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T-2080-85
Harvey Litwack (requérant) c.
Commission nationale des libérations condition- nelles (intimée)
RÉPERTORIÉ: LITWACK c. COMMISSION NATIONALE DES LIBÉ- RATIONS CONDITIONNELLES
Division de première instance, juge Walsh— Montréal, 18 février; Ottawa, 27 février 1986.
Droit constitutionnel Charte des droits Vie, liberté et sécurité de la personne Des conditions restrictives empê- chent pratiquement un détenu mis en liberté conditionnelle d'être embauché pour un travail qui correspond à sa qualifica tion L'art. 7 de la Charte s'applique pour déterminer si le refus d'annuler ces conditions est déraisonnable Il s'agit d'un refus déraisonnable opposé en contravention des principes de justice fondamentale La décision de la Commission des libérations conditionnelles est annulée par voie de certiorari Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 7, 12, 24 Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 98(1), 320(1)d), 332a), 338(1)a) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 32) Motor Vehicle Act, R.S.B.C. 1979, chap. 288, art. 94(2) (mod. par S.B.C. 1982, chap. 36, art. 19).
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Certiorari Commission nationale des libérations conditionnelles Le requérant a été condamné à une peine d'emprisonnement pour fraude Il a terminé ses études collégiales et un cours universitaire en administration pendant son séjour en prison Il a obtenu une libération conditionnelle assortie d'une inter diction de participer à l'administration d'une entreprise Il désirait se joindre à la direction d'une compagnie d'ordina- teurs Des rapports présentés par son agent de liberté conditionnelle indiquaient que le requérant s'est amendé La Commission a refusé d'annuler la condition Les tribunaux administratifs doivent agir équitablement et raisonnablement La condition n'était pas déraisonnable au moment elle a été imposée La Commission n'a pas tenu compte de la situation actuelle La réhabilitation est l'un des buts de l'emprisonnement Ce but a été atteint dans le présent cas La décision majoritaire rendue par les commissaires est injuste, et la Cour doit intervenir Un certiorari est accordé et annule la décision.
Libération conditionnelle Le requérant a été condamné à l'emprisonnement pour fraude Il a terminé ses études collégiales et un cours universitaire en administration tout en purgeant sa peine Il a obtenu une libération conditionnelle assortie d'une interdiction spéciale de participer à l'adminis- tration d'une entreprise On lui a offert le poste de directeur commercial d'une compagnie qui vend des ordinateurs Son agent de liberté conditionnelle a recommandé d'abolir la con dition spéciale La majorité des commissaires a refusé d'abolir la condition La réhabilitation est l'un des buts de l'incarcération Les faits laissent supposer que le requérant
s'est amendé La Commission n'a attaché que peu d'impor- tance à la recommandation faite par l'agent de liberté condi- tionnelle La condition était justifiée au moment elle a été imposée, mais elle ne l'est plus maintenant La décision de la Commission est annulée par voie de certiorari.
Après avoir été condamné à l'emprisonnement sous diverses accusations de fraude, le requérant a, par application régulière de la loi, obtenu une libération conditionnelle assortie de l'inter- diction de «participer directement ou indirectement à l'adminis- tration, à la promotion, à l'achat ou à la vente d'une entreprise ou d'un organisme, que ce soit à des fins lucratives ou non».
Pendant son séjour en prison, le requérant a terminé ses études collégiales. Depuis, il a obtenu un certificat en adminis tration de l'Université McGill, il y étudie actuellement en vue d'obtenir un diplôme universitaire supérieur en expertise comp- table et il est inscrit à un programme d'éducation des adultes à l'Université Concordia il projette de s'inscrire au pro gramme de la maîtrise en technologie éducative. Il n'a pas pu accepter un poste de professeur de publicité et de commerciali sation dans le cadre d'un séminaire, car il a fallu trop de temps pour obtenir la permission de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Il a été élu président de l'Associa- tion des étudiants de l'éducation permanente de l'Université McGill, mais, deux mois après son élection, la Commission des libérations conditionnelles lui a demandé de démissionner.
Le requérant a demandé la permission d'accepter un poste de directeur commercial d'une compagnie qui vend des ordinateurs et de faire partie de la direction de celle-ci. Son agent de liberté conditionnelle, qui approuvait ses efforts, a présenté des rap ports recommandant l'abolition de la condition spéciale. La Commission des libérations conditionnelles a refusé d'abolir la condition pour le motif que, lorsque celle-ci avait été imposée, près de deux ans auparavant, elle était pleinement justifiée pour des raisons de sécurité publique.
Il s'agit d'une requête en certiorari présentée en vertu de l'article 24 de la Charte et fondée sur la violation présumée des articles 7 et 12 de la Charte: la Commission des libérations conditionnelles aurait agi de façon déraisonnable en refusant d'abolir les conditions restrictives attachées à la libération conditionnelle du requérant et ayant pour effet de l'empêcher pratiquement d'occuper tout genre d'emploi auquel le préparent son instruction et son expérience.
Jugement: la requête devrait être accueillie.
Il incombe aux tribunaux administratifs d'agir non seulement de façon équitable mais également de façon raisonnable. De plus, il ne suffit pas de respecter l'équité dans la procédure, mais il faut aussi que la décision repose sur des motifs raisonna- bles, compte tenu des faits.
On peut se fonder sur l'article 7 de la Charte pour détermi- ner si les conditions d'une libération conditionnelle sont impo sées en conformité avec les principes de justice fondamentale.
En premier lieu, il s'est écoulé un délai injuste et déraisonna- ble avant d'apporter une réponse à la demande du requérant d'abolir les conditions. En deuxième lieu, il y a eu trois rap ports, qui tous étaient favorables au requérant et recomman- daient l'annulation des conditions. Tous ces rapports ont été rédigés par un employé du Service correctionnel du Canada qui était en contact continuel avec le libéré conditionnel et le plus en mesure de juger son comportement. Il semble toutefois que
la majorité des commissaires a adopté la position selon laquelle, si ce libéré conditionnel était un danger pour la société au moment les conditions ont été imposées, il continuerait toujours de l'être malgré que sa conduite ultérieure indique qu'il s'est amendé, ce qui constitue l'un des buts de l'emprison- nement. Cette décision était manifestement injuste au point de nécessiter l'intervention de la Cour.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B., [1985] 2 R.C.S. 486; Kane c. Conseil d'administration (Université de la Colombie-Britannique), [1980] 1 R.C.S. 1105; (1980), 31 N.R. 214; Blanchard c. Control Data Canada Ltée et autre, [1984] 2 R.C.S. 476; Re Mia and Medical Servi ces Commission of British Columbia (1985), 17 D.L.R. (4th) 385 (C.S.C.-B.); R. v. Weyallon (1983), 47 A.R. 360 (C.S.T.N.-O.).
AVOCATS:
Julius H. Grey pour le requérant. David Lucas pour l'intimée.
PROCUREURS:
Grey, Cas grain, Montréal, pour le requérant. Le sous-procureur général du Canada, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE WALSH: Il s'agit d'une requête visant à obtenir un certiorari ou un autre redressement sur le fondement de l'article 24 de la Charte cana- dienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)]. Les articles 7 et 12 de la Charte sont principalement invoqués pour le motif que la Com mission des libérations conditionnelles a agi de façon déraisonnable en n'annulant pas les restric tions qui sont attachées à la libération condition- nelle du requérant et qui ont pour effet de l'empê- cher pratiquement d'exercer le genre de travail auquel ses études et son expérience l'ont préparé. Il est donc nécessaire de donner certains détails sur les faits divulgués dans les pièces et les longs affidavits versés au dossier. Le requérant tente de faire supprimer de sa libération conditionnelle la condition spéciale suivante:
[TRADUCTION] Le détenu ne peut, directement ou indirecte- ment, participer à l'administration, à la promotion, à l'achat ou
à la vente d'une entreprise ou d'un organisme, que ce soit à des fins lucratives ou non.
On soutient que cette condition est vague, impré- cise, ambiguë et contradictoire, qu'elle ne peut pas être interprétée de façon rationnelle et que la Commission des libérations conditionnelles a manqué à son devoir d'équité en imposant cette condition qui restreint de façon déraisonnable les droits du requérant. Celui-ci avait été déclaré cou- pable le 4 décembre 1980, dans le district de Saint-Maurice (Québec), en vertu de l'alinéa 332a) du Code criminel [S.R.C. 1970, chap. C-34], d'avoir signé le 8 juin 1978 un bail notarié au nom de la Caisse d'économie des employés de la Northern en faveur de l'Auberge du Centre Sha- winigan Inc. et d'avoir déclaré y être autorisé lorsqu'il savait que ce n'était pas le cas, avec l'intention de frauder ladite Caisse d'économie. Le 26 janvier 1981, il a été condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans à purger dans un pénitencier. Il a interjeté appel de cette condamna- tion, et celui-ci a été rejeté le 2 juin 1982. En conséquence de cet appel, il n'avait pas encore purgé sa peine d'emprisonnement de deux ans lorsque, le 8 février 1983, il a été reconnu coupa- ble, en vertu des alinéas 338(1)a) [mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 32] et 320(1)d) du Code criminel, d'avoir, le 7 avril 1981, escroqué un certain Jean Côté d'une somme de 28 000 $ par supercherie ou autre moyen frauduleux, d'avoir, le 21 juillet 1981, escroqué Sun Bee Kim de la somme de 15 000 $ par supercherie et autre moyen frauduleux et d'avoir, au mois de juillet 1981, obtenu une somme de 20 000 $ de Jean Côté tout en sachant qu'une fausse déclaration écrite avait été faite relativement à sa situation financière et à celle du Comptoir de Cuisine/Kitchen Counter Corporation, dans laquelle il détenait une partici pation et qu'il représentait. Le 28 février 1983, il a été condamné sous chaque chef d'accusation à une peine d'emprisonnement de trois ans à purger con- curremment et consécutivement à toute autre peine. Bien que ces dernières accusations aient pu découler du même événement, ainsi que le laisse entendre l'avocat du requérant, celui-ci a néan- moins commis les actes qui lui sont reprochés pendant qu'il était en liberté en attendant que le tribunal se prononce sur l'appel interjeté à l'égard de la peine qui lui avait été imposée lors de sa première condamnation.
Le 14 juin 1983, il a été reconnu coupable, sous deux autres chefs d'accusation, en vertu de l'alinéa 338(1)a) du Code criminel, d'avoir, durant le mois d'octobre 1981, par supercherie ou autre moyen frauduleux, escroqué Joseph H. Doyon d'une somme de 25 000 $ et d'avoir, entre les 8 et 30 juin 1982, par supercherie ou autre moyen frauduleux, escroqué la Banque Nationale du Canada d'une somme de 70 000 $. Le 14 juin 1983, il a été condamné sous chacun des chefs d'accusation à une peine d'emprisonnement de trois ans à purger concurremment.
Le 21 décembre 1983, il est devenu admissible à une libération conditionnelle de jour à compter du 13 janvier 1984 et à une libération conditionnelle totale à compter du 13 mai 1984, qui lui a été accordée sous réserve de la condition ci-dessus mentionnée. Il ne pourra pas être affranchi com- plètement de sa libération conditionnelle avant d'avoir purgé la totalité de ses peines, c'est-à-dire le 4 juin 1987.
Dans son affidavit, il signale que, pendant son séjour en prison, il a terminé ses études collégiales au cégep Vanier. Le 14 juin 1985, il a obtenu un baccalauréat de l'Université d'Athabasca. Le 6 novembre 1984, il a obtenu un certificat en admi nistration de l'Université McGill et il y étudie actuellement en vue d'obtenir un diplôme universi- taire supérieur en expertise comptable. Il a deux enfants âgés de 12 et 14 ans qui sont à sa charge. En juin 1984, il a reçu une offre d'emploi d'un organisme connu sous le nom de Performance Seminar Group afin d'enseigner la publicité et la commercialisation et, le 28 juin, il a demandé à son agent de probation, M. Gérald Dion, la per mission d'accepter cet emploi. On l'a informé le 16 juillet 1984 que la Commission des libérations conditionnelles refusait cette demande car celle-ci irait à l'encontre de la condition spéciale de sa libération conditionnelle. Le 20 juillet, l'avocat du requérant a demandé à la Commission de reconsi- dérer sa décision et, le 6 septembre 1984, celui-ci a été avisé par M. Dion que la Commission lui avait, en date du 7 août 1984, donné la permission d'accepter l'emploi à titre de professeur, nonob- stant la condition spéciale. Toutefois, il était déjà trop tard à ce moment-là pour qu'il puisse obtenir l'emploi en question.
En avril 1985, il a obtenu de M. Dion la permis sion de se déplacer en vue de trouver des clients possibles pour une entreprise reliée aux ordina- teurs et autre matériel d'informatique dont la clientèle se composerait d'étudiants et de coopéra- tives étudiantes. Le 13 juin 1985, le ministère de l'Industrie et du Commerce l'a jugé admissible à une subvention dans le cadre du programme de subventions à l'entreprise destiné aux jeunes pro- moteurs. Le 2 août 1985, il a obtenu de la Banque de Nouvelle-Écosse, dans le cadre de ce pro gramme, un crédit autorisé de 25 000 $ disponible jusqu'au 30 septembre 1985.
Vers le mois d'avril 1985, il a demandé à son agent de probation la permission d'accepter le poste de directeur commercial d'une compagnie faisant la vente d'ordinateurs et de participer à la direction de ladite compagnie. Le 23 avril 1985, M. Dion, son agent de probation, lui a fait lecture d'un rapport qu'il était sur le point de présenter à la Commission des libérations conditionnelles et qui recommandait l'abolition de la condition spé- ciale. Le 7 août 1985, comme il était sans nouvel- les à ce sujet, le requérant a de nouveau écrit à M. Dion et lui a exposé la situation financière précaire dans laquelle il se trouvait en précisant qu'il devait être autorisé à accepter un emploi dans une com- pagnie qui fournit des services d'informatique. Il a également exprimé le désir de participer lui-même à la gestion étudiante à l'Université. Le 12 août 1985, M. Dion l'a informé que la Commission des libérations conditionnelles refusait d'abolir la con dition. Le même jour, il écrivait à la Commission pour lui demander d'être entendu sur cette question.
Dans un affidavit subséquent, le requérant expose qu'en septembre 1985, il a été élu président de l'Association des étudiants de l'éducation per- manente de l'Université McGill, qui est une asso ciation étudiante reconnue par le Conseil de l'uni- versité. En 1984, il avait été élu administrateur de l'association et en avait informé son agent de liberté conditionnelle, qui n'avait formulé aucune objection. L'association gère un budget d'environ 90 000 $, mais son président n'est pas autorisé à signer des chèques ni à dépenser des fonds; tous les paiements sont affectés directement par l'Univer- sité McGill sur l'avis de la direction, qui se com pose de cinq membres. Le trésorier est directement
responsable du budget, mais il doit faire appel à un autre membre de la direction pour demander à l'Université d'émettre des chèques. Le requérant ajoute que, deux mois après qu'il eut été élu, l'intimée lui a demandé de démissionner de son poste bien qu'aucune objection n'ait été soulevée lorsqu'il avait informé son agent de liberté condi- tionnelle en avril 1985 de son intention de se présenter au poste de président. Il a donc obtenu l'autorisation de quitter son poste de président le 29 novembre 1985 afin d'éviter le risque d'être arrêté de nouveau. Il a également été élu représen- tant des étudiants au Conseil de l'Université McGill et il en est encore membre. Il répète qu'il n'est qualifié que pour la gestion et l'administra- tion et que ce n'est qu'en occupant un poste admi- nistratif ou en travaillant dans une entreprise qu'il peut pourvoir à ses besoins et à ceux de sa famille, mais qu'il en est empêché par la condition spéciale suivant l'interprétation qu'en donne l'intimée.
Dans l'affidavit présenté pour le compte de la Commission des libérations conditionnelles, on énumère les condamnations criminelles du requé- rant et on ajoute que, lorsqu'elle a reçu le 24 juillet 1984 un rapport de l'agent de liberté condition- nelle du requérant lui demandant si elle consenti- rait à ce qu'il accepte un emploi d'enseignant pour le Performance Seminar Group, ladite Commis sion a accédé à cette demande le 7 août 1984. Le 2 mai 1985, elle a reçu un rapport de l'agent de liberté conditionnelle lui demandant d'annuler la condition exigeant que le requérant se présente chaque mois à la police, et cette demande a été accordée le 31 mai 1985. Le 25 avril 1985, elle a également reçu un rapport lui demandant d'abolir la condition spéciale que le requérant cherche à faire supprimer, mais, à la suite d'une erreur admi nistrative, cette demande n'a été portée à son attention qu'en juillet 1985. Le 5 août 1985, les commissaires ont refusé d'annuler la condition. Le rapport spécial émanant de l'agent de liberté con- ditionnelle du requérant expliquait en détail com ment celui-ci entendait lancer une compagnie pour vendre des ordinateurs aux étudiants universitaires à des prix inférieurs à ceux auxquels ils pouvaient les obtenir d'autres sources. Il avait retenu les services d'un avocat afin de constituer la compa- gnie, présenté une demande en vue d'obtenir la subvention de 25 000 $ et déjà acheté des échantil- lons d'ordinateurs pour la somme totale de 8 400 $,
qu'il avait payée comptant. La compagnie aurait des représentants sur le campus des universités McGill, Concordia, Sherbrooke et Laval, situées au Québec, et il espérait étendre ce service aux autres universités du pays. L'agent de liberté con- ditionnelle a déclaré qu'à son avis, la nouvelle compagnie du requérant reposait sur un plan bien imaginé, qu'elle se conformait aux opérations com- merciales normales et que, jusqu'à ce moment-là, les opérations commerciales du détenu étaient par- faitement légitimes ainsi que le confirmait son avocat. Le rapport signale qu'en plus d'étudier à l'Université McGill, le requérant est inscrit à l'Université Concordia dans le cadre du pro gramme d'éducation des adultes et qu'il a l'inten- tion de s'inscrire à la maîtrise en technologie édu- cative offerte à cet endroit et de se spécialiser dans ce dernier domaine. Le rapport ajoute: [TRADUC- TION] «Étant donné que le requérant a le droit de parfaire ses études dans le domaine qui l'intéresse et qu'il a décidé de faire carrière dans le domaine de la gestion des entreprises, il ne semblerait guère indiqué de maintenir la présente condition spéciale qui de fait ne lui reconnaît pas le droit de se lancer dans des activités commerciales.»
Il y avait une voix dissidente quant au refus d'annuler la condition spéciale. Le 22 août 1985, l'agent de liberté conditionnelle du requérant a présenté un autre rapport favorable qui demandait une fois de plus de supprimer la condition spéciale et, le 6 septembre, la Commission des libérations conditionnelles a autorisé le requérant à faire des observations par écrit, ce qu'il a fait par lettre en date du 17 septembre 1985. Le 27 septembre de la même année, l'agent de liberté conditionnelle a présenté un autre rapport dans lequel il demandait que l'on annule la condition spéciale et, le 10 octobre, la Commission a encore une fois décidé de ne pas y donner suite. Il ressort du texte de la décision que sa lettre n'ajoute rien de nouveau et renvoie à la condition qui a été maintenue par les décisions en date du 5 août et du 6 septembre 1985 et que, lorsque la condition spéciale a été imposée en décembre 1983, elle était pleinement justifiée pour des raisons de sécurité publique.
Passons maintenant aux nombreux arrêts de jurisprudence cités par le requérant, que j'ai tous examinés mais que je ne me propose pas d'exami- ner exhaustivement, sauf dans la mesure cer-
tains d'entre eux dégagent des principes fonda- mentaux dans l'interprétation de plus en plus libérale qui est faite de la Charte. On peut dire qu'il va maintenant de soi que les tribunaux admi- nistratifs doivent agir non seulement de façon équitable mais également de façon raisonnable. En outre, il ne suffit pas de respecter l'équité dans la procédure, il faut de plus que la décision soit fondée sur des motifs raisonnables, compte tenu des faits. Le renvoi constitutionnel relatif au para- graphe 94(2) de la Motor Vehicle Act [R.S.B.C. 1979, chap. 288 (mod. par S.B.C. 1982, chap. 36, art. 19)] de la Colombie-Britannique [Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B., [1985] 2 R.C.S. 486] constitue un bon exemple lorsqu'on examine les observations faites par certains des juges dans les motifs de leur décision respective. Il s'agit d'une décision rendue récemment par la Cour suprême le 17 décembre 1985. À la page 501, le juge Lamer dit:
... j'estime qu'il serait erroné d'interpréter l'expression «jus- tice fondamentale» comme synonyme de justice naturelle ...
A la page 513, il ajoute:
Cela ne revient pas à dire cependant que les principes de justice fondamentale se limitent aux seules garanties en matière de procédure. La façon dont il faut déterminer les principes de justice fondamentale est tout simplement celle qui, comme l'a écrit le professeur L. Tremblay, reconnaît que [TRADUCTION] «la croissance future reposera sur des racines historiques» ...
À la page 531, madame le juge Wilson déclare:
Je doute sérieusemment que la dichotomie entre le fond et la procédure qui a peut-être été utile dans d'autres domaines du droit comme le droit administratif et le droit international privé doive s'appliquer à l'art. 7 de la Charte. Dans un bon nombre de cas, la démarcation entre le fond et la procédure est très ténue.
Dans l'arrêt Kane c. Conseil d'administration (Université de la Colombie-Britannique), [1980] 1 R.C.S. 1105; (1980), 31 N.R. 214, le juge en chef Dickson précise, aux pages 1112 et 1113 R.C.S.; 221 N.R., en parlant des membres du conseil d'administration:
Ils ne sont pas liés par les règles de preuve strictes et les autres règles applicables aux procédures engagées devant une cour de justice. Il suffit que la cause soit entendue dans un esprit d'impartialité et conformément aux principes de justice fonda- mentale: lord Parmoor dans Local Government Board v. Arlidge ([1915] A.C. 120), à la p. 140.
Bien que l'arrêt Blanchard c. Control Data Canada Ltée et autre, [1984] 2 R.C.S. 476, ne soit pas favorable au requérant, le principe approprié est énoncé, à la page 493, dans le jugement rendu par le juge Lamer:
Autrement dit, l'interprétation de la Commission est-elle déraisonnable au point de ne pouvoir rationnellement s'ap- puyer sur la législation pertinente et d'exiger une intervention judiciaire?
C'est un test très sévère et qui marque une approche restric tive en ce qui concerne le contrôle judiciaire. C'est pourtant le test que cette Cour a appliqué et applique encore.
À la page 494, il ajoute:
Dans la recherche de l'erreur portant atteinte à la juridiction, l'emphase placée par cette Cour sur la dichotomie du caractère raisonnable-déraisonnable de l'erreur remet en question l'op- portunité de faire, à même celle-ci, la distinction entre l'erreur de droit et l'erreur de fait. Outre la difficulté de qualification, la distinction se bute à celle que les tribunaux ont donné aux erreurs de fait déraisonnables. L'erreur de fait déraisonnable a été qualifiée d'erreur de droit. La distinction voudrait qu'en un deuxième temps cette erreur de droit soit à l'abri de la clause privative à moins d'être déraisonnable. Que faut-il de plus à la conclusion de fait déraisonnable, pour que, en devenant erreur de droit elle devienne une erreur de droit déraisonnable. Le tribunal administratif a la compétence voulue pour se tromper, et même gravement, mais n'a pas celle d'être déraisonnable. Ce qui est déraisonnable n'atrophie pas moins la juridiction du fait que la conclusion en est une de fait plutôt que de droit. La justification de l'intervention judiciaire est la conclusion déraisonnable.
Dans le renvoi Re Mia and Medical Services Commission of British Columbia (1985), 17 D.L.R. (4th) 385 (C.S.C.-B.), le juge en chef McEachern a déclaré, aux pages 411 et 412:
[TRADUCTION] Certains auteurs ont laissé entendre que le mot «liberté» utilisé à l'art. 7 ne concerne que la liberté physique, c'est-à-dire le fait de ne pas être en captivité, et non pas l'activité ou le comportement humains; qu'il ne se rapporte pas aux questions économiques; ou que son sens peut être limité de diverses façons. Bien qu'il doive toujours y avoir des limites au droit des personnes libres de faire tout ce qu'elles désirent, les derniers mots de l'art. 7 ainsi que l'art. 1, que je citerai plus loin, prescrivent que ces limites doivent être raisonnables, mais, de façon générale, les limites aux libertés traditionnelles devraient être appliquées avec circonspection et de façon très prudente.
Je sais qu'en général, les tribunaux américains ont hésité à intervenir dans le règlement des problèmes économiques par des mesures législatives. C'est une règle générale, j'en conviens, mais je ne tiens pas compte dans le présent cas des lois adoptées en bonne et due forme et, même si je le faisais, il y a certains droits dont jouissent nos concitoyens, y compris le droit de travailler et de pratiquer une profession, qui sont si fondamen- taux qu'il faut les protéger même s'ils comportent un élément économique.
En dernier lieu, je citerai l'arrêt R. v. Weyallon (1983), 47 A.R. 360, qui a été rendu par la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest; dans cette affaire, un chasseur et trappeur indien qui avait besoin d'une arme à feu pour assurer sa subsis- tance a été reconnu coupable d'un acte de violence en vertu du paragraphe 98(1) du Code criminel, qui lui interdisait de posséder une arme à feu pendant cinq ans. En refusant d'appliquer cette disposition obligatoire, la Cour s'est reportée aux articles 7 et 12 de la Charte.
Le requérant soutient également que les disposi tions de la limite imposée par la Commission des libérations conditionnelles sont si vagues et si géné- rales qu'elles ne peuvent faire l'objet d'aucune interprétation et de plus qu'elles le privent de toute possibilité de gagner sa vie en exécutant le travail pour lequel il est qualifié. Les termes «directement ou indirectement participer» sont certainement très larges tout comme les mots «à l'administration, à la promotion, à l'achat ou à la vente d'une entre- prise ou d'un organisme, que ce soit à des fins lucratives ou non». Évidemment, en imposant cette condition, que le requérant devait naturellement accepter, la Commission voulait s'assurer qu'il ne serait pas en mesure d'escroquer quelqu'un par des manœuvres financières durant sa liberté condition- nelle, comme il l'avait fait dans le passé. Cette fin ne constituait pas une condition déraisonnable, et l'utilisation d'un libellé plus précis aurait pu entraîner des difficultés. On ne demande pas à la Cour d'interpréter la condition, mais, si c'était le cas, je serais enclin à conclure que son effet n'a peut-être pas une aussi grande portée que le pré- tend l'avocat du requérant. Elle ne semble pas empêcher le requérant de travailler dans une entreprise commerciale ou d'occuper un poste de vendeur par exemple. Mais il est évident que l'in- terprétation de cette condition a effectivement posé certains problèmes dans le passé à l'agent de liberté conditionnelle du requérant, qui s'est demandé si ce dernier pouvait, par exemple, accep- ter un poste d'enseignant; l'agent a soumis la question à la Commission, qui a finalement jugé que la restriction ne s'étendait pas à ce cas, mais au moment elle a rendu sa décision, il était trop tard pour que le requérant puisse occuper le poste qui lui avait été offert. L'agent s'est également demandé si le fait pour le requérant d'accepter le poste de président de l'Association des étudiants de
l'éducation permanente de l'Université McGill vio- lerait la condition, et finalement s'il pouvait siéger au Conseil de cette Université. Dans certains cas, ces questions ont été soulevées par le requérant lui-même avec l'aide de son agent de liberté condi- tionnelle, car il ne voulait pas contrevenir aux conditions. Il a en fin de compte démissionner du poste de président de l'Association des étu- diants de l'éducation permanente de l'Université McGill mais non du poste qu'il occupait au Con- seil de cette Université.
Ainsi que le fait remarquer l'avocat de l'intimée, l'agent de liberté conditionnelle du requérant, M. Gérald Dion, est un employé du Service correc- tionnel du Canada, qui est un organisme distinct de la Commission des libérations conditionnelles. Ses employés surveillent simplement la conduite des prisonniers auxquels une libération condition- nelle a été accordée pour s'assurer que ceux-ci observent les conditions de cette libération, et ils en font rapport à la Commission. Advenant qu'ils interprètent les conditions de façon trop stricte ou trop restrictive, la Commission ne peut pas en être blâmée. En l'espèce toutefois, M. Dion ne peut pas être blâmé du fait que l'intimée, la Commission des libérations conditionnelles, continue d'imposer la restriction. De fait, non seulement M. Dion mais également ses supérieurs Lily Tranche, directrice du Service correctionnel national du district de Montréal, et Caroline Soulié, gestionnaire régio- nale, ont soutenu fermement que la conduite du requérant indiquait qu'il s'était amendé à la suite de son emprisonnement, qu'il essayait de refaire sa vie et qu'il ne pouvait plus être considéré comme un danger pour le public. Bien que la Commission ne soit pas tenue d'accepter ces recommandations, celles-ci devraient certainement avoir beaucoup de poids car elles émanent de personnes qui ont affaire directement avec le libéré conditionnel.
L'avocat de l'intimée allègue que l'article 7 de la Charte, qui est libellé ainsi:
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en confor- mité avec les principes de justice fondamentale.
ne s'applique pas, étant donné que les limites imposées ne privent pas le requérant du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; la libération conditionnelle vise au contraire à lui donner davantage accès à ces droits plutôt qu'à le
priver de quelque chose car, sans cette libération conditionnelle, il resterait en prison pour purger sa peine. Ce raisonnement me semble cependant quel- que peu spécieux, surtout si l'on tient compte de la version française de l'article 7 qui utilise les mots «porté atteinte» au lieu de «privé» (deprived). Je suis donc d'avis qu'on peut également examiner les conditions qui sont imposées à un détenu mis en liberté conditionnelle et qui limitent cette liberté pour déterminer si elles sont imposées en confor- mité avec les principes de justice fondamentale.
Je doute encore plus que l'article 12, qui est rédigé ainsi:
12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités.
puisse s'appliquer, bien qu'il soit possible de soute- nir que les conditions qui privent le requérant de la possibilité de gagner sa vie en exécutant un genre de travail pour lequel il a été formé constituent peut-être des «traitements inusités», vu que la libé- ration conditionnelle vise fondamentalement à per- mettre au détenu de reprendre sa place dans la société et, si possible, d'obtenir ou de se procurer un emploi utile.
En premier lieu, la condition imposée ne sem- blait pas déraisonnable et n'était certainement pas [TRADUCTION] «manifestement déraisonnable», mais n'est pas la question en ce moment. Ni le temps pris par la Commission pour accueillir la demande du requérant en vue de l'autoriser à accepter un poste d'enseignant. Le premier refus d'accorder la permission découlait apparemment des réserves faites par les gens du Service correc- tionnel lorsqu'ils ont interprété la condition, à la suite de quoi ils ont soumis la question à la Com mission, ce qui a entraîné le délai et la perte du poste.
Je ne doute pas que, s'il avait simplement accepté le poste et si, par la suite, sa libération conditionnelle avait été révoquée, le requérant aurait pu réussir, au moyen d'un bref de préroga- tive approprié, à obtenir une décision portant que cela ne violait pas la condition spéciale. La Com mission des libérations conditionnelles a elle-même fini par le reconnaître. Cela aurait très vraisembla- blement été le cas également en ce qui concerne son élection au poste de président de l'Association des étudiants de l'éducation permanente de l'Uni-
versité McGill et de représentant des étudiants au Conseil de l'Université. Cependant il n'a pas jugé bon d'emprunter cette voie en défiant ses surveil- lants de liberté conditionnelle et la Commission des libérations conditionnelles, mais il a plutôt tenté d'obtenir leur permission.
Le long délai qui s'est écoulé après le 23 avril 1985, date à laquelle son agent de liberté condi- tionnelle a rédigé un rapport spécial il donnait tous les détails du projet d'entreprise du requérant et recommandait fortement que l'on annule la condition spéciale, avec le consentement de son surveillant, a, semble-t-il, été causé par une cer- taine confusion dans l'administration au sein des bureaux de la Commission des libérations condi- tionnelles, ce qui a obligé l'agent de liberté condi- tionnelle à rédiger un deuxième rapport à la demande du requérant le 14 août, à la suite duquel la Commission des libérations conditionnelles a, le 9 septembre, reporté sa décision afin de permettre au requérant de faire des observations par écrit. Ce n'est que le 10 octobre, soit presque six mois après la demande initiale, que la Commission des libéra- tions conditionnelles s'est prononcée sur la ques tion et a rejeté la demande. Bien que des erreurs puissent se produire dans tout organisme adminis- tratif et que, dans le présent cas, cela n'eût fait aucune différence de toute façon, étant donné que la demande d'annulation de la restriction a été refusée, le délai n'était certainement pas juste et raisonnable à l'égard du requérant qui s'était lon- guement préparé avant de lancer son entreprise et avait même obtenu une marge de crédit garantie par le gouvernement.
Si toutefois le délai était le seul point à prendre en considération, j'aurais peine à conclure que la décision de refuser d'annuler ces restrictions était manifestement déraisonnable à tel point que la Cour devrait intervenir. Mais, pour juger qu'il en était ainsi et que cette décision devrait être annu- lée, je me suis fondé sur plusieurs facteurs.
Tout d'abord, bien qu'il soit vrai de dire que la Commission des libérations conditionnelles est tout à fait indépendante et n'est pas tenue de suivre les recommandations des gens du Service correction- nel du Canada qui surveillent la liberté condition- nelle, leurs rapports ont certainement une grande valeur probante car ces personnes sont constam- ment en contact avec le libéré conditionnel et sont
le plus en mesure de porter un jugement sur sa conduite. En l'espèce, les trois rapports présentés qui recommandaient l'annulation de la restriction auraient difficilement pu être rédigés en termes plus clairs ou être plus favorables au requérant. Malgré cela, on n'attache que peu d'importance à ces rapports dans le refus en date du 10 octobre 1985. On y signale au début que, le 13 décembre 1983, la condition spéciale a été imposée parce qu'elle était nécessaire à la sécurité du public et qu'elle était justifiée par les observations faites à cette époque. Ce point n'est nullement contesté. Le rapport ajoute que cette condition a été maintenue le 5 août 1985 pour les raisons expliquées dans les observations du 22 juillet. Cette décision refusait d'abolir la condition afin de protéger la clientèle composée de jeunes étudiants contre les manœu- vres frauduleuses possibles du requérant. On y déclarait que les commissaires qui avaient imposé la condition avaient certainement de bonnes rai- sons de le faire et que rien dans les rapports actuels ne justifiait son abolition. Toutefois, selon le commissaire dissident, il n'y avait pas lieu, et il était même contre-indiqué, de maintenir la condi tion spéciale imposée précédemment, étant donné les progrès réalisés à ce moment-là par le requé- rant ainsi que les circonstances entourant la créa- tion de la nouvelle entreprise.
Le troisième paragraphe de la décision rendue le 10 octobre 1985, sur laquelle porte la présente requête, ajoute que la lettre de M. Litwack en date du 17 septembre 1985 n'apporte rien de nouveau. Ses arguments avaient déjà été transmis par son agent de liberté conditionnelle, et la Commission n'a aucune raison de modifier ses conclusions anté- rieures. Encore une fois, une dissidence a été enre- gistrée sur ce point. La majorité des commissaires semblent adopter la position selon laquelle, une fois qu'il a été décidé d'imposer des restrictions en bonne et due forme, celles-ci ne devraient jamais être supprimées ou modifiées quels que soient les changements intervenus dans la situation de la personne pendant qu'elle est en liberté condition- nelle. En d'autres mots, au lieu de prendre en considération la situation actuelle qui leur a été présentée dans tous ses détails, les commissaires estiment que, si le libéré conditionnel représentait un danger pour la société au moment les condi tions ont été imposées, il doit toujours le rester malgré sa conduite subséquente. Celui-ci avait
convaincu tout le monde, sauf la majorité des membres de la Commission, qu'il s'était réhabilité. Cela me semble manifestement injuste à tel point qu'il faut demander à la Cour d'intervenir. L'em- prisonnement vise notamment à réhabiliter le détenu et à l'amener à renoncer à sa vie criminelle, en lui faisant prendre conscience des moyens fau- tifs auxquels il recourait. Bien que cela ne se réalise malheureusement pas toujours, nous sommes ici en présence du cas d'un homme âgé de 48 ans qui a commis ses premiers actes criminels à l'âge de 42 ans. Depuis lors, il a donné toutes les raisons de croire qu'il s'est réhabilité mais, sans la moindre preuve du contraire et malgré les recom- mandations et les rapports très sérieux présentés par ceux qui sont le plus en mesure de déterminer qu'il est peu probable qu'il continue de recourir à des manoeuvres frauduleuses dans l'entreprise qu'il projette, la majorité des commissaires insiste encore pour maintenir la condition restrictive, sans tenir compte du fait que la situation du requérant semble avoir changé depuis que cette condition lui a été imposée.
Ce qui me renforce dans cette conclusion, c'est qu'il s'agissait simplement d'une décision rendue à la majorité et que l'un des commissaires a sans cesse été dissident.
Dans les circonstances, j'accorderai un bref de certiorari annulant la décision aux termes de laquelle la Commission des libérations condition- nelles a refusé, le 10 octobre 1985, d'abolir la condition spéciale qui est attachée à la libération conditionnelle du requérant et dont le libellé est si général qu'il empêche effectivement ce dernier de s'engager dans une entreprise commerciale ou dans toute autre entreprise similaire pour lesquelles il possède les qualités requises en raison de sa formation.
ORDONNANCE
Un bref de certiorari est accordé à l'encontre de la décision aux termes de laquelle la Commission des libérations conditionnelles a refusé, le 10 octo- bre 1985, d'abolir la condition spéciale attachée à la libération conditionnelle du requérant, avec les dépens.
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