mot «direct», lorsqu'il est employé par les juges ou dans les manuels pour qualifier l'intérêt requis pour qu'il y ait «partialité due à un intérêt pécuniaire» et partant, cause d'exclusion péremptoire, d'une manière si stricte et si étroite qu'un intérêt indirect ou incertain, quel qu'il soit, n'aurait pas à être considéré; le mot, à mon avis, veut dire ni trop éloigné, ni trop incertain ou ni trop spéculatif. Compte tenu de l'objet de la règle, soit que nulle personne ayant le pouvoir et l'obligation de statuer sur les droits de parties adverses ne saurait être admise à exercer sa compétence pour son propre profit ou ses intérêts matériels, il n'existe aucune raison d'établir une distinction stricte entre le caractère direct et indirect ou certain et incertain du bénéfice pécuniaire que l'arbitre peut espérer tirer de sa décision. Les seules exigences rationnel- les sont que le bénéfice vienne de la décision elle-même et qu'il en soit un effet suffisamment probable pour «colorer» le cas aux yeux de l'arbi- tre. Il me semble que la possibilité immédiate, pour ne pas dire la probabilité, qu'une personne tire directement ou indirectement un gain de sa décision est suffisante pour rendre cette personne inhabile à rendre une telle décision.
Si je devais accepter dans son sens littéral la déclaration du juge de première instance à l'effet que «.. . M. Olsen ... pouvait raisonnablement s'attendre à un gain pécuniaire en raison de l'ob- tention des permis», je serais définitivement porté à conclure à l'existence d'une «partialité due à un intérêt pécuniaire». Je ne crois cependant pas que cette déclaration ait eu pour objet d'exprimer clai- rement une conclusion de fait et, de toute façon, elle n'est pas corroborée par la preuve. Comme je l'ai rappelé plus haut, il s'agissait seulement de permis d'exploitation et la société de M. Olsen ne pouvait s'attendre à plus d'affaires ni, bien sûr, à plus de profits suite à l'octroi de ces permis. La simple possibilité de gain futur découlant d'autres contrats accordés au cours de la construction d'au- tres groupes était sans doute trop étrangère, trop incertaine et trop éloignée pour constituer un cas de «partialité due à un intérêt pécuniaire» relative-
ment à la décision qui devait être rendue à ce moment-là.
b) Je ne considère pas la «partialité due à intérêt pécuniaire» et la «crainte raisonnable de partialité» comme caractérisant deux sous-catégories de par- tialité. Une telle division me semblerait difficile à défendre logiquement étant donné qu'elle ne pré- senterait aucun point de comparaison, un groupe étant identifié par la nature de l'intérêt et l'autre, par la réaction éventuelle que pourrait susciter dans l'esprit du public l'existence de cet intérêt. Comme je l'ai dit plus tôt, c'est, à mon avis, l'intérêt pécuniaire et l'intérêt non-pécuniaire qu'il faut distinguer et, si je suis d'accord avec le juge pour dire que la crainte raisonnable de partialité n'était pas en litige en l'espèce, ce n'est pas en raison de l'exposé de l'avocat, mais simplement parce qu'aucun intérêt autre qu'un intérêt pécu- niaire n'a été allégué ni même évoqué. Si la preuve avait révélé l'existence d'un intérêt non-pécuniaire susceptible d'influer sur la décision et suffisant pour créer une nette possibilité de partialité, j'au- rais pensé que même si l'avocat avait mal présenté sa cause, le juge n'aurait pas été empêché d'en tenir compte. Il ne fait évidemment aucun doute que, dans un système accusatoire comme le nôtre, un tribunal doit accepter les faits tels qu'ils lui ont été révélés dans la seule preuve soumise par les parties, et il ne peut substituer une nouvelle cause d'action à celle sur laquelle le demandeur ou le requérant s'est fondé pour demander son interven tion. Mais il me semble qu'un tribunal doit appli- quer le droit aux faits qui lui ont été démontrés sans tenir compte de l'ignorance ou des omissions des avocats qui viennent en qualité d'officiers de la cour (paragraphe 11(3) de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10]), pour représenter les parties, bien qu'il soit évident qu'en agissant ainsi, il doit toujours respecter le droit des parties de faire valoir tous leurs arguments. Cela me semble particulièrement vrai dans un cas comme celui dont il s'agit en l'espèce la validité même de la décision d'un organisme ayant un pouvoir décisionnel est en cause. Il est en effet difficile d'accepter qu'une cour supérieure appelée à exercer son pouvoir de surveillance sur un tribu nal confirme une décision qui, compte tenu de la preuve, était empreinte de partialité pour le seul motif que l'avocat chargé de l'affaire n'a pas réussi à bien définir la situation au point de vue juridi-
que. Mais encore une fois, ce n'est pas à mon avis le cas en l'espèce. Aucun «intérêt non-pécuniaire» (intérêt «de type émotionnel» comme je l'ai dit plus haut) n'était en cause. Le seul intérêt allégué, et le seul auquel il a été fait allusion dans la preuve, était, répétons-le, de nature pécuniaire. Un intérêt de ce genre ne soulève pas, à mon avis, une ques tion de crainte de partialité.
Si j'ai choisi d'aborder l'affaire et de donner mon opinion sur celle-ci en présupposant que les règles de la common law concernant la partialité, telles qu'elles ont évolué dans la jurisprudence, s'appliquaient intégralement à un organisme admi- nistratif comme l'intimée, c'est en raison de la position à cet effet adoptée par mes collègues dans leurs motifs de jugement. Mais, en fait, j'estime qu'une telle prémisse soulève un grave problème et, à mon avis, le juge avait parfaitement raison de penser que la première question à résoudre était de savoir si elle était justifiée ou non. Le droit relatif à la partialité s'est développé relativement à l'exer- cice de toutes sortes de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de sorte que, au fil de son évolu- tion, il a facilement pu passer des cours de justice aux tribunaux et aux autres organismes appelés à se prononcer sur des questions touchant les droits civils des particuliers. Mais il ne semble pas jus- qu'à présent y avoir d'autorité qui permette d'af- firmer que ce droit doive s'appliquer à un tribunal purement administratif comme la Commission qui ne se prononce pas sur des droits privés, n'a aucun pouvoir décisionnel au sens propre et ne ressemble nullement à une cour de justice.
Pour statuer que le droit relatif à la partialité s'appliquait, le juge de première instance est partie de la proposition que la doctrine de l'équité énon- cée par la Cour suprême dans l'arrêt Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commis sioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311, s'ap- pliquait manifestement aux décisions de la Com mission relatives à l'octroi de permis, et à partir de là, elle a ajouté (aux pages 234 et 235):
Je suis certain que l'obligation d'agir équitablement énoncée par la Cour suprême dans l'arrêt Nicholson doit comporter la condition que l'auteur d'une décision soit impartial. Toute autre conclusion saperait entièrement le concept de l'exigence d'une obligation d'équité.
Il serait en fait anormal qu'il faille, dans la prise d'une décision administrative, suivre les règles d'équité sur le plan de la procédure et qu'il ne soit pas nécessaire que l'auteur d'une décision soit impartial. La partialité d'un tribunal constituerait
un défaut d'équité beaucoup plus grave que la non-observation des exigences quant à la procédure.
Évidemment, nul ne pensera jamais à trouver à redire à ces propositions. Toutefois, j'estime, en toute déférence, qu'elles ne tranchent pas le litige. Il est évident qu'en fait, il est «nécessaire que l'auteur d'une décision soit impartial». On ne peut douter que la loi exige que toute personne appelée à rendre une décision en vertu de dispositions législatives agisse de bonne foi et sans parti pris (voir: David J. Mullan, Administrative Law, Titre 3, Vol. 1 C.E.D. (Ontario), 3e éd., 1979, par. 50 et les décisions qui y sont mentionnées); la présence de partialité réelle dans une décision, si elle est démontrée, donnera toujours ouverture à un recours (voir par exemple, Re Gooliah and Minis ter of Citizenship and Immigration (1967), 63 D.L.R. (2d) 224 (C.A. Man.)). Mais les règles mentionnées dans ce qu'on appelle le droit relatif à la partialité vont beaucoup plus loin car, étant donné qu'elles ont été élaborées pour éliminer toute possibilité de partialité et même pour faire disparaître toute crainte raisonnable de partialité, elles n'exigent jamais que la partialité réelle soit démontrée. Les remarques portant que l'équité est incompatible avec la partialité ne tranchent donc pas le litige.
Dans un paragraphe antérieur de ses motifs, après avoir cité de longs extraits des motifs de jugement du juge en chef Laskin (tel était alors son titre) dans l'arrêt Nicholson, Mme le juge Reed a fait remarquer qu'il ressortait des remarques du juge en chef que «... les conditions d'équité peu- vent être différentes de celles posées par les règles de justice naturelle et moins exigeantes que cel- les-ci.» C'est là, à mon avis, que réside la solution. Il me semble tout à fait normal que les règles d'équité recoupent les deux aspects des règles de justice naturelle dont elles dérivent de manière à créer des garanties non seulement contre l'arbi- traire et le despostisme, mais aussi contre la par- tialité. Je suis même tout à fait disposé à admettre que, afin d'assurer une confiance totale de la part du public dans les décisions de ces organismes consultatifs et réglementaires, il doit y avoir des règles destinées à protéger leur impartialité. Je serais toutefois d'avis qu'il n'est pas nécessaire que la norme à atteindre soit aussi élevée que celle requise pour un tribunal ayant un pouvoir déci- sionnel et que les règles applicables pourraient, par
conséquent, être moins strictes. Dans la pratique, pour entraîner l'exclusion, l'intérêt pécuniaire doit, selon moi, être plus immédiat et plus certain et l'intérêt non-pécuniaire doit donner lieu à des motifs très sérieux de craindre un manque d'im- partialité. Cela peut entraîner de graves problèmes d'application dans la vie courante, mais l'idée elle- même est évidemment valable. Comme l'a remar- qué Reid dans Administrative Law and Practice, 1971, à la page 220:
[TRADUCTION] ...«tribunal» est un mot fourre-tout qui désigne des organismes multiples et divers. On se rend vite compte que des normes applicables à l'un ne conviennent pas à un autre. Ainsi, des faits qui pourraient être des motifs de partialité dans un cas peuvent ne pas l'être dans un autre.
Cette opinion voulant que les règles du droit relatif à la partialité ne puissent s'appliquer dans toute leur rigueur à une commission comme l'inti- mée renforce (si besoin est) ma conviction dans cette affaire que l'intérêt pécuniaire que M. Olsen était censé avoir dans cette décision était trop éloigné et trop incertain pour constituer une cause d'exclusion.
Je n'hésite donc pas à conclure comme mes collègues que l'appel A-561-84 doit être rejeté.
APPEL A-562-84
Il s'agit de l'appel visant l'ordonnance [[1984] 2 C.F. 138] par laquelle le juge des requêtes a ajouté le procureur général du Canada comme partie intervenante à l'action. Les motifs pour lesquels je rejette cet appel peuvent être énoncés très brièvement.
Bien que je ne sache pas en vertu de quoi on pourrait prétendre que le procureur général du Canada possède un droit général d'intervention dans une action mettant en cause des tiers dès lors qu'une question d'intérêt public est soulevée, j'es- time que la Cour a le pouvoir de permettre une telle intervention (voir Commission des services téléphoniques du gouvernement de l'Alberta c. Conseil de la radiodiffusion et des télécommuni- cations canadiennes, [1983] 2 C.F. 443 (1ie inst.) 2 mai 1983, confirmée par [1983] 2 C.F. 839 (C.A.), 10 novembre 1983) et le juge de première instance, en prenant la décision d'exercer ce pou- voir, avait raison d'invoquer les principes dégagés par l'arrêt Adams v Adams (1970), 3 All E.R. 572. Je ne vois aucune raison pour intervenir.
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