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T-368-84
Banque fédérale de développement (demande- resse)
c.
Le navire «Winder 4135», Eiger Booming Ltd., et Paul Arnold Beltgens (défendeurs)
c.
Workers' Compensation Board de la Colombie- Britannique (intimée)
RÉPERTORIÉ: BANQUE FÉDÉRALE DE DÉVELOPPEMENT C. «WINDER 4135» (LE)
Division de première instance, juge Walsh—Van- couver, 9 et 11 avril 1984.
Droit maritime Privilèges et hypothèques Requête visant à obtenir une ordonnance déterminant la priorité de rang au sujet du produit de la vente du navire aWinder 4135»
La demanderesse détient une hypothèque enregistrée sur le navire le 11 février 1981 Le propriétaire dudit navire, Eiger Booming Ltd., est un employeur enregistré conformément à la Workers Compensation Act de la Colombie-Britannique L'intimée, la Workers' Compensation Board, a déposé des certificats contre la défenderesse parce qu'elle n'a pas versé les cotisations prévues à la Loi Le navire a été saisi le 31 août 1981 à la suite du dépôt des certificats et il a été mis en vente
L'intimée a cherché à faire confirmer la vente au co-défen- deur Beltgens La demanderesse voulait faire interdire toute transaction relative au navire jusqu'à la réalisation de l'hypo- thèque Une créance fondée sur une loi provinciale a-t-elle priorité sur une créance reconnue en vertu du droit maritime canadien? Cette question n'a jamais été auparavant exami née dans des affaires de droit maritime au Canada ou en Angleterre Il n'existe aucune loi fédérale réglementant l'ordre de priorité bien que celui-ci fasse partie du droit maritime canadien La Workers Compensation Act confère un privilège qui a priorité sur tous les autres privilèges, charges ou hypothèques peu importe le moment de leur créa- tion L'omission du législateur fédéral d'adopter des dispo sitions législatives donnant priorité n'a pas créé un champ inoccupé permettant l'application de la législation provinciale La Commission (Board) ne détenait aucun droit précis sur le navire en vertu de la saisie Adoption du principe énoncé dans U.S. v. Flood Au lieu de découler des actes du propriétaire, les créances maritimes portent sur le navire lui- même comme instrument de commerce La jurisprudence américaine a établi la primauté des privilèges maritimes sur les créances garanties non maritimes L'hypothèque prend rang avant la créance à l'encontre de l'employeur Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 22(2)a) Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 474 (mod. par DORS/79-57, art. 14) Workers Compensation Act, R.S.B.C. 1979, chap. 437, art. 45, 49, 52(1) Loi sur la marine marchande du Canada, S.R.C. 1970, chap. S-9, art. 44.
Compétence de la Cour fédérale Division de première instance DrOit maritime Ordre de priorité entre une créance fondée sur une loi provinciale et une créance maritime en ce qui concerne la répartition du produit de la vente du navire Aucune loi fédérale ne fixe l'ordre de priorité mais il est reconnu que celui-ci fait partie du droit maritime canadien La Cour fédérale a compétence en vertu de l'art. 22 de la Loi pour trancher les questions de droit maritime, notamment les demandes relatives au produit de la vente d'un navire L'ordre de priorité est une question visée à l'art 22(2)a) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 22.
La présente requête vise à obtenir une ordonnance statuant sur la question de la priorité de rang entre la Banque fédérale de développement et la Workers' Compensation Board de la Colombie-Britannique au sujet du produit de la vente du navire Winder 4135. La demanderesse détient sur le navire Winder 4135 une hypothèque qui lui a été consentie par la défenderesse Eiger Booming Ltd. L'hypothèque a été enregistrée le 11 février 1981 et est maintenant en souffrance. L'intimée, la Workers' Compensation Board, a déposé des certificats le 17 novembre 1980 et le 11 septembre 1981 pour le solde par la défenderesse sur les cotisations prélevées en vertu de l'article 45 de la Workers Compensation Act. À la suite du dépôt de ces certificats, le navire a été saisi le 31 août 1981 et a été mis en vente. Après qu'une offre a été faite, l'intimée a déposé une requête devant la Cour de comté de l'Île de Vancouver afin d'obtenir une ordonnance confirmant la vente au co-défendeur, Paul Arnold Beltgens. Souhaitant réaliser son hypothèque, la demanderesse a donné avis de son intention de demander, conformément à l'article 44 de la Loi sur la marine marchande du Canada, une ordonnance interdisant toute transaction rela tive au navire ou à quelque part dans celui-ci jusqu'à nouvel avis de la Cour. L'audition de cette requête a été reportée, les parties s'entendant pour demander à la Cour fédérale du Canada de trancher la question de la priorité de rang.
Jugement: la créance de la demanderesse, la Banque fédérale de développement, a priorité sur celle de la Workers' Compen sation Board.
La question de la priorité de rang entre une créance fondée sur une loi et une créance maritime n'a jamais fait l'objet d'un jugement rendu dans une affaire de droit maritime au Canada ou en Angleterre. Même si aucune loi fédérale ne fixe l'ordre de priorité, il est généralement reconnu que cet ordre fait partie du droit maritime canadien. Suivant l'article 22 de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour fédérale a compétence pour statuer sur toute question de droit maritime que la source de droit invoquée soit une loi, un règlement ou la common law. C'est en établis- sant une analogie avec des décisions traitant de l'ordre des créances maritimes qu'il est possible de trancher le présent litige.
Suivant le paragraphe 52(1) de la Workers Compensation Act de la Colombie-Britannique, le privilège sur le navire découlant du non-paiement des cotisations aurait priorité sur tous les autres privilèges, charges ou hypothèques qu'ils existent déjà ou qu'ils doivent être créés par la suite. Cependant, dans l'ouvrage The Law of Admiralty de Gilmore et Black, il est dit que les créances de caractère non maritime prennent rang après tous les privilèges maritimes même lorsque la créance du gouvernement donne lieu au privilège avant le privilège mari-
time. L'affaire U.S. v. Flood a établi le principe que [TRADUC- TION] «le fondement théorique de la prééminence des créances maritimes est qu'elles "portent sur le navire lui-même comme instrument de commerce" tandis que les autres créances ne découlent que des actes du propriétaire». De plus, contraire- ment à l'hypothèque consentie à la demanderesse, le privilège de l'intimée n'est pas enregistré contre le navire Winder 4135 et il n'existait aucun droit précis sur le navire jusqu'au moment de la saisie. Si on donnait la priorité à la créance de l'intimée, la demanderesse n'aurait aucun moyen de se protéger contre les créances non enregistrées dont elle ignore l'existence.
La Cour ne peut retenir l'argument de l'intimée qui prétend que l'omission du législateur fédéral d'adopter des dispositions législatives fixant l'ordre de priorité entraîne l'application du droit provincial dans le présent litige. Étant donné que l'ordre de priorité est reconnu en droit maritime canadien, le choix du législateur de ne pas légiférer dans ce domaine ne crée pas un champ inoccupé faisant passer les créances fondées sur des lois provinciales avant les créances maritimes. L'hypothèque de la demanderesse a priorité sur la créance de la Workers' Compen sation Board.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
U.S. V. Flood, 247 F.2d 209 (1st Cir. 1957).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Associated Metals & Minerals Corp. c. L'«Evie W», [1978] 2 C.F. 710 (C.A.); Aris Steamship Co. Inc. c. Associated Metals & Minerals Corporation, [1980] 2 R.C.S. 322; Comeau's Sea Foods Ltd. c. Le «Frank and Troy», [1971] C.F. 556 (1' inst.); W.C.B. v. Kinross Mtge. Corp., [1982] 1 W.W.R. 87 (C.A.C.-B.); Gulf Coast Marine Ways v. The J.R. Hardee, 107 F.Supp. 379 (5th Cir. 1952); U.S. v. Jane B. Corp., 167 F.Supp. 352 (1st Cir. 1958); U.S. vs. «Cape Flattery I», 1972 A.M.C. 345 (W.D. Wash. 1972); Royal Bank of Canada v. Workmen's Compensation Board of Nova Scotia, [1936] R.C.S. 560; [1936] 4 D.L.R. 9; North West Life Assur. Co. of Can. v. Westridge Const. Ltd. (1980), 21 B.C.L.R. 235 (C.S.); Eastern and Chartered Trust Company and Perry Nelson Holmes Limited et al. (jugement non publié de la Colombie-Britannique, rendu le 31 mars 1965); Workmen's Compensation Board v. Sumas Oil & Gas Co., [1933] 2 W.W.R. 121 (C.A.C.-B.).
DÉCISIONS CITÉES:
Triglav, Zavarovalna Skupnost, (Insurance Community Triglav Ltd.) c. Terrasses Jewellers Inc. et autre, [1983] 1 R.C.S. 283; Tropwood A.G. et autres c. Sivaco Wire & Nail Co. et autres, [1979] 2 R.C.S. 157.
AVOCATS:
John W. Bromley pour la demanderesse. Personne n'a comparu pour les défendeurs. G. W. Massing pour l'intimée.
PROCUREURS:
Ray, Connell, Lightbody; Reynolds & Heller,
Vancouver, pour la demanderesse.
G. W. Massing, Vancouver, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE WALSH: Sur requête datée du 6 avril 1984, présentée par la demanderesse, visant à obtenir que la Cour rende une ordonnance «sta- tuant sur la question de la priorité de rang entre la Banque fédérale de développement et la Workers' Compensation Board de la Colombie-Britannique, au sujet du produit de la vente du navire "Winder 4135", conformément à la Règle 474 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663 (mod. par DORS/79-57, art. 14)]».
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
Les faits sur lesquels la Cour doit se fonder pour trancher cette question sont les suivants:
La Workers' Compensation Board de la Colom- bie-Britannique ([TRADUCTION] Commission des accidents du travail) a été ajoutée comme partie intimée à la présente action de la demanderesse par une ordonnance datée du 26 mars 1984. La Cour a ordonné la saisie du navire Winder 4135 en vertu de procédures in rem intentées le 20 février 1984. Aucune défense n'a été présentée à l'action. Eiger Booming Ltd. est un employeur enregistré conformément à la Partie I de la Workers Com pensation Act' et a été enregistrée comme telle le 8 avril 1975, en vertu de la classification indus- trielle du flottage du bois. C'est en conséquence de cet enregistrement que des cotisations ont été per- çues conformément à la Loi; les soldes dus sont les suivants:
Solde des cotisations pour 1977 1 955,34 $
Solde des cotisations pour 1980 1 350,00 $
Solde des cotisations pour 1981 1 620,23 $
Cotisations de pénalisation 1 537,55 $
Cotisations de pénalisation mensuelles 1 890,62 $
Total 8 353,74 $
Le 26 janvier 1981, la défenderesse Eiger Booming Ltd. a consenti à la demanderesse une hypothèque au montant de 13 000 $ sur le navire ainsi qu'une hypothèque mobilière sur certains de ses biens.
' R.S.B.C. 1979, chap. 437.
L'hypothèque maritime a été enregistrée au bureau d'enregistrement des navires à Vancouver, C.-B., le 11 février 1981. Cette hypothèque est maintenant en souffrance et le montant et exigible s'élève à 12 992,76 $, plus les intérêts au taux de 18,25 % depuis le 24 octobre 1981.
Le 17 novembre 1980, la Workers' Compensa tion Board a déposé un certificat, conformément à l'article 45 de la Workers Compensation Act, devant la Cour de comté de l'île de Vancouver, greffe de Campbell River sous le numéro de greffe 251/80 au montant de 4 752,51 $, certificat qui est devenu une ordonnance au moment de son dépôt. Un bref de saisie et de vente a été lancé ce même jour au greffe de Campbell River. Le 11 septembre 1981, devant la Cour de comté de l'île de Vancou- ver, greffe de Nanaimo sous le numéro de greffe CC4022, un autre certificat au montant de 3 601,23 $ a été déposé, en conséquence de quoi un bref de saisie et de vente a été lancé.
Le 31 août 1981, le navire a été saisi sur le fondement du jugement du 17 novembre 1980; sa vente a été annoncée pour les 18 et 19 janvier 1982, et le défendeur Paul Arnold Beltgens a fait une offre s'élevant à 11 000 $ pour l'achat dudit navire. Le 30 janvier 1984, la Workers' Compen sation Board a déposé un avis de requête devant la Cour de comté de l'île de Vancouver, au greffe de Campbell River, afin d'obtenir une ordonnance confirmant la vente du navire Winder 4135 à M. Beltgens.
Le 8 février 1984, la demanderesse a engagé les présentes procédures devant cette Cour afin de concrétiser l'hypothèque maritime de la banque, et le 20 février 1984, elle a donné avis qu'elle deman- derait une ordonnance interdisant toute transac tion elative au navire ou à quelque partie de celui-ci jusqu'à ce que la Cour ait rendu une autre ordonnance conformément à l'article 44 de la Loi sur la marine marchande du Canada [S.R.C. 1970, chap. S-9]. L'audition de cette requête a été ajournée et, le 24 février 1984, les avocats de la Banque fédérale de développement et de la Wor kers' Compensation Board se sont entendus pour que la question de la priorité de rang entre la Banque et la Commission soit tranchée par la Cour fédérale du Canada; en conséquence de cet accord, la mainlevée de la saisie du navire Winder 4135 a été accordée. Le 26 mars 1984, la requête a été accueillie comme suit:
[TRADUCTION] La requête est accueillie étant donné qu'il est entendu que les deux parties acceptent que la question de la priorité de rang soit tranchée par la Cour sans qu'il ne soit fait renvoi aux procédures engagées devant la Cour de comté de l'île de Vancouver, que la Workers Compensation Board de la Colombie-Britannique, qui détient actuellement les fonds résul- tant de la vente du navire conformément au jugement de ladite Cour de comté, versera à la Banque fédérale de développement, sous réserve de son droit d'appel, ces fonds ou partie de ceux-ci comme pourra l'ordonner le jugement de la présente Cour, et que les deux parties admettent que l'acheteur du navire confor- mément au jugement de la Cour de comté de l'île de Vancouver détient un titre de propriété valable et qu'elles consentent à ce que la Cour de comté de l'île de Vancouver ordonne, par jugement, au registrateur des navires d'effectuer ledit transfert immédiatement après qu'une décision finale aura été rendue sur la question de l'ordre de priorité des réclamations au sujet du produit de la vente. Les dépens suivront le sort de la cause.
Pendant les plaidoiries sur cette requête visant à déterminer la priorité de rang, l'avocat de la demanderesse a fait remarquer qu'en conséquence de cette entente, sa cliente n'aurait plus de recours contre le navire en raison de son hypothèque une fois que le titre de propriété aura été transféré à l'acheteur, Paul Arnold Beltgens, qui recevrait le navire libre de toute hypothèque, malgré le fait que les annonces de la vente devant la Cour de comté de l'île de Vancouver ne mentionnaient aucunement que le navire était vendu libre de toute charge; qu'en outre, si la vente avait été effectuée devant cette Cour à la suite de l'enregis- trement de l'hypothèque de la demanderesse, elle n'aurait pas entraîné la libération de l'hypothèque, peu importe la décision rendue sur la question de la priorité de rang, à moins que ladite hypothèque n'ait été acquittée en totalité. Étant donné ces circonstances et cette entente, M. Beltgens n'était pas représenté à l'audience, vu qu'il n'avait aucun intérêt à l'égard de la manière dont les 11 000 $ qu'il avait versés pour le navire seraient répartis.
Il semble, selon les avocats des parties, que le présent litige n'a jamais fait l'objet d'un jugement rendu dans une affaire de droit maritime dans ce pays ni d'ailleurs en Angleterre. Il ne fait aucun doute que, en vertu de l'alinéa 22(2)a) de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10], la Cour fédérale a compétence relative- ment à toute demande portant sur le titre, la possession ou la propriété d'un navire ou d'un droit de propriété partiel y afférent ou relative au pro- duit de la vente d'un navire ou d'un droit de propriété partiel y afférent. Dans l'arrêt Associa-
ted Metals & Minerals Corp. c. L'«Evie 2 , le juge en chef Jackett, parlant au nom de la Cour d'appel fédérale, a déclaré à la page 716 qu'«il n'est pas facile de définir l'amirauté et de faire son historique.» Il poursuit en mentionnant que des aspects du droit de l'amirauté sont obscurs, et il est d'avis la page 717] que (notamment):
c) le droit de l'amirauté coexiste avec d'autres législations «provinciales» relatives à la propriété et aux droits civils, et parfois les chevauche, et, au moins dans certains cas, l'issue des procès varie suivant qu'on invoque l'une ou l'autre légis- lation; et
d) le droit de l'amirauté ne fait pas partie intégrante du droit municipal ordinaire des diverses provinces, et il est suscepti ble d'être «révoqué, aboli ou modifié» par le Parlement du Canada.
Ce jugement a été mentionné par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Triglav, Zavaro- valna Skupnost, (Insurance Community Triglav Ltd.) c. Terrasses Jewellers Inc. et autre, [1983] 1 R.C.S. 283, aux pages 300 à 302, qui mentionnait le jugement du juge Ritchie de la Cour suprême rendu dans l'arrêt Evie W 3 , il déclare à la page 324 [citant Tropwood A.G. et autres c. Sivaco Wire & Nail Co. et autres, [1979] 2 R.C.S. 157, à la page 161]:
Il est important de remarquer que les chefs de compétence énumérés au par. 22(2) sont alimentés, dans le cadre du droit applicable, par le droit maritime canadien ou toute autre loi du Canada en matière de navigation et de marine marchande.
Vu cet arrêt, je suis convaincu que la conclusion du juge en chef Jackett sur la question de la compétence est bien fondée.
Il n'existe aucune loi fédérale fixant l'ordre de priorité, mais il est généralement reconnu qu'il fait partie du droit maritime canadien. Il semble cependant qu'il n'existe aucun arrêt ayant tranché la question de la priorité qu'il faut accorder à une créance fondée sur une loi provinciale valide et à son rang relativement aux créances reconnues en vertu du droit maritime; c'est pourquoi, il n'est possible de trancher le litige qu'en procédant par analogie avec les différents arrêts traitant de l'or- dre de priorité des créances en droit maritime. Cet
2 [1978] 2 C.F. 710 (C.A.).
3 [sous le nom de Anis Steamship Co. Inc. c. Associated Metals & Minerals Corporation,] [ 1980] 2 R.C.S. 322.
ordre a été . clairement énoncé dans l'arrêt Comeau's Sea Foods Ltd. c. Le «Frank and Troy»°, le juge suppléant Keirstead a déclaré aux pages 557 et 558:
Les privilèges qui peuvent grever un navire, une cargaison ou le fret d'un navire en vertu des principes du droit maritime peuvent être classés de la façon suivante:
1. les privilèges maritimes;
2. les privilèges possessoires;
3. les privilèges légaux.
Il définit ensuite les privilèges maritimes et les privilèges possessoires, qui ne peuvent s'appliquer à la demande présentée par la Workers' Compensa tion Board de la Colombie-Britannique. Il déclare à la page 559 relativement aux privilèges légaux:
Un privilège légal diffère d'un privilège maritime sur deux points:
(1) Le privilège légal ne court qu'à partir du jour de la saisie-arrêt et dépend des réclamations déjà existantes sur la chose: Voir l'affaire The Cella (1888) 13 P.D. 82, et
(2) Le privilège légal est annulé par la cession de bonne foi et à titre onéreux des biens: Voir l'affaire The Henrich BjSrn (1886) 11 A.C. 270.
Les privilèges légaux viennent après tous les privilèges mari- times, les privilèges possessoires et les hypothèques enregistrées qui existent à l'époque le navire est saisi en vue de faire valoir le privilège légal.
Même si on reconnaissait que le privilège que la Workers' Compensation Board de la Colombie- Britannique réclame en vertu de la Workers Com pensation Act de la Colombie-Britannique est un privilège valide grevant le navire, en vertu de cette décision, il prendrait rang après les hypothèques enregistrées qui existaient à l'époque le navire a été saisi en vue de faire valoir ledit privilège. En l'espèce, l'hypothèque de la demanderesse a été enregistrée le 11 février 1981, après le dépôt le 17 novembre 1980 du premier certificat de la Wor kers' Compensation Board, mais avant le dépôt le 11 septembre 1981 du second certificat et avant la saisie du navire, le 31 août 1981, par application du jugement de la Cour de comté de la Colombie- Britannique en date du 17 novembre 1980.
L'article 45 de la Workers Compensation Act de la Colombie-Britannique prévoit que, lorsqu'un employeur fait défaut de payer une cotisation, la Commission a le droit de le poursuivre; à la suite de son enregistrement, un certificat indiquant la somme qui reste impayée tient lieu d'un jugement
4 [1971] C.F. 556 (1" inst.).
de la cour contre cet employeur et peut être exé- cuté pour la somme indiquée dans le certificat. Le paragraphe 52(1) de la Loi porte:
[TRADUCTION] 52. (1) Nonobstant les dispositions de toute autre loi, le montant par un employeur à la Commission ou, lorsqu'il y eu cession conformément au paragraphe (4), à son mandataire, sur une cotisation prélevée en vertu de la présente Loi, ou sur une somme que l'employeur est tenu de payer à la Commission aux termes de la présente Loi, ou sur un jugement y afférent, constitue un privilège en faveur de la Commission ou de sa cessionnaire, ayant priorité sur tous les autres privilèges, charges ou hypothèques de toute personne, qu'ils existent déjà ou qu'ils doivent être créés par la suite, relativement aux biens réels, personnels et mixtes servant directement ou indirecte- ment à l'industrie pour laquelle l'employeur a été cotisé ou le montant est devenu exigible, ou au produit de leur vente, exception faite des privilèges relatifs aux salaires dus aux employés par leur employeur; le privilège sur le montant à la Commission ou à sa cessionnaire continue à être valide et exécutoire en ce qui concerne chaque cotisation jusqu'à l'expi- ration d'un délai de cinq ans après la fin de l'année civile pour laquelle la cotisation a été prélevée.
Selon la loi de la Colombie-Britannique, le privi- lège de la Workers' Compensation Board a donc priorité sur tous les autres privilèges, charges ou hypothèques qu'ils existent déjà ou qu'ils doivent être créés par la suite, et il semble qu'il s'applique en l'espèce puisque le navire en question était un bien servant indirectement à l'industrie pour laquelle l'employeur a été cotisé. Évidemment, cela ne confère pas à la Commission un droit d'action in rem sur le navire comme le reconnaît le droit maritime dans des actions intentées devant la Cour fédérale. Les tribunaux de la Colombie-Britanni- que ont ordonné à bon droit la saisie du navire comme bien du débiteur tout comme n'importe lequel autre bien du débiteur aurait pu être saisi et était susceptible d'être grevé du privilège. En tant que demande relative au produit de la vente d'un navire, la question de l'ordre de priorité est du ressort de la Cour par application de l'alinéa 22(2)a) de la Loi sur la Cour fédérale.
La demanderesse établit une certaine analogie avec l'arrêt W.C.B. v. Kinross Mtge. Corp. 5 dans lequel il a été jugé que le privilège de la Workers' Compensation Board était sans effet parce qu'un privilège légal créé par une loi provinciale cessait d'être valide et exécutoire lorsque le débiteur fai- sait faillite. L'article 107 de la Loi sur la faillite
5 [1982] 1 W.W.R. 87 (C.A.C.-B.).
[S.R.C. 1970, chap. B-3] ne désignait pas la Com mission comme créancier garanti et, par consé- quent, sa créance n'a pas priorité sur la première hypothèque. Cet arrêt était cependant fondé sur la Loi sur la faillite et la Workers' Compensation Board soutient que c'est ce qui la distingue de l'espèce il n'existe pas de dispositions législati- ves fédérales fixant l'ordre de priorité des créances pour la répartition du produit de la vente aux termes de l'alinéa 22(2)a) de la Loi sur la Cour
fédérale.
La demanderesse a également invoqué plusieurs décisions et textes de doctrine américains. Il est dit dans Gilmore and Black 6 , à la page 758:
[TRADUCTION] Depuis le début des années cinquante, les tribu- naux fédéraux d'instance inférieure ont, sans exception, statué dans les cas relativement peu nombreux qui se sont présentés que les créances de l'État fédéral, des gouvernements des différents États et des gouvernements locaux étant de caractère non maritime prennent rang après tous les privilèges maritimes (y compris le privilège résultant d'une hypothèque privilégiée sur un navire), que ces privilèges maritimes soient créés avant ou après le moment la créance gouvernementale donne lieu au privilège ou à la priorité de rang en vertu de la loi de l'État fédéral ou des différents États applicable. La campagne en faveur d'une loi réparatrice a finalement entraîné l'adoption de la Federal Tax Lien Act de 1966 (80 Stat. 1125 (1966), 26 U.S.C.A. art. 6323 et seq.) qui était destinée à accorder une meilleure protection contre les créances fiscales du gouverne- ment fédéral aux détenteurs de garanties et autres privilèges que celle dont ils avaient bénéficié en vertu de la doctrine suivie par la Cour suprême. En rédigeant la Loi de 1966, le Congrès aurait fort bien pu conférer le statut de privilège maritime aux créances fiscales grevant les navires et opposables à leurs propriétaires. Étant donné que cette Loi ne contient aucune disposition au sujet de ces créances fiscales, on peut raisonna- blement présumer que le Congrès a décidé de respecter l'accord unanime découlant des textes de jurisprudence et selon lequel les créances fiscales étant de caractère non maritime, prenaient rang après tous les privilèges maritimes.
Cette assertion est fondée sur divers jugements rendus aux États-Unis dont Gulf Coast Marine t Ways v. The J.R. Hardee 7 dans lequel on trouve ceci à la page 385:
[TRADUCTION] Le «privilège naissant avant l'enregistrement et l'endossement d'une hypothèque privilégiée» défini à l'alinéa a)(1) désigne incontestablement un privilège maritime. Étant donné que le privilège fiscal du gouvernement est de caractère non maritime, je ne crois pas, même si un avis est déposé conformément aux dispositions législatives de l'un des États, qu'il a priorité sur les privilèges maritimes en général et sûrement pas sur les privilèges maritimes créés en vertu de la Ship Mortgage Act. Le Congrès n'a manifesté aucune intention claire de lui accorder un tel statut.
6 The Law of Admiralty, 2 0 éd., p. 757.
7 107 F.Supp. 379 (5th Cir. 1952).
On peut examiner aussi l'arrêt U.S. v. Flood 8 il est déclaré aux pages 211 et 212:
[TRADUCTION] Le privilège du gouvernement pour le recou- vrement des impôts est fondé sur les dispositions de l'article 3670 du Internai Revenue Code de 1939, 26 U.S.C.A., qui porte:
«Si une personne assujettie au paiement de l'impôt néglige ou refuse de payer cet impôt après que demande lui ait été faite à cet effet, le montant (y compris l'intérêt, la pénalité et tout montant additionnel s'ajoutant à celui de l'impôt ainsi que tous les frais qui peuvent en outre s'accu- muler) constitue un privilège en faveur des États-Unis sur tous les biens ou droits sur des biens, réels ou personnels, que possède cette personne.»
On trouve plus loin à la page 212:
[TRADUCTION] Tout au cours de la longue histoire du droit maritime général, on a régulièrement accordé préférence aux privilèges maritimes sur les créances garanties non maritimes de toutes sortes, qu'elles soient antérieures ou subséquentes. Voir par exemple, The Favorite, D.C.D.Or.1875, 8 Fed.Cas. 1104, 4699 (hypothèque subséquente); The J.E. Rumbell, 1893, 148 U.S. 1, 13 S.Ct. 498, 37 L.Ed. 345 (hypothèque antérieure). Le fondement théorique de la prééminence des créances maritimes est qu'elles «portent sur le navire lui-même comme instrument de commerce» tandis que les autres créances ne découlent que des actes du propriétaire.
Il a également été fait mention de deux décisions des tribunaux américains ont statué qu'une créance fiscale venait après un privilège maritime pour approvisionnement même si elle le précédait dans le temps.
Ces décisions étaient mentionnées à la page 356 de l'affaire U.S. v. Jane B. Corp. 9 :
[TRADUCTION] L'article 3670, 26 U.S.C.A., ne donne pas priorité à un privilège fiscal. Il s'agit manifestement d'un privilège non maritime. United States v. Flood, précité. Il n'a donc pas priorité sur une hypothèque privilégiée grevant un navire, enregistrée postérieurement. Gulf Coast Marine Ways v. The J.R. Hardee, D.C., 107 F.Supp. 379.
On a aussi mentionné l'affaire U.S. vs. «Cape Flattery I» 10 , qui porte à la page 348:
[TRADUCTION] Le privilège fiscal du Comté de Clallam est un privilège non maritime et comme tel, il ne confère pas le droit de participer à la répartition du produit de la vente du navire de la défenderesse tant que tous les privilèges maritimes connus et existants n'auront pas été liquidés. United States vs. Flood, 1957 A. M. C. 1715, 247 F.(2d) 209, 211 (1 Cir., 1957); Gulf Coast Marine Ways vs. J.R. Hardee, 1952 A. M. C. 1124, 107 F.Supp. 379, 384-385 (S.D. Tex., 1952)
8 247 F.2d 209 (1st Cir. 1957).
9 167 F.Supp. 352 (1st Cir. 1958).
10 1972 A.M.C. 345 (W.D. Wash. 1972).
Il semble que dans toutes ces décisions, l'expres- sion «privilège maritime» a un sens plus large que celui que lui confère notre droit maritime et com- prend les hypothèques enregistrées. L'avocat de la Workers' Compensation Board souligne cependant que les décisions rendues dans ces cas particuliers reposaient sur le fait que les autorités fédérales américaines auraient pu légiférer, si elles l'avaient souhaité, de manière à donner priorité à leurs créances fiscales sur les hypothèques grevant les navires, mais qu'elles ne l'ont pas fait. Il allègue en l'espèce que le législateur fédéral aurait pu adopter des dispositions législatives donnant priorité aux créances de droit maritime à l'encontre du produit de la vente d'un navire de la même manière qu'il a établi un ordre de priorité à l'article 107 de la Loi sur la faillite, pour l'application duquel il a aussi compétence, mais qu'il a omis de le faire.
J'estime toutefois difficile de conclure que son omission d'adopter de telles dispositions législati- ves a créé un champ inoccupé et que, par consé- quent, une législation provinciale pourrait s'appli- quer dans un litige suivant que cette législation provinciale relative à la propriété et aux droits civils (et qui coexiste avec le droit de l'amirauté fédéral et parfois le chevauche, comme le juge en chef Jackett le suggère dans le jugement rendu dans l'affaire Evie W (précité)) aurait pour résul- tat de faire passer le privilège que la Commission possède pour les montants dus tout au moins avant l'enregistrement de l'hypothèque de la demande- resse, sinon pour la totalité de ces montants, avant la créance de la demanderesse au moment de la répartition du produit de la vente du navire.
À l'appui de cette proposition, la Workers' Compensation Board a invoqué de nombreuses décisions. Dans l'affaire Royal Bank of Canada v. Workmen's Compensation Board of Nova Scotia", il s'agissait de déterminer si l'intimée avait le droit de participer à la distribution du prix d'une quantité de bois dur à planchers et de bois de construction en ayant priorité de rang sur la garantie que possédait la Banque en vertu de l'article 88 de la Loi des banques [S.R.C. 1927, chap. 12]. Le jugement porte à la page 563 R.C.S.; 12 D.L.R.:
" [1936] R.C.S. 560; [1936] 4 D.L.R. 9.
[TRADUCTION] Il ne fait aucun doute que les dispositions de l'article 88 de la Loi des banques portent exclusivement sur les opérations bancaires et relèvent, par conséquent, du Parlement du Dominion en vertu de l'article 91(15); cependant, la Cour est d'avis qu'en adoptant ces dispositions, le Parlement n'avait pas l'intention de soustraire les biens, qui pourraient être transportés à une banque à titre de sûreté, à l'application de toute disposition adoptée par l'Assemblée législative de la pro vince se trouvent les biens, dans l'exercice légitime de son pouvoir relatif à la taxation directe à des fins provinciales prévu à l'article 92(2).
et aux pages 564 et 565 R.C.S.; 13 D.L.R.:
[TRADUCTION] L'article 88 de la Loi des banques ne crée pas un privilège; cependant, il prévoit qu'une banque peut prêter de l'argent aux marchands de certains produits sur la garantie de ces produits consentie dans un document revêtant la forme prévue à l'annexe c) et qu'en vertu d'une telle garantie, la banque obtient les mêmes droits et pouvoirs sur ces produits que si elle les avait acquis aux termes d'un récépissé d'entrepôt. Il n'existe aucun privilège à moins que la banque conclue une entente avec son client. Le paragraphe 79(2) de la loi provin- ciale, la Workmen's Compensation Act, crée directement un privilège pour les taxes ou charges publiques. Il n'existe donc pas de contradiction entre les dispositions elles-mêmes des textes législatifs fédéraux et provinciaux ni de conflit dans leur application, comme le montre l'espèce, sauf que l'article 88 de la Loi des banques prévoit qu'aucun bien cédé à une banque en vertu de ses dispositions ne doit être soumis à la taxation directe prévue au paragraphe 92(2) de l'A.A.N.B. La Cour estime que telle n'est pas l'intention des dispositions fédérales et que les dispositions provinciales doivent donc l'emporter.
J'ai cependant quelques doutes quant à la perti nence de cette décision étant donné que l'article 88 de la Loi des banques ne retire pas à une société l'usage et la possession du bien ni n'empêche la création d'un privilège sur ce bien comme c'est le cas pour les cotisations relatives aux accidents du travail. En l'espèce, il semble que ce n'est pas le navire qui est assujetti au paiement de la demande de la Commission des accidents du travail mais plutôt ses propriétaires, le navire faisant simple- ment partie avec d'autres biens des propriétaires de leurs biens grevés d'un privilège.
Il a également été fait mention d'autres déci- sions dans lesquelles aucun navire n'était concerné. Dans l'affaire North West Life Assur. Co. of Can. v. Westridge Const. Ltd. 12 , la Cour a statué que les dispositions de l'article 49 de la Workers Compen sation Act qui crée un privilège sur les biens réels d'un employeur donne priorité à ce privilège sur les hypothèques enregistrées antérieurement.
' 2 (1980), 21 B.C.L.R. 235 (C.S.).
On a aussi invoqué une décision apparemment non publiée rendue en Colombie-Britannique par le juge Dryer dans l'affaire Eastern and Chartered Trust Company and Perry Nelson Holmes Limi ted et al., le 31 mars 1965. Il s'agissait de détermi- ner si le créancier hypothécaire demandeur avait priorité sur les droits de la Workers' Compensation Board. La Cour a jugé que non et que la Commis sion n'avait pas à choisir entre l'exécution du jugement et la revendication du privilège, ces deux
recours étant distincts.
L'avocat de la Commission a aussi invoqué l'ar- rêt Workmen's Compensation Board v. Sumas Oil & Gas Co. 13 dans lequel la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a jugé qu'une créance de la Workmen's Compensation Board avait priorité sur la créance d'un créancier hypothécaire de rang antérieur. Le juge en chef Macdonald a dit à la page 123 au sujet de ce qui était alors l'article 46 de la Loi:
[TRADUCTION] Il confère par son libellé même priorité au débiteur de l'appelante sur tous les «privilèges, charges ou hypothèques» grevant le bien en question, «qu'ils existent déjà ou qu'ils doivent être créés par la suite» sauf les salaires dus aux travailleurs, et ce, nonobstant toute loi à l'effet contraire. Par conséquent, lorsqu'un appelant détient un privilège sur le bien saisi par le shérif, l'article 46 déclare expressément que ce privilège aura priorité sur toute hypothèque peu importe le moment od elle a été prise, c'est-à-dire peu importe que le privilège ait pris naissance avant ou après l'hypothèque. Bref, le privilège des appelantes prime l'hypothèque de l'intimée. Les appelantes en l'espèce cherchent à faire valoir leurs droits par l'exécution du jugement et les créanciers hypothécaires essaient de les empêcher de le faire. Il ne fait aucun doute qu'elles sont propriétaires du bien en raison de l'hypothèque qu'elles ont obtenu du débiteur, mais si l'appelante a, en raison de l'exécu- tion du jugement, un privilège sur le bien, comme je crois que c'est le cas, ce privilège a priorité sur l'hypothèque en vertu dudit article. L'Assemblée législative peut rendre loi ce qui ne l'était pas auparavant, et elle peut mettre fin aux droits acquis en droit et en equity si elle exprime son intention de le faire.
et aussi,
[TRADUCTION] Rien n'empêche donc l'appelante de faire valoir un privilège qu'elle ne posséderait pas en equity et en l'absence de l'article 46, mais compte tenu de cet article, elle a un droit de priorité sur le bien saisi et non sur le droit de rachat. L'Assemblée législative a la compétence de leur octroyer la totalité du bien et je pense qu'elle a eu l'intention de le faire pour leur assurer une garantie pour leur privilège.
Une fois encore cette décision ne portait que sur le droit de propriété en Colombie-Britannique, aucune hypothèque sur un navire n'étant en cause et c'est pourquoi elle n'est pas vraiment pertinente en l'espèce.
13 [1933] 2 W.W.R. 121 (C.A.C.-B.).
L'avocat de la Commission a aussi mentionné le 418 du volume 14 des British Shipping Laws traitant des privilèges maritimes, qui porte que: [TRADUCTION] «Jusqu'à maintenant, à part avoir
accordé une priorité légale au privilège maritime du sauveteur de personnes, le pouvoir législatif n'a pas essayé de fixer un ordre précis de priorité. Le pouvoir judiciaire n'a pas non plus été tenté de le faire. Au contraire, les juridictions d'appel et d'amirauté ont adopté une méthode largement dis- crétionnaire, le rang des créances concurrentes étant établi en fonction de considérations d'équité, d'intérêt public et d'opportunité commerciale, le but ultime étant de faire ce qui est juste dans les circonstances de chaque cas.»
Il est cependant intéressant de souligner le 454 intitulé «Créancier saisissant»:
[TRADUCTION] Le créancier saisissant qui fait saisir par un shérif, en vertu d'un bref de fieri facias ou un autre moyen semblable, les biens d'un débiteur condamné par jugement est dans la même position qu'un créancier garanti, c'est-à-dire qu'il est légalement habilité à obtenir que les biens soient vendus et que le jugement soit exécuté sur le produit de la vente. La possession de biens par le shérif n'empêche pas leur saisie par le prévôt en matière d'amirauté, mais comme c'est le cas pour le détenteur d'un privilège possessoire, le tribunal protégera par la suite les intérêts et l'ordre de priorité du créancier saisissant. La saisie en cour d'amirauté ne prive donc pas le créancier saisis- sant de sa garantie.
Le créancier saisissant ne peut saisir en exécution de sa créance que ce qui appartient au débiteur condamné par juge- ment. Lorsqu'il existe une charge de rang antérieur, comme par exemple un privilège maritime ou un privilège légal ou encore une hypothèque, le créancier saisissant ne peut saisir les biens que grevés de ces charges. Les privilèges et charges qui s'atta- chent aux biens après leur saisie par le shérif viennent toutefois après la garantie du créancier saisissant.
En l'espèce, le premier bref de saisie a été lancé par le tribunal de première instance le 17 novem- bre 1980, mais le navire n'a pas été saisi avant le 31 août 1981 et l'hypothèque de la demanderesse a été enregistrée contre le navire le 11 février 1981, de sorte que si la question de la priorité faisait l'objet du litige, la créance de la demanderesse aurait de toute façon priorité. Bien que la Wor kers' Compensation Board avait, comme je l'ai déjà dit, le droit de saisir le navire parce qu'il faisait partie des biens de la défenderesse Eiger Booming Ltd., sa débitrice, elle ne détenait aucun droit précis sur le navire jusqu'au moment de la
saisie. Le privilège qu'elle détenait en vertu de la Workers Compensation Act n'avait pas été enre- gistré contre le navire contrairement à l'hypothè- que sur le navire consentie à la demanderesse. Il n'y a pas lieu de déterminer si ce privilège pouvait être enregistré ou non étant donné qu'il n'y a pas eu enregistrement.
Comme l'avocat de la Commission le fait remar- quer, il est possible qu'il existe sur un navire de nombreuses créances qui n'apparaissent pas dans le registre, mais cela ne modifie en rien leur vali- dité. C'est pourquoi au cours des dernières années, la Cour fédérale a affirmé que dans les annonces de vente et dans les ventes, la Cour ne garantit pas que l'acheteur d'un navire l'obtient libre de toutes charges autres que celles qui paraissent dans le registre des navires. Les annonces de la vente en l'espèce n'indiquaient pas que le navire était vendu libre de toute charge. Compte tenu des faits de l'espèce, il est admis que l'acheteur, Paul Arnold Beltgens, n'ignorait pas l'existence de la créance de la Workers' Compensation Board ni, très proba- blement, que le navire servait pour le flottage du bois à l'aide d'estacades flottantes et que ses pro- priétaires pouvaient être tenus de payer des cotisa- tions pour les accidents du travail, mais règle générale, ce ne serait pas le cas et l'acheteur ignorerait l'existence d'une telle créance éven- tuelle. La même situation s'applique à la demande- resse, qui est le prêteur hypothécaire. En règle générale, un prêteur qui consent de bonne foi un tel prêt n'a aucun moyen de se protéger contre les créances non enregistrées dont il ignore l'existence. Je souscris à cet énoncé tiré de la décision rendue aux États-Unis dans l'affaire Flood (précitée): [TRADUCTION] «le fondement théorique de la prééminence des créances maritimes est qu'elles "portent sur le navire lui-même comme instrument de commerce" tandis que les autres créances ne découlent que des actes du propriétaire». Je crois que c'est le principe qu'il faudrait suivre et que, par conséquent, en raison de son hypothèque enre- gistrée, la réclamation de la demanderesse doit primer celle de la Workers' Compensation Board de la Colombie-Britannique découlant de sa créance à l'encontre du propriétaire du navire pour les cotisations pour les accidents du travail. Le produit de la vente du navire devrait être réparti en conséquence, avec dépens en faveur de la demanderesse.
ORDONNANCE
La créance de la demanderesse, la Banque fédé- rale de développement, a priorité sur celle de la Workers' Compensation Board de la Colombie- Britannique en ce qui concerne le produit de la vente du navire Winder 4135.
La Workers' Compensation Board de la Colom- bie-Britannique devra payer les dépens.
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