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85-A-349
Donna Patricia Saywack (requérante)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
RÉPERTORIÉ: SAYWACK C. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION)
Cour d'appel, juges Heald, Urie et Stone— Toronto, 29 avril; Ottawa, 20 mai 1986.
Pratique Jugements et ordonnances Annulation ou modification La Cour d'appel a prononcé une ordonnance rejetant une demande d'autorisation d'interjeter appel d'une décision de la Commission d'appel de l'immigration La demande en l'espèce sollicite de cette Cour qu'elle reconsidère les dispositions de cette ordonnance conformément à la Règle 1733 La Cour a-t-elle le pouvoir d'accorder le redresse- ment demandé? La Règle 1733 a un caractère exceptionnel et n'est appliquée que lorsque la situation l'exige clairement Les motifs de la décision de la Commission ont été reçus par la requérante deux jours francs d'audience avant l'audi- tion de la demande d'autorisation d'appel Les motifs de la décision n'avaient pas été transmis à la Cour La requérante n'avait pas encore consulté un avocat et présumait que les motifs de la Commission avaient été soumis à la Cour La décision de la Cour aurait peut-être été différente si ces motifs lui avaient été soumis Les motifs de la Commission sont des «faits ... qui ont été découverts par la suite» La requérante a exercé une diligence raisonnable L'ordonnance précédente est supprimée dans son entier et l'autorisation d'appel est accordée Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 2(1), 324, 337(5)b), 1102(1), 1301(3), 1733 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2» Supp.), chap. 10, art. 3 Rules of Practice, R.R.O. 1980, Reg. 540, Règle 529; Règles de procédure civile, Règl. de l'Ont. 560/84, Règle 59.06(2) Chancery Orders, Holmested's Rules and Orders, 1884, Vol. 1, p. 177, Ordonnance 330.
Immigration Expulsion La requérante a obtenu la qualité d'immigrante reçue et a été autorisée à entrer au Canada conditionnellement à son mariage dans les 90 jours de son admission La requérante a fait une déclaration fausse portant qu'elle n'avait pas d'enfant Le fiancé de la requé- rante est revenu sur sa promesse L'expulsion de la requé- rante a été ordonnée La prétention voulant que la Commis sion d'appel de l'immigration ait commis une erreur en appliquant la politique de la Loi ayant trait à la réunion au Canada des citoyens et résidents permanents avec leurs parents de l'étranger est une cause défendable La Cour d'appel supprime l'ordonnance antérieure et accorde l'autorisation d'appel en raison du fait que la décision de la Commission n'avait pas été transmise à la Cour au moment la demande d'autorisation d'appel a été rejetée Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 3c), 27(1)b),e), 32(2), 72 (mod. par S.C. 1984, chap. 21, art. 81), 84.
Un arbitre a ordonné l'expulsion de la requérante, qui était entrée au Canada à titre d'immigrante reçue, pour le motif que
celle-ci n'avait pas satisfait à la condition de son admission— son mariage avec son fiancé dans les 90 jours de cette admis- sion—et parce qu'elle avait omis de déclarer qu'elle avait une fille.
L'appel interjeté par la requérante devant la Commission d'appel de l'immigration a été rejeté pour le motif que son admission au Canada pourrait entraîner une séparation perma- nente de la mère et de son enfant, ce qui serait tout à fait contraire à l'objectif énoncé à l'alinéa 3c) de la Loi (faciliter la réunion au Canada des citoyens canadiens et résidents perma nents avec leurs proches parents de l'étranger).
La requérante a sollicité l'autorisation d'en appeler de cette décision mais n'en a pas fait parvenir les motifs à la Cour en temps voulu, ne les ayant reçus que deux jours francs d'au- dience avant que cette Cour ne rende sa décision relativement à sa demande. La demande a été rejetée.
La demande en l'espèce, fondée sur la Règle 1733, sollicite de la Cour qu'elle reconsidère son rejet de la demande d'autori- sation d'appel. Il est soutenu que la Commission a commis une erreur dans son interprétation d'un objet de la Loi énoncé à son alinéa 3c), et que les motifs de la Commission constituent des «faits ... qui ont été découverts par la suite» au sens de la Règle 1733.
Arrêt: la demande devrait être accueillie et la demande d'autorisation d'appel devrait être accordée.
La requérante a fait valoir des moyens défendables à l'appui de sa prétention voulant que la Commission se soit trompée dans son interprétation de l'alinéa 3c). Il peut être soutenu que, contrairement à la conclusion de la Commission, la résidence permanente de la requérante dans notre pays ne contreviendrait pas à la politique de la «réunion des parents». De plus, l'inter- prétation de cette politique a joué un rôle important dans la décision de la Commission.
La question déterminante est celle de savoir si la Règle 1733 confère à la Cour le pouvoir d'accorder le redressement demandé. En d'autres termes, les motifs de la Commission peuvent-ils être considérés comme des «faits ... qui ont été découverts par la suite». La Règle 1733 possédant un caractère exceptionnel, seul un cas bien clair pourra inciter la Cour à l'appliquer.
Ainsi qu'il ressort des définitions des dictionnaires et de la jurisprudence, le terme «matter» («faits») est assez large pour comprendre les motifs de la Commission. Et ces motifs ont «été découverts par la suite». La requérante ne les a reçus que deux jours francs d'audience avant que la Cour ne décide de la demande. De plus, comme leur importance n'a pu ressortir de façon claire qu'une fois qu'un conseiller professionnel les eut examinés et expliqués à la requérante, les motifs de la Commis sion n'ont pas pu être «découverts» par celle-ci avant qu'elle n'ait consulté un avocat.
La requérante a agi avec diligence raisonnable. Elle a demandé que lui soient communiqués les motifs de la décision de la Commission peu de temps après avoir reçu cette décision, elle a rédigé une lettre dans laquelle elle a affirmé que ces motifs étaient nécessaires pour son «appel» et elle a consulté un avocat sans trop tarder après les avoir reçus.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Dumble v. Cobourg and Peterborough R. W. Co. (1881), 29 Gr. 121 (Ch.); Soo Mill & Lumber Co. Ltd. v. City of Sault Ste. Marie (1972), 29 D.L.R. (3d) 129 (H.C. Ont.); Murray-Jensen Mfg. Ltd. v. Triangle Conduit & Cable (1968) Can. Ltd. (1984), 46 C.P.0 285 (C.S. Ont.); Re Bell, [1947] O.W.N. 801 (C.A.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Flower v. Lloyd (1877), 6 Ch.D. 297 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Kramer c. La Reine, [1976] 1 C.F. 242 (lie inst.); Smith v. Merchants Bank of Canada (1917), 40 O.L.R. 309 (C.A.).
AVOCATS:
Hart M. Schwartz pour la requérante. U. K. Kaczmarczyk pour l'intimé.
PROCUREURS:
Chiasson, Jackman, Toronto, pour la requé- rante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE STONE: La demande en l'espèce solli- cite de cette Cour qu'elle «[procède à] un nouvel examen des termes» de notre ordonnance en date du 8 octobre 1985 rejetant une demande présentée conformément à la Règle 324 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663] en vue d'obtenir l'au- torisation d'interjeter appel devant cette Cour d'une décision de la Commission d'appel de l'im- migration. Le droit d'interjeter appel de la décision de la Commission est conféré par l'article 84 de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52 et ses modifications, dans la mesure cette Cour «accorde l'autorisation d'appel» sur demande présentée conformément à cet article. Bien que la requérante invoque à la fois les disposi tions de la Règle 337(5)b) et celles de la Règle 1733, elle n'a appuyé ses prétentions que sur les dispositions de cette dernière Règle. La décision qui sera rendue sur la demande en l'espèce ne devra donc procéder que de l'interprétation de cette seule Règle.
Les faits
La décision de la Commission d'appel de l'immi- gration portait sur une demande de redressement fondée sur l'article 72 de la Loi sur l'immigration de 1976 [mod. par S.C. 1984, chap. 21, art. 81]. La requérante est entrée au Canada en février
1983 titre d'immigrante reçue; ce statut était conditionnel à son mariage avec son fiancé dans les 90 jours de son admission. Plus tôt, elle avait déclaré au fonctionnaire canadien de l'immigration saisi de sa demande ainsi que de la question de la délivrance d'un visa qu'elle n'avait aucun enfant bien que, en fait, elle fût mère d'une petite fille résidant, elle aussi, dans son pays d'origine. Après l'arrivée de la requérante au Canada, son fiancé est revenu sur sa promesse de mariage.
La requérante a rapidement avisé les autorités canadiennes en matière d'immigration de ces nou- velles circonstances, et, en temps voulu, une enquête a été tenue conformément à la Loi. Un arbitre a ordonné son expulsion à la fois pour le motif qu'elle n'avait pas satisfait à la condition de son admission dans le délai imparti et parce que, avant d'être admise au Canada, elle avait fait une déclaration erronée au sujet de l'existence de son enfant. En conséquence, il a été décidé qu'elle avait enfreint les alinéas 27(1)b) et e) de la Loi sur l'immigration de 1976. Ces alinéas sont ainsi libellés:
27. (1) Tout agent d'immigration ou agent de la paix, en possession de renseignements indiquant qu'un résident perma nent
b) a sciemment contrevenu aux conditions auxquelles était soumis son droit d'établissement,
e) a obtenu le droit d'établissement soit sur présentation d'un passeport, visa ou autre document relatif à son admission faux ou obtenu irrégulièrement, soit par des moyens fraudu- leux ou irréguliers soit grâce à une représentation erronée d'un fait important, que ces moyens aient été exercés ou ces représentations faites par ledit résident ou par un tiers, ou
doit adresser un rapport écrit et circonstancié au sous-ministre à ce sujet.
En vertu du paragraphe 32(2) de la Loi, un arbitre doit expulser un individu au sujet duquel, après la tenue d'une enquête, il est conclu qu'il est une personne visée à l'un ou l'autre des alinéas précités.
La requérante a alors interjeté appel de l'ordon- nance d'expulsion devant la Commission d'appel de l'immigration conformément au paragraphe 72(1) de la Loi. Ce paragraphe prévoit que:
72. (1) Sous réserve du paragraphe (3), toute personne frappée d'une ordonnance de renvoi qui est soit un résident permanent, soit un titulaire de permis de retour valable et délivré conformément aux règlements, peut interjeter appel devant la Commission en invoquant l'un des deux motifs sui- vants, ou les deux:
a) un moyen d'appel comportant une question de droit ou de fait ou une question mixte de droit et de fait;
b) le fait que, compte tenu des circonstances de l'espèce, elle ne devrait pas être renvoyée du Canada.
L'audition de l'appel a eu lieu à Toronto le 26 juin 1985 et la décision de la Commission rejetant cet appel a été rendue le 3 juillet 1985.
Après avoir reçu cette décision le 8 juillet, la requérante a décidé de solliciter l'autorisation d'in- terjeter appel devant cette Cour. À cette fin, elle a retenu les services d'un clerc d'avocat après que deux avocats de Toronto spécialisés en immigra tion lui eurent signifié qu'ils n'étaient pas disponi- bles pour la représenter dans cette affaire. Le clerc a rédigé un avis de requête ainsi qu'un affidavit justificatif et la requérante a déposé ces documents le 15 juillet 1985. A la même occasion, le clerc a rédigé une lettre qui, après avoir été signée par la requérante, a été expédiée à la Commission. Une copie de cette lettre a été déposée à la Cour à titre de pièce connexe à l'affidavit appuyant l'avis de requête. Cette lettre, qui est en date du 12 juillet 1985, dit notamment que:
[TRADUCTION] Je vais interjeter appel de la décision de la Commission d'appel de l'immigration en date du 3 juillet 1985 devant la Cour fédérale du Canada. Je demande que me soit remise une copie des motifs de la décision de la Commission.
Le 2 août 1985, avec l'aide du clerc d'avocat, la requérante a déposé à la Cour une plaidoirie écrite à l'appui de sa demande. Un fonctionnaire du greffe l'avait auparavant informée que, faute d'avoir déposé sa plaidoirie pour cette date, [TRA- DUCTION] «la question pouvait être tranchée sur la foi des seuls documents alors présentés à la Cour». Elle a transmis au clerc en temps opportun la plaidoirie présentée par l'intimé à l'appui de son opposition à l'autorisation d'appel, et elle lui a donné instruction d'y apporter une réponse, mais il n'en a rien fait.
Je traiterai à présent des faits qui intéressent le plus directement la demande en l'espèce. Ils sont mentionnés aux paragraphes 7 et 8 de l'affidavit auquel la requérante a souscrit le 17 octobre 1985 pour les fins des présentes procédures. Les déclara- tions contenues dans ces paragraphes n'ont pas été contredites, et rien n'empêche de les accepter telles quelles. La requérante a déposé:
[TRADUCTION] 7. Le 3 octobre 1985, j'ai reçu par la poste un avis portant qu'un colis enregistré m'avait été adressé et que je pouvais en prendre possession à la succursale postale «P» de Downsview. Je me suis rendue à cette succursale postale et y ai pris livraison des motifs de la décision de la Commission d'appel de l'immigration en date du 24 septembre 1985 ainsi que de la transcription de l'audition relative à mon appel, la pièce «A» annexée au présent affidavit. Une copie conforme des motifs de la Commission d'appel de l'immigration et de la lettre de couverture qui les accompagnait est aux présentes sous la cote «B».
8. Après que j'eus lu les motifs de la Commission, le jeudi 3 octobre 1985, on m'a conseillé de retenir les services d'un avocat, qui résoudrait, si possible, les problèmes que j'éprouvais à présenter correctement ma demande d'autorisation d'appel devant cette Cour. Je ne savais pas que la Cour ne verrait pas elle-même à ce qu'une copie de la décision de la Commission lui soit envoyée. J'ai pu obtenir un rendez-vous avec Mme Geral- dine Sadoway le 10 octobre 1985. Mme Sadoway n'a pu me représenter mais elle m'a adressée à l'avocat qui me représente actuellement, que j'ai rencontré au cours de la soirée du 11 octobre 1985. On m'a informée que mon avocat actuel avait contacté le registraire de cette Cour à Toronto, le mardi 15 octobre 1985, après le long week-end, pour apprendre que mon dossier serait soumis à l'examen de cette Cour le 18 octobre et que celle-ci attendait ma réponse aux observations écrites de l'intimé. On m'informe que mon avocat a avisé le registraire qu'il déposerait en même temps que cette réponse une demande sollicitant la permission de présenter une nouvelle plaidoirie, étant donné les motifs de la Commission que je venais de recevoir. Toutefois, au cours de l'après-midi du 15 octobre 1985, j'ai reçu par courrier recommandé l'ordonnance rendue le 8 octobre 1985 et portant la date du 9 octobre 1985 dans laquelle cette Cour rejetait ma demande d'autorisation d'appel.
Les questions en litige
La demande en l'espèce soulève deux questions. La première est celle de savoir si la Règle 1733 confère à cette Cour le pouvoir de reconsidérer et de modifier son ordonnance du 8 octobre 1985 et, dans l'affirmative, la seconde question consiste à savoir si l'espèce réunit les conditions justifiant l'autorisation d'appel. Il est peut-être préférable de répondre en premier lieu à la seconde question car si nous décidions que l'espèce ne réunit pas les conditions justifiant l'autorisation d'appel, il ne serait aucunement nécessaire de traiter de la com- pétence conférée par la Règle 1733.
Le bien-fondé de la demande d'autorisation
Les motifs de la décision de la Commission nous sont présentés à titre de pièce annexée à l'affidavit de la requérante en date du 17 octobre 1985. La Commission a conclu qu'il n'existait aucun motif lui permettant d'intervenir sur le fondement de l'alinéa 72(1)a) de la Loi; il avait effectivement été admis dans cette instance que l'arbitre n'avait commis aucune erreur de droit. La question portait donc sur l'applicabilité du redressement prévu à l'alinéa 72(1)b). Il est évident que la requérante a très favorablement impressionné la Commission puisque celle-ci a conclu dans ses motifs la page 4) que la requérante «a toutes les qualités que le Canada devrait rechercher auprès de ses immi grants: la ténacité, l'honnêteté et la volonté d'amé- liorer son sort». La Commission a appuyé sa déci- sion de rejeter l'appel sur les motifs suivants (aux pages 4 et 5):
Une difficulté demeure cependant: l'appelante n'a pas été admise au Canada de la même façon qu'un immigrant indépen- dant dans des circonstances normales. [sic] a reçu un traite- ment spécial parce qu'elle était censément fiancée, et elle a pu être admise au Canada sans que son enfant ne subisse les examens habituellement effectués pour toutes les autres person- nes à charge. Ces examens ont évidemment été évités parce que l'appelante a caché l'existence de la petite fille. En d'autres termes, elle a contourné les exigences d'admission plus sévères imposées à tous les immigrants parce qu'elle était fiancée et qu'elle a caché l'existence d'une personne à charge. De plus, il y a cette petite fille laissée dans le pays d'origine et séparée de sa mère, par suite d'un acte délibéré de celle-ci. Si la Commission devait accepter la demande de mesure spéciale présentée par l'appelante, cela pourrait entraîner une séparation permanente de la mère et de l'enfant, ce qui est tout à fait contraire à l'alinéa 3c) (de faciliter la réunion au Canada des citoyens canadiens et des résidents permanents avec leurs proches parents de l'étranger) de la Loi sur l'immigration de 1976.; La Commission estime que l'appelante n'a pas réussi à démontrer assez de circonstances qui justifieraient l'exercice des pouvoirs spéciaux de la Commission et par conséquent, l'appel est rejeté conformément à l'alinéa 72(1)b) de la Loi sur l'immigration de 1976.
Il ne serait pas approprié, à cette étape-ci des procédures, que nous nous prononcions de façon définitive sur le bien-fondé de l'appel. Je crois d'autre part que la requérante a présenté une cause défendable. C'est tout ce qu'elle avait à faire. Il apparaît soutenable que la Commission se soit trompée dans son appréciation d'un objet de la Loi tel qu'il est énoncé à son alinéa 3e), dont le libellé complet est le suivant:
3. Il est, par les présentes, déclaré que la politique d'immi- gration du Canada, ainsi que les règles et règlements établis en
vertu de la présente loi, sont conçus et mis en oeuvre en vue de promouvoir ses intérêts sur le plan interne et international, en reconnaissant la nécessité
c) de faciliter la réunion au Canada des citoyens canadiens et résidents permanents avec leurs proches parents de l'étran- ger; (C'est moi qui souligne.)
La requérante soutient assez énergiquement, me semble-t-il, que la Commission a interprété les termes de cet alinéa de façon erronée. Je crois qu'il s'agit d'un argument qui devrait être entendu en appel pourvu que cette voie soit, par ailleurs, ouverte. Comme l'alinéa 3c) vise la réunion «au Canada» des citoyens canadiens et résidents per manents avec leurs proches parents de l'étranger, il peut être soutenu que la résidence permanente de la requérante dans notre pays ne contreviendrait pas à cette politique. Il ne semble pas non plus que l'opinion exprimée par la Commission sur cette question ne soit qu'une réflexion après coup venue s'ajouter à d'autres motifs qui l'eussent déjà con- vaincue de rejeter l'appel. S'il est vrai qu'elle a également pris en considération les déclarations erronées faites par l'appelante au sujet de l'exis- tence de son enfant, je ne puis dire que la Commis sion a fondé son rejet de l'appel sur ce seul motif. Le libellé de ses motifs suggère plutôt fortement le contraire, c'est-à-dire que son appréciation de l'ob- jectif de la Loi tel qu'il se trouve énoncé à l'alinéa 3c) a joué un rôle important dans sa décision générale de rejeter l'appel interjeté en vertu de l'alinéa 72(1)b) de cette même loi.
La Règle 1733
La question déterminante est celle de savoir si la Règle 1733 confère à la Cour le pouvoir d'accorder. le redressement demandé. Cette Règle est ainsi libellée:
Règle 1733. Une partie qui a droit de demander en justice l'annulation ou la modification d'un jugement ou d'une ordon- nance en s'appuyant sur des faits survenus postérieurement à ce jugement ou à cette ordonnance ou qui ont été découverts par la suite, ou qui a droit d'attaquer un jugement ou une ordonnance pour fraude, peut le faire, sans intenter d'action, par simple demande à cet effet dans l'action ou autre procédure dans laquelle a été rendu ce jugement ou cette ordonnance.
La Règle 1733 se trouve à la Partie VI, intitulée «Règles concernant des cas spéciaux et des problè- mes particuliers», sous le sous-titre «Annulation des jugements en raison de faits nouveaux ou de fraude». Cette Règle ne faisait pas partie des
Règles et ordonnances générales de la Cour de l'Échiquier du Canada, qui sont devenues cadu- ques lors de l'établissement, en 1971, de la Cour fédérale du Canada.
La requérante soutient que cette Règle confère à notre Cour toute l'autorité voulue pour accorder le redressement demandé. Elle prétend que la Cour aurait accordé cette autorisation si les motifs de la Commission lui avaient été soumis, ajoutant que ces motifs constituent des «faits ... qui ont été découverts par la suite» et que, par conséquent, la Règle doit s'appliquer.
L'intimé, pour sa part, soutient que ces motifs ne constituent aucunement des «faits» (matter) mais sont simplement un élément du dossier de la Commission qui aurait pu, conformément à la Règle 1301(3), être transmis à la Cour en temps voulu avant qu'elle ne rende son ordonnance:
Règle 1301. .. .
(3) Lorsqu'un requérant désire s'appuyer sur des pièces qui sont en la possession du tribunal dont l'ordonnance ou la décision fait l'objet de l'appel proposé, qu'il s'agisse de tout le dossier pertinent du tribunal ou de certaines pièces, il peut signifier au fonctionnaire compétent de ce tribunal une copie de l'avis de la demande d'autorisation d'appel auquel est jointe une demande de transmission de ces pièces à l'administrateur de la Cour de façon à ce qu'elles soient à la disposition de la Cour au moment de la demande d'autorisation d'appel; lorsqu'une telle demande de transmission est ainsi signifiée, le tribunal doit faire transmettre à l'administrateur de la Cour les pièces demandées ou, si pour quelque raison il est impossible de le faire, il doit en informer le requérant et l'administrateur, par écrit, et envoyer un fonctionnaire supérieur compétent à l'au- dience au moment de la présentation de la demande d'autorisa- tion d'appel pour répondre à toutes questions que la Cour voudra poser en ce qui concerne ces pièces.
L'intimé soutient également que, même si ces motifs constituent des «faits» (matter), ils n'ont pas été «découverts par la suite» puisque la requérante les avait en sa possession avant le 8 octobre 1985. Il soutient qu'il était encore temps de porter ces motifs à l'attention de la Cour et que le défaut de la requérante de ce faire indique que celle-ci n'a pas agi avec la diligence raisonnable à laquelle elle était tenue. L'intimé soutient que la décision rendue en l'espèce, comme toute décision tran- chant un litige, doit avoir un caractère définitif.
La Règle 1733 doit être considérée comme ayant un caractère exceptionnel. Elle vise, dans une action ou autre procédure, à permettre un redressement après que la Cour ait tranché la
question de façon solennelle même si ce redresse- ment marque un écart avec la décision rendue ou va totalement à l'encontre de celle-ci. La Cour peut cependant accorder un tel redressement lors- qu'il s'agit d'une demande. Il est évident que seule une question bien claire pourrra inciter la Cour à appliquer cette Règle, sans quoi—et ce serait regrettable—les jugements risqueraient de perdre leur caractère définitif.
Soulignons que pour que soit ouvert le redresse- ment prévu au cas de découverte de faits nouveaux ou de fraude, la demande du requérant doit, au départ, satisfaire aux exigences de la première partie de la Règle'. Pour des fins de commodité, j'en citerai à nouveau les passages qui peuvent nous être utiles:
Une partie qui a droit de demander en justice l'annulation ou la modification d'un jugement ou d'une ordonnance en s'appuyant sur des faits ... qui ont été découverts par la suite ...
Quelle est la signification de ces termes? Nous ne pouvons malheureusement nous guider sur aucune décision antérieure de la Cour relativement à cette question 2 . Ceci peut s'expliquer en partie par
' I1 semblerait que la Règle permette à l'une ou à l'autre division de cette Cour d'accorder ce redressement, selon la division qui a rendu le jugement ou l'ordonnance original. Il semble que la présence des termes «ou autre procédure» dans la seconde partie de la Règle indique que le jugement ou l'ordon- nance peut avoir été rendu par l'une ou l'autre division de la Cour dans le cadre d'une instance introduite par un bref délivré en vertu de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, ou de toute autre loi (c'est le cas, par exemple, de la demande d'autorisation d'appel en l'espèce). Une partie décou- vrant des «faits» (malter) ou une fraude relatifs à un tel bref pourrait invoquer cette Règle et ainsi obtenir le redressement prévu pourvu que, dans un tel cas, il soit satisfait aux exigences préalables dont il est discuté ci-après. Il appert, de l'examen de la Règle dans son entier et de sa mise en parallèle avec les pouvoirs qu'un bref introductif d'instance permet à cette Cour d'exercer, que l'expression «demander en justice» (action dans la version anglaise) à la première partie de la Règle devrait être interprétée comme comprenant une procédure prise devant cette Cour plutôt que se limiter à une «action» au sens que la Règle 2(1) donne à ce terme et qui s'impose, ainsi que le déclare cette Règle, «à moins qu'une acception différente ne ressorte du contexte». De plus, ainsi que le dit clairement l'article 3 de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour est un «tribunal de common law, d'equity et d'amirauté» (c'est moi qui souligne) et, comme nous le verrons, le redressement prévu à la Règle 1733 découle de la compétence en equity de l'ancienne Chancery Court (Cour de chancellerie) d'Angleterre.
z Voir toutefois, l'opinion exprimée en Division de première instance par le juge Walsh dans l'affaire Kramer c. La Reine, [1976] 1 C.F. 242, à la page 245.
l'égale nouveauté de la Règle 1733 et de cette Cour elle-même. D'autre part, comme on le verra bientôt, une des règles de pratique de la Cour suprême de l'Ontario, en vigueur pendant près de 100 ans, comporte des dispositions similaires. Comme le libellé de la Règle 1733 est obscur à certains égards, je crois qu'il peut être utile d'étu- dier son origine à la lumière de la règle ontarienne en question et de la pratique qui a eu cours avant que la Règle 1733 ne soit édictée.
À l'époque la Règle 1733 a été adoptée, la Règle 529 des Rules of Practice de l'Ontario [R.R.O. 1980, Reg. 540] (Règles de procédure civile de l'Ontario) était ainsi libellée:
[TRADUCTION] 529. Une partie qui a droit de demander en justice l'annulation ou la modification d'un jugement ou d'une ordonnance en s'appuyant sur des faits survenus postérieure- ment à ce jugement ou à cette ordonnance ou qui ont été découverts par la suite, ou qui a droit d'attaquer un jugement ou une ordonnance pour fraude, ou de faire surseoir à l'exécu- tion d'un jugement ou d'une ordonnance, ou de faire exécuter un jugement ou une ordonnance, ou d'obtenir un redressement en sus ou différent de celui qui a déjà été accordé, peut présenter dans l'action une requête sollicitant ce redressement.
Bien que le champ d'application de la Règle onta- rienne soit plus large que celui de la Règle 1733, les caractéristiques communes des deux règles me portent à croire que les rédacteurs de la seconde se sont inspirés de la première. Cette dernière est apparue en Ontario en 1888—il s'agissait alors de la Règle 782—à la suite de la fusion des cours de common law et d'equity et a été maintenue en vigueur tout en subissant quelques modifications mineures jusqu'à son remplacement par une nou- velle règle (la Règle 59.06(2) [Règles de procé- dure civile, Règl. de l'Ont. 560/84]) 3 en 1985. Même avant cette fusion, les Chancery Orders de l'ancienne Ontario Chancery Court ([TRADUC- TION] Cour de chancellerie de l'Ontario) compre-
59.06...
(2) Une partie peut demander, par voie de motion dans l'instance, selon le cas:
a) l'annulation ou la modification d'une ordonnance en raison d'une fraude ou de faits survenus ou découverts après qu'elle a été rendue;
b) un sursis d'exécution d'une ordonnance;
c) l'exécution d'une ordonnance;
d) une mesure de redressement différente de celle qui a déjà été accordée.
naient une version encore plus ancienne de cette Règle; celle-ci, l'Ordonnance 330, se trouvait à la Partie XXVI de ces ordonnances, qui était intitu- lée «Proceedings to Reverse, Alter, or Explain, Decrees, or Orders» (procédures visant l'annula- tion, la modification ou l'explication des décrets ou ordonnances) [voir Holmested's Rules and Orders, 1884, Vol. 1, p. 177]. La comparaison du libellé intégral de cette ordonnance avec celui des règles subséquentes peut être utile. La Règle 330 remonte au moins jusqu'à 1853 et porte que:
[TRADUCTION] 330. Une partie ayant droit selon la pratique antérieure de déposer une requête civile sollicitant la modifica tion ou l'annulation d'une ordonnance en s'appuyant sur des faits survenus postérieurement à cette ordonnance ou qui ont été découverts par la suite, ou une requête de même nature qu'une requête civile, ou une requête attaquant un jugement pour fraude, ou une requête pour surseoir à l'exécution d'un jugement, ou une requête pour faire exécuter un jugement, doit le faire par simple requête dans l'action, sollicitant le redresse- ment recherché et énonçant les motifs à l'appui.
La [TRADUCTION] «pratique antérieure» semble fondée, au moins en partie, sur la pratique de l'ancienne Court of Chancery (Cour de chancelle- rie) d'Angleterre qui était investie du pouvoir de modifier ou d'annuler un jugement, même après qu'il ait été scellé et enregistré, pour des motifs comprenant la découverte de faits nouveaux et la fraude dans l'obtention du jugement. Cette prati- que est discutée par les auteurs de doctrine (voir, par exemple: A Treatise on the Pleadings in Suits in the Court of Chancery de Mitford, (5 e éd., 1847), aux pages 101 et suivantes; Commentaries on Equity Pleadings and the Incidents Thereof de Story, (10 e éd., 1892), aux pages 386 et suivantes; et Daniell's Chancery Practice, (8e éd., 1914), Vol. 2, aux pages 1327 et suivantes). Elle ne permettait toutefois pas qu'un redressement soit accordé sur requête présentée dans l'action originale. Le redressement n'était possible que dans le cadre d'une requête civile, une procédure qui constituait en fait une nouvelle action pouvant conduire à l'annulation ou à la modification du jugement original. Lorsque l'affaire portait sur une question de fraude, une requête pouvait être présentée sans l'autorisation de la Cour. D'autre part, lorsqu'il s'agissait de découverte de faits nouveaux, la prati- que était légèrement différente. Le maître des rôles Jessel la décrit comme suit dans l'affaire Flower v. Lloyd (1877), 6 Ch.D. 297 (C.A.), à la page 300:
[TRADUCTION] Il existait un type de cas entièrement différent: des faits découverts postérieurement au jugement démontraient
qu'il était erroné sans que, pour autant, ce dernier ait été obtenu par fraude. On avait alors recours à la requête supplé- mentaire; celle-ci tenait de la requête civile, présentait à la Cour les faits nouveaux et, aussi, lui permettait de rendre la justice et d'annuler le jugement original. L'autorisation était alors toujours requise.
Je soulignerai toutefois que, selon l'ancienne pratique, l'autorisation n'était accordée qu'après que la Cour ait été convaincue de la réalisation de certaines conditions préalables d'origine anglaise mais appliquées aussi en Ontario. Elles sont men- tionnées dans la décision Dumble v. Cobourg and Peterborough R. W. Co. (1881), 29 Gr. 121 (Ch.), par le juge Ferguson, qui y déclare aux pages 132
et 133:
[TRADUCTION] La demande tient de la requête civile fondée sur la découverte de nouveaux éléments de preuve. Il appert que l'arrêt Hoskin v. Terry ((1862) 15 Moore's P.C.C. 493, 8 Jur. N.S. 975) constitue un des arrêts de principe sinon le principal arrêt de principe sur cette question. Un appel avait été interjeté pour annuler une ordonnance prononcée par la Cour suprême de la colonie de New South Wales; lord Kingsdown, qui a prononcé le jugement de la Cour, a dit: «La règle qui se dégage des décisions citées dans le plaidoyer est la suivante: la partie qui demande la permission de déposer une requête civile sur le fondement de la découverte de nouveaux éléments de preuve doit démontrer qu'elle-même ou ses mandataires n'ont eu pour la première fois connaissance de ces nouveaux faits qu'une fois écoulée la période au cours de laquelle elle aurait pu les utiliser dans l'instance, et démontrer que ceux-ci n'auraient pu être découverts plus tôt si elle avait exercé une diligence raisonna- ble; en second lieu, elle doit démontrer que ces nouveaux faits ont un caractère tel que, s'ils avaient été mis en preuve dans l'action, le jugement aurait probablement été différent.» Et, après avoir commenté la preuve présentée dans cette affaire, lord Kingsdown a cité des propos tenus par lord Eldon dans l'arrêt Young v. Keighly (16 Ves. 348), selon lesquels: «des éléments de preuve dont la découverte est censée fonder la demande en l'espèce sont très pertinents, et, bien que je rejette la demande du demandeur, je suis convaincu que celui-ci aurait peut-être pu, dans la présente affaire, plaider avec de bonnes chances de succès qu'il avait droit, étant donné la preuve, à la somme d'argent intégrale: la Cour, d'autre part, a l'obligation de s'assurer que la même question ne sera pas soumise à son appréciation à plusieurs reprises; elle doit également, pour que prennent fin les poursuites judiciaires, imposer aux parties l'obligation d'être raisonnablement actives et diligentes en pre- mière instance. La Cour ne doit donc pas se laisser convaincre, parce que le demandeur avait au départ des prétentions claire- ment recevables, d'écarter des règles établies pour la protection du public en général, même si certains justiciables devaient en souffrir». (C'est moi qui souligne.)
À mon avis, ces critères s'appliquent également,
pour les fins de la Règle 1733, des «faits ...
découverts par la suite».
L'Ordonnance de chancellerie de l'Ontario (Ontario Chancery Order) 330 prévoyait que le redressement pouvait être demandé de façon som- maire [TRADUCTION] «par simple requête dans l'action» plutôt qu'au moyen d'une nouvelle action, et il est évident que la Règle 529 de l'Ontario et les règles qui l'ont précédé ont repris cette idée. Cette règle permettait à la partie plaignante de [TRA- DUCTION] «présenter dans l'action une requête», éliminant ainsi la nécessité de rechercher un redressement par voie de requête civile ou de requête supplémentaire tenant de la requête civile bien que, en Ontario, la plaignante avait la possibi- lité de procéder soit par voie de requête, soit en intentant une nouvelle action devant la Cour qui avait entendu l'action initiale (voir, par exemple, l'arrêt Smith v. Merchants Bank of Canada (1917), 40 O.L.R. 309 (C.A.), à la page 316 4 .)
La question de savoir si la demande en l'espèce est visée par la Règle 1733 est, évidemment, une question d'interprétation. Cet examen de l'an- cienne pratique et de l'évolution de la règle onta- rienne dont s'inspire, selon moi, la Règle 1733 m'est néanmoins de quelque utilité. Il ne suffit pas qu'une partie ait simplement découvert des faits nouveaux; pour que le redressement prévu par la Règle soit accessible, encore faut-il que les condi tions susmentionnées soient remplies de façon qui satisfasse la Cour. Je suis convaincu que notre Règle 1733 ne restreint pas les «faits» (matter) découverts par la suite aux nouveaux éléments de preuve découverts postérieurement au jugement ou à l'ordonnance. Cette règle autorise la Cour à examiner tout nouveau «fait» (matter) pertinent. Il ne fait aucun doute que, dans la plupart des cas, les faits concernés seront des éléments de preuve découverts par la suite; d'ailleurs, bon nombre des
Les éditeurs de Ontario Judicature Act and Rules of Practice, de Holmested & Gale, Vol. 3, à la page 2370, notent qu'une requête relative à la découverte de nouveaux faits fondée sur la Règle 529 [TRADUCTION] «remplace l'ancien bref d'audita querela (plainte reçue) par lequel le débiteur saisi pouvait attaquer le jugement rendu contre lui en s'appuyant sur des faits qui lui étaient postérieurs» et ils ne mentionnent aucunement la pratique de l'ancienne Cour de chancellerie ni l'Ordonnance de chancellerie (Chancery Order) 330. Contraire- ment à l'ancien bref issu du common law, cette dernière pratique rendait le redressement possible à toute partie à l'action initiale et non au seul défendeur.
décisions rendues sur cette question portent sur de tels faits. Il est significatif que le législateur ait, dans cette Règle, utilisé le mot «faits» (matter) plutôt que le mot «preuve» (evidence) . Ce libellé, par exemple, contraste nettement avec celui de la Règle 1102(1) 5 , qui permet à la Cour de «recueillir ou compléter la preuve sur toute question de fait» (c'est moi qui souligne).
Je suis d'avis que les motifs de la Commission répondent à la définition du terme «matter» (faits). Ce terme possède une signification large. Le Shor ter Oxford English Dictionary (3e éd.) le définit notamment de la manière suivante: [TRADUC- TION] «Motif, raison ou cause de ce qu'on fait ou de ce qu'on est». En Ontario, ce terme a été invoqué relativement à des «faits» (matter) ne constituant pas une nouvelle preuve. Ainsi, dans l'affaire Soo Mill & Lumber Co. Ltd. v. City of Sault Ste. Marie (1972), 29 D.L.R. (3d) 129 (H.C. Ont.), une modification à un règlement municipal n'avait pas été portée à l'attention du juge du procès, l'on n'a pas prétendu que cette modification échappait au champ d'application de la règle ontarienne. Dans l'affaire Murray-Jensen Mfg. Ltd. v. Triangle Conduit & Cable (1968) Can. Ltd. (1984), 46 C.P.C. 285 (C.S. Ont.), les «faits» (matter) consistaient en la demande présen- tée dans le cadre d'un renvoi ordonné par le juge du procès ainsi que les conclusions prises par le protonotaire dans son rapport. La règle ontarienne n'a pas non plus été restreinte à l'annulation ou à la modification d'un jugement ou d'une ordon- nance rendue par un juge de première instance puisque la Cour d'appel de l'Ontario l'a appliquée pour annuler son propre jugement dans un cas des faits avaient été découverts après qu'il eut été rendu (Re Bell, [1947] O.W.N. 801).
J'en viens à présent à l'aspect le plus difficile de la demande en l'espèce. L'intimé soutient que les faits n'ont pas été «découverts par la suite» et que, s'ils l'ont été, la requérante n'a pas exercé une diligence raisonnable. Il ressort du dossier que la requérante a reçu les motifs de la Commission le 3 octobre, soit un jeudi. Elle les a lus et les a apportés au clerc. Il lui a été conseillé de consulter
'Règle 1102. (1) La Cour d'appel pourra, à sa discrétion, pour des raisons spéciales, recueillir ou compléter la preuve sur toute question de fait, cette preuve devant être recueillie par l'interrogatoire en séance, ou sous forme de déposition écrite, selon que la Cour le prescrit.
un avocat [TRADUCTION] «qui résoudrait, si possi ble, les problèmes que j'éprouvais à présenter cor- rectement ma demande d'autorisation d'appel...» Dans des circonstances ordinaires, je n'hésiterais pas à dire que les faits dont une partie a été avisée avant qu'une décision ne soit rendue dans une action ou autre procédure ne peuvent être considé- rés comme ayant été «découverts par la suite». En l'espèce, toutefois, il doit être rappelé que la requé- rante ne pouvait comprendre facilement les motifs de la Commission. Ceux-ci énonçaient les raisons pour lesquelles l'appel avait été rejeté. J'en ai déjà cité des extraits. Ils mentionnent l'alinéa 3c) de la Loi, pour conclure que «l'appelante n'a pas réussi à démontrer assez de circonstances qui justifieraient l'exercice des pouvoirs spéciaux de la Commis sion». À vrai dire, je ne suis pas surpris qu'elle ait consulter un avocat au sujet du sens de ces motifs de leurs répercussions sur sa demande d'au- torisation. Une telle aide lui était essentielle pour comprendre pourquoi l'appel avait échoué et éva- luer les chances de succès de la demande d'autori- sation d'appel. Sans cette consultation, bien que les motifs fussent matériellement en la possession de la requérante, il ne me semble pas possible qu'ils aient été «découverts» par celle-ci avant le 8 octo- bre 1985, date de notre ordonnance. Leur impor tance n'a pu ressortir de façon claire qu'une fois qu'un conseiller professionnel les eut examinés et expliqués à la requérante.
La requérante a-t-elle exercé une diligence rai- sonnable dans les circonstances? Je le crois. Quel- ques jours après avoir reçu la décision de la Commission, en juillet, elle a demandé la communication des motifs. Jusqu'à leur réception le 3 octobre, la question n'a plus dépendu d'elle. Je suis convaincu qu'elle a agi avec une louable célé- rité après les avoir reçus. Elle a à nouveau demandé l'aide du clerc. Il lui a été conseillé de consulter un avocat, ce qu'elle a fait sans trop tarder. Ce n'est qu'après cela qu'elle a pu com- prendre à quel point ils étaient importants pour sa demande d'autorisation. La requérante ne peut pas être accusée d'avoir manqué de vigilance. Seule- ment deux jours francs d'audience se sont écoulés entre le 3 octobre et le 8 octobre. Elle a agi avec promptitude mais, à ce qu'il s'est avéré, un peu trop tard. Ce faisant, elle a cru erronément que les motifs auraient été transmis à la Cour; son, igno rance de la Règle 1301(3) ne peut cependant
l'excuser. D'autre part, dans sa lettre du 12 juillet, elle a dit clairement que les motifs de la Commis sion étaient nécessaires pour son «appel». Je crois qu'elle a agi constamment avec une diligence rai- sonnable. Les circonstances de l'espèce m'appa- raissent être des plus exceptionnelles.
Décision
Finalement, ayant déjà conclu que, à la lumière des motifs de la Commission, l'autorisation devrait être accordée en l'espèce, il doit s'ensuivre que la demande d'autorisation aurait connu un sort diffé- rent si ces motifs étaient parvenus à cette Cour avant le 8 octobre 1985. En résumé, je suis d'avis que la requérante a droit au redressement réclamé dans la demande en l'espèce. J'accueillerais donc la demande et je modifierais l'ordonnance de cette Cour en date du 8 octobre 1985 en la supprimant dans son entier pour y substituer la phrase qui suit:
«La demande d'autorisation d'appel est accueillie.»
Je ne crois pas qu'il y ait lieu d'adjuger des dépens en l'espèce.
LE JUGE HEALD: Je souscris à ces motifs. LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
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