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A-1514-83
Procureur général du Canada (requérant)
c.
Michel Giguere (intimé)
Cour d'appel, juges Heald, Mahoney et Stone— Toronto, ler mars; Ottawa, 7 mars 1984.
Assurance-chômage Demande d'annulation de la déci- sion d'un juge-arbitre qui a rejeté l'appel formé par la Com mission contre la décision d'un conseil arbitral Le conseil a accueilli l'appel interjeté par l'intimé de l'inadmissibilité au bénéfice des prestations imposée en vertu de l'art. 44(1) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage L'intimé a perdu son emploi à temps plein chez Inco en raison d'un conflit de travail, et il a par la suite perdu son emploi à temps partiel chez un magasin de la Régie des alcools du fait d'une pénurie de travail L'emploi à temps partiel a continué après le début de la grève chez Inco L'art. 44(1) s'applique au «prestataire qui a perdu son emploi» Le terme emploi est défini comme désignant «l'état d'employé. Le prestataire n'a pas perdu son emploi lorsqu'il perd un emploi, puisqu'il se trouve toujours dans «l'état d'employé. —L'inadmissibilité sous le régime de l'art. 44(1) a illicitement été imposée Demande rejetée Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, chap. 48, art. 2(1)g) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 26), 44(1) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Le procureur-général du Canada c. Schoen, [1982] 2 C.F. 141 (C.A.).
DÉCISION CITÉE:
Abrahams c. Procureur général du Canada, [1983] 1 R.C.S. 2; 142 D.L.R. (3d) 1.
AVOCATS:
Edward R. Sojonky, c.r. et S. D. Clarke pour
le requérant.
Brian Shell pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le requérant.
Brian Shell a/s de United Steelworkers of Canada, Toronto, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: Par demande fondée sur l'article 28, la Commission d'assurance-chômage demande l'annulation de la décision d'un juge- arbitre qui a rejeté l'appel formé par la Commis-
sion contre une décision d'un conseil arbitral. Le conseil a accueilli l'appel de l'intimé à l'encontre du refus, par la Commission, de lui accorder le bénéfice des prestations en raison du paragraphe 44(1) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage [S.C. 1970-71-72, chap. 48]. Le conseil a conclu que l'intimé avait respecté la condition de redresse- ment de l'alinéa 44(1)b). Le juge-arbitre a conclu qu'il avait respecté la condition de redressement de l'alinéa 44(1)c) et, malgré son désaccord apparent sur le fondement de la décision du conseil, il lui a donné raison quant au résultat.
Le paragraphe 44(1) de la Loi dispose:
44. (1) Un prestataire qui a perdu son emploi du fait d'un arrêt de travail à un conflit collectif à l'usine, à l'atelier ou en tout autre local il exerçait un emploi n'est pas admissible au bénéfice des prestations tant que ne s'est pas réalisée l'une des éventualités suivantes, à savoir:
a) la fin de l'arrêt du travail,
b) son engagement de bonne foi à un emploi exercé ailleurs dans le cadre de l'occupation qui est habituellement la sienne,
c) le fait qu'il s'est mis à exercer quelque autre occupation d'une façon régulière.
L'intimé était opérateur de chargeuse chez Inco Limited, au salaire horaire de 7 $. Son emploi principal ou «à temps plein» consistait à manoeu- vrer, sous terre, une chargeuse autopropulsée, si petite que l'opérateur devait marcher à côté de la machine plutôt que d'y monter. Il travaillait «à temps partiel» pour la Régie des alcools de l'Onta- rio, au salaire horaire de 4,49 $. La R.A.O. l'a nommé commis. De temps à autre, il était à la caisse et au comptoir, mais il passait la plus grande partie de son temps à décharger des caisses de marchandises se trouvant à bord de camions pour les empiler dans l'entrepôt. Le conseil paraît avoir conclu que ses occupations chez deux employeurs étaient essentiellement un travail manuel et qu'il a été engagé de bonne foi pour la même occupation par la R.A.O. L'intimé n'a pas fait valoir devant cette Cour que c'était le fondement approprié sur lequel on doit s'appuyer pour trancher la ques tion. Toutefois, il a effectivement soutenu que le juge-arbitre avait eu raison de décider qu'il s'était mis à exercer quelque autre occupation d'une façon régulière, s'appuyant, comme l'a fait le juge- arbitre, sur l'examen de ce qui constitue un emploi «régulier» qu'a fait la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Abrahams c. Procureur général du Canada, [1983] 1 R.C.S. 2; 142 D.L.R. (3d) 1.
Avant d'examiner si l'une quelconque des condi tions de redressement du paragraphe 44(1) a été respectée, il est nécessaire de déterminer si les conditions préalables à l'imposition de l'inadmissi- bilité ont été respectées. L'intimé a décrit comme suit son travail à temps partiel chez la R.A.O. (dossier conjoint, p. 40):
[TRADUCTION] Avec la ... semaine de travail, on va de deux semaines ... de dates en dates, je note alors les dates, la période de paye va du 3 au 15 octobre 77, j'ai travaillé 10 heures; du 17 au 29 octobre 77, j'ai travaillé 10 heures; du 31 octobre au 12 novembre, j'ai travaillé 12 heures; du 14 au 26 novembre 77, j'ai travaillé 4 heures; du ... 28 novembre au 10 décembre 77, j'ai travaillé 10 heures; du 12 au 24 décembre 77, j'ai travaillé 15 heures; du 26 décembre 77 ... au 7 janvier 78, j'ai travaillé 14 heures, et du 6 au 18 février 78, j'ai travaillé 15 heures; du 20 février ... 20 au 4 mars, j'ai travaillé 12 heures;
du 6 au 18 mars 78, j'ai travaillé 8 heures; du 20 mars au l" avril, j'ai travaillé 24 heures; du 3 au 15 avril 78, j'ai travaillé 8 heures; du 17 au 29 avril 78, j'ai travaillé 14 heures; du 1°r au 13 mai, j'ai travaillé 8 heures; du 15 au 27 mai, 12 heures; du 12 au 24 juin, 16 heures; du 26 juin au 8 juillet, 17 heures; du 10 au 22 juillet, 61 heures; du 24 juillet au 5 août, 54 heures;
du 7 au 19 août, 24 heures; du 21 août au 2 septembre, 13 heures; du 12 au 14 octobre, 16 heures; du 16 au 28 octobre, 16 heures; du 30 octobre au 1" novembre ... 11 novembre, 24 heures; du 13 au 25 novembre, 22 heures; du 27 novembre au 9 décembre, 22 heures; du 11 décembre au ... 23, 80 heures, et du 27 décembre au 6 janvier, 32 heures. Et çà fait plus d'heures
que ... le total de février 78 ... le 31 décembre j'avais travaillé 496 heures. Puis de janvier à février, vers la mi-février, j'ai à peine travaillé et on commence à me rappeler au travail pour quelques heures. Cela varie entre 6 et 12, quelquefois 15, cela varie.
L'emploi à temps partiel de l'intimé n'était pas une comédie. Il a commencé à faire ce travail en octobre 1977 et a continué après le début de la grève chez Inco, soit le 15 septembre 1978, jusqu'à sa mise à pied, le 30 décembre 1978, en raison d'une pénurie de travail. Le 18 janvier 1979, il a demandé des prestations.
La Loi [alinéa 2(1)g)] définit le terme «emploi» comme désignant «le fait d'employer ou l'état d'employé». L'intimé avait deux emplois; l'un chez Inco, l'autre chez la R.A.O. Ces deux emplois étaient assurables. On a établi son admissibilité et il a versé des primes d'assurance-chômage à l'égard de chaque emploi, et chaque employeur a fait de même.
À mon avis, la question principale est de savoir si l'inadmissibilité sous le régime du paragraphe 44(1) a, en premier lieu, été licitement imposée. Dans Le procureur général du Canada c. Schoen, [1982] 2 C.F. 141 (C.A.), cette Cour a statué sur un cas contraire à l'espèce. Dans cette affaire, le prestataire avait perdu son travail à temps plein en raison d'une pénurie de travail et avait conservé son travail à temps partiel qu'il a perdu plus tard du fait d'un conflit de travail. Il avait fait une demande de prestations lors de la perte de son travail à temps plein et sa demande avait été accueillie. En lui versant des prestations, on avait pris en compte ses gains tirés du travail à temps partiel. Lorsqu'il perdit son travail à temps partiel, il devenait entièrement inadmissible aux presta- tions sous le régime du paragraphe 44(1). La Cour avait confirmé cette inadmissibilité.
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'aborder ici plusieurs des hypothèses qu'il fallait, selon la Cour, examiner dans Schoen pour statuer sur les argu ments y avancés. Je ne pense pas non plus qu'il soit approprié de spéculer sur l'incidence, s'il en est, que la décision subséquente de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Abrahams pourrait avoir si la Cour devait encore envisager les faits de l'affaire Schoen. Comme je l'ai dit, il s'agit en l'espèce d'une situation contraire qui peut être réglée d'une manière, à mon avis, conforme à la décision Schoen.
Antérieurement à la grève chez Inco, l'intimé avait deux emplois, suivant la définition de la Loi. Par la suite, jusqu'à sa mise à pied par la R.A.O., il lui en restait un. Peut-on dire d'un prestataire qui a deux emplois qu'il a perdu son emploi lors- qu'il en perd un? A mon avis, la réponse est négative. Il se trouve toujours, selon la définition, dans «l'état d'employé». L'intimé a perdu un emploi à cause de la grève chez Inco, mais il n'a pas perdu son emploi avant sa mise à pied par la R.A.O. Il n'a pas perdu son emploi en raison de quelque chose que prévoit le paragraphe 44(1) et l'inadmissibilité a donc été illégalement imposée. Par conséquent, il n'est pas nécessaire d'examiner si les conditions de redressement de l'article ont été respectées.
Cette Cour n'a pas le pouvoir de rendre la décision qui aurait être rendue par une instance inférieure. Elle peut seulement rejeter la demande
ou l'accueillir, annuler la décision du juge-arbitre et renvoyer l'affaire, avec des directives, pour une nouvelle décision. Si je comprends bien, rejeter la demande fondée sur l'article 28 revient pratique- ment à renvoyer l'affaire à l'instance appropriée pour infirmer ab initio l'inadmissibilité; en consé- quence, je suis d'avis de rejeter la demande.
LE JUGE HEALD: Je souscris aux motifs ci-dessus.
LE JUGE STONE: Je souscris aux motifs ci-dessus.
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