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T-648-83
La Reine (demanderesse)
c.
Henry E. Hoffman (défendeur)
Division de première instance, juge Rouleau— Toronto, 18 avril; Ottawa, 15 octobre 1985.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Revenu d'emploi
Cotisations d'un employé au régime de sécurité sociale américain Le contribuable est citoyen américain; il réside au Canada et il a été engagé par une filiale canadienne d'une société américaine Des sommes ont été retenues en vertu d'un accord entre le gouvernement américain et la société mère Le contribuable a consenti à la procédure La jurispru dence n'étaie pas l'idée que le revenu doit se trouver réellement en la possession de l'employé avant qu'on ne puisse l'imposer
Il suffit que la somme soit versée pour l'avantage éventuel de l'employé Application des critères établis dans Murphy (GA) c La Reine, [19801 CTC 386 (C.F. 1'° inst.) Le silence du défendeur vaut consentement bien qu'il n'ait pas été partie au contrat Il ressort de la jurisprudence que les cotisations faites par un employeur à même la rémunération d'un employé constituent un avantage imposable Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 5(1), 56(2) Social Security Act, 42 U.S.C. § 301 (1976).
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Déductions Cotisations d'un employé au régime de sécurité sociale améri- cain Le contribuable était à l'emploi d'une filiale cana- dienne d'une société américaine Les cotisations au régime de sécurité sociale américain constituent une somme qui peut être utilisée soit comme déduction, soit comme dégrèvement pour impôt étranger, lequel dégrèvement doit être imputé au revenu provenant d'une source située aux États-Unis Les cotisations à un régime de sécurité sociale étranger ne figurent pas parmi les déductions énumérées à l'art. 8(1) Les cotisations, prévues à l'art. 8(1)m), à une caisse ou un régime enregistré de pensions ne s'appliquent pas, puisque les verse- ments à titre de sécurité sociale ne constituent pas des cotisa- tions à une »caisse ou un régime enregistré de pensions» Les cotisations à un régime de sécurité étranger ne sont pas déductibles en vertu de l'art. 8(1)1), qui permet de déduire les cotisations au Régime de pensions du Canada ou à un régime de pension provincial, puisqu'elles n'y sont pas expressément incluses par le législateur Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 8(1)l),m),(2), 20(12) (mod. par S.C. 1977-78, chap. 32, art. 5), 126(7)c) (mod. par S.C. 1974- 75-76, chap. 26, art. 83; 1977-78, chap. 32, art. 33; 1980-81- 82-83, chap. 140, art. 88), 146(5) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 4, art. 56), (5.2) (mod., idem), 248(1) Social Security Act, 42 U.S.C. § 301 (1976).
Le défendeur est citoyen américain; il réside au Canada et il a été engagé par une filiale canadienne d'une société améri- caine. En vertu d'un accord avec le Service du revenu interne des États-Unis, l'employeur a retenu les cotisations de l'em- ployé à la sécurité sociale. Le défendeur n'a ni donné l'instruc- tion de verser les sommes retenues ni consenti à ces versements, mais il les a déduites de ses gains. Le Ministre a rejeté les déductions. La Commission de révision de l'impôt a décidé que
les sommes retenues ne faisaient nullement partie du revenu du défendeur. Au début, le défendeur n'était pas au courant de l'accord entre son employeur et le gouvernement américain. Peu de temps après son arrivée au Canada, il s'est renseigné auprès du siège social sur les déductions à titre de cotisation à la sécurité sociale aux États-Unis. Il a consenti à cette procé- dure, puisque le prélèvement a continué pendant ses années de travail au Canada. Le défendeur soutient que les déductions n'étaient pas imposables comme revenu, parce qu'il ne les a jamais reçues au sens du paragraphe 5(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il soutient en outre que ses cotisations devraient, en vertu de l'article 8, être déductibles à titre de cotisation à un régime de pension approuvé.
Jugement: L'action de la demanderesse devrait être accueil- lie, et la décision de la Commission de révision de l'impôt annulée.
S'il est exact de dire que le revenu doit se trouver réellement en la possession de l'employé avant qu'on ne puisse l'imposer, les cotisations d'un employé aux régimes de pension fédéral et provincial déduites à la source ne constituent pas alors un revenu. La jurisprudence n'étaye pas cette idée. D'après la Commission de révision de l'impôt, il est suffisant de dire que le montant du salaire a été payé soit à l'employé ou à son bénéfice, ou encore qu'il a été versé à une tierce personne en vertu d'une loi fédérale ou provinciale. En l'espèce, les déduc- tions finiraient par profiter au défendeur.
L'affaire Murphy (GA) c La Reine, [1980] CTC 386 (C.F. 1f 0 inst.), établit quatre critères qui doivent être remplis pour qu'un contribuable soit assujetti à l'impôt sous le régime du paragraphe 56(2). Voici les deux critères qui nous intéressent: les versements sont-ils effectués suivant les instructions ou avec l'accord du contribuable, et profitent-ils à celui-ci. Il ressort de la politique ministérielle et de la jurisprudence que le silence gardé par le défendeur au cours de plusiers années à l'égard de l'engagement contractuel entre la société mère américaine et le gouvernement américain valait consentement, bien que le défendeur n'ait pas été partie au contrat. Selon un bulletin d'interprétation, l'instruction et l'accord du contribuable peu- vent être implicites. L'absence d'un lien de droit n'est pas le seul critère qu'on peut évaluer pour déterminer s'il y a accord. Est également pertinente la question de savoir si le comporte- ment subséquent—l'absence de contestation—constitue une acceptation tacite de l'engagement contractuel. Selon la juris prudence, les contributions faites par un employeur à même la rémunération d'un employé constituent un avantage imposable de l'employé. La jurisprudence citée n'examine pas la question de savoir si la cotisation d'un employé à un régime de pension retenue par son employeur à même sa rémunération constitue un avantage imposable entre les mains de l'employé.
Le défendeur soutient que les cotisations en question consti tuent un revenu ne provenant pas d'une entreprise au sens de l'alinéa 126(7)c), et que c'est à juste titre qu'elles ont été déduites en vertu du paragraphe 20(12). Il découle de la politique administrative et de la jurisprudence que les cotisa- tions au régime de sécurité sociale américain constituent une somme qui peut être utilisée soit comme déduction du revenu soit comme dégrèvement pour impôt étranger, ou considérée comme un revenu ne provenant pas d'une entreprise au sens de l'alinéa 126(7)c) et du paragraphe 20(12). Toutefois, la déduc- tion ou le dégrèvement d'impôt doit être imputé au revenu provenant de sources situées aux Etats-Unis.
Le défendeur fait valoir que, en dépit du paragraphe 8(2), les versements au régime de sécurité sociale américain constituent une déduction permise au sens du paragraphe 8(1). La Loi de l'impôt sur le revenu doit être strictement appliquée. Seules les déductions explicitement prévues peuvent être accordées. Les cotisations à un régime de sécurité sociale étranger ne figurant pas parmi les déductions énumérées au paragraphe 8(1), elles ne devraient donc pas être admises comme déduction à imputer au revenu du défendeur.
En vertu de l'alinéa 8(1)m), un contribuable peut déduire les sommes qu'il a versées à une caisse ou à un régime enregistré de pensions, qui s'entend d'une caisse admise à l'enregistrement par le Ministre. Le Ministre ne considère pas les sommes versées par un employé au titre de la sécurité sociale comme une dépense déductible au sens de l'alinéa 8(1)m). Les cotisa- tions du défendeur à la sécurité sociale ne sont pas des cotisa- tions à une «caisse ou un régime enregistré de pensions», et ne sont pas déductibles au sens de l'alinéa 8(1)m).
En vertu du paragraphe 146(5), un contribuable peut déduire de son revenu les primes qu'il a versées à un régime enregistré d'épargne-retraite. Il est prévu au paragraphe 146(5.2) que l'expression «caisse ou régime de pension» ne comprend pas le Régime de pensions du Canada, un régime provincial ou tout autre régime semblable d'un pays étranger. Il est allégué que, puisque le paragraphe 146(5.2) assimile les régimes semblables d'un pays étranger au Régime de pensions du Canada ou à un régime provincial de pensions, les cotisations versées à ce régime étant déductibles en vertu de l'alinéa 8(1)1), il s'ensuit que les cotisations versées à un régime de sécurité sociale étranger sont, de la même façon, déductibles sous le régime de l'alinéa 8(1)1). Si le législateur avait voulu inclure, à titre de déduction du revenu tiré d'un emploi, les cotisations à un «régime semblable d'un pays étranger», il l'aurait fait. Le fait que le législateur a expressément choisi d'inclure ce membre de phrase en ce qui concerne une disposition portant sur la déter- mination des limites maximales permises de la possibilité de déduire les cotisations sous forme de primes, et qu'il ne l'a pas expressément fait pour ce qui est de l'alinéa 8(1)1), révèle que les cotisations versées sous le régime de la sécurité sociale ne sont pas des déductions permises au sens de l'alinéa 8(1)1).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Lucien Gingras c. M.R.N., décision en date du 26 mars 1973, Commission de révision de l'impôt, non publiée; Murphy (GA) c La Reine, [1980] CTC 386 (C.F. l' » inst.); Hartland v. Diggines, [1926] A.C. 289 (H.L.); Minister of National Revenue v. Bronfman, Allan, [1966] R.C.E. 172; [1965] C.T.C. 378; Fluet (J-P) v MNR, [1982] CTC 2319 (C.R.I.); Ledwidge v. M.N.R. (1971), 71 DTC 188 (C.A.I.); Stelfox (MJ) c MRN, [1985] 1 CTC 2065 (C.C.I.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Cliffe, R.R. v. M.N.R. (1957), 57 DTC 305 (C.A.I.); Minister of National Revenue v. Rousseau, Claude, [1961] R.C.E. 45; [1960] C.T.C. 336; La Reine c. Chrapko, G.R. (1984), 84 DTC 6544 (C.F. l'» inst.);
Pazuk v. M.N.R. (1955), 13 Tax A.B.C. 264; Norris, H.B. v. M.N.R. (1957), 17 Tax A.B.C. 257.
DÉCISION EXAMINÉE:
Seley v. M.N.R. (1962), 62 DTC 565 (C.A.I.).
DÉCISIONS CITÉES:
Bruce v. Hatton (1921), 38 T.L.R. 323 (K.B.); Morin, J.-P. c. La Reine (1974), 75 DTC 5061 (C.F. 1" inst.); Salter v. Minister of National Revenue, [1947] C.T.C. 29 (C. de 1'É.).
AVOCATS:
H. Erlichman pour la demanderesse.
William I. Innes et Kevin C. Wark pour le
défendeur.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.
Stikeman, Elliott, Toronto, pour le défen- deur.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE ROULEAU: La demanderesse intente la présente action contre le défendeur par voie de procès de novo. La Commission de révision de l'impôt a annulé les nouvelles cotisations du Minis- tre concernant le défendeur pour les années d'im- position 1978 et 1979. Le litige porte sur les montants déduits à la source du salaire du défen- deur et versés au régime de sécurité sociale américain.
Le défendeur est citoyen américain et réside au Canada. Ayant d'abord été engagé par Firestone Tire and Rubber Company, il a travaillé aux États-Unis jusqu'au 1 ° " août 1967, date à laquelle Firestone l'a transféré à une de ses filiales cana- diennes, Firestone Textiles Company.
En mars 1955, avant l'engagement du défen- deur, Firestone Tire and Rubber Company avait conclu avec le Service du revenu interne des Etats- Unis un accord prévoyant des contributions obliga- toires de la part de tous les employés de la société sous le régime de la Social Security Act [42 U.S.C. § 301 (1976)]. Cet accord s'appliquait également aux employés qui, tout en demeurant
citoyens américains et non résidents, travaillaient dans des filiales étrangères. En vertu de cet accord, la société a, au cours des années d'imposition 1978 et 1979, retenu les sommes de 1 209,63 $ et de 1 645,10 $ du salaire du contribuable et les a envoyées au gouvernement américain. Certes, le contribuable n'a ni donné l'instruction de verser les sommes retenues ni consenti à ces versements; mais il les a déduites de ses gains pour les années 1978 et 1979.
Par avis de nouvelle cotisation en date de mars 1984, la demanderesse a établi une nouvelle cotisa- tion pour les années d'imposition 1978 et 1979 du défendeur, rejetant les déductions des sommes retenues. En 1982, la Commission de révision de l'impôt a accueilli l'appel formé par le défendeur et a jugé que les sommes retenues ne faisaient nullement partie du revenu qu'il avait tiré de son emploi pendant les années d'imposition 1978 et 1979.
Il ressort de la preuve que, au début, le défen- deur n'était pas au courant de l'accord entre son employeur et le gouvernement américain. Peu de temps après son arrivée au Canada en 1967, il s'est renseigné auprès du siège social sur la déduction des sommes à titre de cotisation à la sécurité sociale aux États-Unis. Il a indubitablement con- senti à cette procédure, puisque le prélèvement a continué pendant ses années de travail au Canada. Le siège social de Firestone a, le 7 septembre 1982, envoyé à M. Hoffman une lettre confirmant que cet accord avait été signé en 1955, et que, en tant que citoyen américain travaillant pour une filiale étrangère d'un employeur américain, il était visé par l'accord et n'avait d'autre choix que de verser ses contributions.
Le défendeur soutient qu'il n'est pas imposable à l'égard des sommes retenues, au titre de revenu, pour les années en question, parce qu'il ne les a jamais reçues. Il fait valoir que tel est le sens du paragraphe 5(1) de la Loi [Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148 (mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 1)], que le revenu doit être reçu avant qu'on ne puisse l'imposer, que les sommes ont été retenues sans ses instructions ni son consentement, que l'article 8 de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit les sommes qu'un contribuable peut déduire avant de calculer son
revenu net et que sa cotisation doit être considérée comme appartenant à la même catégorie qu'un régime de pension approuvé.
Il convient de souligner que c'est Firestone Canada Inc., une société canadienne, qui payait le défendeur, et que l'argent déduit était alors envoyé aux États-Unis pour être versé à la sécurité sociale.
Le litige:
A) Les cotisations déduites par l'employeur du défendeur en vertu d'un accord entre la société mère de l'employeur du défendeur et le gouverne- ment américain constituent-elles un revenu reçu au sens du paragraphe 5(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu?
B) Ces sommes, si elles constituent un revenu reçu par le défendeur, ont-elles, dans le calcul du revenu du contribuable pour une année d'imposi- tion, le caractère d'une dépense déductible au sens des paragraphes 8(1) et 8(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu?
Question A
Réception d'un revenu au sens du paragraphe 5(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu
Le défendeur s'appuie sur les décisions Cliffe, R.R. v. M.N.R. (1957), 57 DTC 305 (C.A.I.); Minister of National Revenue v. Rousseau, Claude, [1961] R.C.É. 45; [1960] C.T.C. 336 et La Reine c. Chrapko, G.R. (1984), 84 DTC 6544 (C.F. ire inst.), pour soutenir que l'argent qui n'est pas réellement «reçu» ne constitue pas un revenu «reçu» au sens du paragraphe 5(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (L.I.R.).
Dans les affaires Cliffe et Rousseau susmen- tionnées, la question à trancher était non pas de savoir si certaines sommes précises devaient se trouver réellement en la possession du contribuable pour pouvoir être considérées comme un revenu «reçu», mais de savoir si le mot «reçu» au sens du paragraphe 5(1) de la L.I.R. comprend les mots «reçu» et «recevable».
Dans l'affaire Chrapko susmentionnée, il fallait, pour trancher la question de savoir si le salaire hebdomadaire reçu par un caissier de pari mutuel constituait un revenu entre les mains du contribua-
ble, déterminer dans quelle mesure celui-ci s'était conformé à une condition suspensive établie par contrat: le contrat d'engagement prévoyait que les paiements en trop sur les billets gagnants devaient être déduits du salaire hebdomadaire de l'employé. Il existait une condition exécutoire; les déficits hebdomadaires du caissier devaient être déduits de son salaire hebdomadaire. Il fallait déterminer si l'argent reçu par le caissier, avant la déduction du déficit, constituait son revenu hebdomadaire. La Commission de révision de l'impôt et la Cour fédérale ont expressément refusé d'appliquer le paragraphe 56(2) de la L.I.R. et ont jugé que les déficits de caisse déduits du salaire du caissier ne lui appartenaient même pas.
En l'espèce, le défendeur ne conteste pas la propriété des sommes versées au gouvernement américain au cours des années d'imposition 1978 et 1979. Il ne peut pas non plus soutenir qu'il ne finira pas par en tirer profit. Il prétend qu'il n'a pas reçu les sommes défalquées de son salaire.
S'il est exact de dire que le revenu doit se trouver réellement en la possession de l'employé avant qu'on ne puisse l'imposer, je devrais alors conclure que les cotisations d'un employé aux régi- mes de pension fédéral et provincial déduites à la source par l'employeur ne constituent pas un revenu entre les mains de l'employé. Or, la juris prudence n'étaie pas cette idée.
Dans l'affaire Lucien Gingras c. M.R.N. [déci- sion non publiée en date du 26 mars 1973], la Commission de révision de l'impôt a fait cette remarque (aux pages 4 et 5):
L'expression «touché» ne veut pas nécessairement dire que tout le montant du salaire doit physiquement être reçu par le salarié ou être intégralement remis dans son compte de banque.
D'après l'interprétation de l'article 5 il est suffisant de dire que le montant du salaire fut payé par l'employeur, soit à l'employé lui-même ou à son bénéfice ou encore qu'il soit remis à une tierce personne en vertu d'une loi fédérale ou provinciale.
Le fait que l'employeur du défendeur a déduit à la source les cotisations de l'employé à la sécurité sociale au cours des années d'imposition 1978 et 1979 ne permet pas de dire qu'il a reçu un revenu exempt des sommes retenues. Les sommes déduites et envoyées finiraient par lui profiter.
Réception par déduction sous le régime du para- graphe 56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu
Dans l'affaire Murphy (GA) c La Reine, [ 1980] CTC 386 (C.F. lfe inst.), le juge Cattanach a énuméré (aux pages 389 et 390) quatre conditions essentielles pour qu'un contribuable soit assujetti à l'impôt sous le régime du paragraphe 56(2):
1) il doit y avoir un paiement ou transfert de biens à une personne autre que le contribuable;
2) ce paiement ou transfert doit être effectué suivant les instructions ou avec l'accord du contribuable;
3) ce paiement ou transfert doit être effectué au profit du contribuable ou de toute autre personne que le contribuable désire avantager;
4) ce paiement ou transfert aurait été inclus dans le calcul du revenu du contribuable si ce dernier, au lieu de l'autre per- sonne, l'avait reçu.
Il s'agit de savoir si les conditions 2) et 3) s'appliquent au défendeur.
Transfert effectué sans instructions ni accord
Le défendeur soutient qu'il n'a ni consenti à ce que le paiement des sommes retenues soit transféré au gouvernement américain ni donné d'instruc- tions à cet égard. Selon lui, l'obligation de verser les sommes retenues reposait sur un contrat auquel il n'a pas été partie. Il s'est toutefois abstenu pendant plusieurs années de contester l'engage- ment contractuel.
Il ressort de la politique ministérielle et de la jurisprudence que le silence gardé par le défendeur au cours de plusieurs années à l'égard de l'engage- ment contractuel entre Firestone Tire and Rubber Co. et le gouvernement américain valait consente- ment au transfert des sommes retenues, bien que le défendeur n'ait pas été partie au contrat.
Selon le Bulletin d'interprétation IT-335, l'instruction ou l'accord du contribuable peuvent être implicites. Dans l'affaire Hartland v. Diggi- nes, [1926] A.C. 289 (HI.), il a été décidé que, malgré le fait qu'il n'y avait eu entre l'employé et son employeur aucun accord verbal ou écrit en vertu duquel l'employeur payait l'impôt sur le revenu sur le salaire de l'employé, le paiement constituait un revenu reçu entre les mains de l'em- ployé. Le vicomte Cave a dit la page 291):
[TRADUCTION] Mais il est allégué—et c'est l'argument principal invoqué par l'avocat de l'appelant—que la somme n'est pas une rémunération parce qu'elle n'a pas été versée à l'appelant ni payée à sa demande, bien que, en fait, elle ait été
régulièrement versée au cours de plusieurs années. Je ne sous- cris pas à cet argument. Il y a eu cette continuité de paiement dont l'affaire Blakiston v. Cooper a fait mention, et le paiement visait pratiquement et effectivement à alléger d'année en année l'assujettissement à l'impôt de l'appelant.
Dans l'affaire Minister of National Revenue v. Bronfman, Allan, [1966] R.C.É. 172; [1965] C.T.C. 378, les administrateurs d'une société ont donné des cadeaux d'une valeur de 97 000 $ à des parents et à d'anciens employés et ce, sans l'autori- sation des actionnaires. Il a été jugé que ces cadeaux constituaient, en vertu du paragraphe 16(1) [56(2)] de la L.I.R. (S.R.C. 1952, chap. 148), un revenu entre les mains des administra- teurs. Toutefois, les actionnaires de la société devaient tous être assujettis à l'impôt prévu au paragraphe 16(1) en proportion du nombre de leurs actions. En ne s'opposant pas aux cadeaux de la société au moment de l'assemblée des actionnai- res, ceux-ci ont approuvé la générosité des admi- nistrateurs. Le juge Dumoulin s'est livré à cette analyse la page 179 R.C.É.; 385 C.T.C.):
[TRADUCTION] Puisque les actionnaires avaient le droit de vote, ils auraient pu, l'eussent-ils voulu, s'opposer à la généro- sité de leurs administrateurs et la repousser au cours de la réunion annuelle ou autres réunions convoquées à cet effet. Et naturellement, ils auraient pu agir de façon radicale, destituer tout le conseil d'administration et le remplacer par des adminis- trateurs moins prodigues. Par leur abstention ou leur indiffé- rence continue, ils ont approuvé implicitement le programme de largesse de leurs administrateurs et ils auraient partager avec eux, selon le nombre de leurs actions, le fardeau des impôts que décrète l'article 16(1). [C'est moi qui souligne.]
Ainsi donc, la simple absence d'un lien de droit n'est pas le seul critère qu'on peut évaluer pour déterminer s'il y a accord. Est également perti- nente la question de savoir si le comportement subséquent—l'absence de contestation—constitue une acceptation tacite de l'engagement contrac- tuel.
Les sommes retenues constituent-elles des avanta- ges imposables lorsque leur versement a été effec- tué sans l'accord du contribuable?
Le défendeur s'appuie sur les affaires Pazuk v. M.N.R. (1955), 13 Tax A.B.C. 264, et Norris, H.B. v. M.N.R. (1957), 17 Tax A.B.C. 257, pour prétendre que ses cotisations à la sécurité sociale ne constituent pas un avantage imposable.
En fait, ces décisions portaient sur la question de savoir si la contribution d'un employeur à un
régime de pension ou de retraite constituait un avantage imposable entre les mains du contribua- ble. On n'y a pas examiné la question présente- ment en litige qui est de savoir si la cotisation d'un employé à un régime de pension retenue par son employeur à même sa rémunération constitue un avantage imposable entre les mains de l'employé.
Selon la jurisprudence, les contributions faites par un employeur à même la rémunération d'un employé constituent un avantage imposable de l'employé (Bruce v. Hatton (1921), 38 T.L.R. 323 (K.B.); Morin, J.-P. c. La Reine (1974), 75 DTC 5061 (C.F. lie inst.); Salter v. Minister of Natio nal Revenue, [1947] C.T.C. 29 (C. de l'E.)).
Question B
Article 8: déductibilité des sommes versées au gouvernement américain au titre de la sécurité sociale (E.-U.)
1) Impôt sur le revenu ne provenant pas d'une entreprise
Le défendeur soutient que les sommes de 1 209,63 $ et de 1 645,10 $ pour les années d'impo- sition 1978 et 1979 respectivement, versées au gouvernement américain à titre de cotisations à la sécurité sociale, constituent un revenu ne prove- nant pas d'une entreprise au sens de l'alinéa 126(7)c) [mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 26, art. 83; 1977-78, chap. 32, art. 33] de la L.I.R., et que c'est à juste titre qu'elles ont été déduites en vertu du paragraphe 20(12) [mod. par S.C. 1977-78, chap. 32, art. 5] de la L.I.R.
Il découle de la politique administrative ministé- rielle et de la jurisprudence que les cotisations au régime de la sécurité sociale américain constituent une somme qui peut être utilisée soit comme déduction du revenu soit comme dégrèvement pour impôt étranger, ou considérée comme un revenu ne provenant pas d'une entreprise au sens de l'alinéa 126(7)c) et du paragraphe 20(12) de la L.I.R. Toutefois, la déduction d'impôt sur le revenu ou le dégrèvement d'impôt doit être imputé au revenu provenant de sources situées aux États-Unis.
D'après le Bulletin d'interprétation IT-122R,
Ordinairement, un citoyen des États-Unis qui n'est ni un résident des États-Unis, ni un employé d'un résident des États- Unis, n'a ni l'obligation, ni la faculté de payer l'impôt aux
termes de la «Social Security Act». Fait exception à la règle, toutefois, une corporation résidant aux États-Unis qui choisit d'acquitter l'impôt total pour le compte de citoyens américains qui résident au Canada et qui sont employés par une filiale canadienne de la corporation américaine. Lorsqu'une partie de cet impôt est retenue du salaire d'un tel employé par la filiale canadienne, le montant ainsi retenu doit être considéré comme un impôt sur le revenu versé aux États-Unis, impôt au titre duquel un dégrèvement pour impôt étranger peut être accordé si l'employé touche au cours de l'année quelque revenu de sources situées aux États-Unis.
Le Bulletin d'interprétation IT-122R reflète la décision rendue dans Seley v. M.N.R. (1962), 62 DTC 565 (C.A.I.), il a été jugé que les cotisations d'un contribuable constituaient effecti- vement un impôt sur le revenu ou sur les bénéfices perçus aux E.-U. et faisaient donc partie inté- grante du dégrèvement pour impôt étranger, lequel dégrèvement pouvait être imputé au revenu tiré par le contribuable d'une source étrangère.
L'alinéa 126(7)c) a été modifié par S.C. 1980-81-82-83, chap. 140, art. 88 avec l'ajout du sous-alinéa 126(7)c)(iv). Avec ce sous-alinéa, le législateur a expressément exclu de la définition de revenu ne provenant pas d'une entreprise tout revenu payable à un pays étranger uniquement parce que: a) le contribuable était citoyen de ce pays et b) ces impôts pouvaient raisonnablement être attribuables au revenu tiré d'une source située au Canada.
On a soutenu que l'exclusion énoncée au sous- alinéa 126(7)c)(iv) n'était pas prévue à l'alinéa, 126(7)c) au cours des années d'imposition 1978 et 1979 et que l'absence du sous-alinéa pertinent permet au défendeur d'imputer ses cotisations à titre de revenu ne provenant pas d'une entreprise à son revenu d'emploi gagné au Canada. A défaut, on me prie de conclure que, en dépit du paragra- phe 8(2) de la L.I.R., les versements au régime de sécurité sociale américain constituent une déduc- tion permise au sens du paragraphe 8(1) de la L.I.R.
Je ne suis pas d'accord. Dans Fluet, (J-P) v MNR, [ 1982] CTC 2319, la Commission de révi- sion de l'impôt a commenté l'application d'une interprétation libérale aux exemptions d'impôt énumérées aux paragraphes 8(1) et 8(2) de la L.I.R. Voici ce qu'elle a dit à la page 2323 de la décision:
Le revenu gagné est donc taxable, que l'amende soit payée directement par l'employé ou qu'elle soit déduite à même le salaire. L'amende cependant peut-elle être admise en déduction?
4.03.3 Considérant que toutes les déductions permises à l'en- contre d'un revenu de charge ou d'emploi sont prévues à l'article 8 de la Loi et que le paiement d'une amende à son employeur n'y est pas prévu, la déduction ne peut être permise.
La Commission de révision de l'impôt, comme tout tribunal en ce pays, doit interpréter la Loi de l'impôt sur le revenu d'une façon stricte, étant donné que cette Loi est de droit public.
L'interprétation stricte oblige le tribunal à n'accorder comme déduction que celle explicitement prévue et en donnant aux mots utilisés par le législateur le sens du dictionnaire à moins que les mots soient définis dans la Loi.
Dans le présent cas aucune disposition de la Loi ni générale, ni particulière ne permet à la Commission d'accorder la déduc- tion réclamée. Malheureusement pour l'appelant l'appel doit être rejeté. [C'est moi qui souligne.]
Les cotisations à un régime de sécurité sociale étranger ne figurant pas parmi les déductions énu- mérées au paragraphe 8(1) de la L.I.R., elles ne peuvent être admises comme déduction à imputer au revenu du défendeur.
2) Exemptions énumérées à l'article 8
i) Alinéa 8(1)m): Cotisation à un régime enregis- tré de pensions
En calculant, pour une année d'imposition, son revenu tiré d'une charge ou d'un emploi, le contri- buable peut déduire les sommes qu'il a versées à une caisse ou à un régime enregistré de pensions. Le paragraphe 248(1) de la L.I.R. définit une caisse ou un régime enregistré de pensions comme étant une caisse «(pour employés) admis à l'enre- gistrement par le Ministre, aux fins de la présente loi, en ce qui concerne la constitution et l'activité de cette caisse ou régime, pour l'année d'imposi- tion considérée».
La circulaire d'information 72-13R7 traite des règles administratives relatives aux régimes de pensions des employés, notamment de l'enregistre- ment. Il y est indiqué que le ministre du Revenu national ne considère pas les sommes versées par un employé au titre de la sécurité sociale comme une dépense déductible au sens de l'alinéa 8(1)m).
Dans Ledwidge v. M.N.R. (1971), 71 DTC 188, la Commission d'appel de l'impôt a jugé que les
cotisations versées à un régime de pensions du gouvernement français par une ex-citoyenne fran- çaise qui réside maintenant au Canada ne consti- tuaient pas une cotisation déductible, parce qu'il ne s'agissait pas d'une cotisation à une «caisse ou un régime enregistré de pensions» au sens de la L.I.R.
Les cotisations du défendeur au régime de la sécurité sociale ne constituent donc pas des sommes déductibles au sens de l'alinéa 8(1)m).
ii) Alinéa 8(1)1)
En vertu du paragraphe 146(5) [mod. par S.C. 1976-77, chap. 4, art. 56] de la L.I.R., un contri- buable peut déduire de son revenu les primes qu'il a versées à un régime enregistré d'épargne-retraite. Toutefois, le montant déductible est limité notam- ment par la cotisation du contribuable à une autre caisse ou à un autre régime de pensions. Il est prévu au paragraphe 146(5.2) [mod., idem] de la L.I.R. que l'expression «caisse ou régime de pen sion» ne comprend pas le Régime de pensions du Canada, un régime provincial ou tout régime sem- blable d'un pays étranger.
Dans Stelfox (MJ) c MRN, [1985] 1 CTC 2065, la contribuable a fait valoir que puisque le paragraphe 146(5.2) assimile [TRADUCTION] «les régimes semblables d'un pays étranger» au Régime de pensions du Canada ou à un régime provincial de pensions, les cotisations versées à ce régime étant déductibles en vertu de l'alinéa 8(1)1) de la L.I.R., il s'ensuit que les cotisations versées par la contribuable au ministère britannique de la Santé et de la sécurité sociale sont, de la même façon, déductibles sous le régime de l'alinéa 8(1)l) de la L.I.R. La Cour canadienne de l'impôt a rejeté cet argument, soulignant la page 2067) que:
Il est clair qu'aucune disposition de la Loi ne prévoit la possibilité de déduire la somme en question ... [Souligné dans l'original.]
Si le législateur avait voulu inclure, à titre de déduction du revenu tiré d'un emploi, les cotisa- tions à un «régime semblable d'un pays étranger», il l'aurait fait. Le fait que le législateur a expressé- ment choisi d'inclure ce membre de phrase en ce qui concerne une disposition portant sur la déter- mination des limites maximales permises de la possibilité de déduire les cotisations sous forme de primes, et qu'il ne l'a pas expressément fait pour ce
qui est de l'alinéa 8(1)1), révèle que les cotisations versées sous le régime de la sécurité sociale ne sont pas des déductions permises au sens dudit alinéa.
L'action de la demanderesse est donc accueillie, et la décision rendue par la Commission de révi- sion de l'impôt le 8 novembre 1982 est réformée.
La nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national â l'égard des années d'imposition 1978 et 1979 du défendeur est donc rétablie.
La demanderesse a droit aux dépens.
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