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A-1457-83
John C. Doyle (requérant) c.
Commission sur les pratiques restrictives du com merce et F. H. Sparling et Canadian Javelin Ltée/Javelin International Ltée (intimés)
Cour d'appel, juges Pratte, Ryan et Marceau— Ottawa, 24 et 25 avril et 3 juin 1985.
Contrôle judiciaire Demandes d'examen Corporations Demande fondée sur l'art. 28 tendant à l'annulation d'un rapport préparé par la Commission sur les pratiques restricti- ves du commerce conformément à l'art. 114 de la Loi sur les corporations canadiennes Au terme d'un examen, des audiences ont eu lieu relativement à des allégations d'utilisa- tion frauduleuse de Canadian Javelin Ltée par le requérant Dépôt par la Commission d'un rapport confirmant la conduite frauduleuse Le requérant soutient que deux des trois commissaires ayant signé le rapport n'ont pas assisté à toutes les audiences Deux commissaires se sont absentés en des occasions différentes des audiences, parfois temporairement, parfois complètement et ce, pour un total de six jours Les notes sténographiques des audiences étaient disponibles La Loi fixe le quorum à deux membres Le requérant invoque la règle «nul ne peut juger sans avoir entendu la cause» Il échet d'examiner si l'irrégularité a entraîné la nullité du rapport La règle est fondée sur la volonté présumée du législateur Elle ne s'applique pas lorsque le législateur en a expressément écarté l'application ou lorsque celle-ci ne découle pas implicitement des dispositions de la loi La règle exige que les commissaires entendent la preuve et les représentations en conformité de la Loi Le fait que le requérant n'ait pas comparu lors des audiences ne le prive pas du droit de contester la validité du rapport La Loi exige que les commissaires assistent aux audiences afin de prendre connaissance de la preuve Il échet d'examiner si la règle ne s'applique qu'aux organismes judiciaires ou quasi judiciaires chargés de prononcer des décisions affectant directement les droits des parties La Commission ne fait que formuler des recommandations Même si le rapport ne crée pas de droits ou d'obligations dans le patrimoine d'individus, il n'est pas pour autant dénué d'effet juridique puisqu'il confère au Ministre le pouvoir d'engager des procédures au nom de la compagnie Le défaut de se conformer aux exigences de la Loi concernant la présence des commissaires suffit à vicier le rapport de la même façon que s'il s'agissait d'une décision judiciaire ou quasi judiciaire Loi sur les corporations canadiennes, S.R.C. 1970, chap. C-32, art. 114 (mod. par S.R.C. 1970 (1 er Supp.), chap. 10, art. 12) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10, art. 28.
Le requérant demande l'annulation, en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, du rapport préparé par la Commission sur les pratiques restrictives du commerce confor- mément à l'article 114 de la Loi sur les corporations canadien- nes. Au terme d'un examen mené par l'inspecteur de la Com mission au sujet de Canadian Javelin Ltée, des audiences se sont déroulées afin d'examiner les allégations suivant lesquelles le requérant aurait utilisé la compagnie pour s'enrichir fraudu-
leusement aux dépens des autres actionnaires. Du 26 avril 1982 au mois de juin 1983, la Commission a siégé pendant 32 jours. Le requérant n'a pas assisté aux audiences, mais il a été représenté par un avocat jusqu'au 21 juillet 1982. A diverses reprises, deux des trois commissaires se sont absentés temporai- rement ou complètement des audiences, le tout pour un total de six jours. Les commissaires avaient à leur disposition la trans cription des audiences afin de prendre connaissance de ce qui s'était passé en leur absence. En septembre 1983, la Commis sion a déposé son rapport, signé par les trois commissaires, dans lequel elle déclarait que la plupart des allégations de fraude formulées par l'inspecteur étaient fondées et faisait les recom- mandations qu'elle trouvait appropriées. Il semble que deux des trois commissaires n'ont pas été présents en tout temps pour prendre connaissance de la preuve. Invoquant la maxime «nul ne peut juger sans avoir entendu la cause», le requérant soutient que les absences des commissaires entraînent la nullité du rapport puisqu'un seul des membres avait le pouvoir de le signer. L'intimée soutient que la maxime ne s'applique pas puisque la Commission ne fait que formuler des recommanda- tions et ne prend pas de décisions affectant les droits des parties. Au surplus, l'absence du requérant aux audiences l'empêche de soulever cette irrégularité.
Arrêt (le juge Marceau dissident): la demande devrait être accueillie et le rapport contesté devait être annulé.
Le juge Pratte: Ce qui importe, c'est de savoir s'il y a lieu d'appliquer en l'espèce la maxime «nul ne peut juger sans avoir entendu la cause». La règle établit que seuls les membres du tribunal qui ont entendu la preuve peuvent participer à la décision. La règle est plus qu'une conséquence de la maxime audi alteram partem en ce qu'elle touche véritablement à la compétence du juge. Sa violation peut être invoquée même par le requérant qui, par son absence des procédures, a renoncé à son droit de se faire entendre. Le choix du requérant de ne pas participer aux audiences ne le prive pas du droit d'être jugé par les membres d'un tribunal présents pendant toute la durée des audiences. La règle «nul ne peut juger sans avoir entendu la cause» est fondée sur la volonté présumée du législateur. Lors- que la règle s'applique à un tribunal, elle exige que tous les membres de ce tribunal qui participent à la décision entendent la preuve et les représentations des parties de la façon qu'exige la loi. Même si les commissaires absents ont profité des notes sténographiques, il importe toujours de savoir si la preuve a été reçue conformément à la loi.
Une abondante jurisprudence affirme que la règle ne s'appli- que qu'aux organismes judiciaires ou quasi judiciaires chargés de prononcer des décisions affectant directement les droits des parties. Bien que, conformément à l'article 114 de la Loi, la Commission ne fasse que formuler des recommandations, il est quand même nécessaire d'examiner les dispositions législatives régissant la Commission. Les recommandations que contient le rapport ne sont pas dépourvues d'effets juridiques puisqu'elles habilitent le Ministre à engager, continuer ou régler des procé- dures au nom de la compagnie qui fait l'objet de l'examen. Il est manifeste que le législateur a voulu que la Commission tienne des audiences au cours desquelles les parties intéressées pourraient se faire entendre et que seuls les commissaires présents lors des audiences puissent légalement signer le rap port en découlant. A la lumière de ces dispositions, les absences de deux des commissaires ayant signé leur rapport entraînent la nullité de celui-ci de la même façon que s'il s'agissait d'une
décision judiciaire ou quasi judiciaire. Par conséquent, le rap port contesté devrait être annulé.
Le juge Marceau (dissident): Il ressort clairement des dispo sitions législatives régissant la Commission qu'un rapport ne peut être préparé et soumis au Ministre sans que les intéressés aient eu l'opportunité de s'exprimer. Cependant, on ne peut voir dans la Loi la condition avancée par le requérant suivant laquelle tout commissaire qui s'absenterait le moindrement durant les audiences ne pourrait participer à la préparation du rapport. L'article 114 ne révèle aucune intention présumée du Parlement d'imposer le respect de la règle «nul ne peut juger sans avoir entendu la cause». Au surplus, le comité doit mainte- nir un quorum de deux membres pour agir dans la légalité. II importe de souligner qu'à toutes les étapes du processus, c'est la Commission qui agit et non ses membres. Dans le cas qui nous intéresse, la preuve semble établir qu'un seul commissaire s'est réellement absenté à un nombre limité de reprises des audiences.
Comme la source de la règle ne se trouve pas dans la Loi elle-même et qu'elle ne découle pas implicitement d'une inten tion présumée, la seule autre source possible serait qu'elle est la contrepartie de la maxime audi alteram partem. Si tel était le cas, le requérant aurait, par son absence, renoncé à son droit d'invoquer la règle. Toutefois, une obligation de cette nature et de cette importance ne peut être considérée comme une simple contrepartie du droit des parties de se faire entendre. Qui plus est, il n'est pas possible en l'espèce, de lier l'existence de la règle invoquée aux principes de justice naturelle car la Commission n'est pas un tribunal rendant des décisions affectant les droits des individus.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS CITÉES:
Conseil de section du Barreau de Québec c. E. et autre, [1953] R.L. 257 (B.R. Qué.); CRTC c. CTV Television Network Ltd. et autres, [1982] I R.C.S. 530; Lipkovits c. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, [1983] 2 C.F. 321; 45 N.R. 383 (C.A.); Reg. v. Race Relations Board, Ex parte Selvarajan, [1975] 1 W.L.R. 1686 (C.A. Angl.); Foster v. City of Halifax, [1926] 1 D.L.R. 125 (C.S.N.-E.); Rex v. Hun- tingdon Confirming Authority. Ex parte George and Stamford Hotels, Ld., [1929] 1 K.B. 698 (C.A.); Mehr v. Law Society of Upper Canada, [1955] R.C.S. 344; Re Ramm (1957), 7 D.L.R. (2d) 378 (C.A. Ont.); Hughes v. Seafarers' International Union of North America, Cana- dian District & Heinekey (1961), 31 D.L.R. (2d) 441 (C.S.C.-B.); R. v. Committee on Works of Halifax City Council, Ex p. Johnston (1962), 34 D.L.R. (2d) 45 (C.S.N.-E.); Re Rosenfeld and College of Physicians and Surgeons (1969), II D.L.R. (3d) 148 (H.C. Ont.); R. v. Broker -Dealers' Association of Ontario, Ex parte Saman Investment Corporation Ltd., [1971] 1 O.R. 355 (H.C.); Re Rogers: Rogers v. Prince Edward Island Land Use Commission (1979), 20 Nfld. & P.E.I.R. 484 (C.S.l.-P.-E.); Murray v. Rockyview No. 44 (1980), 12 Alta. L.R. (2d) 342; 21 A.R. 512 (C.A.); Hayes v. Sask. Housing Corp., [1982] 3 W.W.R. 468 (B.R. Sask.).
AVOCATS:
Robert Décary et Serge Laurin pour le requérant.
J. Mabbutt pour l'intimée, la Commission sur les pratiques restrictives du commerce. François Garneau pour l'intimé F. H. Sparling.
PROCUREURS:
Noël, Décary, Aubry & Associés, Hull, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour le procureur général du Canada.
Desjardins, Ducharme, Desjardins & Bour- que pour l'intimé F. H. Sparling.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE PRATTE: Le requérant demande l'an- nulation en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2° Supp.), chap. 10], d'un rapport fait par la Commission intimée en vertu du paragraphe 114(25) de la Loi sur les corporations canadiennes [S.R.C. 1970, chap. C-32 (mod. par S.R.C. 1970 (1ef Supp.), chap. 10, art. 12)]'.
Au soutien de son pourvoi, le requérant a fait valoir plusieurs moyens. Un seul, cependant, mérite qu'on s'y arrête, savoir que la décision attaquée devrait être annulée parce que deux des trois commissaires qui l'ont rendue n'auraient pas assisté à toutes les audiences au cours desquelles la Commission a recueilli les preuves sur lesquelles elle devait fonder son rapport. D'ailleurs, lors de l'audition de cette affaire, nous n'avons pas cru nécessaire d'entendre les avocats des intimés sur d'autres points que celui-là.
L'article 114 de la Loi sur les corporations canadiennes prévoit que la Commission sur les pratiques restrictives du commerce puisse, lorsqu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'existe l'une ou l'autre des situations prévues au paragra- phe 114(2), ordonner qu'une compagnie fasse l'ob- jet d'un examen et nommer un inspecteur à cette fin. Cet examen se fait en deux temps. L'inspec-
' Cette Cour a déjà jugé, le 20 janvier 1984, que ce rapport était une «décision» au sens de l'article 28.
teur fait d'abord enquête et, s'il est d'avis que son enquête a révélé l'existence d'une des situations que la Loi veut réprimer, il doit transmettre à la Commission un exposé des preuves qu'il a recueil- lies. La Commission doit ensuite, comme le pres- crit le paragraphe 114(24), tenir des audiences «où les preuves et les arguments à l'appui de l'exposé peuvent être présentés par l'inspecteur ou en son nom et les personnes contre lesquelles une allégation a été faite dans l'exposé doivent avoir la possibilité de se faire entendre en personne ou par procureur». Ces audiences terminées, la Commis sion fait rapport au Ministre.
Le 17 mai 1977, la Commission ordonnait, en vertu de l'article 114, qu'un examen ait lieu des affaires de la société Javelin International Ltée. Le 26 janvier 1982, l'inspecteur nommé pour procéder à cet examen remettait à la Commission un exposé des preuves qu'il avait recueillies. Dans ce docu ment, l'inspecteur affirmait, entre autres, avoir découvert que le requérant Doyle avait utilisé Javelin pour s'enrichir frauduleusement aux dépens des autres actionnaires de la compagnie. Peu après, la Commission prévenait l'inspecteur, le requérant et les autres intéressés qu'elle tiendrait des audiences publiques à compter du 26 avril 1982. Depuis cette date jusqu'au mois de juin 1983, la Commission siégea ainsi pendant trente- deux jours. Le requérant, qui demeure hors du pays, ne se présenta pas aux audiences. Il y fut cependant représenté par un avocat jusqu'au 21 juillet 1982; ce moment-là, celui-ci se retira des audiences pour protester contre la façon dont la Commission menait l'enquête; il n'y devait pas revenir. Le 26 septembre 1983, la Commission déposait son rapport auprès du ministre de la Consommation et des Corporations; elle y con- cluait que la plupart des allégations de fraude formulées par l'inspecteur à l'encontre du requé- rant étaient fondées et faisait les recommandations qu'elle jugeait appropriées. C'est contre ce rapport que le pourvoi du requérant est dirigé.
Le rapport de la Commission est signé par trois membres de la Commission: le président, monsieur Stoner, et deux commissaires, messieurs MacLel- lan et Roseman. Il est constant que monsieur Stoner a assisté à toutes les audiences qui ont précédé le dépôt du rapport. Monsieur MacLellan,
lui, n'aurait pas été présent aux audiences des 24, 25 et 26 janvier 1983 2 ; il aurait été absent, aussi, au début des séances des 28 et 29 mars 1983; enfin, il se serait absenté pendant quelques minu tes pendant la matinée du 30 mars et l'après-midi du 5 avril 1983. Quant à monsieur Roseman, il se serait absenté pendant une partie de la matinée et tout l'après-midi le 29 juin ou le 21 juillet 1982. Il n'est pas contesté que la Commission bénéficiait de services de sténographie et de transcription qui permettaient aux commissaires de prendre con- naissance de ce qui s'était passé pendant leur absence.
Ainsi, deux des trois signataires du rapport n'au- raient pas entendu toute la preuve. C'est cette irrégularité dont fait état l'avocat du requérant. Il invoque la maxime «he who decides must hear» et conclut qu'un seul des trois signataires du rapport avait le pouvoir de le signer. Le rapport serait donc nul pour deux raisons: premièrement, parce qu'il aurait été signé valablement par une seule per- sonne alors que la Loi fixe à deux le quorum de la Commission 3 ; deuxièmement, parce qu'il suffit, pour vicier une décision rendue par plusieurs per- sonnes, qu'une seule d'entre elles ne possède pas le pouvoir d'y participer.
À cela, les avocats des intimés ont répliqué:
que la règle relative au quorum avait été respec- tée puisque la décision attaquée avait été signée par trois membres de la Commission et puisque deux d'entre eux avaient été toujours présents pendant toute la durée des audiences;
que la règle «he who decides must hear» ne s'appliquait pas en l'espèce parce que la Com mission était chargée de formuler des recom- mandations et non pas de prononcer une déci- sion définissant les droits des parties en cause;
2 Les notes sténographiques prises lors des audiences indi- quaient le nom des commissaires présents au début de chaque audience. Suivant ces notes, monsieur MacLellan n'aurait pas été présent au début des audiences des 24, 25 et 26 janvier et des 28 et 29 mars 1983. Le 24 janvier, l'absence de monsieur MacLellan fut remarquée et le président expliqua: «He has a touch of flu and it is rather serious for the moment.» (Trans- cription, vol. 17, p. 2278.) On peut donc présumer que mon sieur MacLellan fut absent durant toutes les séances des 24, 25 et 26 janvier.
3 Voir: Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, chap. C-23, art. 16(8) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 76, art. 5).
que, de toute façon, le requérant, ayant renoncé au droit de se faire entendre, ne peut être admis à invoquer l'irrégularité dont il se plaint;
enfin, qu'il n'est pas établi que cette irrégularité ait causé préjudice au requérant et que le rap port de la Commission aurait été différent si tous les commissaires avaient assisté à toutes les audiences.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire à la décision de cette affaire de déterminer si la règle qui fixe à deux personnes le quorum de la Commission a été respectée. Ce qui importe, c'est de savoir s'il y a lieu d'appliquer ici la maxime «he who decides must hear» qu'invoque le requérant.
Cette maxime exprime une règle bien connue suivant laquelle, lorsque la loi charge un tribunal d'entendre et décider une affaire, seuls les mem- bres du tribunal qui ont entendu l'affaire peuvent participer à la décision. On a parfois dit que cette règle exprimait une conséquence de la règle audi alteram partem 4 . Cela est vrai dans la mesure un justiciable n'est vraiment «entendu» que s'il est entendu par celui qui décidera sa cause. Mais, à mon avis, la règle exprime plus que cela; c'est une règle qui touche véritablement à la compétence du juge. A cause de cela, sa violation pourra être invoquée même par le justiciable qui a renoncé à se faire entendre par le tribunal qui l'a condamné. Ainsi, le défendeur qui refuse volontairement de se présenter à l'audience renonce par au droit de se faire entendre; il ne renonce pas, cependant, au droit d'être jugé par un juge qui a pris connais- sance de la preuve. Ceci dit, il faut voir que la règle «he who decides must hear», si importante qu'elle soit, est fondée sur la volonté présumée du législateur. Elle ne s'applique donc pas lorsque le législateur en a expressément écarté l'applications; elle ne s'applique pas non plus lorsque l'étude de l'ensemble des dispositions régissant l'activité d'un tribunal conduit à croire que le législateur n'a pas vouloir qu'elle s'y applique 6 . Enfin, lorsque la
4 Voir: Conseil de section du Barreau de Québec c. E. et autre, [1953] R.L. 257 (B.R. Qué.), à la p. 265.
5 Voir: CRTC c. CTV Television Network Ltd. et autres, [1982] 1 R.C.S. 530; Lipkovits c. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, [1983] 2 C.F. 321; 45 N.R. 383 (C.A.).
6 Voir: Reg. v. Race Relations Board, Ex parte Selvarajan, [1975] 1 W.L.R. 1686 (C.A. Angl.).
règle s'applique à un tribunal, elle exige que tous les membres de ce tribunal qui participent à une décision aient entendu la preuve et les représenta- tions des parties de la façon que la loi veut qu'elles soient entendues. On ne pourra donc prétendre que les exigences de la loi soient satisfaites du seul fait que les membres du tribunal qui ont rendu une décision avaient pris connaissance des preuves et plaidoiries; la règle veut qu'ils en prennent con- naissance de la façon qu'exige la loi.
Ces observations générales ne fournissent pas une solution à ce litige. Elles permettent, du moins, de rejeter certains arguments des intimés et de cerner de plus près le problème à résoudre. Con- trairement à ce qu'ont affirmé les avocats des intimés, le seul fait que le requérant ait décidé de ne pas se faire entendre par la Commission ne le prive pas du droit de se plaindre de ce que tous les commissaires qui ont signé le rapport n'aient pas entendu toute la preuve; contrairement à ce qu'ils ont aussi affirmé, le fait que les commissaires aient pu, malgré leur absence des audiences, prendre connaissance de la preuve ne s'oppose pas à ce que la demande du requérant soit accueillie puisque ce qui importe c'est de savoir si les trois commissaires ont pris connaissance de la preuve de la façon qu'exige la loi.
L'argument principal des avocats des intimés est que la maxime «he who decides must hear» ne s'applique qu'aux organismes judiciaires et quasi judiciaires qui sont chargés de rendre des décisions affectant directement les droits des parties; elle ne s'appliquerait pas à la Commission qui, suivant l'article 114, ne peut que formuler des recomman- dations'.
7 n est vrai que la Cour a déjà décidé que le rapport que la Commission a fait en l'espèce était une décision au sens de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale. Mais la Cour en est arrivée à cette conclusion pour le motif principal qu'un rapport de la Commission qui contient une des recommandations dont parle le paragraphe 114(27) n'est pas dépourvu d'effet juridi- que puisqu'il a pour effet d'habiliter le Ministre à engager, continuer ou régler des procédures au nom de la compagnie en cause. Il reste, donc, qu'un rapport fait par la Commission conformément aux paragraphes 114(25) et (27), malgré son effet juridique, n'est pas une décision qui affecte directement les droits des personnes contre qui il est fait.
Cet argument est d'importance. Dans l'abon- dante jurisprudence citée par l'avocat du requé- rant, je n'ai trouvé aucune décision l'on avait appliqué la maxime invoquée à un organisme chargé de formuler de simples recommandations. Dans toutes ces causes, il s'agissait d'organismes judiciaires ou quasi judiciaires chargés de pronon- cer des décisions affectant directement les droits des parties 8 .
Mais il ne suffit pas, pour déterminer comment la Commission devait recevoir les preuves qui lui étaient soumises, de s'arrêter à la nature de la décision qu'elle devait prononcer. Il faut aussi prendre en considération l'ensemble des disposi tions législatives qui régissent la Commission. Or, il ressort des paragraphes 114(24), (25), (26) et (29) que le législateur a voulu que la Commission recueille les preuves et renseignements devant servir à la confection de son rapport au cours d'audiences auxquelles toutes les parties intéres- sées seraient convoquées et auraient droit de se faire entendre, en personne, ou par procureur; en d'autres mots, il semble que le législateur ait atta ché tant d'importance au rapport de la Commis sion qu'il ait voulu que celle-ci tienne des audien ces et que les auteurs du rapport prennent connaissance de la preuve en assistant à ces audiences. Il me semble donc ressortir de l'article 114 que les commissaires qui signent un rapport en vertu du paragraphe 114(25) doivent être ceux qui étaient présents lors des audiences tenues confor- mément au paragraphe 114(24). Le fait que, en l'espèce, deux des trois signataires du rapport
8 Voir: Foster v. City of Halifax, [1926] l D.L.R. 125 (C.S.N.-E.); Rex v. Huntingdon Confirming Authority. Ex parte George and Stamford Hotels, Ld., [1929] l K.B. 698 (C.A.); Conseil de section du Barreau de Québec c. E. et autre, [1953] R.L. 257 (B.R. Qué.); Mehr v. Law Society of Upper Canada, [1955] R.C.S. 344; Re Ramm (1957), 7 D.L.R. (2d) 378 (C.A. Ont.); Hughes v. Seafarers' International Union of North America, Canadian District & Heinekey (1961), 31 D.L.R. (2d) 441 (C.S.C.-B.); R. v. Committee on Works of Halifax City Council, Ex p. Johnston (1962), 34 D.L.R. (2d) 45 (C.S.N.-E.); Re Rosenfeld and College of Physicians and Surgeons (1969), II D.L.R. (3d) 148 (H.C. Ont.); R. v. Broker -Dealers' Association of Ontario, Ex parte Saman Investment Corporation Ltd., [1971] I O.R. 355 (H.C.); Re Rogers: Rogers v. Prince Edward Island Land Use Commis sion (1979), 20 Nfld. & P.E.I.R. 484 (C.S.I.-P.-E.); Murray v. Rockyview No. 44 (1980), 12 Alta. L.R. (2d) 342; 21 A.R. 512 (C.A.); Hayes v. Sask. Housing Corp., [1982] 3 W.W.R. 468 (B.R. Sask.).
n'aient pas assisté à toutes les audiences suffit à vicier ce rapport de la même façon que s'il s'agis- sait d'une décision judiciaire ou quasi judiciaire.
Je ferais donc droit à la demande et je casserais le rapport attaqué.
LE JUGE RYAN: Je suis d'accord.
* * *
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE MARCEAU (dissident): Mon collègue, monsieur le juge Pratte, est d'avis que la Cour doit donner effet à cette demande d'annulation faite en vertu de l'article 28 et j'ai pu prendre connaissance des motifs qu'il faisait valoir au soutien de sa conclusion. Je le regrette, mais je n'arrive pas à me convaincre de la justesse de sa façon de voir et je n'ai d'autre choix que de m'en dissocier.
Rappelons brièvement ce dont il s'agit. Le 9 mai 1977, le ministre de la Consommation et des Cor porations demandait à la Commission intimée de procéder, sous l'autorité des dispositions de l'arti- cle 114 de la Loi sur les corporations canadiennes (S.R.C. 1970, chap. C-32 telle qu'amendée par S.R.C. 1970 (1" Supp.), chap. 10, art. 12, ci-après la Loi) à un «examen», au sens ou l'entend la Loi, des affaires de la compagnie Canadian Javelin Ltée/Javelin International Ltée. Ayant jugé à propos d'acquiescer, la Commission, comme elle est requise de le faire, chargea d'abord un inspec- teur de faire enquête et de lui soumettre un «exposé des preuves recueillies», si ces preuves paraissaient confirmer l'existence de l'un des faits soupçonnés par le Ministre et invoqués au soutien de sa demande d'examen. Sept mois plus tard, dans un «exposé des preuves» qui comprenait quel- que 292 exhibits et auquel étaient joints pas moins de 27 volumes de transcription de témoignages, l'inspecteur, confirmant les soupçons du Ministre, formulait un certain nombre d'allégations de con- duite frauduleuse à l'adresse de certaines person- nes, dont le requérant. Une fois cet «exposé des preuves» déposé et communiqué à tous les intéres- sés, comme prescrit par la Loi (paragraphe 114(23)), la Commission organisa des séances d'auditions au cours desquelles, toujours comme le veut la Loi (paragraphe 114(24)), «les preuves et les arguments à l'appui de l'exposé [furent] pré-
sentés par l'inspecteur ou en son nom» et «les personnes contre lesquelles une allégation [avait] été faite dans l'exposé» eurent «la possibilité de se faire entendre en personne ou par procureur». Trente-trois séances ou jours complets d'audition, répartis sur une période de plus d'un an, devaient s'avérer nécessaires. Le 26 septembre 1983, la Commission remettait enfin au Ministre un rap port de son examen elle réitérait les assertions de l'inspecteur, et exprimait en conséquence, comme c'est son rôle, les recommandations qui lui paraissaient appropriées.
C'est, on le sait, ce rapport que la demande attaque et cherche à faire annuler. Les conséquen- ces pratiques d'une telle annulation ne sont pas claires, mais elles sont certes très sérieuses. Sans doute, il ne s'agit pas d'un rapport qui ait pu créer quelque droit ou obligation dans le patrimoine d'individus ni avoir quelque portée sur la prise ou la poursuite de procédures criminelles; mais son dépôt serait, au terme du sous-paragraphe 114(27) de la Loi, une condition préliminaire à l'exercice des pouvoirs donnés au ministre «d'engager, de continuer ou de régler des procédures au nom de la compagnie dont les affaires et la gestion ont fait l'objet de l'examen»». Et, de toute façon, une telle annulation placera inévitablement la Commission devant un dilemme extrêmement embarrassant et fort onéreux: celui de laisser sans suite des dépen- ses et efforts considérables encourus au nom de l'intérêt public ou d'assumer les coûts additionnels requis pour reprendre les auditions et préparer un nouveau rapport. Aussi cette demande me paraît- elle, par delà la question de principe, extrêmement lourde de conséquences pratiques; et j'imagine mal qu'elle puisse être accordée autrement que sur la base d'un motif péremptoire tiré d'un état de fait clairement établi.
Le requérant et ceux qui, avec lui, étaient impli- qués par l'inspecteur ont déjà recouru à tous les moyens procéduraux imaginables pour contrer les travaux de la Commission: vingt-cinq demandes intentées dans diverses juridictions ont déjà échouées. Il se présente, aujourd'hui, avec une requête sous l'article 28, qui, au milieu de motifs
9 C'est ce que cette Cour a considéré pour attribuer au rapport le caractère d'une «décision» au sens de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale (décision du 20 janvier 1984 débou- tant les intimés de leur requête en rejet).
de contestation sur lesquels la Cour n'a même pas jugé à propos de s'arrêter—et qui, au reste, avaient été invoqués ailleurs plus d'une fois sans succès— fait valoir un moyen de dernière heure encore inédit. Le requérant soutient que deux des trois commissaires qui ont signé le rapport—qui sont, je le rappelle, le président Stoner, le commissaire MacLellan et le commissaire Roseman—n'ont pas été présents à toutes les audiences, et qu'il s'agit d'une irrégularité qui, en droit, vicie irrémédiable- ment la «décision» attaquée et la rend totalement nulle.
Les détails relatifs aux absences dont la requête fait état n'ont pas en eux-mêmes d'importance, en définitive, mais il convient de connaître sur quoi s'accroche la prétention et dans quel contexte de faits se situe l'argument que l'on tente ici de faire valoir.
Pour établir que les trois commissaires n'avaient pas assisté à toutes les séances, le requérant a d'abord produit l'affidavit de J.A. Silcoff, l'avocat de l'une des personnes impliquées, qui contenait les affirmations que voici:
[TRADUCTION] 4. Certains jours d'audience, il est arrivé que le commissaire R.S. MacLellan ou le commissaire F. Roseman s'absente de la salle d'audience durant toute la journée ou durant une partie seulement de l'audience.
5. De façon plus précise, à ma connaissance, le commissaire MacLellan s'est absenté de la salle d'audience, notamment, le 24 janvier 1983 durant toute la journée, le 30 mars 1983 durant une brève période au cours de la matinée et, le 5 avril 1983, durant une brève période au cours de l'après-midi.
6. De plus, à ma connaissance, le commissaire Roseman a été absent de la salle d'audience le 15 décembre 1982 durant toute la journée.
Puis, plus tard, il pensa ajouter l'affidavit de 1. L. Golomb, un avocat américain qui avait été appelé à témoigner, lequel deuxième affidavit disait ceci:
[TRADUCTION] 3. J'ai assisté à l'audience du 21 juillet 1982 à Ottawa et j'y ai témoigné. J'ai donc une connaissance person- nelle des faits énoncés ci-après.
4. De mémoire, le commissaire Roseman a posé plusieurs questions dans la matinée et s'est ensuite retiré. Il n'est pas revenu dans la matinée, ni dans l'après-midi et je ne l'ai pas revu bien que je sois resté à la barre des témoins jusqu'à l'ajournement ce jour-là.
Il faut dire tout de suite, relativement à ces deux affidavits, que la séance du 15 décembre dont fait état l'affidavit Silcoff au sujet du commissaire Roseman n'était pas une séance d'audition mais
une simple rencontre avec procureurs pour régler un certain nombre de questions d'administration et de procédure. Il faut dire aussi que le contre-inter- rogatoire auquel l'avocat Golomb a été soumis a fait ressortir la fragilité de sa mémoire et que son affirmation quant à l'absence du commissaire Roseman le 21 juillet semblait clairement contre- dite par ce que révélait la transcription des notes d'audience des sténographes officiels pour ce jour-là.
Et, à part ces deux affidavits, le requérant référa à des extraits de transcription d'audience faisant valoir ce qui suit (paragraphe 29 de son mémoire):
29. Tel qu'il appert des extraits des transcriptions, les sténogra- phes indiquaient, en première page des transcriptions de chaque journée d'audience, quels commissaires étaient présents à l'ou- verture de chaque audience. Il ressort de ces extraits que le commissaire Roseman était absent, au début de l'audience du 15 décembre 1982 (vol. 16) et que le commissaire MacLellan était absent, au début des audiences des 24, 25 et 26 janvier 1983 (vol. 17, 18 et 19) et des audiences des 28 et 29 mars 1984 (vol. 24 et 25);
se trouve toute la preuve au dossier établis- sant les absences de l'un ou de l'autre des commis- saires aux quelque trente-trois jours pleins que requéra l'audition devant la Commission. La nature exceptionnelle de cette demande quant à ce qu'elle met en jeu ne permet pas, je le soumets avec respect, qu'on puisse se fier à des suppositions ou des présomptions quant aux faits sur lesquels elle prétend se fonder, et je considère que les seules absences clairement établies, sur lesquelles le requérant peut faire valoir sa prétention de droit, sont celles du commissaire MacLellan telles qu'at- testées par l'affidavit Silcoff, soit: le 24 janvier pour la journée, le 30 mars pour une «brève période» («brief period») durant la séance du matin et le 5 avril, pour une «brève période» encore durant la séance de l'après-midi. Je n'oublie pas les indications aux transcriptions à l'effet que le com- missaire MacLellan n'était pas présent à l'ouver- ture des séances des 25 et 26 janvier ainsi que de celles des 28 et 29 mars, mais je les interprète comme indiquant de simples retards sans impor tance, car s'il en était autrement l'affidavit Silcoff en aurait sans doute vite fait mention. Voilà donc le contexte factuel dans lequel doit s'apprécier l'argument que le requérant fait valoir en droit.
La position du requérant sur le plan du droit est que la Commission avait l'obligation de respecter ce qu'il appelle «son droit d'être jugé par des membres d'un tribunal qui ont été présents tout au long des audiences». Elle avait cette obligation, d'après lui, par application de la règle jurispruden- tielle «nul ne peut juger sans avoir entendu la cause», «he who decides must hear», et le moindre défaut de sa part de respecter intégralement cette obligation, dit-il, défaut qui peut être invoqué au titre de déni de justice ou d'excès de compétence, emporte nullité de ses procédés et partant nullité de la «décision» attaquée.
Ce moyen de droit du requérant, mon collègue, monsieur le juge Pratte, croit devoir le retenir. Il rejette l'idée avancée par les intimés à l'effet que l'application de la règle invoquée serait rattachée à la question de savoir si le quorum de deux commis- saires, requis pour que la Commission puisse agir légalement, a été respecté. Il n'admet pas non plus que le fait que le requérant ait décidé de ne pas se faire entendre par la Commission puisse affecter sa position car, à son avis, la règle invoquée ne serait pas une simple application de la maxime audi alteram partem, mais elle se rapporterait véritablement à la compétence du juge. Il concède qu'il ne semble exister dans la jurisprudence aucun cas cette règle «he who decides must hear» aurait été appliquée à un organisme, comme la Commission, chargé de formuler de simples recommandations. Mais il se dit d'avis qu'il s'agit d'une règle fondée sur la volonté présumée du législateur et il lui semble, à la lecture des para- graphes 114(24), (25), (26) et (29), que le législa- teur ici a attaché tant d'importance au rapport de la Commission qu'il doit avoir voulu que seuls les commissaires présents à toutes et chacune des audiences puissent le signer.
Ma réaction devant les prétentions de droit du requérant est toute autre. D'abord, je ne parviens pas à déceler dans la Loi une intention présumée du législateur d'imposer le respect de la règle invoquée. On y voit bien que le Parlement, sensible aux répercussions que les dires de la Commission pourraient avoir sur la réputation d'individus, même si leur objet ne devait être que d'exprimer des opinions et formuler des recommandations, n'a pas voulu qu'un rapport d'«examen» soit préparé et soumis sans que tous les intéressés aient eu l'op-
portunité de s'exprimer. On y voit bien aussi que le Parlement, tenant compte de ce qu'une opportu- nité de s'exprimer peut être plus ou moins élabo- rée, a tenu à prévoir expressément que les intéres- sés devraient avoir la possibilité de comparaître personnellement ou par procureur et la pleine liberté de soumettre des preuves. Mais on ne sau- rait, il me semble, faire dire à la Loi plus que cela et voir à travers ses dispositions une intention présumée quelconque. Bien plus, si on ne regarde que les textes, on est conduit, je le suggère, à une conclusion inverse de celle qui conduirait à l'appli- cation de la règle invoquée. Relisons les textes en cause:
114....
(23) A tout stade d'un examen
a) l'inspecteur peut, s'il est d'avis que les preuves recueillies révèlent un fait allégué comme l'indique le paragraphe (2), ou
b) l'inspecteur doit, si le Ministre l'exige,
préparer un exposé des preuves recueillies au cours de l'examen, qui doit être soumis à la Commission et à chaque personne contre laquelle une allégation y est faite.
(24) Au reçu de l'exposé, la Commission doit fixer les temps et lieu les preuves et les arguments à l'appui de l'exposé peuvent être présentés par l'inspecteur ou en son nom et les personnes contre lesquelles une allégation a été faite dans l'exposé doivent avoir la possibilité de se faire entendre en personne ou par procureur.
(25) La Commission examinera l'exposé soumis par l'inspec- teur en vertu du paragraphe (23) ainsi que les autres preuves ou pièces présentées à la Commission et elle devra aussitôt que possible en faire rapport au Ministre.
Il n'est question dans ces textes, on l'a noté une fois de plus, que de la Commission, non de mem- bres. C'est la Commission qui reçoit le rapport de l'inspecteur, c'est la Commission qui tient les audiences, et c'est la Commission qui fait rapport après avoir examiné «l'exposé des preuves» et les autres preuves ou pièces qui lui ont été présentées au cours des séances d'audition. Partout c'est la Commission qui agit et la Commission a unique- ment besoin de deux membres pour agir.
Il ne me paraît donc pas possible, je le dis avec pleins égards pour ceux qui sont d'avis contraire, que cette obligation stricte et rigide qu'invoque le requérant au soutien de sa thèse—l'obligation, je le répète, d'éviter qu'un commissaire qui s'absente- rait le moindrement des audiences tenues par elle en vue de la préparation d'un rapport sous l'article 114 participe à la préparation de ce rapport—
puisse être vue comme ayant sa source dans la Loi. Il ne me paraît pas possible non plus de lier de quelque façon l'existence d'une telle obligation à la tradition juridique touchant les exigences de l'ad- ministration de la justice quoi se rattache d'abord, je pense, cette maxime proprement de droit anglais à laquelle il est fait appel «he who decides must hear», du moins dans le sens la jurisprudence l'applique), car la Commission n'est pas un tribunal judiciaire, elle n'a aucun rôle d'adjudication, aucun pouvoir de détermination des droits d'individus.
Il ne reste, je le soumets, qu'une seule autre source possible. Si l'obligation qu'invoque le requé- rant existe, ce ne peut être que parce qu'elle est la contrepartie du droit que la Loi donne à tout intéressé de se faire entendre devant la Commis sion. Et seulement réaliser qu'il en est ainsi est, à mon sens, décisif. Il s'agirait alors, en effet, de l'obligation de fournir à l'intéressé l'opportunité de comparaître et de se faire entendre oralement, pendant toute la durée de chacune des 33 séances, par les mêmes deux membres de la Commission formant quorum, et cette obligation aurait été remplie puisque la preuve, comme je le faisais valoir plus haut, ne permet de contester l'assiduité absolue que d'un seul des trois signataires du rapport. Au surplus, en refusant de comparaître, même par procureur, à la grande majorité des audiences, le requérant aurait évidemment renoncé à son droit de se faire entendre et ne pourrait pas se plaindre qu'on ne l'ait pas respecté. Mais de toute façon, je ne crois pas qu'une obligation aussi stricte et rigoureuse que celle invoquée par le requérant puisse être vue comme une simple con- trepartie du droit donné ici aux intéressés de se faire entendre. Pourrait-on soutenir sérieusement qu'en permettant qu'un commissaire sur les trois chargés de l'examen s'absente pour un temps rela- tivement aussi minime, alors que tout ce qui se passe pendant son absence est enregistré et lui est fidèlement rapporté, la Commission transgresse le droit accordé par la Loi aux intéressés de compa- raître devant elle pour lui soumettre leurs preuves et faire valoir leur point de vue.
Cette demande ne me paraît pas avoir de mérite et je la rejetterais.
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