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T-1583-84
Control Data Canada, Ltd. (demanderesse)
c.
Senstar Corporation (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: CONTROL DATA CANADA, LTD. C. SENSTAR CORP.
Division de première instance, juge Cullen— Toronto, 17 février; Ottawa, 20 février 1986.
Pratique Communication de documents et interrogatoire préalable Interrogatoire préalable Sens des expressions «membre de la direction» ou «autre membre» qui figurent à la Règle 465(1)b) La défenderesse cherche à interroger le vice-président à la recherche et au développement de la Com puting Devices Division de la demanderesse La partie qui procède à l'interrogatoire a le droit de choisir la personne qui doit être interrogée au préalable et seules des raisons péremp- toires permettent de passer outre à son choix: Polylok Corpo ration c. Montreal Fast Print (1975) Ltd. Le titre implique un droit de regard La personne qui doit être interrogée en l'espèce est plus qu'un simple «remployé» même s'il n'est pas précisé qu'elle fait partie des membres de la direction Elle est soit un «membre de la direction» soit un «autre membre» au sens de la Règle II faut interpréter de façon libérale l'expression «membre de la direction» si on veut donner effet à la Règle et utiliser l'expression «autre membre» pour élargir l'éventail des personnes qui peuvent être interrogées Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 465(1)b),(5),(19).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Polylok Corporation c. Montreal Fast Print (1975) Ltd., [1984] 1 C.F. 713; (1983), 76 C.P.R. (2d) 151 (C.A.); Leitch v. Grand Trunk R.W. Co. (1890), 13 P.R. 369 (CA. Ont.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Sperry Corporation v. John Deere Ltd. et al. (1984), 82 C.P.R. (2d) 1 (C.F. 1" inst.); Corning Glass Works c. Canada Wire & Cable Company Limited, [1984] 2 C.F. 42; (1983), 77 C.P.R. (2d) 76 (1"e inst.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Neon Products Ltd. v. Wiebe et al., [1974] 3 W.W.R. 567 (C. Cté Man.).
AVOCATS:
Donald M. Cameron pour la demanderesse. G. A. Piasetzki pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Sim, Hughes, Toronto, pour la demanderesse.
Rogers, Bereskin & Parr, Toronto, pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE CULLEN: Les Règles de la Cour fédé- rale [C.R.C., chap. 663] ne définissent pas les expressions «membre de la direction» et «autre membre», et il existe peu de jurisprudence sur cette question à l'exception de décisions rendues par les cours des provinces et habituellement fondées sur les règles de pratique de ces cours.
Il est toutefois très clair que la partie qui pro- cède à l'interrogatoire a le droit de choisir la personne qui doit être interrogée au préalable et que seules des raisons péremptoires permettent d'écarter cette personne qui ne devrait pas être remplacée à la légère: Polylok Corporation c. Montreal Fast Print (1975) Ltd., [ 1984] 1 C.F. 713; (1983), 76 C.P.R. (2d) 151 (C.A.). L'avocat de la demanderesse a cité l'affaire Sperry Corpo ration v. John Deere Ltd. et al. (1984), 82 C.P.R. (2d) 1 (C.F. ire inst.), dans laquelle le juge McNair a statué la page 6]:
C'est de l'ensemble des règles elles-mêmes que découle le pouvoir de procéder à un interrogatoire préalable dans tout cas particulier.
À mon avis, la Règle 465(1)b) ne confère pas le droit d'interroger au préalable l'employé d'une corporation ou d'un corps ou autre groupe de personnes si aucune entente n'a été conclue entre les parties et si la personne qui doit être interro- gée n'y a pas consenti. Dans un tel contexte, le terme «membre» ne peut désigner qu'un membre de la direction ou un autre membre de cette corporation ou de ce groupe, ce qui exclut un employé.
Selon moi, la personne que l'on cherche à inter- roger en l'espèce est certainement plus qu'un simple «employé». Même si la demanderesse n'indi- que pas qu'il fait partie des membres de sa direc tion aux fins de l'organisation de son entreprise, Robert Patton est vice-président à la recherche et au développement de sa Computing Devices Divi sion. La défenderesse souligne ce point dans son argumentation:
[TRADUCTION] Robert J. Patton est vice-président à la recher- che et au développement de la Computing Devices Division de la demanderesse, poste qu'il a occupé sans interruption depuis une date antérieure à la mise au point du système périmétrique de surveillance de la demanderesse et au dépôt de la demande relative au brevet litigieux.
C'est la Computing Devices Division de la demanderesse qui a mis au point son système périmétrique de surveillance et qui le fabrique et le vend; c'est également dans cette division qu'on a effectué les travaux dont a résulté la demande portant sur le brevet litigieux.
Bien sûr, il est évident que ce titre implique à lui seul un certain droit de regard et, comme le fait remarquer la défenderesse, cette personne [TRA- DUCTION] «possède pouvoir d'action, droit de regard et autorité et elle est, par conséquent, soit un "membre de la direction" soit un "autre mem- bre" au sens de la Règle 465(1)b)».
À mon avis, l'affaire Corning Glass Works c. Canada Wire & Cable Company Limited, [1984] 2 C.F. 42; (1983), 77 C.P.R. (2d) 76 (1r° inst.), diffère sensiblement de l'espèce. Dans cette affaire, la défenderesse avait déjà interrogé au préalable un certain M. Schultz qui représentait la demanderesse et elle cherchait à obtenir une ordonnance en vertu des Règles 465(5) et (19) afin d'interroger au préalable M. Maurer, un coinven- teur du brevet litigieux qui était un employé de la demanderesse. Il est évident que la défenderesse avait déjà exercé son droit de choisir la personne qui devait être interrogée au préalable et qu'elle devait assumer les conséquences de son choix. Comme l'a dit le juge en chef Thurlow dans l'affaire Polylok Corporation c. Montreal Fast Print (1975) Ltd., précitée, aux pages 722 et 723 C.F.; 159 C.P.R.:
À mon avis, l'effet de la Règle 465(1), (7), (8) et (9) est de permettre à la partie qui procède à l'interrogatoire de choisir en premier lieu le membre de la direction ou autre membre de la corporation ou du groupe qu'elle désire interroger, mais comme il faut obtenir une ordonnance de la Cour en vertu de l'alinéa (8) pour signifier la convocation au procureur ou solicitor de la partie qui doit être interrogée au préalable lorsque cette partie est une corporation ou un groupe, la Cour peut, avant d'accor- der une telle ordonnance, exercer son pouvoir discrétionnaire et exiger que la partie qui procède à l'interrogatoire désigne un autre membre de la direction ou autre membre de la corpora tion ou du groupe pour qu'il soit interrogé au préalable en son nom. La Cour ne devrait cependant rendre une telle ordon- nance que lorsque les documents dont elle est saisie révèlent une raison de croire que la personne choisie par la partie qui procède à l'interrogatoire n'est pas la personne appropriée pour être interrogée au préalable ou que, pour une raison péremp- toire, celle-ci n'est pas disponible et devrait être remplacée par un autre membre de la direction ou membre de la corporation ou du groupe. Selon moi, la personne choisie par la partie qui procède à l'interrogatoire ne devrait pas être remplacée à la légère. La partie (ou son procureur) devrait être la mieux placée pour savoir ce dont elle a besoin pour étayer sa preuve, ce qui l'intéresse dans l'interrogatoire préalable et qui, parmi
les membres de la direction ou autres membres mentionnés dans la Règle, est le plus apte à répondre à ses questions. Remplacer la personne choisie à la demande de la partie opposée constitue une intervention dans la présentation de sa cause. Il en découle que lorsqu'elle choisit la personne qui doit être interrogée au préalable, la partie prend et accepte le risque que son choix ne soit pas le meilleur. [C'est moi qui souligne.]
À de rares exceptions près, les cours des provin ces ont bien voulu interpréter de manière libérale l'expression «membre de la direction». Je suis d'ac- cord avec la défenderesse pour dire que
[TRADUCTION] Aux fins d'un interrogatoire préalable, l'expres- sion «membre de la direction» a été interprétée libéralement dans d'autres juridictions de manière à inclure les personnes qui possèdent «un certain droit de regard ou une certaine autorité» à l'intérieur même de la corporation, ou dont le titre laisse supposer qu'elles possèdent un certain droit de regard ou une certaine autorité ou encore, qui sont particulièrement au cou- rant des événements se rapportant à l'action.
Shou Yin Mar v. The Royal Bank of Canada, 15 B.C.R. 76 (Cour d'appel de la C.-B.)
Bank of Montreal v. Buckle, 20 Sask. R. 166 (Banc de la Reine)
Neon Products Ltd. v. Wiebe and Sports Shop Ltd., [1974] 3 W.W.R. 567
Même si les décisions rendues dans les provinces ne lient pas la Cour, il me semble qu'il faut interpréter l'expression «membre de la direction» de la manière la plus large possible. Sinon, comme l'a dit le juge Osler de la Cour d'appel dans l'affaire Leitch v. Grand Trunk R.W. Co. (1890), 13 P.R. 369 (C.A. Ont.), à la page 380:
[TRADUCTION] ... si ces termes ne désignent que le directeur général, l'administrateur, le président ou un autre membre principal de la direction qui, dans des actions de ce genre, sont, en tant que membres de la direction, le moins au courant des faits et ignorent habituellement ce qui pourrait être utile au sujet des questions en litige, je dirai seulement que, à mon humble avis, nous annulons à toutes fins utiles l'effet de cet article en ce qui concerne ces cas.
Dans la même affaire, le juge d'appel Maclennan a dit la page 386]:
[TRADUCTION] ... la règle devrait s'appliquer dans tous les cas elle peut avoir un effet bénéfique, indépendamment de l'importance du poste occupé par la personne devant être interrogée au préalable.
De plus, les Règles de la Cour laissent entendre qu'il existe «[d']autres membres» ce qui, à mon avis, semble élargir l'éventail des personnes qui peuvent être interrogées, sans quoi ce terme serait redondant.
Je souscris aux termes du juge Molloy qui a estimé dans l'affaire Neon Products Ltd. v. Wiebe
et al. [[1974] 3 W.W.R. 567 (C. Cté Man.)] que la règle applicable au Manitoba devrait être inter- prétée de manière large afin que l'expression «membre de la direction» s'entende aussi de tout employé d'une société qui a une connaissance approfondie des points soulevés dans l'action inten- tée contre ladite société. Il dit à la page 570:
[TRADUCTION] L'examen des décisions rendues au Manitoba m'amène à conclure que tout employé d'une société qui a une connaissance approfondie des points soulevés dans l'action intentée contre ou par ladite société devrait pouvoir être inter- rogé au préalable comme s'il s'agissait d'un membre de la direction de la société au sens de la R. 286.
Même si j'ai prononcé mes motifs à l'audience, j'estime que le litige est suffisamment important pour que je dépose les motifs écrits de mon ordonnance.
L'appel est par conséquent rejeté avec dépens en faveur de la défenderesse.
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