Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A-4-86
Serge Baril et Association des travailleurs du pétrole, section Raffinerie Gulf—Montréal-Est (requérants)
c.
Ministre de l'Expansion industrielle régionale (intimé)
et
Ultramar Canada Inc. et Gulf Canada Ltée (mises-en-cause)
Cour d'appel, juges Pratte, Hugessen et Lacom- be—Montréal, 23 janvier 1986.
Contrôle judiciaire Demandes d'examen Examen de l'investissement étranger L'«avis» que doit se former le Ministre en vertu des art. 21, 22 et 23 de la Loi sur Investisse- ment Canada n'est pas une décision soumise au contrôle judiciaire prévu à l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale Il n'est pas nécessaire que le Ministre se forme un avis dans tous les cas une demande d'examen lui est soumise Le défaut d'agir ne constitue pas une «décision» ou une «ordonnance» La Loi ne parle nulle part d'une «décision ou ordonnance» La décision du Ministre est-elle soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire? Application des critères énoncés par la Cour suprême dans l'affaire Coopers and Lybrand La Loi n'envisage pas la tenue d'une audition avant qu'une décision soit prise Le droit limité du requérant de présenter des observations ne comprend pas le droit de prendre communication des observations des autres parties Le caractère confidentiel édicté à l'art. 36(1) est incompatible avec tout processus judiciaire ou quasi judiciaire Les requérants n'ont droit à aucun préavis de la demande d'exa- men Le Ministre n'a aucune obligation d'appliquer des règles de fond Le Ministre applique une politique sociale et économique en décidant si l'investissement est «à l'avantage net du Canada» Demande rejetée Loi sur Investissement Canada, S.C. 1985, chap. 20, art. 20, 21, 22, 23, 36(1) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.). chap. 10, art. 28.
Examen de l'investissement étranger La Loi oblige le Ministre à décider si l'investissement sera «à l'avantage net du Canada» L'«avis» que doit se former le Ministre en vertu des art. 21, 22 et 23 n'est pas une décision soumise au contrôle judiciaire Loi sur Investissement Canada, S.C. 1985, chap. 20, art. 20, 21, 22, 23, 36(1).
JURISPRUDENCE
DÉCISION EXAMINÉE:
Ministre du Revenu national c. Coopers and Lybrand, [1979] 1 R.C.S. 495.
AVOCATS:
J. Robb, c.r. et J. Ouellet pour les requérants.
J.-M. Aubry pour le procureur général du Canada.
J. Chamberland pour la mise-en-cause Ultra - mar Canada Inc.
S. Lussier pour la mise-en-cause Gulf Canada Ltée.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Montréal, pour les requé- rants.
Le sous-procureur général du Canada pour le procureur général du Canada.
Lavery, O'Brien, Montréal, pour la mise-en- cause Ultramar Canada Inc.
Desjardins, Ducharme, Desjardins & Bour- que, Montréal, pour la mise-en-cause Gulf Canada Ltée.
Voici les motifs du jugement de la Cour pro- noncés en français par
LE JUGE HUGESSEN: Nous sommes tous d'opi- nion que l'savis» que doit se former le Ministre en vertu des articles 21, 22 et 23' de la Loi sur Investissement Canada, S.C. 1985, chap. 20, n'est pas une décision que cette Cour a le pouvoir de réviser en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10].
21. (1) Sous réserve des articles 22 et 23, dans les quarante- cinq jours suivant la date de réception visée au paragraphe 18(1), le ministre envoie au demandeur un avis l'informant qu'après avoir pris en considération les renseignements, engage ments et observations qui lui ont été remis par l'agence en conformité avec l'article 19 et qu'à la lumière des facteurs énumérés à l'article 20 qui s'appliquent, il est d'avis que l'investissement sera vraisemblablement à l'avantage net du Canada.
(2) Sous réserve des articles 22 et 23, si le ministre n'envoie pas l'avis dans le délai visé au paragraphe (1), il est réputé être d'avis que l'investissement sera vraisemblablement à l'avantage net du Canada; il envoie au demandeur un avis à cet effet.
22. (1) Si le ministre ne peut terminer l'examen de l'investis- sement dans le délai mentionné au paragraphe 21(1), il doit, à l'intérieur de ce même délai, faire parvenir un avis à cet effet au demandeur; le ministre dispose alors de trente jours, ou de tout délai supplémentaire sur lequel le demandeur et lui-même s'entendent, à partir de la date de ce dernier avis, pour terminer l'examen.
(2) Si dans le délai de trente jours ou le délai supplémentaire visés au paragraphe (1), le ministre est d'avis que l'investisse-
(Suite à la page suivante)
Nous notons d'abord qu'il n'est même pas néces- saire que le Ministre se forme un avis dans tous les cas une demande d'examen lui est soumise. En effet, dans les circonstances prévues aux paragra- phes 21(2) et 22(3), le Ministre est réputé s'être formé l'avis en question s'il ne fait rien. Il serait difficile de qualifier de «décision» ou d'«ordon- nance» un simple défaut d'agir. D'ailleurs la Loi ne parle nulle part d'une «décision ou ordonnance» du Ministre.
Ensuite, pour décider si la Loi imposait au Ministre un processus judiciaire ou quasi judi- ciaire, nous avons appliqué les critères énoncés par l'honorable juge Dickson, tel qu'il était alors, dans l'affaire de Ministre du Revenu national c. Coo pers and Lybrand, [1979] 1 R.C.S. 495, la page 504 2 .
(Suite de la page précédente)
ment sera vraisemblablement à l'avantage net du Canada, il en avise le demandeur à l'intérieur du même délai.
(3) Sous réserve de l'article 23, si le ministre n'envoie pas l'avis mentionné au paragraphe (2) à l'intérieur du délai visé à ce paragraphe, il est réputé être d'avis que l'investissement sera vraisemblablement à l'avantage net du Canada; il envoie au demandeur un avis à cet effet.
23. (1) Si dans les quarante-cinq jours visés au paragraphe 21(1) ou à l'intérieur de toute prolongation visée au paragraphe 22(1), le ministre n'est pas d'avis que l'investissement sera vraisemblablement à l'avantage net du Canada, il en avise le demandeur; cet avis informe le demandeur de son droit de présenter des observations au ministre et de prendre des enga gements dans les trente jours suivant la date de cet avis ou à l'intérieur de tout délai supplémentaire sur lequel le ministre et lui-même s'entendent.
(2) Le demandeur qui, après avoir reçu l'avis mentionné au paragraphe (1), fait part au ministre de son intention de lui présenter des observations ou de prendre des engagements se voit accorder la possibilité, à l'intérieur du délai visé au para- graphe (1), de les lui présenter en personne ou par l'intermé- diaire d'un représentant et de prendre des engagements envers Sa Majesté du chef du Canada, selon qu'il le juge à propos.
(3) À l'expiration du délai mentionné au paragraphe (1) pour présenter des observations ou prendre des engagements, le ministre, après avoir pris en considération les observations et les engagements ainsi que les éléments qu'il doit étudier en confor- mité avec le paragraphe 21(1), envoie immédiatement un avis au demandeur:
a) soit l'informant qu'il est d'avis que l'investissement sera vraisemblablement à l'avantage net du Canada;
b) soit confirmant qu'il n'est pas d'avis que l'investissement sera vraisemblablement à l'avantage net du Canada.
2 J'estime qu'il est possible de formuler plusieurs critères pour déterminer si une décision ou ordonnance est légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire. Il ne s'agit pas d'une liste exhaustive.
(Suite à la page suivante)
1. La Loi ne prévoit pas la tenue d'une audience avant que le Ministre n'agisse. Il est vrai que, dans les circonstances prévues au paragraphe 23(1), le demandeur a un droit limité de présenter des observations au Ministre; ce droit, toutefois, ne comprend pas le droit de prendre communication des renseignements et des observations que d'au- tres personnes ont pu faire au Ministre. La confi- dentialité édictée au paragraphe 36(1) 3 de la Loi est d'ailleurs totalement incompatible avec tout processus judiciaire ou quasi judiciaire.
2. Bien que la «décision» du Ministre puisse porter atteinte, d'une manière directe ou indirecte, aux droits et obligations de plusieurs personnes, nous notons que certaines de ces personnes, tels, par exemple, les requérants dans le présent dossier, n'ont droit à aucun préavis de la demande; celle-ci peut donc être reçue et approuvée par le Ministre à leur insu.
3. Il ne s'agit nullement d'une procédure contradictoire.
4. Même si le Ministre doit tenir compte des «facteurs» mentionnés à l'article 20 4 , il n'a aucune obligation d'appliquer des règles de fond; au con- traire, il applique une politique sociale et économi- que en décidant si l'investissement proposé «sera vraisemblablement à l'avantage net du Canada».
(Suite de la page précédente)
(1) Les termes utilisés pour conférer la fonction ou le con- texte général dans lequel cette fonction est exercée donnent-ils à entendre que l'on envisage la tenue d'une audience avant qu'une décision soit prise?
(2) La décision ou l'ordonnance porte-t-elle directement ou indirectement atteinte aux droits et obligations de quelqu'un?
(3) S'agit-il d'une procédure contradictoire?
(4) S'agit-il d'une obligation d'appliquer les règles de fond à plusieurs cas individuels plutôt que, par exemple, de l'obligation d'appliquer une politique sociale et économique au sens large?
3. 36. (1) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les rensei- gnements obtenus à l'égard d'un Canadien, d'un non-Canadien ou d'une entreprise par le ministre ou un fonctionnaire ou employé de Sa Majesté dans le cadre de l'application de la présente loi sont confidentiels; il est interdit de les communi- quer sciemment, de permettre qu'ils le soient ou de permettre à qui que ce soit d'en prendre connaissance ou d'y avoir accès.
4 20. Pour l'application de l'article 21, il est tenu compte de ceux des facteurs suivants qui s'appliquent:
a) l'effet de l'investissement sur le niveau et la nature de l'activité économique au Canada, notamment sur l'emploi, la transformation des ressources, l'utilisation de pièces et d'élé-
(Suite à la page suivante)
Nous en concluons que l'avis du Ministre n'est pas une «décision ... légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire» au sens de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale.
Il sera par conséquent mis fin à la demande faite en vertu de l'article 28 au motif qu'elle ne relève pas de la compétence de la Cour.
(Suite de la page précédente)
ments produits et de services rendus au Canada et sur les exportations canadiennes;
b) l'étendue et l'importance de la participation de Canadiens dans l'entreprise canadienne ou la nouvelle entreprise cana- dienne en question et dans le secteur industriel canadien dont cette entreprise ou cette nouvelle entreprise fait ou ferait partie;
c) l'effet de l'investissement sur la productivité, le rendement industriel, le progrès technologique, la création de produits nouveaux et la diversité des produits au Canada;
d) l'effet de l'investissement sur la concurrence dans un ou plusieurs secteurs industriels au Canada;
e) la compatibilité de l'investissement avec les politiques nationales en matière industrielle, économique et culturelle, compte tenu des objectifs de politique industrielle, économi- que et culturelle qu'ont énoncés le gouvernement ou la législature d'une province sur laquelle l'investissement aura vraisemblablement des répercussions appréciables;
J) la contribution de l'investissement à la compétivité cana- dienne sur les marchés mondiaux.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.