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A-790-85
Affaire intéressant la Loi sur l'Office national de l'énergie et un renvoi fait par l'Office national de l'énergie en vertu da paragraphe 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale
RÉPERTORIÉ: LOI SUR L'OFFICE NATIONAL DE L'ÉNERGIE (CAN.) (RE)
Cour d'appel, juges Heald, Urie et Ryan - Toronto, 30 avril et l et mai; Ottawa, 24 juin 1986.
Énergie - Renvoi visant à déterminer si l'Office national de l'énergie a le pouvoir d'adjuger des frais dans le cas d'une audience publique - L'art. 10(3) de la Loi ne confire pas explicitement le pouvoir d'adjuger des frais - Application de la règle ejusdem generis à l'expression «autres matières» - Un tel pouvoir n'est pas «indispensable» à l'exercice de sa juridiction - Distinction entre les dépens et frais et le concept de l'octroi de subventions aux intervenants - Une distinction est faite entre les décisions citées dans lesquelles la doctrine de l'interprétation nécessaire avait été invoquée pour combler des lacunes législatives et l'espèce: il n'a pas été prouvé qu'un pouvoir général en matière de frais soit pratiquement indis pensable et doive être présumé - Application de la maxime expressio unius est exclusio alterius - Le Parlement avait l'intention de restreindre le pouvoir d'adjudication des frais lorsqu'il a adopté les art. 29.6, 37 et 75.21, dans lesquels il a expressément prévu l'adjudication des frais dans des situations données - Loi sur l'Office national de l'énergie, S.R.C. 1970, chap. N-6, art. 10(3), 29.6 (édicté par S.C. 1980-81-82-83, chap. 80, art. 2), 37 (mod. par S.R.C. 1970 (1e 1 Supp.), chap. 27, art. 10; S.C. 1980-81-82-83, chap. 80, art. 4), 75.21 (édicté, idem, art. 5) - Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28(4) - Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, chap. N-17, art. 45(3), 73 - Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, S.C. 1980-81-82-83, chap. 158, art. 13, 18, 20(1) - Loi sur les élections fédérales contestées, S.R.C. 1970, chap. C-28, art. 40, 72.
Interprétation des lois - L'art. 10(3) de la Loi sur l'Office national de l'énergie confère à l'Office les pouvoirs attribués à une cour supérieure d'archives relativement aux «autres matières» «indispensables» à l'exercice régulier de sa juridic- tion - Le pouvoir d'adjuger des frais n'appartient pas à la catégorie des pouvoirs précis se trouvant énumérés suivant la règle ejusdem generis - Les pouvoirs explicitement prévus sont qualifiés de pouvoirs de réunion d'éléments de preuve - L'art. 10(3) ne confère pas explicitement le pouvoir d'adjuger des frais - Les art. 29.6, 75.21 et 37 confèrent expressément à l'Office le pouvoir d'adjuger des frais dans des situations données - La maxime expressio unius est exclusio alterius est applicable - Le législateur a restreint le pouvoir d'adjuger des frais à ces situations particulières - Loi sur l'Office national de l'énergie, S.R.C. 1970, chap. N-6, art. 10(3), 29.6 (édicté par S.C. 1980-81-82-83, chap. 80, art. 2), 37 (mod. par S.R.C. 1970 (l et Supp.), chap. 27, art. 10; S.C. 1980-81- 82-83, chap. 80, art. 4), 75.21 (édicté, idem, art. 5).
Pratique - Frais et dépens - Office national de l'énergie - Cet organisme peut-il adjuger des frais et dépens dans le
cas d'une audience publique? Les frais engagés au cours de telles procédures ne sont pas semblables aux frais qui sont habituellement adjugés par une cour supérieure d'archives, qui entend un litige opposant des parties et tranche nettement en faveur de l'une d'elle et contre l'autre La Cour, lorsqu'elle tranche un litige, adjuge les frais selon l'issue de la cause Il n'y a pas toujours un gagnant ou un perdant dans les affaires portant sur les questions de réglementation Un tribunal habilité à adjuger des frais et dépens pourrait ordonner à une partie ayant eu gain de cause de payer les frais des interve- nants Plutôt que des frais, c'est une subvention pour les intervenants qui est sollicitée La Cour fait référence à l'affaire Hamilton -Wentworth, dans laquelle une distinction est faite entre ces deux notions Bien que les arguments présentés en faveur de l'octroi de subventions aux intervenants représentant l'intérêt public soient convainquants, il s'agit d'une question de politique qui relève du Parlement.
Il s'agit d'un renvoi fait par l'Office national de l'énergie et visant à déterminer si cet organisme est habilité à adjuger des frais dans le cas d'une audience publique.
Il a été soutenu que la compétence de l'Office en matière de dépens et de frais était fondée sur les motifs suivants: (1) le paragraphe 10(3) de la Loi lui confère explicitement ce pou- voir; (2) il en est investi par voie d'interprétation nécessaire; et (3) les articles 29.6 et 75.21 de la Loi ont pour but de restreindre le pouvoir d'adjudication des frais, par ailleurs discrétionnaire.
Arrêt: l'Office n'est pas investi d'un pouvoir générai d'adjudi- cation de frais.
Le paragraphe 10(3) de la Loi ne confère pas explicitement à l'Office le pouvoir d'adjuger des frais. Le paragraphe 10(3) accorde à l'Office les pouvoirs d'une cour supérieure d'archives en ce qui concerne la présence des témoins, la production des documents, l'exécution de ses ordonnances, l'entrée en jouis- sance des biens de même que «toutes les autres matières» «indispensables ou appropriées» à l'exercice régulier de sa juri- diction. Les pouvoirs conférés par les dispositions du paragra- phe 10(3) peuvent être qualifiés de pouvoirs de réunion d'élé- ments de preuve. Le pouvoir d'adjuger des frais n'appartient pas à cette catégorie de pouvoirs suivant la règle ejusdem generis. Le pouvoir d'adjudication de frais n'est pas un instru ment de contrôle des personnes et de la procédure, mais a pour but premier d'indemniser la partie gagnante d'une instance. Si l'on présume que le pouvoir d'adjudication de frais est une «autre matière», il demeure -qu'il n'est pas «indispensable» à l'exercice de la juridiction de l'Office. L'Office a fonctionné pendant de nombreuses années sans adjuger de frais. Qui plus est, les frais dont il est question en l'espèce ne sont pas semblables aux frais qui sont habituellement adjugés par «une cour supérieure d'archives». Contrairement aux litiges opposant des parties, les affaires portant sur des questions de réglementa- tion ne sont pas toujours tranchées de sorte qu'il y ait nette- ment un gagnant et un perdant. De plus, lorsqu'un tribunal administratif est investi d'un pouvoir discrétionnaire d'adjuger des frais, il peut très bien ordonner à un requérant ayant eu gain de cause de payer les frais de certains intervenants. Une telle décision constitue une nette dérogation à la règle normale- ment appliquée par les tribunaux supérieurs, à savoir que les frais suivent l'issue de la cause. Même si l'Office possédait les pouvoirs inhérents d'une cour supérieure d'archives en matière
de frais, il n'aurait que le pouvoir d'adjuger des «dépens et frais». L'«octroi de subventions aux intervenants» faisant l'objet du présent renvoi ne répond pas aux critères établis dans l'affaire Hamilton -Wentworth relativement aux «dépens et frais».
Il n'a pas été prouvé qu'un pouvoir général en matière de frais soit pratiquement indispensable à l'Office et doive être présumé. L'Office fonctionne sans ce pouvoir depuis 1959. De plus, les législateurs fédéral et provinciaux ont démontré dans diverses lois semblables qu'ils pouvaient conférer expressément un pouvoir général d'adjudication de frais à des tribunaux administratifs. En l'absence d'une disposition législative confé- rant expressément le pouvoir d'adjudication de frais, on ne peut présumer l'existence de ce pouvoir.
La maxime expressio unius est exclusio alterius s'applique en l'espèce. Le fait pour le Parlement d'avoir conféré expressé- ment un pouvoir d'adjudication de frais à l'Office dans des situations décrites aux articles 29.6, 37 et 75.21 appuie la thèse voulant que cet organisme n'ait pas été investi d'un pouvoir général d'adjudication de frais. Le Parlement devait avoir l'intention de restreindre le pouvoir en question à ces situations données.
L'octroi de subventions aux intervenants, qui permettrait au tribunal de prendre connaissance du point de vue des personnes et des groupes concernés et pourrait accroître la confiance de la population en général dans la justice administrative, est peut- être souhaitable. Il s'agit toutefois d'une question de politique qui relève du Parlement.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Bell Canada c. Association des consommateurs du Canada et autres, [1986] 1 R.C.S. 190; (1986), 65 N.R. 1; Hamilton- Wentworth (Regional Municipality of) and Hamilton- Wentworth Save the Valley Committee, Inc. et al., Re (1985), 51 O.R. (2d) 23 (C. div. Ont.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Interprovincial Pipe Line Ltd. c. L'Office national de l'énergie, [1978] 1 C.F. 601 (C.A.); Ligue de la radiodif- fusion canadienne (La) c. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, [1983] 1 C.F. 182 (C.A.).
AVOCATS:
Ian Blue, c.r. et Elizabeth E. May pour Flam- borough Residents Against Propane et David L. Hitchcock.
Harry Dahme pour la Corporation du canton de Flamborough et la Municipalité régionale de Hamilton -Wentworth.
John A. Olah pour Halton Regional Conser vation Authority.
John S. Tyhurst pour l'Association des con- sommateurs du Canada.
John W. Brown, c.r. et Philippe Lalonde pour Interprovincial Pipe Line Limited.
Barbara A. Mcisaac pour le procureur géné- ral du Canada.
Anthony J. Jordan pour Independent Petro leum Association.
C. C. Black pour Trans Canada PipeLines. Loyola Keough pour l'Office national de l'énergie.
PROCUREURS:
Cassels, Brock & Blackwell, Toronto, et Le Centre pour la promotion de l'intérêt public, Ottawa, pour Flamborough Residents Against Propane et David L. Hitchcock.
David Estrin, Toronto, pour la Corporation du canton de Flamborough et la Municipalité régionale de Hamilton -Wentworth.
Beard, Winter, Gordon, Toronto, pour Halton Regional Conservation Authority. L'Association des consommateurs du Canada, Ottawa, pour son propre compte. Blake, Cassels & Graydon, Toronto, pour Interprovincial Pipe Line Limited.
Le sous-procureur général du Canada pour le procureur général du Canada.
Code Hunter, Calgary, pour Independent Petroleum Association of Canada.
C. C. Black, Toronto, pour Trans Canada PipeLines.
L'Office national de l'énergie, Ottawa, pour son propre compte.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'un renvoi fait par l'Office national de l'énergie (ci-après désigné «l'Office»), conformément au paragraphe 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10], qui porte sur les questions suivantes:
1. L'Office national de l'énergie a-t-il le pouvoir d'adjuger des frais à une partie, payables par une autre partie à une audience publique, dans le cas d'une audience publique tenue en vertu des paragraphes 17(1) et 20(3) de la Loi sur l'Office national de l'énergie aux fins de réviser une partie d'une ordonnance prononcée conformément à l'article 49 de la Loi?
2. Dans l'affirmative, l'Office national de l'énergie a-t-il le pouvoir, s'il adjuge des frais, d'établir un tarif des frais, ou encore de fixer les frais ou la limite des frais à payer?
L'ordonnance par laquelle l'Office a renvoyé les questions susmentionnées à la Cour comprenait des conclusions de fait et d'autres documents sur lesquels l'Office aurait fondé sa décision s'il avait été saisi de ces questions. Voici un résumé de ces faits. Le renvoi fait suite à des requêtes portant sur les frais engagés pendant et après une audience de plusieurs jours devant l'Office, relative à une demande d'ordonnance d'exemption, soumise par Interprovincial Pipe Line Limited (ci-après dési- gnée «I.P.L.») et concernant des projets de modifi cation d'un pipe-line de I.P.L., visant à transfor mer le service de transport de pétrole brut en service de transport exclusif de gaz propane. Il était prévu de transporter le gaz propane dans le pipe-line, de la région de Sarnia jusqu'aux environs de Westover (Ontario), il devait être chargé à bord de camions-citernes et de wagons-citernes pour être transporté jusqu'au point de vente. Pour ce faire, il était notamment envisagé de construire des installations de chargement des camions et des wagons. Dans son ordonnance prononcée le 4 mai 1983, l'Office a exempté, à certaines conditions, les installations prévues de certaines dispositions de la Loi sur l'Office national de l'énergie [S.R.C. 1970, chap. N-6].
En réponse aux inquiétudes formulées par les autorités locales et les propriétaires du canton de Flamborough (Ontario), au sujet du projet d'em- placement des installations de chargement des camions et des wagons, l'Office a ordonné la tenue d'une audience publique afin de réviser la partie de l'ordonnance du 4 mai portant approbation de l'emplacement des installations. L'audience a débuté à Burlington (Ontario), le 16 août 1983. La corporation du canton de Flamborough (ci-après désignée «canton de Flamborough») a alors déposé devant l'Office un avis de requête ayant pour but de soulever la question préliminaire de la compé- tence de l'Office. Par la suite, la municipalité régionale de Hamilton -Wentworth (ci-après dési- gnée «municipalité de Hamilton -Wentworth») a demandé à l'Office que l'un des membres de l'Of- fice se retire pour cause de partialité ou par crainte raisonnable de partialité. Le 8 septembre 1983, l'Office a jugé que cette demande était sans fonde- ment. Plus tard en septembre, l'Office a rejeté la remise en question de sa compétence. Ces deux décisions ont été portées en appel devant cette Cour et les appels ont été rejetés (Flamborough c.
Office national de l'énergie, International Pipe Line Ltd. et Canada (1985), 55 N.R. 95 (C.A.F.)), le 15 juin 1984. La Cour suprême du Canada a rejeté une demande de permission d'en appeler de cette décision, le 17 décembre 1984 [[1984] 2 R.C.S. vii].
Le 13 juillet 1984, l'Office a ordonné de mettre sur pied un nouveau comité de l'Office pour l'au- dience publique qui a donc commencé à Burling- ton, le 22 avril 1985. L'audience a duré trente- quatre jours et s'est terminée à Ottawa, le 29 août 1985. L'Office a entendu les témoignages de nom- breux témoins, y compris des témoins-experts, cités non seulement par I.P.L. mais par d'autres parties également. Quelque quatorze organismes diffé- rents ont été enregistrés comme parties à l'au- dience. De plus, un grand nombre d'autres person- nes intéressées ont présenté leur point de vue et des commentaires écrits à l'Office. Lors des dernières plaidoiries, plusieurs parties, notamment le canton de Flamborough, la municipalité de Hamilton - Wentworth, la Halton Region Conservation Authority (ci-après désignée «Halton Conserva tion») et Flamborough Residents Against Propane Inc. (ci-après désigné «F.R.A.P.») ont demandé à l'Office d'adjuger des frais en leur faveur, paya- bles par I.P.L. Le présent renvoi fait suite à cette demande.
À l'audition du présent renvoi, les avocats repré- sentant F.R.A.P., le canton de Flamborough, la municipalité de Hamilton -Wentworth, Halton Conservation et l'Association des consommateurs du Canada (A.C.C.) ont prétendu que l'Office avait la compétence voulue pour adjuger des frais. Les avocats de I.P.L., du procureur général du Canada, de Trans Canada PipeLines Limited (T.C.P.L.) et de l'Independent Petroleum Associa tion (I.P.A.) ont tous présenté des plaidoyers pour s'opposer à cette compétence.
L'avocat de F.R.A.P. a été le premier à présen- ter des arguments en faveur de la compétence de l'Office en matière de frais. Les avocats des autres parties favorables à la compétence de l'Office ont appuyé de façon générale ses prétentions. D'autres avocats ont cependant présenté quelques argu ments supplémentaires. La Cour étudiera ces argu ments plus tard. Selon l'avocat du F.R.A.P., la compétence de l'Office en matière de dépens et frais est fondée sur les trois motifs suivants:
1. l'Office en a le pouvoir explicite, en vertu du paragraphe 10(3) de la Loi;
2. par voie d'interprétation nécessaire, l'Office a le pouvoir d'adjuger des frais; et
3. l'Office a le pouvoir d'adjuger des frais puisque les articles 29.6 et 75.21 de la Loi ont pour but de restreindre le pouvoir d'adjudication de frais, par ailleurs discrétionnaire.
1. POUVOIR EXPLICITE
Voici le texte de l'article 10 de la Loi:
10. (1) L'Office est une cour d'archives.
(2) L'Office a un sceau officiel, qui sera reconnu à toutes fins de droit.
(3) En ce qui concerne la présence, l'assermentation et l'interrogatoire des témoins, la production et l'examen des documents, l'exécution de ses ordonnances, l'entrée en jouis- sance des biens et leur inspection, de même que toutes les autres matières indispensables ou appropriées à l'exercice régu- lier de sa juridiction, l'Office a tous les pouvoirs, droits et privilèges attribués à une cour supérieure d'archives. [C'est moi qui souligne.]
L'avocat de F.R.A.P. prétend que les frais cons tituent d'«autres matières» qui sont «indispensables ou appropriées» à l'«exercice régulier» de la juridic- tion de l'Office. Suivant la règle ejusdem generis, il allègue que l'expression «autres matières», au sens du paragraphe 10(3) (précitée), est un terme générique et qu'à ce titre, il doit être interprété en fonction des\mots précis qui le précèdent, de façon à décrire strictement des choses de la même caté- gorie ou du même ordre. À son avis, même si l'on tient compte de l'interprétation restreinte qu'im- pose la règle ejusdem generis à l'expression «autres matières», au sens du paragraphe 10(3), les frais appartiennent à la même catégorie que les sujets précis énumérés au paragraphe 10(3), savoir le pouvoir de citer à comparaître, le pouvoir d'obliger des témoins à produire des documents, le droit d'entrée et d'inspection ainsi que le droit d'exécu- tion de ses ordonnances. En revanche, l'avocat de I.P.L. prétend que les [TRADUCTION] «expressions et pouvoirs précis cités auparavant appartiennent tous à la catégorie relative à la capacité de l'Office d'obtenir des documents, des preuves et des rensei- gnements nécessaires pour prendre des décisions fondées. Ces pouvoirs sont de toute évidence indis pensables et appropriées à l'exercice régulier de la juridiction de l'Office.» Par conséquent, il estime que les «matières» prévues au paragraphe 10(3) sont limitées aux pouvoirs supplémentaires dont l'Office a besoin pour obtenir tous les renseigne- ments et toutes les preuves nécessaires afin de
rendre une bonne décision. À mon avis, l'interpré- tation de l'avocat de I.P.L. est plus juste que celle de l'avocat de F.R.A.P. Les dispositions précises du paragraphe 10(3) donnent à l'Office le pouvoir d'exiger la production de toute preuve pertinente, qu'elle soit orale ou documentaire, et d'examiner les biens qu'elle juge nécessaires dans le cadre de sa décision. Pareils pouvoirs peuvent être considé- rés comme des pouvoirs de réunion d'éléments de preuve. Je ne pense pas que le pouvoir d'adjuger des frais appartienne, suivant la règle ejusdem generis, à cette catégorie de pouvoirs. L'avocat de F.R.A.P. estime que le pouvoir d'adjuger des frais n'est qu'un autre exemple du pouvoir de contrôle des personnes et de la procédure et qu'à ce titre, il relève, suivant la règle ejusdem generis, des pou- voirs précis énumérés au paragraphe 10(3). Bien que l'adjudication de frais ait nécessairement des conséquences sur les personnes et la procédure, j'estime que ce pouvoir n'appartient pas à la même catégorie que les pouvoirs de réunion d'éléments de preuve nécessaires à une instance. Je ne considère pas non plus ce pouvoir comme un instrument de contrôle. D'après la jurisprudence, l'adjudication de frais a pour but premier d'indemniser la partie gagnante d'une instance. La Cour suprême du Canada a récemment étudié en détail cette ques tion dans l'affaire Bell Canada c. Association des consommateurs du Canada . et autres, [ 1986] 1 R.C.S. 190; (1986), 65 N.R. 1. Il s'agissait de déterminer si, dans l'exercice du pouvoir discré- tionnaire d'adjuger des frais que lui confère l'arti- cle 73 de la Loi nationale sur les transports [S.R.C. 1970, chap. N-17], le CRTC est lié par le principe de l'indemnisation tel qu'il est appliqué dans l'adjudication des frais par les tribunaux. Voici le texte de l'article 73:
73. (1) Sauf disposition contraire de la présente loi, les frais qu'entraîne une procédure exercée devant la Commission sont laissés à la discrétion de la Commission, et peuvent, dans tous les cas, être fixés à une somme déterminée ou entrer en taxe.
(2) La Commission peut ordonner par qui et à qui les frais doivent être payés, et par qui ils doivent être taxés et alloués.
(3) La Commission peut établir un tarif d'après lequel ces frais doivent être taxés.
À la page 207 R.C.S.; à la page 21 N.R., le juge Le Dain s'est ainsi exprimé au nom de la Cour:
Je conviens que le terme «frais» à l'art. 73 doit avoir la même connotation générale que les frais de justice. Il ne peut être interprété de manière à avoir un sens différent du sens général
du terme ou un sens étranger à celui-ci, comme l'obligation de contribuer aux frais d'administration d'un tribunal ou comme l'octroi d'une subvention à un participant dans des procédures, sans tenir compte de ce qui peut raisonnablement être considéré comme la dépense engagée à l'égard de cette participation. Je suis donc d'avis que le terme «frais» doit avoir l'indemnisation pour connotation générale. [C'est moi qui souligne.]
Quant à la deuxième partie de cet argument, je ne suis pas non plus persuadé que le pouvoir d'adjuger des frais, si l'on présume qu'il s'agit d'une «autre matière», soit une matière «indispen- sable ou appropriée» à l'exercice régulier de la juridiction de l'Office. Comme l'ont souligné cer- tains des avocats opposés à la reconnaissance de ce pouvoir, l'Office a fonctionné efficacement pen dant de nombreuses années sans adjuger de frais. Par conséquent, il est difficile de prétendre que ce pouvoir est «indispensable» à l'exercice de sa juri- diction. Il est possible que l'Office puisse fonction- ner de façon plus efficace s'il était investi de ce pouvoir, mais cela ne rend pas ce dernier indispen sable à l'exercice de la juridiction de l'Office.
En plus de conclure que l'adjudication de frais ne fait pas partie des pouvoirs conférés à l'Office en vertu du paragraphe 10(3) parce qu'il ne s'agit pas d'une «autre matière», suivant la règle ejusdem generis, et parce que ce pouvoir n'est pas «indis- pensable ou approprié» à l'exercice régulier de la juridiction de l'Office, j'estime également que les frais engagés au cours de procédures devant l'Of- fice ne sont pas semblables aux frais qui sont habituellement adjugés par «une cour supérieure d'archives». Normalement, la Cour entend le litige opposant les parties, puis rend une décision sur les diverses questions dont elle est saisie. Dans la plupart des cas il y a nettement un gagnant et un perdant, la Cour adjugera des frais selon l'issue de la cause, c'est-à-dire que le perdant devra assu- mer les frais engagés par le gagnant. Dans d'autres cas, lorsque la cause est partagée, des frais peuvent être adjugés aux deux parties. Cependant, comme l'ont souligné les avocats, il n'y a pas toujours un gagnant ou un perdant dans les affaires portant sur des questions de réglementation. De plus, lors- qu'un tribunal administratif a le pouvoir discré- tionnaire d'adjuger des frais, il peut très bien ordonner à un requérant ayant eu gain de cause de payer les frais de certains intervenants. Bien que dans certains cas, pareille décision soit un bon exercice du pouvoir discrétionnaire de l'Office, elle n'en constitue pas moins une nette dérogation à la
règle normalement appliquée par les tribunaux supérieurs, à savoir que les frais suivent l'issue de la cause. Comme l'a allégué l'avocat de I.P.L., les parties qui prétendent que l'Office a compétence en la matière cherchent à obtenir une subvention pour les intervenants, plutôt que des frais tels qu'adjugés par une cour supérieure d'archives. La Cour divisionnaire de l'Ontario a soigneusement analysé les différences entre le concept traditionnel des dépens et frais et le concept de l'octroi de subventions aux intervenants, dans l'affaire Hamilton -Wentworth (Regional Municipality of) and Hamilton -Wentworth Save the Valley Com mittee, Inc. et al., Re (1985), 51 O.R. 2(d) 23. Dans cette affaire, un office de réglementation constitué en vertu de la Consolidated Hearings Act de l'Ontario [S.O. 1981, chap. 20] pour étu- dier une demande de construction d'une nouvelle route a prononcé des ordonnances, avant la tenue d'une audience, portant l'adjudication de frais à l'avance à deux groupes de citoyens opposés au projet, afin de leur permettre de participer à l'au- dience. La Cour divisionnaire a annulé les ordon- nances pour défaut de compétence. Le sommaire de la décision présente bien les motifs de la Cour; en voici le texte la page 24] :
[TRADUCTION] L'Office a le pouvoir d'adjuger des frais en vertu de l'art. 7 de la Consolidated Hearings Act, mais rien dans la Loi n'indique que l'Assemblée législative avait l'inten- tion de donner à l'office mixte des pouvoirs particuliers plus importants que ceux habituellement exercés par les tribunaux dans l'adjudication de frais. Les dépens et frais sont une somme accordée en faveur d'une partie qui a eu gain de cause ou qui les mérite, payable par le perdant, à la fin de l'instance, sous forme d'indemnisation des dépenses et des services raisonnables engagés dans le cadre de l'instance. Puisque l'issue ou le droit aux frais ne peuvent être déterminés avant la conclusion de l'instance, les frais doivent être adjugés à la fin des procédures et n'ont pas pour but de permettre à une partie de participer aux procédures. Même si le mot «frais» est employé dans une loi portant sur un tribunal administratif, il doit être interprété selon son sens normal en droit et non comme l'a fait l'Office, c'est-à-dire le pouvoir d'obliger une partie à subventionner la participation d'un intervenant, ce qui n'est pas prévu dans la Loi.
Par conséquent, pour les motifs précités, j'estime que le paragraphe 10(3) de la Loi ne confère pas explicitement à l'Office le pouvoir d'adjuger des frais.
J'ai déjà indiqué qu'en plus de l'avocat de F.R.A.P., d'autres avocats avaient présenté des arguments à l'appui du pouvoir d'adjudication de frais de l'Office. L'avocat du canton de Flambo-
rough et de la municipalité de Hamilton -Went- worth ainsi que l'avocat de Halton Conservation ont prétendu que puisque l'Office avait les pou- voirs inhérents d'une cour supérieure d'archives et qu'au Canada, une cour supérieure d'archives a un pouvoir inhérent en matière de frais, l'Office était investi de ce pouvoir. Même si l'on acceptait cet argument, l'Office n'aurait que le pouvoir d'adju- ger des «dépens et frais» au sens traditionnel du terme, et non d'octroyer des «subventions aux intervenants». Dans l'affaire Hamilton- Wentworth (précitée), le juge Holland a traité de façon éclai- rée du sens habituel du mot «frais», au nom de la Cour divisionnaire de l'Ontario. Voici ce qu'il a affirmé à la page 32:
[TRADUCTION] Voici les critères établis au cours des années pour définir le concept des dépens et frais:
(1) Il s'agit d'une somme payable à la partie qui a eu gain de cause ou qui les mérite, par le perdant.
(2) Par la force des choses, les dépens et frais doivent être adjugés à la fin des procédures, puisque l'issue ou le droit aux frais ne peuvent être déterminés auparavant.
(3) Ils sont payables sous forme d'indemnisation des dépen- ses et des services raisonnables engagés dans le cadre d'une instance.
(4) Ils ne servent pas à assurer la participation des interve- nants aux procédures.
L'octroi de subventions aux intervenants faisant l'objet du présent renvoi ne répond pas aux critères établis aux numéros 1 et 4 précités. À mon avis, ces critères décrivent bien ce que sont les «dépens et frais» et puisqu'en l'espèce, ils n'ont pas été respectés, je ne crois pas que l'existence d'un pou- voir inhérent d'octroi de subventions aux interve- nants ait été démontrée.
2. POUVOIR EXISTANT PAR VOIE D'INTERPRÉTA- TION NÉCESSAIRE
À titre subsidiaire, l'avocat de F.R.A.P. a allé- gué que les pouvoirs conférés par une loi habili- tante comme la Loi sur l'Office national de l'éner- gie ne comprennent pas seulement les pouvoirs accordés expressément, mais également par impli cation, tous les pouvoirs nécessaires en pratique pour atteindre l'objectif visé. À son avis, l'Office national de l'énergie, tout comme d'autres cours et tribunaux, a besoin du pouvoir d'adjudication de frais afin de contrôler les procédures engagées devant lui. L'avocat a ensuite cité des exemples cette Cour a invoqué la doctrine de l'interprétation nécessaire pour combler des lacunes législatives. Il
a tout d'abord cité l'affaire Interprovincial Pipe Line Ltd. c. L'Office national de l'énergie, [1978] 1 C.F. 601 (C.A.), à la page 608. Dans cette affaire, l'Office désirait obliger une société à tarifs réglementés à préparer et à produire un rapport portant sur ses activités aux Etats-Unis. La Cour a jugé que, même si la loi ne permet pas expressé- ment de recourir à ce pouvoir, il faut nécessaire- ment conclure à son existence si on se base sur la nature du pouvoir de réglementation accordé à l'Office (le juge Le Dain, à la page 608). Il a ensuite mentionné l'affaire Ligue de la radiodiffu- sion canadienne (La) c. Le Conseil de la radiodif- fusion et des télécommunications canadiennes, [1983] 1 C.F. 182 (C.A.). Dans cette décision, la Cour a accordé au CRTC le pouvoir de réglemen- tation en matière de frais d'installation et d'abon- nement à la télévision par câble, par voie d'inter- prétation nécessaire et en l'absence de dispositions expresses à cet effet dans la Loi sur la radiodiffu- sion [S.R.C. 1970, chap. B-11].
À mon avis, il faut distinguer de l'espèce les affaires citées par l'avocat de F.R.A.P. puisque, dans les deux cas, il avait été prouvé qu'il était pratiquement indispensable que l'organisme de réglementation puisse exercer ce pouvoir afin d'at- teindre les buts visés expressément par le Parle- ment. En l'espèce, il n'y a pas de preuve semblable qui puisse laisser présumer l'existence d'un pouvoir général en matière de frais. Comme l'a souligné l'avocat de I.P.L., depuis la création de l'Office en 1959, celui-ci fonctionne sans ce pouvoir; il a tenu d'innombrables audiences et exercé les pouvoirs que lui confère la Loi de façon satisfaisante, sans adjudication de frais. Par conséquent, l'argument de la doctrine de l'interprétation nécessaire, allé- gué dans les deux affaires citées, n'est pas fondé en l'espèce. J'estime qu'il existe une autre raison à l'encontre de la doctrine de l'interprétation néces- saire dans les circonstances, à savoir que les légis- lateurs fédéral et provinciaux ont démontré dans diverses lois semblables qu'ils pouvaient conférer expressément un pouvoir général d'adjudication de frais à des tribunaux administratifs. L'avocat de I.P.L., ainsi que les autres avocats opposés au pouvoir d'adjudication de frais de l'Office, ont cité de nombreuses lois fédérales et provinciales en vertu desquelles un tribunal ne détient pas seule- ment un pouvoir général semblable à celui que le paragraphe 10(3) confère à l'Office, mais égale-
ment le pouvoir distinct et précis d'adjuger des frais'. Je pense que l'on peut en conclure qu'en l'absence d'une disposition législative conférant expressément le pouvoir d'adjudication de frais, on ne peut présumer l'existence de ce pouvoir.
3. ARTICLES 29.6 ET 75.21
L'avocat de F.R.A.P. prétend que les articles 29.6 [édicté par S.C. 1980-81-82-83, chap. 80, art. 2] et 75.21 [édicté, idem, art. 5] sont compatibles avec l'existence d'un plein pouvoir discrétionnaire en matière de frais puisqu'ils restreignent ce pou- voir discrétionnaire. Il allègue que le Parlement voulait que les frais engagés dans les cas décrits aux articles 29.6 et 75.21 soient traités de la façon prévue dans ces articles. À son avis, ces disposi tions restreignent le pouvoir discrétionnaire exis- tant en matière de frais et sont donc compatibles avec l'existence de tel pouvoir. En d'autres termes, il prétend que ces dispositions ne visent qu'à res- treindre le pouvoir discrétionnaire par ailleurs illi- mité dont dispose l'Office en matière d'adjudica- tion de frais. Dans la Loi sur l'Office national de l'énergie, il n'est question de frais que dans trois dispositions précises. L'article 29.6 et le paragra- phe 37(4) [édicté, idem, art. 4] confèrent expressé- ment à l'Office le pouvoir d'adjuger des frais. Quant à l'article 75.21, il prévoit l'adjudication de frais dans le cadre de procédures engagées devant un comité d'arbitrage lorsque le comité a jugé qu'une indemnité devait être versée au propriétaire dont les terres ont été acquises par une société d'exploitation de pipe-lines. Voici le texte des dis positions pertinentes [l'article 37 a été modifié par S.R.C. 1970 (1" Supp.), chap. 27, art. 10; S.C. 1980-81-82-83, chap. 80, art. 4]:
29.6 L'Office peut fixer à la somme qu'il juge raisonnable les frais réellement subis par une personne qui lui a présenté des observations lors d'une audience publique conformément au paragraphe 29.2(3) et la somme ainsi fixée est immédiatement payable à cette personne par la compagnie dont le tracé du pipe-line a donné lieu à la tenue de l'audience publique.
37. (1) L'Office peut, aux conditions qu'il juge opportunes, ordonner à une compagnie de détourner son pipe-line ou d'en changer l'emplacement, s'il est d'avis que ce détournement ou ce changement d'emplacement s'impose
' Voir par exemple la Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, chap. N-17, modifiée, art. 45(3) et 73; la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, S.C. 1980-81-82-83, chap. 158, modi- fiée, art. 13, 18 et 20(1); et la Loi sur les élections fédérales contestées, S.R.C. 1970, chap. C-28, art. 40 et 72.
a) pour faciliter la construction, la reconstruction ou le changement d'emplacement d'une voie publique, d'un chemin de fer ou de tout autre ouvrage d'intérêt public, ou
b) pour empêcher qu'il ne gêne ou continue de gêner un système de drainage,
et il peut ordonner par qui et à qui doivent être payés les frais de détournement ou de changement d'emplacement.
(2) L'Office ne doit pas ordonner à une compagnie de détourner un tronçon ou une partie de son pipe-line ou d'en changer l'emplacement à moins de s'être conformé aux procé- dures prévues aux articles 29.1 à 29.5 relativement au tronçon ou à la partie qui doit être détourné ou dont l'emplacement doit être changé.
(3) Aux fins de s'assurer que les procédures établies aux articles 29.1 à 29.5 seront suivies, l'Office peut ordonner à la compagnie de suivre les procédures qu'elle aurait été tenue de suivre si elle avait préparé et soumis à l'Office, un plan, un profil et un livre de renvoi conformément au paragraphe 29(1) et ces articles doivent s'appliquer, compte tenu des adaptations de circonstance, relativement à toute question qui se rapporte à la mise en application de ces procédures.
(4) L'Office peut fixer à la somme qu'il juge raisonnable les frais réellement subis par une personne qui lui a présenté des observations conformément au présent article et peut détermi- ner par qui et à qui la somme ainsi fixée est payable.
75.21 (1) Lorsque le montant de l'indemnité accordée à une personne par un comité d'arbitrage est supérieur à quatre- vingt-cinq pour cent du montant de l'indemnité offerte par la compagnie, cette dernière doit payer tous les frais de procédure, d'évaluation et autres déterminés par le comité et que cette personne a raisonnablement subis en faisant valoir sa réclama- tion d'indemnité.
(2) Lorsque le montant de l'indemnité accordée à une per- sone par un comité d'arbitrage est égal ou inférieur à quatre- vingt-cinq pour cent du montant de l'indemnité offerte par la compagnie, le comité peut adjuger à sa discrétion les frais de procédure, d'évaluation et autres subis par cette personne pour faire valoir sa réclamation d'indemnité, et il peut ordonner que la totalité ou une partie de ces frais soit payée par la compagnie ou par toute autre partie aux procédures.
L'article 29.6 confère expressément à l'Office le pouvoir de fixer des frais lorsqu'il tient une audience publique sur un projet de construction de pipe-line, conformément à l'article 29.2. Quant au paragraphe 37(4), il donne à l'Office le pouvoir d'établir des frais lorsque ce dernier tient une audience publique sur le détournement ou le chan- gement d'emplacement d'un pipe-line. Comme nous l'avons déjà souligné, l'article 75.21 prévoit que le comité d'arbitrage a le pouvoir d'adjuger des frais dans le cas de certaines procédures.
À mon avis, le fait que le Parlement ait expres- sément conféré à l'Office le pouvoir d'adjuger des frais dans des cas bien précis ne vient pas du tout en aide aux parties qui demandent la reconnais sance du pouvoir général de l'Office, mais con- firme plutôt la thèse des parties qui s'y opposent. J'estime que la maxime expressio unius est exclu- sio alterius s'applique en l'espèce. Puisqu'elle signifie que la mention de l'un implique l'exclusion de l'autre 2 , il me semble clair que lorsque le Parlement a prévu expressément l'adjudication de frais dans trois dispositions distinctes de cette Loi, portant sur trois situations différentes, il devait donc avoir l'intention de restreindre le pouvoir d'adjudication des frais à ces situations données. Je rejette donc les prétentions de l'avocat de F.R.A.P. sur ce que signifie l'insertion des articles 29.6 et 75.21 dans la Loi.
CONCLUSION
Pour tous les motifs susmentionnés, je conclus que, sauf dans les circonstances très particulières déjà citées, l'Office n'a pas compétence en matière d'adjudication de frais, et notamment, n'a pas le pouvoir d'adjuger le genre de frais extraordinaires visés par le présent renvoi. A mon avis, ce pouvoir n'existe ni en vertu des termes explicites de la Loi ni par voie d'interprétation nécessaire de l'écono- mie de la Loi. De même, je ne vois pas comment on pourrait conclure que l'Office a le pouvoir inhérent d'adjuger le genre de frais demandés en l'espèce.
Je connais très bien les arguments convaincants qui existent en faveur de l'octroi de subventions aux intervenants. Il est tout à fait louable de prétendre que les intervenants représentant l'inté- rêt public, et peut-être même d'autres, devraient être encouragés à participer aux procédures enga gées devant des organismes de réglementation. Cela permettrait notamment au tribunal de pren- dre connaissance du point de vue des personnes et des groupes informés et concernés. De plus, la population en général aurait peut-être plus con- fiance en la justice administrative que représentent les nombreux organismes et les tribunaux en place.
Cependant, suivant la Loi qui nous intéresse, et en l'absence de dispositions habilitantes plus préci-
2 Craies on StatuteLaw, 7e éd., p. 259.
ses, il n'appartient pas à la Cour d'affirmer que l'Office est investi de ce pouvoir indispensable, du simple fait qu'elle estime qu'il devrait en être ainsi. Il s'agit d'une question de politique qui relève du Parlement. Comme nous l'avons souligné, le Parle- ment a déjà conféré ce pouvoir précis à certains organismes de réglementation; il ne l'a pas fait pour d'autres. L'Office national de l'énergie appar- tient à cette deuxième catégorie.
En conséquence, je répondrais à la première question par la négative. Il n'est donc pas néces- saire de répondre à la deuxième question.
LE JUGE URIE: J'y souscris. LE JUGE RYAN: J'y souscris.
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