Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A-603-83
Kuldip Singh Mundi (appelant)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Maho- ney et Marceau—Vancouver, 18 octobre; Ottawa, 10 décembre 1985.
Immigration Appel du rejet par la Commission d'appel de l'immmigration de l'appel formé à l'encontre du rejet de la demande de droit d'établissement présentée par le père de l'appelante et par les personnes à sa charge Le requérant a présenté un faux document pour établir l'âge de son fils L'agent des visas a conclu que le requérant avait violé l'art. 9(3) de la Loi et qu'il faisait donc partie de la catégorie de personnes non admissibles décrite à l'art. 19(2)d) La pré- sentation d'un faux document, même si le requérant savait qu'il s'agissait d'un faux, ne peut préjudicier à son admissibi- lité ou à celle des autres personnes à sa charge Selon l'art. 79(1)b) de la Loi, une demande ne doit être refusée intégrale- ment que si le requérant ne satisfait pas aux conditions L'art. 6(1)a) du Règlement autorise la délivrance d'un visa d'immigrant à un requérant admissible et aux personnes à sa charge qui possèdent les qualités requises Loi sur l'immi- gration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 3c), 9(3), 19(1),(2) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 47, art. 23), 79(1),(2), 84 Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 2(1) (mod. par DORS/84-850, art. 1), 6(1)a) (mod. par DORS/83-675, art. 2) Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. 1-23, art. 26(7).
Appel est interjeté d'une décision par laquelle la Commission d'appel de l'immigration a rejeté un appel formé à l'encontre du rejet d'une demande de droit d'établissement que le père de l'appelant a présentée pour lui-même, sa femme, son fils et ses filles. La demande a été rejetée parce que le requérant a présenté un faux document pour établir l'âge de son fils, en violation du paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration de 1976. L'agent des visas a conclu que le requérant faisait partie d'une catégorie de personnes non admissibles visées à l'alinéa 19(2)d). La Commission a maintenu la lettre de refus et a statué que le retrait du fils de la demande ne rendait pas les autres requérants admissibles à s'établir au Canada. La Com mission s'est fondée sur la maxime «quiconque demande l'équité doit être sans reproche».
Arrêt (le juge Mahoney dissident): l'appel doit être accueilli.
Le juge en chef Thurlow (motifs concourants du juge Mar- ceau): Le résultat de la présentation par le requérant d'un faux document à titre de preuve de l'âge de son fils fut que l'agent des visas n'était pas convaincu que le fils était admissible à titre de personne à charge. Cela n'a pas préjudicié à l'admissibilité du requérant et des autres personnes à sa charge, même si le requérant savait que le certificat était faux. De plus, le paragra- phe 19(2) ne joue qu'au moment l'admissibilité est déterminée.
La «personne appartenant à la catégorie de la famille» dont parle l'alinéa 79(1)b) doit être la même «personne appartenant
à la catégorie de la famille» qui a présenté la demande et qui est visée au début de l'alinéa. C'est le père, auteur de la demande, qui doit être visé par l'alinéa 79(1)b). Seule l'incapacité du requérant à remplir les conditions prévues par la Loi et par le Règlement justifie le rejet de sa demande.
Il n'est pas nécessaire que les mots «him» et «his» soient interprétés au pluriel pour que la signification du paragraphe 9(3) ressorte clairement.
L'alinéa 6(1)a) du Règlement n'oblige pas un agent des visas à ne délivrer un visa au requérant principal que si lui et toutes ses personnes à charge remplissent toutes les conditions prévues par la Loi et par le Règlement. Il autorise la délivrance d'un visa à un requérant admissible et aux personnes à sa charge qui possèdent les qualités requises. Il appartient au requérant de décider si le succès partiel de sa demande est acceptable.
La maxime «quiconque demande l'équité doit être sans repro- che» est étrangère au litige.
Le juge Mahoney (dissident): L'objectif de la Loi tel qu'é- noncé à l'alinéa 3c) reconnaît la nécessité de faciliter la réunion au Canada des citoyens canadiens avec leurs proches parents de l'étranger. Cet objectif permet d'écarter une interprétation du paragraphe 79(1) qui exigerait qu'une demande soit examinée sans tenir compte des personnes à charge que l'on se propose d'amener au Canada. Si on laissait au requérant le choix de venir au Canada seul, cela aurait pour effet de diviser davan- tage les familles. Le requérant n'était pas admissible en vertu de l'alinéa 19(2)c) de la Loi.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS CITÉES:
Kang c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1981] 2 C.F. 807 (C.A.); Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration c. Brooks, [1974] R.C.S. 850.
AVOCATS:
Andrew J. A. McKinley pour l'appelant. Gordon W. Carscadden pour l'intimé.
PROCUREURS:
Rothe and Company, Vancouver, pour l'appe- lant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Appel est inter- jeté en vertu de l'article 84 de la Loi sur l'immi- gration de 1976 [S.C. 1976-77, chap. 52] d'une décision par laquelle la Commission d'appel de l'immigration a rejeté l'appel que l'appelant a formé, en vertu du paragraphe 79(2) de la Loi, à l'encontre du refus d'un agent des visas d'accepter
la demande de droit d'établissement que le père de l'appelant, Ajmer Singh Mundi, a présentée le 23 février 1979 pour lui-même, sa femme, son fils, Balwinder, et ses deux filles. La demande était parrainée par l'appelant qui est, et qui était pen dant la période en cause, citoyen canadien. Elle a été rejetée sur le fondement du paragraphe 79(1). Les paragraphes susmentionnés disposent:
79. (1) Un agent d'immigration ou un agent des visas peut rejeter une demande parrainée de droit d'établissement présen- tée par une personne appartenant à la catégorie de la famille, au motif que
a) le répondant ne satisfait pas aux exigences des règlements relatifs aux répondants, ou
b) la personne appartenant à la catégorie de la famille ne satisfait pas aux exigences de la présente loi ou des règlements.
Le répondant doit alors être informé des motifs du rejet.
(2) Au cas de rejet, en vertu du paragraphe (1), d'une demande de droit d'établissement parrainée par un citoyen canadien, celui-ci peut interjeter appel à la Commission en invoquant l'un ou les deux motifs suivants:
a) un moyen d'appel comportant une question de droit ou de fait ou une question mixte de droit et de fait;
b) le fait que des considérations humanitaires ou de compas sion justifient l'octroi d'une mesure spéciale.
La lettre par laquelle l'appelant a été informé des motifs du rejet de la demande était datée du 12 mars 1981. En voici un extrait:
[TRADUCTION] Monsieur Mundi:
La présente concerne votre engagement à venir en aide à vos parents, à vos deux soeurs, et à un frère qui ont présenté une demande de résidence permanente au Canada à notre bureau à New Delhi (Inde).
Notre bureau à New Delhi a examiné avec soin la demande de M. Ajmer Singh Mundi et l'a rejetée. Une lettre expliquant les raisons du rejet a été envoyée à votre père. En voici un extrait:
«Le paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration de 1976 exige que toute personne réponde sincèrement aux questions de l'agent des visas afin d'établir que son admission ne contrevien- drait pas à la Loi ni au Règlement.»
«Vous n'avez pas rempli les exigences du paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration, en ce que vous, ou un tiers agissant en votre nom, avez présenté de faux documents visant à établir l'âge, l'identité et le lien de parenté de Balwinder Singh.»
«J'ai le regret de vous informer que vous faites partie de la catégorie de personnes non admissibles décrite à l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration de 1976. Par conséquent, votre demande a été rejetée.»
Sur ce, l'appelant a interjeté appel à la Commis sion. Quelque huit mois plus tard, il a déposé auprès de la Commission un avis visant à retirer son frère, Balwinder, de l'appel. Le dossier soumis à la Cour donne très peu de renseignements sur ce qui s'est produit pendant l'audition de l'appel. Il ressort de la «feuille de renseignements à l'audi- tion» que l'appelant était représenté par un avocat et qu'il a fait une déposition. Il n'existe pas de transcription des procédures.
Dans ses motifs, la Commission a cité la lettre de refus ainsi qu'une déclaration solennelle de l'agent des visas, dans laquelle celui-ci écrit:
[TRADUCTION] L'auteur de la demande appartient, semble-t-il, à une catégorie de personnes dont l'admission est interdite aux termes de l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration, pour les raisons suivantes:
Ajmer Singh, auteur principal de la demande, a envoyé les documents suivants afin d'établir l'admissibilité au Canada de Balwinder Singh:
a) une lettre de recherches mentionnant que l'inscription de la naissance de Balwinder Singh, fils d'Ajmer Singh, n'a pas été retrouvée dans les registres officiels des naissances de 1958;
b) un certificat de changement d'école indiquant que Balwin- der Singh, fils d'Ajmer Singh, est le 29 septembre 1958 et qu'il a fréquenté l'école primaire publique, à Kaddon, du I" avril 1965 au 12 avril 1970.
J'ai examiné les membres de la famille le 12 février 1980. Balwinder Singh m'a semblé avoir environ vingt-quatre ou vingt-cinq ans. Comme l'âge apparent de ce dernier ne corres- pondait pas à celui qu'il était censé avoir, d'après la date de naissance inscrite dans le certificat de changement d'école, ce document a été envoyé pour être vérifié le 26 mars 1980. Le responsable adjoint des services d'éducation du district (ensei- gnement primaire), à Ludhiana, nous a avisé, dans une lettre datée du 2 juin 1980, que le certificat était faux. Ajmer Singh n'a pas rempli les exigences du paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration de 1976, en ce qu'il a fourni à notre bureau un faux certificat d'études afin de faciliter l'admission au Canada de Balwinder Singh.
La décision de la Commission est comprise dans le passage suivant:
[TRADUCTION] Le conseil de l'appelant a prétendu qu'il avait retiré l'appel relatif à Balwinder Singh Mundi, pour qui un faux certificat d'études avait été fourni, afin de ne pas nuire aux chances des autres requérants d'être admis au Canada. Il a également prétendu que le certificat d'études de Balwinder Singh Mundi n'était pas l'un des documents formellement réclamés par l'agent des visas aux termes du paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immigration de 1976:
(3) Toute personne doit répondre sincèrement aux questions de l'agent des visas et produire toutes les pièces qu'il réclame pour établir que son admission ne contreviendrait ni à la présente Loi ni aux règlements.
Les deux arguments ont été rejetés comme frivoles. Les certificats d'études sont demandés comme preuve de la date de naissance et de la paternité à tous ceux qui présentent une demande en Inde. Le fait que l'appel ait été retiré en ce qui a trait à Balwinder Singh ne décharge pas l'auteur principal de la demande de sa responsabilité à l'égard du faux document, même si l'appelant a affirmé que ce dernier ignorait qu'il était faux. Le requérant principal est responsable de l'authenticité de tous les documents qu'il a présentés à l'appui de sa demande.
La Commission a jugé que la lettre de rejet était valide en droit.
Des arguments fondés sur l'équité ont été présentés; ils reposaient surtout sur le fait que l'aîné est responsable de ses parents dans la culture sikhe et qu'en l'espèce, l'intéressé avait des revenus et un logement lui permettant de prendre facile- ment soin de la famille. Le conseil de l'appelant a plaidé en faveur de la réunion des membres de la famille, même si Balwinder Singh aurait été obligé de demeurer en Inde.
Toutefois, la maxime «quiconque demande l'équité doit être sans reproche» ne s'applique pas en l'espèce, car un faux document a été présenté à l'appui de la demande. Il n'existe pas de motifs suffisants permettant d'accorder une mesure spéciale.
L'appel est rejeté conformément aux alinéas 79(2)a) et b) de la Loi sur l'immigration de 1976.
Je conviens avec la Commission que l'argument selon lequel le certificat d'études n'était pas l'un des documents réclamés par l'agent des visas aux termes du paragraphe 9(3) de la Loi n'est pas soutenable. Les certificats de naissance et d'études ont été réclamés dans une lettre qui a été envoyée au requérant le 14 décembre 1978. Le document a été fourni en réponse à cette demande de preuve documentaire dans le but d'établir la date de naissance de Balwinder. Je conviens également que le requérant est responsable d'avoir fourni un faux document et doit supporter toutes les conséquences juridiques découlant du fait qu'il a soumis le docu ment en question comme preuve de l'âge de son fils. Toutefois, je ne crois pas qu'il faille en con- clure que le requérant était une personne décrite à l'alinéa 19(2)d)' de la Loi, ou à tout autre alinéa de ce paragraphe, et que, pour ce motif, il faisait partie d'une catégorie de personnes non admissi- bles. Selon moi, le résultat a été que l'agent des visas, qui, après avoir examiné Balwinder au cours
' 19....
(2) Ne peuvent obtenir l'admission, les immigrants et, sous
réserve du paragraphe (3), les visiteurs qui
d) ne remplissent pas les conditions prévues à la présente loi ou aux règlements ainsi qu'aux instructions et directives établis sous leur empire.
de l'entrevue du 12 février 1980 avait estimé qu'il était âgé de 24 ou 25 ans, n'était pas convaincu qu'il était admissible à titre de personne à charge du requérant. Il ne pouvait être admis à ce titre qu'à condition d'être âgé de moins de 21 ans au moment la demande a été faite. Voir la défini- tion de «personne à charge» au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 [DORS/78- 172 (mod. par DORS/84-850, art. 1)]. Par consé- quent, et tant qu'une preuve satisfaisante de l'âge de Balwinder n'était pas produite, ce dernier n'avait pas droit à un visa.
J'estime toutefois que le défaut de convaincre l'agent des visas relativement à l'âge de Balwinder ne pouvait préjudicier à l'admissibilité du requé- rant ou à celle de son épouse et de ses filles que si le faux certificat relatif à l'âge de Balwinder pré- sentait aussi un intérêt pour l'admissibilité du requérant.
À cet égard, la seule disposition qu'a invoquée l'agent des visas ou l'avocat de l'intimé pendant les plaidoiries à l'appui de la prétention selon laquelle le requérant n'était pas admissible à titre de membre de la catégorie de personne décrite à l'alinéa 19(2)d) est le paragraphe 9(3), qui est ainsi rédigé:
9....
(3) Toute personne doit répondre sincèrement aux questions de l'agent des visas et produire toutes les pièces qu'il réclame pour établir que son admission ne contreviendrait ni à la présente loi ni aux règlements.
On a soutenu que l'appelant ne s'est pas con formé à cette disposition en présentant le faux certificat. Toutefois, même si l'on présume que le requérant savait que le certificat était faux, j'es- time que ce fait n'est pertinent qu'en ce qui a trait à l'admissibilité de Balwinder à titre de personne à charge du requérant et qu'il est étranger à la question de savoir si l'admission du requérant lui- même contrevenait aux conditions prévues par la Loi ou au Règlement. De plus, c'est au moment l'admissibilité est déterminée que joue le paragra- phe 19(2). Voir Kang c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration 2 . Je ne crois donc pas que le motif invoqué dans la lettre de refus permette de justifier ce refus.
2 [1981] 2 C.F. 807 (C.A.).
Mais il existe, à mon avis, un autre motif pour lequel le rejet est sans effet. Je ne crois pas que l'agent des visas était justifié de rejeter intégrale- ment la demande pour le seul motif qu'il estimait que Balwinder n'était pas une personne à charge et qu'il n'avait donc pas droit à un visa. L'agent des visas exerçait alors le pouvoir qu'il tient du para- graphe 79(1). Ce paragraphe parle d'abord d'une demande de droit d'établissement présentée par «une personne appartenant à la catégorie de la famille». On peut penser que cette formulation pourrait comprendre le pluriel si la demande était présentée par plusieurs personnes appartenant à la catégorie de la famille. Il me semble toutefois que le ou les membres de la catégorie de la famille dont parle l'alinéa b) du paragraphe sont les mêmes que ceux qui ont présenté la demande et qui sont mentionnés au début du paragraphe. En l'espèce, c'est le père, Ajmer Singh Mundi qui a présenté la demande et, selon moi, c'est lui qui est visé par l'alinéa b). Seule son incapacité à remplir les conditions prévues à la Loi ou au Règlement justifiait le rejet intégral de sa demande, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Il n'a pas été établi que le requérant, sa femme ou ses filles ne pouvaient remplir ces conditions, et il n'existe aucun fonde- ment juridique pour leur refuser les visas.
Même si l'on pouvait soutenir qu'il y avait au moins deux demandes, l'une présentée par le requérant et l'autre par Balwinder, seule la demande de Balwinder pourrait être rejetée en vertu du paragraphe en cause puisque les faits n'indiquent pas que le requérant et Balwinder étaient tous deux incapables de remplir les condi tions prévues à la Loi ou au Règlement.
L'intimé a prétendu que pour donner effet à l'objet de la Loi, les mots «him» et «his» de la version anglaise du paragraphe 9(3) doivent être interprétés au pluriel de façon à s'appliquer aux réponses et aux pièces concernant l'admissibilité des personnes à charge du requérant. Ce n'est pas mon avis. Il me semble que la signification du paragraphe ressort clairement des mots utilisés et qu'elle ne doit pas être étendue pour tenir compte d'une intention quelconque qu'aurait eue mais que n'a pas exprimée le législateur.
On a prétendu, à titre subsidiaire, que le faux certificat a un lien réel avec l'admissibilité du requérant puisque, en vertu de l'alinéa 6(1)a)
[mod. par DORS/83-675, art. 2] du Règlement, l'agent des visas ne peut délivrer un visa d'immi- grant au requérant principal que si lui et toutes les personnes à sa charge satisfont aux exigences de la Loi et du Règlement.
Le Règlement dispose:
6. (1) Lorsqu'une personne appartenant à la catégorie de la famille présente une demande de visa d'immigrant, l'agent des visas peut lui en délivrer un ainsi qu'aux personnes à sa charge qui l'accompagnent,
a) si elle et les personnes à sa charge, qu'elles l'accompa- gnent ou non, ne font pas partie d'une catégorie de personnes non admissibles et satisfont aux exigences de la Loi et du présent règlement;
Je ne crois pas que cette disposition interdise la délivrance d'un visa au requérant et à l'une quel- conque des personnes à sa charge dont l'admission, d'après l'agent des visas, ne contreviendrait pas à la Loi ou au Règlement. Au contraire, j'estime qu'elle autorise clairement la délivrance d'un visa à un requérant admissible ainsi qu'aux personnes à sa charge qui possèdent les qualités requises. S'il était décidé qu'un autre membre de la famille pour lequel on a demandé un visa n'est pas une personne à charge, il appartiendrait alors au requérant de décider si le succès partiel de sa demande est acceptable mais cela, il me semble, ne porte pas atteinte à l'autorité et au devoir de l'agent des visas d'accorder un visa au requérant ainsi qu'aux personnes qu'il juge admissibles à titre de person- nes à charge. La situation qui se présente en l'espèce, n'est pas que Balwinder n'est pas admissi ble au Canada mais plutôt qu'il n'y est pas admis sible à titre de personne à charge du requérant, l'agent des visas n'ayant pas été convaincu qu'à l'époque pertinente, il était âgé de moins de 21 ans.
Comme l'agent des visas a estimé que Balwinder n'était pas une personne à charge au sens de la définition, il s'ensuit que l'alinéa 6(1)a) permettait de délivrer des visas aux autres requérants.
À mon avis, l'appel devrait donc être accueilli. Toutefois, avant de me dessaisir de cette affaire, je précise que je ne veux pas que l'on croit que j'approuve la manière dont la Commission a exercé sa compétence relativement aux mesures spéciales demandées pour des considérations humanitaires ou de compassion. Il me semble qu'en invoquant et en prenant en considération la maxime «quiconque demande l'équité doit être sans reproche», la Com-
mission s'est fondée sur un principe qui, du moins à première vue, me paraît étranger au litige.
J'accueillerais l'appel, j'annulerais la décision de la Commission d'appel de l'immigration et le refus de l'agent des visas et je renverrais l'affaire au Ministre afin qu'il reprenne l'examen de la demande du requérant en tenant pour acquis qu'il ne fait pas partie de la catégorie de personnes non admissibles décrite à l'alinéa 19(2)d) de la Loi.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY (dissident): J'ai eu l'avan- tage de prendre connaissance des motifs de juge- ment qu'a rédigés en l'espèce le juge en chef, et il m'est impossible de souscrire au résultat qu'il pro pose. Il a amplement exposé les faits ainsi que la plupart des dispositions pertinentes de la Loi et du Règlement. Je conviens que le non-respect par Ajmer Singh Mundi des exigences du paragraphe 9(3) n'est pas décisif. Sa seule importance tient au fait qu'il a été impossible d'établir que Balwinder Singh Mundi n'était pas âgé de moins de 21 ans lorsque la demande a été présentée.
Hormis le paragraphe 9(3), les dispositions de fond de la Loi et du Règlement en cause dans le présent appel ont toutes été adoptées afin de pro- mouvoir l'objectif énoncé à l'alinéa 3c) de la Loi.
3. Il est, par les présentes, déclaré que la politique d'immi- gration du Canada, ainsi que les règles et règlements établis en vertu de la présente loi, sont conçus et mis en oeuvre en vue de promouvoir ses intérêts sur le plan interne et international, en reconnaissant la nécessité
c) de faciliter la réunion au Canada des citoyens canadiens et résidents permanents avec leurs proches parents de l'étranger;
À mon humble avis, cet objectif déclaré permet d'écarter définitivement une interprétation littérale stricte du paragraphe 79(1) de la Loi, qui exigerait qu'une demande présentée par une personne appartenant à la catégorie de famille soit examinée en fonction du seul auteur de la demande, indépen- damment des personnes à charge qu'il se propose, dans sa demande, d'amener avec lui au Canada. Une telle interprétation obligerait à accorder un visa d'immigrant à un parent parrainé admissible même si en vertu du paragraphe 19(1) de la Loi, il
pouvait être nécessaire de refuser l'admission du conjoint du requérant ou celle de l'un ou plusieurs de ses enfants âgés de moins de 21 ans. En toute déférence, j'estime que la réunion des familles au Canada ne sera pas facilitée en accordant, par exemple, à un parent le droit d'être réuni avec son enfant canadien d'âge adulte, tout en laissant der- rière lui un époux ou un enfant en bas âge atteint de maladie chronique. C'est pourtant le résultat qui est proposé; le choix de venir au Canada à titre d'immigrant doit appartenir au requérant seul, s'il est lui-même admissible. Cela ne peut avoir pour effet que de diviser davantage les familles, non de les réunir.
À mon sens, l'agent des visas était saisi d'une demande présentée par Ajmer Singh Mundi, dont faisait partie Balwinder Singh Mundi à titre de personne à charge accompagnant l'auteur princi pal de la demande. Voici le libellé de la définition pertinente de personnes à charge, à l'article 2 du Règlement sur l'immigration de 1978 [mod. par DORS/84-850, art. 1]:
2. (1) ...
«personne à charge» désigne
a) par rapport à une personne qui est un immigrant,
(ii) son fils ou sa fille ou celui ou celle de son conjoint, non marié et âgé
(A) de moins de 21 ans au moment cette personne présente une demande de visa d'immigrant ..
Ajmer Singh Mundi n'a pas réussi à démontrer qu'une personne à sa charge mentionnée dans sa demande comme devant l'accompagner était effec- tivement une personne à charge lorsque la demande a été présentée. Cela étant, Ajmer Singh Mundi faisait partie de la catégorie de personnes décrite à l'alinéa 19(2)c) [mod. par S.C. 1980-81- 82-83, chap. 47, art. 23] de la Loi.
19....
(2) Ne peuvent obtenir l'admission, les immigrants ... qui
c) accompagnent un membre de leur famille qui peut se voir refuser l'admission ou qui n'est pas par ailleurs autorisé à entrer au Canada; ou
La décision portait qu'Ajmer Singh Mundi n'avait pas le droit d'être admis au Canada à titre d'immi- grant. Cette décision était valide en droit, même si elle a été prise par l'agent des visas et si elle a été maintenue par la Commission d'appel de l'immi-
gration pour un motif erroné. Par conséquent, l'appel ne devrait pas être accueilli.
Je suis d'avis de rejeter l'appel.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MARCEAU: Je conviens avec le juge en chef que le présent appel doit être accueilli. Pour dire que le requérant (le père) ne s'était pas con formé aux exigences du paragraphe 9(3), et n'était donc pas admissible à titre de personne apparte- nant à la catégorie décrite à l'alinéa 19(2)d), l'agent d'immigration et la Commission ont élargir la portée de la disposition en y ajoutant des mots qui ne s'y trouvaient pas. Dans un texte législatif, le singulier peut bien sûr comprendre le pluriel (voir le paragraphe 26(7) de la Loi d'inter- prétation [S.R.C. 1970, chap. I-231, mais ce n'est pas nécessairement le cas. C'est l'intention du législateur qui doit primer. Le paragraphe 9(3) adopte ici une règle dont la violation entraîne, en vertu de l'alinéa 19(2)d), une sanction très sévère qui est imposée peu importe que les faux rensei- gnements aient été fournis à dessein ou non, (Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration c. Brooks, [ 1974] R.C.S. 850). Selon moi, la portée d'une telle règle doit être interprétée de manière stricte et limitative.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.