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T-2786-79
Robert McLaren, Garry Seeman et Donald Thompson (demandeurs)
c.
La Reine (défenderesse)
Division de première instance, juge Muldoon— Regina, 26 et 27 octobre 1983; Ottawa, 1°r mai 1984.
Restitution Les demandeurs ont fourni des semences et des services à un «rancher» possesseur de fait d'un terrain de la Couronne en attendant l'issue de procédures judiciaires Le «rancher» n'a pas eu gain de cause Actions fondées sur l'enrichissement sans cause Le bénéfice réel a été moindre que l'avantage potentiel en raison des mauvaises herbes et de la nécessité de couper le blé en andains et de le mettre en balles Actions rejetées vu l'inexistence d'un rapport parti- culier entre les parties Application de Nicholson v. St- Denis et al. (1975), 57 D.L.R. (3d) 699 (C.A. Ont.) Il faut un lien contractuel, un lien de fiducie ou un lien matrimonial Le rapport est habituellement caractérisé par la connaissance de l'avantage de la part du défendeur et par une demande expresse ou tacite du défendeur pour obtenir l'avantage, ou un acquiescement à son exécution La théorie de l'avantage indéniable qui permettrait d'exiger d'un défendeur le paiement d'un avantage sans avoir à prouver une condition de volonté n'est pas reconnue au Canada comme motif justifiant l'inter- vention des tribunaux dans une action fondée sur l'enrichisse- ment sans cause Une distinction est faite avec l'arrêt Greenwood v Bennett, [1972) 3 All E.R. 586 (C.A.) qui étend le principe au-delà du cas d'un rapport particulier, c'est-à-dire à un cas oie le demandeur avait effectué des réparations sur le bien dont il croyait honnêtement être le propriétaire Les demandeurs savaient qu'ils n'étaient pas propriétaires du ter rain et qu'ils avaient fourni des semences et des services au «rancher» à qui ils devaient en réclamer le paiement.
Mandat Mandat d'urgence Les demandeurs ont fourni des semences et des services au «rancher» demeuré en posses sion de fait d'un terrain de la Couronne en attendant l'issue de procédures judiciaires. Il n'existe pas de lien contractuel entre les demandeurs et la défenderesse Il n'y avait aucune urgence incitant les prétendus mandataires à agir selon leur propre conception de l'urgence puisque le prétendu commet- tant, que ce soit le «rancher», la défenderesse ou les Affaires indiennes, était accessible en tout temps pour obtenir des instructions précises Le «rancher» savait qu'il n'avait aucun pouvoir précis pour faire quoi que ce soit sur le terrain ou pour procéder aux semences du printemps Aucun mandat con- tractuel, aucun mandat tacite ni mandat d'urgence Si les demandeurs ont été les victimes innocentes de fausses déclara- tions, celles-ci résultent des paroles et de la conduite du «rancher».
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Nicholson v. St-Denis et al. (1975), 57 D.L.R. (3d) 699 (C.A. Ont.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Greenwood v Bennett, [1972] 3 All E.R. 586 (C.A.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Comeau v. Province of New Brunswick (1973), 36 D.L.R. (3d) 763 (C.A.N: B.); Fibrosa Spolka Akcyjna v. Fairbairn, Lawson, Combe Barbour Ld., [1943] A.C. 32 (H.L.).
DÉCISIONS CITÉES:
McKissick, Alcorn, Magnus & Co. v. Hall, [1928] 3 W.W.R. 509 (C.A. Sask.); Morrison v. Can. Surety Co. and McMahon (1954), 12 W.W.R. (N.S.) 57 (C.A. Man.); Deg[man v. Constantineau, [1954] R.C.S. 725; [1954] 3 D.L.R. 785; Reeve v. Abrahams (1957), 22 W.W.R. 429 (C.S. Alb.); Walsh Advertising Co. Ltd. v. The Queen, [1962] R.C.É. 115; Estok v. Heguy (1963), 43 W.W.R. 167 (C.S.C.-B.); Glavin v. MacLean (1972), 5 N.S.R. (2d) 288 (C. cté); Ross v. Ross, Jr. et al. (1973), 33 D.L.R. (3d) 351 (C.B.R. Sask.); Pettkus c. Becker, [1980] 2 R.C.S. 834; T & E Development Ltd. v. Hoornaert (1977), 78 D.L.R. (3d) 606 (C.S.C.-B.); Republic Resources Ltd. v. Ballem, [1982] 1 W.W.R. 692 (C.B.R. Alb.); Ledoux v. Inkman et al., [1976] 3 W.W.R. 430 (C. cté C.-B.); Norda Woodwork & Inte riors Ltd. v. Scotia Centre Ltd., [1980] 3 W.W.R. 748 (C.B.R. Alb.).
AVOCATS:
Paul Elash pour les demandeurs.
Mark Kindrachuk pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Kohaly & Elash, Estevan, Saskatchewan, pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
NOTE DE L'ARRÊTISTE
L'arrêtiste a décidé de publier les motifs du jugement ci-joint en raison de la discussion des questions relatives au mandat d'urgence et à l'enrichissement sans cause. Les faits peuvent cependant être résumés sans nuire à la compré- hension des questions de droit que cette décision comporte.
Voici les faits. Un «rancher» avait hypothéqué sa terre en faveur de la Banque d'expansion industrielle. Celle-ci a exercé son droit de saisie.
Le ministère des Affaires indiennes et du Nord s'est porté acquéreur du titre de propriété. Le «rancher» a engagé des procédures judiciaires (qui, finalement, ne lui ont pas donné gain de cause) en vue d'obtenir la possibilité de racheter son ranch. Pendant ce temps, le «rancher» a eu la permission, en vertu d'une entente non offi- cielle, de demeurer en possession de fait du ranch. C'est au cours de cette période que les demandeurs ont fourni des semences et des ser vices au «rancher». Ils ont intenté contre Sa Majesté une action en recouvrement de la valeur de ces semences et services en invoquant le mandat d'urgence ou l'enrichissement sans cause. ll n'y a en l'espèce aucun lien contractuel entre les demandeurs et la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MULDOON: L'avocat des demandeurs soumet premièrement qu'on est en présence d'un mandat d'urgence ou d'un mandat tacite, ou les deux. À cet égard, il a simplement cité Halsbury, (troisième édition, volume 1). Il prétend qu'il est constant en droit qu'un mandat peut naître au moins d'une des deux façons possibles, et il a cité un passage de la page 145 du volume mentionné:
[TRADUCTION] ... il y a mandat lorsqu'une personne, appelée «le mandataire», a le pouvoir, exprès ou tacite, d'agir au nom d'une autre personne, appelée «le commettant», et y consent.
L'avocat a ensuite mentionné le paragraphe 364 du volume 1 [aux pages 152 et 153], de Halsbury, (troisième édition) en lisant les passages suivant, mais en omettant les mots qui sont entre crochets:
[TRADUCTION] Le contrat de mandat est établi par conven tion expresse ou tacite entre le commettant et le mandataire, ou par ratification [par le commettant des actes faits en son nom par le mandataire.]
et
[TRADUCTION] Un mandat tacite naît de la conduite ou de la situation des parties, [ou de l'urgence].
Par la suite, l'avocat a indirectement cité le para- graphe 373 dudit volume en disant:
[TRADUCTION] Halsbury mentionne également, au paragraphe 373, ce qu'il appelle le mandat d'urgence. Selon Halsbury, ce mandat naît du devoir qui s'impose à une personne d'agir au nom d'une autre, indépendamment de l'existence préalable d'un mandat et dans des circonstances d'urgence, afin de prévenir un préjudice irréparable. Il s'agit d'une analogie et certainement pas d'un cas identique à l'espèce.
Halsbury ajoute qu'un mandat d'urgence peut également naître lorsqu'une personne agit dans l'intérêt d'une autre afin d'empêcher la destruction de son bien.
Comme ce qui précède constitue l'argument des demandeurs relativement à l'application du droit du mandat dans les circonstances présentes, il faut souligner que l'avocat de la défenderesse, en réponse, a mentionné l'arrêt Comeau v. Province of New Brunswick'. On aurait pu trancher cette affaire différemment en se fondant sur des princi- pes d'équité. Le sommaire, qui résume suffisam- ment les faits essentiels et le droit appliqué, est ainsi rédigé la page 763]:
[TRADUCTION] Lorsqu'un travailleur social employé par le ministère de la Santé et du Bien-être social d'un gouvernement provincial, en vue d'amener un locateur à louer des locaux à un certain locataire, s'engage à ce que les locaux soient laissés en bonne condition, et que le locateur, sur la foi de cet engage ment, loue les locaux au locataire, le gouvernement provincial n'est pas responsable de l'inexécution de cet engagement. Un tel engagement n'est pas autorisé par la loi, et ne se rapporte pas nécessairement aux objets du ministère de la Santé et du Bien-être social. Par conséquent, du moins en l'absence de toute autorisation expresse d'un fonctionnaire responsable, le gouver- nement n'est pas lié par l'engagement.
[arrêt appliqué: DeCosmos v. The Queen (1883), 1 B.C.R. (Pt.II) 26]
De toute façon, il est clair que quel qu'ait été l'état du terrain en l'espèce, on n'a pas établi un mandat d'urgence en l'occurrence. Il ressort de la preuve que même si les demandeurs allèguent que M. Lees [le «rancher»] était leur commettant, ou que la défenderesse ou les Affaires indiennes était leur commettant, le prétendu commettant était facilement accessible en tout temps pour obtenir de lui des instructions précises; et il n'y avait aucune urgence incitant les prétendus mandataires à agir selon leur propre conception de l'urgence, le cas échéant. M. Lees savait certainement, si les demandeurs ne le savaient pas, qu'il n'avait aucun pouvoir précis à l'époque pour faire quoi que se soit sur le terrain ou pour procéder aux semences du printemps. M. Lees savait, en raison de sa ferme volonté de rester en possession illégitime du terrain, que les Affaires indiennes le laisseraient tranquille jusqu'à ce qu'elles aient une autorisation claire des tribunaux pour l'expulser. M. Lees aurait été volontairement aveugle de croire que M. Irvine [agent des services aux entreprises pour les Affaires indiennes] pouvait lui conférer le statut de
1 (1973), 36 D.L.R. (3d) 763 (C.A.N: B.).
mandataire au nom de la défenderesse. Il est fort improbable qu'il l'ait même jamais cru. Un tel statut n'a jamais été conféré ni en fait, ni en droit. Le prétendu pouvoir, que M. Lees a dit avoir obtenu de M. Leask [Directeur régional intéri- maire des Affaires indiennes] au cours d'une con versation téléphonique de ce dernier avec M. Bam- ford [l'avocat de M. Lees], décédé depuis, n'est pas établi selon la prépondérance des probabilités, étant donné l'appréciation très crédible qu'avait M. Leask de sa propre position et de son pouvoir à l'époque concernée.
En somme, il n'y avait aucun mandat contrac- tuel, aucun mandat tacite ou aucun mandat d'ur- gence sur lequel les demandeurs peuvent fonder avec succès leurs réclamations contre la défende- resse. Si les demandeurs ont été les victimes inno- centes de fausses déclarations, ces fausses déclara- tions résultent des paroles et de la conduite de M. Lees et non de ceux d'un fonctionnaire, d'un mandataire ou d'un préposé de la défenderesse.
La notion de mandat tacite, rejetée auparavant, pourrait être invoquée relativement au principal argument de droit sur lequel l'avocat des deman- deurs fonde leurs revendications, l'enrichissement sans cause. Il est évident que la défenderesse a tiré un avantage des services de M. McLaren et de M. Seeman, de même que des semences vendues par M. Thompson à M. Lees, qui, selon la prépondé- rance des probabilités, ont été réellement semées sur le terrain de la défenderesse. Cette conclusion, qui est raisonnable vu les circonstances, se trouve confirmée. Toutefois, tout l'avantage potentiel des contributions des demandeurs n'équivaut pas au bénéfice réel, et ce, en raison de l'infestation des mauvaises herbes et de la nécessité pratique de couper en andains et de mettre en balles une partie du blé qui a poussé les demandeurs avaient travaillé et semé. Par conséquent, si l'on fait droit aux réclamations des demandeurs sur une base de quantum meruit, on devrait leur accorder une somme moins élevée que ce qu'ils demandent res- pectivement. Ce serait vraiment très difficile, sinon impossible, d'établir avec exactitude le montant auquel ils auraient droit.
Premièrement, il est nécessaire de déterminer si les demandeurs peuvent légitimement avoir gain de cause relativement à leurs réclamations fondées
sur l'enrichissement sans cause que la défenderesse aurait retiré aux dépens des demandeurs.
Ce domaine de la common law est encore vague- ment défini au Canada. Bon nombre des causes citées se fondent sur les prémisses énoncées par lord Wright dans l'affaire Fibrosa Spolka Akcyjna v. Fairbairn, Lawson, Combe Barbour, Ld. 2 :
[TRADUCTION] Il est clair que tout système de droit civilisé se doit de prévoir des recours pour ces situations qualifiées d'enri- chissement ou d'avantage sans cause, c'est-à-dire empêcher une personne de garder l'argent ou de conserver un avantage qu'elle a reçu d'une autre personne et qu'il serait moralement inaccep- table de garder ou de conserver. Ces recours en droit anglais sont génériquement différents de ceux qui sont propres aux contrats ou aux délits, et ils appartiennent maintenant à une troisième catégorie de la common law appelée quasi-contrat ou restitution.
On ne peut guère contester ce principe, mais on peut se demander dans quelles circonstances il s'applique. Il est sûr que, s'il y a deux parties à une convention et que la première, par ses paroles ou sa conduite, a incité la deuxième à enrichir la première dans des circonstances dans lesquelles la deuxième ne lui aurait vraisemblablement pas fait un don ou accordé un avantage gratuit et qu'on a fait la preuve des paroles et de la conduite de la première partie, le principe doive s'appliquer. Mais que se passe-t-il si une troisième partie intervient? Ou que se passe-t-il s'il n'y avait aucune conven tion entre le demandeur et le défendeur? Qu'ar- rive-t-il si, comme en l'espèce, on se trouve en présence de ces deux circonstances? Ainsi l'énoncé de lord Wright est bien plus simple et plus clair à exprimer qu'à appliquer.
M. le juge (maintenant juge en chef adjoint) MacKinnon a commenté cet énoncé même dans l'arrêt Nicholson v. St-Denis et a1. 3 en Cour d'ap- pel de l'Ontario. Après avoir cité ce passage, il dit la page 701]:
[TRADUCTION] Le juge de première instance a reconnu que les termes de ce passage sont extrêmement vagues et généraux, mais il a estimé que la Cour ne devait pas tenter de les préciser. L'avocat du demandeur s'est dit d'avis devant la présente Cour que ces termes signifiaient réellement qu'il revient entièrement à chaque juge de décider s'il estime que les circonstances justifient d'accorder le moyen de redressement qu'est l'enrichis- sement sans cause.
Si cette assertion exprimait la doctrine, alors à ce cheval fougeux qu'est l'intérêt public viendrait se joindre un coursier
2 [1943] A.C. 32 (H.L.), à la p. 61.
3 (1975), 57 D.L.R. (3d) 699 (C.A. Ont.).
aux tendances encore plus imprévisibles. Le droit de l'enrichis- sement sans cause, qu'il serait plus exact d'appeler la doctrine de la restitution, s'est développé pour prévoir un redressement dans les cas il serait injuste, dans les circonstances, de permettre à un défendeur de conserver un avantage que le demandeur lui a octroyé à ses dépens. Cela ne signifie pas qu'il y aura restitution dans tous les cas d'enrichissement d'une personne et d'appauvrissement d'une autre. Certaines règles se sont élaborées au cours des ans pour guider le tribunal lorsqu'il détermine si cette doctrine s'applique dans un cas particulier.
Dans le passage qui suit, il a identifié un élément caractéristique, celui de l'existence d'un rapport particulier entre les parties:
[TRADUCTION] Il est difficile de concilier toute la jurispru dence sur la restitution et il serait, à toutes fins, inutile d'es- sayer de le faire. On peut dire, toutefois, que dans presque tous les cas, les faits ont établi qu'il existait un rapport particulier entre les parties, le plus souvent un lien contractuel au départ, qui rendait injuste pour le défendeur de conserver l'avantage que lui avait accordé le demandeur—un avantage, faut-il le préciser, qui n'a pas été accordé a officieusement». Par ailleurs, ce rapport est habituellement, mais pas toujours, marqué par deux caractéristiques: premièrement, la connaissance de l'avan- tage de la part du défendeur, et deuxièmement, une demande expresse ou tacite du défendeur pour obtenir l'avantage, ou un acquiescement à son exécution.
Avant sa déclaration dans l'arrêt Fibrosa, lord Wright avait déjà examiné la doctrine de la restitution dans l'arrêt Brook's Wharf & Bull Wharf, Ltd. v. Goodman Bros., [1937] 1 K.B. 534, et avait précisé (p. 545):
La Cour impose l'obligation simplement en raison des cir- constances de l'affaire et de ce qu'elle considère être juste et raisonnable, eu égard aux rapports entre les parties.
(C'est moi qui souligne.) La Cour suprême a cité et appliqué cet extrait dans l'arrêt County of Carleton v. City of Ottawa, [1965] R.C.S. 663, à la p. 668; 52 D.L.R. (2d) 220 à la p. 225 4 .
Quel est ce rapport particulier? Il peut s'agir d'un lien contractuel, de fiducie ou d'un lien matri monial. Il peut s'agir d'un accord fortuit ou d'un contrat inexécutable. Ce rapport semble être la condition sine qua non de la réussite, mais il n'est pas une garantie de la réussite. Le rapport particu- lier est présent dans toutes les affaires citées par l'avocat les demandeurs ont eu gain de cause, sauf dans deux cas. C'est le lien essentiel qui existe entre les paroles et la conduite du défendeur et l'octroi de l'avantage par le demandeur dans les affaires suivantes:
4 Ibid., aux pp. 701 et 702.
McKissick, Alcorn, Magnus & Co. v. Halls; Mor- rison v. Can. Surety Co. and McMahon 6 ; Deglman v. Constantineau'; Reeve v. Abrahams 8 ; Walsh Advertising Co. Ltd. v. The Queen 9 ; Estok v. Heguy'°; Glavin v. MacLean"; Ross v. Ross, Jr. et al. 12 ; Pettkus c. Becker ' 3 ; T & E Development Ltd. v. Hoornaert 14 ; Republic Resources Ltd. v. Ballem 15 .
Dans les arrêts McKissick et Republic Resources, on a établi l'existence de rapports antérieurs, mais d'autres circonstances ont néanmoins empêché les demandeurs respectifs d'avoir gain de cause.
L'avocat a également cité un ouvrage qui étudie en détail le sujet et qui s'intitule Unjust Enrich ment de George B. Klippert (Butterworths, Toronto, 1983), dans lequel l'auteur a réuni un ensemble vaste et varié d'arrêts de jurisprudence. Les premiers passages qui traitent du quantum meruit et de [TRADUCTION] «l'avantage indénia- ble» se trouvent à la page 95. Cette dernière théorie, d'après l'éminent auteur, [TRADUCTION] «permettrait d'exiger d'un défendeur le paiement d'un avantage, sans avoir à prouver une condition de volonté.» Toutefois, il conclut que les tribunaux canadiens n'ont pas reconnu l'avantage indéniable comme motif justifiant leur intervention dans une action fondée sur l'enrichissement sans cause.
L'enrichissement sans cause a été invoquée dans d'autres affaires, et cet argument a échoué lorsque les tribunaux n'ont trouvé aucun lien ou rapport particulier, ou aucun lien suffisant, entre les par ties. Dans cette catégorie, notons les décisions: Nicholson v. St-Denis et al. 16 ; Ledoux v. Inkman et al."; Norda Woodwork & Interiors Ltd. v. Scotia Centre Ltd. 18 .
5 [1928] 3 W.W.R. 509 (C.A. Sask.).
6 (1954), 12 W.W.R. (N.S.) 57 (C.A. Man.).
7 [1954] R.C.S. 725; [1954] 3 D.L.R. 785.
8 (1957), 22 W.W.R. 429 (C.S. Alb.).
9 [1962] R.C.É. 115.
1 ° (1963), 43 W.W.R. 167 (C.S.C.-B.).
11 (1972), 5 N.S.R. (2d) 288 (C. cté).
12 (1973), 33 D.L.R. (3d) 351 (C.B.R. Sask.).
13 [1980] 2 R.C.S. 834.
14 (1977), 78 D.L.R. (3d) 606 (C.S.C.-B.).
15 [1982] 1 W.W.R. 692 (C.B.R. Alb.).
16 Précitée, note 3 (autorisation de pourvoi à la C.S.C. refu sée [1975] 1 R.C.S. x).
17 [1976] 3 W.W.R. 430 (C. cté C.-B.).
18 [1980] 3 W.W.R. 748 (C.B.R. Alb.).
Dans ces dernières affaires, les demandeurs ont échoué parce qu'aucun rapport particulier n'a été établi, même si dans les deux dernières affaires (Ledoux et Norda) les défendeurs savaient que les demandeurs effectuaient des travaux qui avaient, soutenait-on, augmenté la valeur des biens respec- tifs des défendeurs.
Dans un arrêt étranger, celui de Greenwood y Bennett 19 , malgré l'inexistence d'un rapport parti- culier, le demandeur a eu gain de cause. Dans cette affaire, le défendeur avait été victime du vol et de l'appropriation de son automobile. Le deman- deur avait cru avoir acheté cette automobile et avait effectué les importantes réparations qu'a- vaient entraînées les dommages causés principale- ment par le voleur. Malgré la maxime nemo dat quod non habet, le demandeur croyait honnête- ment, bien qu'à tort, être le véritable propriétaire. C'est pourquoi, il a réclamé du véritable proprié- taire le coût des réparations. Le demandeur a échoué en Cour de comté, mais il a interjeté appel de cette décision. Lord Denning, M.R., a accueilli son appel et a dit 20 :
[TRADUCTION] L'avocat de M. Bennett nous a cité les affaires bien connues qui ont établi qu'une personne ne peut réclamer une indemnité pour un travail effectué sur les biens ou la propriété d'autrui à moins qu'il existe un contrat exprès ou tacite de payer pour ce travail. Nous nous rappelons tous des paroles du Chief Baron Pollock: «Si quelqu'un nettoie les souliers d'un autre, qu'est-ce que ce dernier peut faire sinon les mettre?» (Taylor y Laird (1856), 25 L.1 Ex 329 à la p. 332). C'est sans aucun doute la règle lorsque la personne qui procède au travail sait, ou devrait savoir que la propriété du bien ne lui revient pas. Elle prend le risque de ne pas être payée pour le travail qu'elle fait. Mais c'est tout autre chose lorsqu'elle croit honnêtement être le propriétaire du bien et que, sachant cela, sur la foi de cela, elle effectue le travail.
Cet arrêt étend le principe au-delà du cas d'un rapport particulier. S'il représente l'état de la common law au Canada, ce qui est fort douteux, cet arrêt n'est néanmoins pas applicable en l'es- pèce. Les demandeurs, dans le cas qui nous occupe, savaient, de toute évidence, qu'ils n'étaient pas eux-mêmes propriétaires du terrain en ques tion. Puisqu'il était notoire dans la région que le gouvernement contraignait Lees à abandonner son ancienne terre, les demandeurs savaient probable- ment, et avaient certainement de bonnes raisons de croire, que Lees en était possesseur illégitime. Ils
19 [1972] 3 All E.R. 586 (C.A.).
20 Ibid., à la p. 589.
savaient tous qu'ils avaient fourni du blé et des services à Lees, et non à la défenderesse, et ils croyaient tous qu'ils devaient en réclamer le paie- ment à Lees.
Il y avait manifestement des motifs probables de malentendu entre la défenderesse et Lees, alimen- tés et stimulés par l'espoir et la détermination pratiquement invincibles de ce dernier de ne pas être déplacé mais, plutôt, de redevenir propriétaire du ranch sans interrompre son occupation. Les Affaires indiennes, sur le conseil du ministère de la Justice, ont simplement laissé Lees occuper le terrain jusqu'à ce qu'elles aient eu l'autorisation des tribunaux de l'expulser. Cette autorisation a été accordée plutôt que Lees ou la défenderesse ne l'avait prévu, et lorsqu'elle est survenue, la défen- deresse a, de façon tout à fait conforme à sa conduite passée, agi avec célérité pour procéder à l'expulsion.
L'élément déterminant en l'espèce est l'absence de tout rapport 'particulier entre les parties. C'est la conduite de John Harold Maxwell Lees qui a amené le litige entre les demandeurs et la défende- resse, et c'est contre lui que les demandeurs auraient pu avoir une cause d'action pour la valeur des semences et des services, s'ils avaient choisi de le poursuivre. Dans les circonstances de l'espèce, étant donné l'absence de tout rapport particulier et étant donné la preuve produite, il y a lieu d'exoné- rer la défenderesse et de rejeter les actions des demandeurs, avec dépens à être taxés si la défen- deresse décide de les exiger.
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