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T-3616-82
Guaranty Properties Limited et Forest Glenn (Dixie) Limited (demanderesses)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: GUARANTY PROPERTIES LTD. C. CANADA
Division de première instance, juge Rouleau— Toronto, 21 octobre 1986; Ottawa, 11 février 1987.
Impôt sur le revenu Nouvelle cotisation Corporations Fusion Une nouvelle cotisation à l'égard d'une corpora tion remplacée doit être délivrée à la corporation née de la fusion C'est par erreur que la nouvelle cotisation a été délivrée à la corporation remplacée Expiration du délai limite Le ministre a reçu un avis suffisant des changements dans les statuts Les dispositions correctives de la Loi ne sont d'aucune assistance au ministre La nouvelle cotisation est déclarée nulle Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 87(1) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 26, art. 51(1); 1979, chap. 5, art. 28(1)), (2)a),(j.1) (ajouté par S.C. 1979, chap. 5, art. 28(2)), 1) (mod. par S.C. 1984, chap. 45, art. 27(2)), w) (mod. par S.C. 1977-78, chap. 1, art. 42(3)), (2.1) (ajouté, idem, art. 42(6)), 152(1) (mod. par S.C. 1978-79, chap. 5, art. 5(1)), (2),(3),(8), 166 Business Corporations Act, R.S.O. 1980, chap. 54, art. 188(4)a).
En mai 1978, une société connue sous le nom de Dixie et plusieurs autres sociétés ont fusionné pour former Forest Glenn (Dixie) Limited (Forest Glenn). Celle-ci a, à son tour, en novembre 1980, fusionné avec d'autres sociétés pour former Guaranty Properties Limited (Guaranty Properties). Dans un avis de nouvelle cotisation en date du 23 juin 1981, le ministre du Revenu national a fixé de nouveau l'impôt payable par Forest Glenn pour l'année d'imposition 1976 de Dixie. Il s'agit en l'espèce d'une requête en détermination de la validité de cette nouvelle cotisation.
Jugement: la nouvelle cotisation est nulle.
La question de savoir si, par suite d'une fusion, Forest Glenn a cessé d'exister aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu, point que les deux parties ont assez longuement débattu, n'est pas déterminante en l'espèce. Le facteur clé réside dans le fait que l'article 87 de la Loi prévoit que tous les engagements d'une corporation remplacée existant immédiatement avant la fusion deviennent des engagements de la nouvelle corporation. En conséquence, la responsabilité de la nouvelle cotisation de Dixie pour l'année d'imposition 1976 a été assumée par Forest Glenn au moment de la fusion de mai 1978, et par Guaranty Properties au moment de la deuxième fusion de novembre 1980. Donc, la seule partie qui puisse faire l'objet d'une nou- velle cotisation pour l'année d'imposition 1976 de Dixie après le mois de novembre 1980 était Guaranty Properties.
Le fait que le ministère de la Consommation et du Com merce de l'Ontario envoyait chaque semaine un dossier conte- nant les changements dans les statuts des corporations de la province, et que Revenu Canada a effectivement reçu une copie des statuts de fusion concernant la fusion de 1980 constitue un
avis suffisant au ministre, surtout si on tient compte également des nombreuses indications de la fusion dans les déclarations d'impôt de Forest Glenn et de Guaranty Properties. Les deman- deresses n'étaient tenues à aucune obligation additionnelle d'aviser la défenderesse de la fusion.
Il est également clair que Revenu Canada avait pour politi- que, conformément au bulletin d'interprétation applicable, d'adresser l'avis de nouvelle cotisation d'une corporation rem- placée à la nouvelle corporation née de la fusion. Autrement, cela signifierait que Revenu Canada pourrait choisir la corpo ration qui fera l'objet d'une nouvelle cotisation par suite d'une fusion.
L'équité à elle seule empêche qu'on recoure aux dispositions correctives des paragraphes 152(3) et (8) et de l'article 166 de la Loi pour permettre la modification d'une nouvelle cotisation après l'expiration d'un délai.
JURISPRUDENCE:
DÉCISIONS CITÉES:
R. c. Black & Decker Manufacturing Co. Ltd., [1975] 1 R.C.S. 411; Harel c. Sous-ministre du revenu du Québec, [1978] 1 R.C.S. 851; Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29; 83 DTC 5041.
AVOCATS:
John P. G. Bell et James Rossiter pour les
demanderesses.
Michael D. Templeton pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Shibley, Righton & McCutcheon, Toronto, pour les demanderesses.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE ROULEAU: Il s'agit d'une requête en détermination de la validité de la nouvelle cotisa- tion de la demanderesse Forest Glenn (Dixie) Limited établie par le ministre du Revenu national le 21 juin 1981 l'égard du revenu d'une société connue sous le nom de «Dixie» pour son année d'imposition 1976. La requête est introduite en vertu des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663] et de l'ordonnance rendue le 15 août 1986 par le protonotaire-chef de la Cour qui a fixé comme suit la procédure à suivre dans la présente requête:
[TRADUCTION] La procédure à suivre en l'espèce est la suivante:
1. La Cour rendra une décision préliminaire sur la validité de la nouvelle cotisation jointe et produite sous la cote I;
2. À l'appui de ladite décision, les parties déposeront un exposé conjoint des faits sous la forme indiquée à la pièce II;
3. A l'appui de ladite décision, les parties pourront faire appel à des témoignages de vive voix portant sur la déci- sion préliminaire;
4. Après que l'exposé conjoint des faits aura été soumis à la Cour et que les témoignages de vive voix auront été rendus, les parties pourront débattre la décision préliminaire.
En vertu de l'ordonnance susmentionnée, les parties ont déposé un exposé conjoint des faits dont voici la reproduction intégrale:
[TRADUCTION] 1. Les faits contenus dans cet exposé conjoint des faits sont résumés dans un schéma qui y est joint (onglet 4).
2. Forest Glenn (Dixie) Limited («Dixie») a été constituée en société le 7 novembre 1963.
3. Le ministre du Revenu national (le «ministre») a fixé l'impôt payable par Dixie pour son année d'imposition 1976 qui fait l'objet de la présente requête, et il a envoyé un avis de cotisa- tion en date du 22 août 1977.
4. Le 31 mai 1978, Dixie et plusieurs autres sociétés ont fusionné en vertu des lois de la province d'Alberta (la «fusion du 31 mai 1978») pour former la société Forest Glenn (Dixie) Limited («Forest Glenn»).
5. Le 14 mai 1979, Forest Glenn a déposé une déclaration d'impôt sur le revenu pour la période de douze mois allant du 1' décembre 1977 au 30 novembre 1978, date de clôture de son exercice. À la demande du ministre en date du mois de juillet 1980, Forest Glenn a, le 12 septembre 1980, déposé une déclaration de revenu distincte pour la période de six mois qui a suivi la fusion du 31 mai 1978, et la déclaration initiale (avec un rajustement du revenu) a été considérée comme s'appliquant à la période de six mois qui a précédé la fusion du 31 mai 1978). La déclaration initiale de Dixie et la déclaration dis- tincte de Forest Glenn sont jointes aux présentes (onglets 5 et 6 respectivement).
6. Le 28 novembre 1980, Forest Glenn, Traders Developments Limited, les Développements Val-Forest Ltée et Guaranty Pro perties Limited ont fusionné (la «fusion du 28 novembre 1980») en vertu des lois de la province d'Ontario pour former la société Guaranty Properties Limited («Guaranty Properties»). Le ministère de la Consommation et du Commerce de l'Ontario («le ministère ontarien) envoie habituellement des statuts de fusion qu'il a reçus, à la section du rôle du ministère du Revenu national, laquelle section a, le 28 novembre 1980, reçu une copie des articles de la fusion qui a eu lieu le même jour. Une copie desdits statuts est jointe aux présentes (onglet 7).
7. Les règles prévues à l'article 87 de la Loi de l'impôt sur le revenu s'appliquaient à la fusion du 31 mai 1978 et à celle du 28 novembre 1980.
8. Le 28 mai 1981, Forest Glenn a déposé au bureau du ministre une déclaration d'impôt sur le revenu pour son exer-
cice prenant fin le 28 novembre 1980, date de la seconde fusion. Des copies de ses états financiers annuels, dans lesquels il a été fait mention de la fusion du 28 novembre 1980, n'ont pas été jointes à la déclaration d'impôt sur le revenu, mais le ministre les a reçues de Forest Glenn le 2 juillet 1981. Des copies de la déclaration et des états financiers sont jointes aux présentes (onglet 8).
9. Le 28 mai 1981, Forest Glenn a déposé au bureau du ministre une déclaration d'impôt sur le revenu modifiée pour la période de douze mois prenant fin le 30 novembre 1978. Le 30 mai 1981, Forest Glenn a déposé au bureau du ministre une déclaration d'impôt sur le revenu modifiée pour la période de douze mois prenant fin le 30 novembre 1979. Des copies de ces déclarations modifiées sont jointes aux présentes (onglets 9 et 10 respectivement).
10. Le ministre a de nouveau fixé l'impôt payable par Dixie pour l'année d'imposition 1976, et il a envoyé à Forest Glenn un avis de nouvelle cotisation en date du 23 juin 1981 (la «nouvelle cotisation»). Cette nouvelle cotisation, dont la validité est con- testée par la demanderesse, fait l'objet de la présente requête. Une copie de la nouvelle cotisation est jointe aux présentes (onglet 2).
11. Le 30 juin 1981, Guaranty Properties a déposé au bureau du ministre une déclaration d'impôt sur le revenu pour sa première année d'imposition prenant fin le 31 décembre 1980. L'avis de cotisation initial qui s'y rapporte a été envoyé le 21 juin 1982. Une copie de la déclaration est jointe aux présentes (onglet 11).
12. Le ministre a attribué à Dixie le numéro de compte 30805360, Forest Glenn le numéro de compte 79584850 et à Guaranty Properties le numéro de compte 79467007 aux fins du traitement des déclarations d'impôt.
13. Le 28 août 1981, Forest Glenn a déposé un avis d'opposi- tion à la nouvelle cotisation. Une copie dudit avis d'opposition est jointe aux présentes (onglet 12).
14. Le 21 août 1981 expirait le délai de quatre ans dans lequel le ministre pouvait de nouveau fixer l'impôt payable par Dixie pour l'année d'imposition 1976.
15. Le vérificateur sur place qui était affecté à la section des Dossiers de base du ministère du Revenu national et qui s'occupait des dossiers du ministre concernant la déclaration d'impôt de 1976 de Dixie n'a été avisé de la fusion du 28 novembre 1980 ni par la section du rôle ni par un représentant de la demanderesse, alors que le délai fixé pour procéder à de nouvelles cotisations n'était pas encore expiré.
16. Le 25 février 1982, le ministre a confirmé la nouvelle cotisation en délivrant un avis de confirmation à Forest Glenn pour l'année d'imposition 1976 de Dixie. Une copie dudit avis de confirmation est jointe aux présentes (onglet 13).
SCHÉMA DES FAITS CONVENUS (extrait de l'exposé conjoint des faits)
Dixie ler groupe 2e groupe
composé composé
d'autres d'autres
sociétés sociétés
I I
I I Année d'imposition 1976 de Dixie
I I
I I
I I
Le 22 août 1977, le ministre envoie
Dixie un avis de cotisation d'impôt pour son année d'imposition 1976
Forest Fusion du 31 mai 1978
Glenn
Le 14 mai 1979, Forest Glenn dépose une déclaration pour l'année 1978 prenant fin le 30 novembre 1978
<\ J Le 12 septembre 1980, Forest
i Glenn dépose une déclaration
•• i modifiée, à la demande faite par le ministre en juillet 1980
Guaranty _ Fusion du 28 novembre 1980. Le
Properties ministre reçoit du ministère
ontarien une copie des statuts de fusion
Le 28 mai 1981, Forest Glenn dépose sa déclaration d'impôt pour l'année ayant pris fin le 28 novembre 1980, et une déclaration modifiée pour 1978
Le 30 mai 1981, Forest Glenn
dépose une déclaration modifiée pour 1979
Le 23 juin 1981, le ministre envoie un avis de nouvelle cotisation à Forest Glenn concernant l'impôt payable pour l'année d'imposition 1976 de Dixie
Le 30 juin 1981, Guaranty Property dépose sa première déclaration d'impôt pour l'exercice ayant pris fin le 31 décembre 1980
Le 2 juillet 1981, le ministre reçoit des états financiers pour l'exercice financier de Forest Glenn, ayant pris fin le 28 novembre 1980
Le 28 août 1981, Forest Glenn
dépose un avis d'opposition à la nouvelle cotisation du 23 juin 1981
Le 22 août 1981 expirait le délai imparti pour fixer de nouveau l'impôt payable pour l'année d'imposition 1976 de Dixie
Pour statuer sur l'espèce, il faut garder présents à l'esprit les faits suivants. En premier lieu, une société connue sous le nom de Dixie et plusieurs autres sociétés ont, le 31 mai 1978, fusionné en vertu des lois de la province d'Alberta pour former la société Forest Glenn (Dixie) Limited. Par la suite, le 28 novembre 1980, Forest Glenn a, en vertu des lois de la province d'Ontario, fusionné avec certaines autres sociétés pour former la société Guaranty Properties Limited. Le ministre du Revenu national a de nouveau fixé l'impôt payable pour l'année d'imposition 1976 de Dixie et il a envoyé un avis de nouvelle cotisation en date du 23 juin 1981 à Forest Glenn qui, à cette époque, était devenue Guaranty Properties à la suite de la fusion. Le point litigieux en l'espèce porte sur la validité de cette nouvelle cotisation.
Les demanderesses soutiennent que, en fixant de nouveau l'impôt payable par Forest Glenn pour le revenu de Dixie après la fusion du 28 novembre 1980, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard d'une société qui, aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.R.C. 1952, chap. 148 (mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 1)], avait cessé d'exister. Elles prétendent donc que la nouvelle cotisation établie par le ministre est nulle ab initio.
À l'appui de leur argument, les demanderesses invoquent l'alinéa 87(2)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu:
87. (2) ...
a) aux fins de la présente loi, l'entité constituée née de la fusion est réputée être une nouvelle corporation dont la première année d'imposition est réputée avoir commencé à la date de la fusion et l'année d'imposition d'une corporation remplacée, qui se serait autrement terminée après la fusion, est réputée s'être terminée immédiatement avant la fusion;
Les demanderesses font valoir que, en considé- rant l'entité née de la fusion comme une nouvelle corporation, la Loi de l'impôt sur le revenu consi- dère également que les corporations remplacées qui ont fusionné pour former la nouvelle corpora tion ont cessé d'exister. L'interprétation de l'en- semble de l'article 87 de la Loi permet de dégager de l'alinéa 2a) de cet article une règle générale pour toutes les fins de la Loi, savoir que la corpo ration née de la fusion est une nouvelle corporation et que toutes les corporations remplacées ont cessé d'exister.
Les demanderesses soutiennent que l'article 87 contient un certain nombre d'autres dispositions qui créent une présomption et visent à faire revivre les corporations remplacées uniquement pour les fins particulières qui y sont prévues. En consé- quence, à moins que l'article 87 ne prévoie expres- sément le contraire, la corporation remplacée cesse d'exister pour les fins de l'impôt. À titre d'exem- ple, les demanderesses citent l'alinéa 87(2)l) [mod. par S.C. 1984, chap. 45, art. 27(2)] qui est ainsi rédigé:
87. (2) ...
(l) aux fins de l'article 37 de la Partie VIII, la nouvelle corporation est réputée être la même corporation que chaque corporation remplacée, et en être la continuation;
Les demanderesses soutiennent que Guaranty Properties Limited était la seule et véritable entité pour laquelle le ministre aurait pu et aurait établir la nouvelle cotisation après la fusion du 28 novembre 1980 en ce qui concerne l'année d'impo- sition 1976 de Dixie. Le ministre a toutefois omis d'établir en temps opportun une nouvelle cotisation à l'égard de Guaranty Properties, et, selon les demanderesses, il n'était pas loisible au ministre de fixer de nouveau l'impôt payable par Forest Glenn plutôt que par Guaranty Properties.
La défenderesse soutient au contraire que la nouvelle cotisation est valable et elle invoque trois motifs à l'appui de son argument:
En premier lieu, Forest Glenn n'a pas cessé d'exister à la suite de la fusion du 28 novembre 1980; en deuxième lieu, si Forest Glenn a cessé d'exister à la suite de la fusion, un avis de nouvelle cotisation envoyé au nom de cette corporation satisfait toujours aux exigences de la Loi de l'im- pôt sur le revenu; et, en dernier lieu, si l'avis de nouvelle cotisation émis par le ministre au nom de Forest Glenn est entaché d'une erreur ou d'un vice, il n'est pas nul en raison des dispositions de la Loi qui y rémédient, ainsi qu'il ressort des paragraphes 152(3) et 152(8) et de l'article 166.
Pour ce qui est du premier argument, la défen- deresse soutient que le droit des compagnies est clair et qu'à la suite d'une fusion en Ontario, les sociétés remplacées continuent d'exister sur le plan juridique. L'alinéa 188(4)a) de la Business Corpo rations Act de l'Ontario [R.S.O. 1980, chap. 54] qui s'applique à cette fusion est ainsi conçu:
[TRADUCTION] 188.—(4) Le certificat visé conformément au paragraphe (3) constitue le certificat de fusion des sociétés constituantes et à la date y indiquée,
a) la fusion prend effet et les sociétés constituantes sont fusionnées et continuent d'exister comme s'il s'agissait d'une seule société, en étant assujetties aux conditions déterminées dans la convention de fusion;
La défenderesse cite l'arrêt de la Cour suprême du Canada R. c. Black & Decker Manufacturing Co. Ltd., [1975] 1 R.C.S. 411, la Cour a examiné une disposition semblable et s'est pronon- cée en ces termes aux pages 417 et 420:
Les compagnies «sont fusionnées et poursuivent leur activité (continue) comme une seule et même compagnie», ce qui est tout à fait le contraire de la notion de disparition des compa- gnies constituantes ou de leur continuation sous une forme tronquée ...
La nature juridique d'une fusion n'a pas à être définie unique- ment à l'aide de critères juridiques, à l'exclusion de l'étude des objets de la fusion. La Loi sur les corporations canadiennes et les lois des différentes provinces prévoient que deux ou plu- sieurs compagnies constituées en corporation aux termes de la loi qui les régit peuvent fusionner pour ne former qu'une seule et même corporation. L'objet est d'ordre économique: mettre sur pied, regrouper, peut-être diversifier des entreprises existan- tes; de sorte que par union naisse un élan nouveau. C'est la réunion de forces et de ressources dans le but d'obtenir de meilleurs résultats sur le plan économique. Si tel est le cas, il serait sûrement paradoxal que ce processus implique la mort par suicide ou la disparition mystérieuse de ceux qui dans cette union recherchent la sécurité, la force et par-dessus tout la survie. Il faut également se rappeler que les compagnies consti- tuantes continuent physiquement à exister en ce sens que les bureaux, les entrepôts, les usines, les dossiers, la correspon- dance de la société ainsi que les documents, demeurent, et que les affaires continuent. Au sens physique, une exploitation ou une compagnie qui fusionne ne disparaît pas même si elle s'intègre à une entreprise plus importante.
Selon l'interprétation de la défenderesse, l'alinéa 87(2)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu consi- dère l'entité née d'une fusion comme une nouvelle corporation, mais il ne prévoit pas expressément que les corporations remplacées cessent d'exister. En conséquence, puisque la Loi est muette quant à la question de savoir si les corporations remplacées continuent d'exister, les dispositions ordinaires du droit des compagnies s'appliqueront.
L'avocat de la défenderesse conteste le point de vue des demanderesses qui ont prétendu que, pour les fins générales de la Loi, la corporation rempla- cée doit être considérée comme ayant cessé d'exis- ter, parce que certaines dispositions particulières de la Loi [c.-à-d. 87(2)(j.1) [ajouté par S.C. 1979,
chap. 5, art. 28(2)], 87(2.1) [ajouté par S.C. 1977-78, chap. 1, art. 42(6)]] voient dans la corpo ration née de la fusion la continuation de chaque corporation remplacée. Il soutient subsidiairement que, étant donné ces alinéas, il n'en découle pas que, sans eux, les corporations remplacées seraient considérées comme cessant d'exister à la suite de la fusion. En fait, le législateur tente, par ces dispositions, d'atteindre une fin particulière, c'est-à-dire faire en sorte que la corporation née de la fusion soit considérée comme la même corpora tion que chaque corporation remplacée.
La défenderesse soutient en outre que, antérieu- rement à 1977, une corporation née d'une fusion ne pouvait, dans le calcul de son revenu, reporter et déduire aucune des pertes de la corporation remplacée; que l'alinéa 87(2)w) de la Loi prévoit expressément que la corporation née d'une fusion ne pouvait déduire les pertes d'une corporation remplacée; que si les demanderesses avaient raison de dire que l'alinéa 87(2)a), en plus du fait que la corporation née d'une fusion est réputée être une nouvelle corporation, considère également les cor porations remplacées comme cessant d'exister, l'alinéa 87(2)w) n'aurait pas sa raison d'être. Si la corporation née de la fusion est une nouvelle cor poration et si la corporation remplacée a cessé d'exister, la nouvelle corporation n'aurait pas de droit de report et l'alinéa 87(2)w) serait superflu.
La défenderesse souligne également que, lorsque l'alinéa 87(2)w) a été modifié en 1977 [S.C. 1977-78, chap. 1, art. 42(3)] pour écarter l'inter- diction de déduire les pertes autres que les pertes en capital et les pertes en capital nettes des corpo rations remplacées, le paragraphe 87(2.1) a été ajouté. Ce paragraphe prévoit que, aux fins de déduction de pertes autres que des pertes en capi tal et des pertes en capital nettes, la compagnie qui fusionne est réputée être la même corporation que chaque corporation remplacée, et en être la continuation.
L'historique de la législation, soutient la défen- deresse, met l'accent sur le fait que rien dans la Loi de l'impôt sur le revenu ne permet de considé- rer les corporations remplacées comme n'existant plus par suite de la fusion. Comme le législateur voulait interdire la déduction des pertes des corpo rations remplacées, il a donné suite à son intention en adoptant l'alinéa 87(2)w). L'ajout de cette dis-
position à la Loi s'imposait parce que, en vertu du droit des compagnies de plusieurs provinces, les corporations remplacées continuaient d'exister et la compagnie issue de la fusion serait en droit de déduire les pertes puisqu'elle était la continuation des compagnies remplacées. Lorsque le législateur a décidé d'autoriser la déduction des pertes, il a ajouté le paragraphe 87(2.1), qui considère la compagnie qui fusionne comme étant la même corporation que chaque corporation remplacée et comme étant la continuation de celles-ci, afin de s'assurer que toutes les corporations issues de la fusion sont en droit de déduire les pertes antérieu- res, lors même qu'elles seraient constituées dans une province ou juridiction les corporations remplacées cessent d'exister par suite d'une fusion.
La défenderesse soutient en outre que même si les corporations remplacées sont considérées comme n'existant pas après la fusion, l'avis de nouvelle cotisation est valable puisqu'il satisfait à toutes les exigences de la Loi de l'impôt sur le revenu. Les paragraphes 152(1) [mod. par S.C. 1978-79, chap. 5, art. 5(1)] et (2) de la Loi portent:
152. (1) Le Ministre doit, avec toute la diligence possible, examiner la déclaration de revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, fixer l'impôt pour l'année, l'intérêt et les pénalités payables, s'il en est, et déterminer ...
(2) Après examen d'une déclaration, le Ministre envoie un avis de cotisation à la personne qui a produit la déclaration.
En l'espèce, il est allégué que le ministre a fait tout ce que la Loi exigeait de lui pour établir la nouvelle cotisation. Il a examiné la déclaration d'impôt de la société Dixie pour l'année 1976; il a fixé de nouveau l'impôt payable à l'égard du revenu gagné par Dixie au cours de l'année d'im- position 1976; il a alors envoyé un avis de nouvelle cotisation à Forest Glenn conformément au para- graphe 152(2) de la Loi. En conséquence, que Forest Glenn ait cessé d'exister ou non le 28 novembre 1980, date de la fusion, le ministre s'est acquitté des fonctions que lui imposait la Loi de l'impôt sur le revenu, et la nouvelle cotisation est donc valide. L'avis indiquait le montant de l'impôt fixé, l'année à laquelle se rapportait la cotisation et le nom de la corporation qui a gagné le revenu assujetti à l'impôt. La défenderesse soutient que l'assujettissement à l'impôt fixé a pris naissance en 1976, année durant laquelle le revenu a été gagné,
antérieurement à la fusion et alors que l'existence de la demanderesse Forest Glenn n'était nullement contestée.
Le troisième argument de la défenderesse porte sur le fait que, même si l'avis de nouvelle cotisa- tion est défectueux parce qu'il n'y est pas fait mention de la demanderesse Guaranty Properties Limited, ce vice n'annule pas la nouvelle cotisation en raison des paragraphes 152(3) et (8) et de l'article 166 de la Loi, qui portent:
152....
(3) Le fait qu'une cotisation est inexacte ou incomplète ou qu'aucune cotisation n'a été faite n'a pas d'effet sur les respon- sabilités du contribuable à l'égard de l'impôt prévu par la présente Partie.
(8) Sous réserve de modifications qui peuvent y être appor- tées ou d'annulation qui peut être prononcée lors d'une opposi tion ou d'un appel fait en vertu de la présente Partie et sous réserve d'une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée être valide et exécutoire nonobstant toute erreur, vice de forme ou omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s'y rattachant en vertu de la présente loi.
166. Une cotisation ne doit pas être annulée ni modifiée lors d'un appel uniquement par suite d'irrégularité, de vice de forme, d'omission ou d'erreur de la part de qui que ce soit dans l'observation d'une disposition simplement directrice de la pré- sente loi.
Selon la défenderesse il ressort de ces disposi tions de la Loi de l'impôt sur le revenu que le législateur veut empêcher qu'un avis de nouvelle cotisation soit rejeté en raison d'un vice qui enta- che cet avis ou le processus de cotisation. Il faut plutôt déterminer le bien-fondé de l'assujettisse- ment à l'impôt. Puisqu'il n'existe aucune erreur quant au fond, la nouvelle cotisation est valide. Les dispositions susmentionnées de la Loi de l'impôt sur le revenu visent, soutient la défenderesse, à empêcher un vice dans une cotisation de la rendre nulle, à moins que le vice ne soit de nature à induire un contribuable en erreur ou à lui causer un préjudice.
La défenderesse soutient en dernier lieu que les demanderesses, par leurs actes, ont renoncé à invo- quer l'existence d'un vice entachant l'avis de coti- sation. Il n'est pas prouvé qu'après que les deman- deresses eurent reçu l'avis de nouvelle cotisation, elles l'ont retourné au ministère du Revenu natio nal parce qu'il a été expédié à la mauvaise partie. Au lieu de cela, elles ont répondu à la nouvelle
cotisaton en déposant un avis d'opposition au nom de Forest Glenn, mais elles n'ont pas contesté le fait que le nom figurant sur l'avis de nouvelle cotisation était inexact.
L'article 87 de la Loi de l'impôt sur le revenu vise à énoncer les règles applicables lorsqu'il y a fusion de deux ou plusieurs corporations canadien- nes. En matière d'impôt sur le revenu, l'article 87 de la Loi constitue un code complet applicable aux cas de fusion. Cet article tend généralement à traiter la corporation née de la fusion comme la continuation des corporations remplacées pour ce qui est des avoirs, des responsabilités, des surplus et des autres comptes visant des fins fiscales. Tou- tefois, la corporation issue de la fusion est, pour la plupart des fins visées par la Loi, une nouvelle corporation, bien que, dans certains cas limités, la corporation issue de la fusion soit réputée être la continuation d'une corporation remplacée.
Le paragraphe 87(1) [mod. par S.C. 1974- 75-76, chap. 26, art. 51(1); 1979, chap. 5, art. 28(1)] définit la fusion aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il s'agit essentiellement d'une opération de société et chacune des lois des compagnies provinciales ainsi que la législation fédérale sur les corporations prévoient les fusions. Bien que la définition de fusion pour les fins de l'impôt sur le revenu englobe la plupart des fusions prévues par législation, il faut se rappeler que cette définition ne se trouve pas dans les lois fédérales et provinciales sur les corporations. Le paragraphe 87(1) définit les fusions comme suit:
87. (1) Dans le présent article, fusion signifie l'unification de deux ou plusieurs corporations dont chacune était, immédia- tement avant l'unification, une corporation canadienne imposa- ble (chacune de ces corporations étant appelée dans le présent article une «corporation remplacée») destinée à former une entité constituée (appelée dans le présent article la «nouvelle corporation») de façon que
a) tous les biens l'exception des sommes à recevoir d'une corporation remplacée ou des actions du capital-actions d'une corporation remplacée) appartenant aux corporations rem- placées immédiatement avant l'unification deviennent des biens de la nouvelle corporation en vertu de l'unification,
b) tous les engagements l'exception des sommes payables à une corporation remplacée) des corporations remplacées, existant immédiatement avant l'unification, deviennent des engagements de la nouvelle corporation en vertu de l'unifica- tion, et
e) tous les actionnaires l'exception de toute corporation remplacée) des corporations remplacées, existant immédiate- ment avant l'unification, reçoivent des actions de la nouvelle corporation en vertu de l'unification,
autrement qu'à la suite de l'acquisition de biens d'une corpora tion par une autre corporation, de l'achat de ces biens par l'autre corporation ou de l'attribution de ces biens à l'autre corporation lors de la liquidation de la corporation. [C'est moi qui souligne.]
Les avocats des deux parties demandent à la Cour de conclure que Forest Glenn ou bien a cessé d'exister ou bien n'a pas cessé d'exister au moment de la seconde fusion qui a eu lieu le 28 novembre 1980. Ayant examiné soigneusement les arguments et les observations des deux parties, j'estime que la question de savoir si, par suite d'une fusion les corporations remplacées cessent d'exister aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu ne constitue pas le point litigieux en l'espèce.
Le facteur clé en l'espèce réside dans le traite- ment réservé par la Loi de l'impôt sur le revenu aux engagements des corporations remplacées. La définition de la fusion susmentionnée donnée par le paragraphe 87(1), et en particulier l'alinéa b), exige que tous les engagements d'une corporation remplacée existant immédiatement avant l'unifica- tion deviennent des engagements de la nouvelle corporation. Autrement dit, que la corporation remplacée continue d'exister ou non, il est évident qu'elle n'a plus d'engagements, du moins aux fins de l'impôt sur le revenu. Donc, pour qu'une opéra- tion ait le caractère d'une fusion au sens du para- graphe 87(1), la corporation née de la fusion doit assumer tous les engagements de la corporation remplacée.
En conséquence, antérieurement à la fusion du 28 novembre 1980, il ne fait pas de doute que c'est Forest Glenn qui était responsable de la nouvelle cotisation de Dixie pour l'année d'imposi- tion 1976. Forest Glenn avait assumé cette respon- sabilité au moment de la première fusion qui a eu lieu le 31 mai 1978. Par la suite, Dixie n'avait plus d'engagements aux fins de l'impôt sur le revenu. De même, au moment de la deuxième fusion qui a eu lieu le 28 novembre 1980, Guaranty Properties avait assumé tous les engagements de Forest Glenn, dont la nouvelle cotisation de Dixie pour l'année d'imposition 1976. Il importe peu de savoir si Forest a cessé ou n'a pas cessé d'exister en tant qu'entité juridique. En réalité, la fusion, qui répon- dait à la définition de la fusion donnée par le paragraphe 87(1) de la Loi, a fait que, comme le prévoit l'alinéa 87(1)b), tous les engagements de la corporation remplacée, Forest Glenn, existant
immédiatement avant l'unification sont devenus des engagements de la nouvelle corporation, Gua ranty Properties, en vertu de l'unification. Donc, après le 28 novembre 1980, on ne saurait imputer à Forest Glenn la responsabilité de la nouvelle cotisation de Dixie pour l'année d'imposition 1976. À mon avis, c'est ce que vise la Loi de l'impôt sur le revenu pour ce qui est des fusions.
En conséquence, je conviens avec les demande- resses que la seule partie qui puisse faire l'objet d'une nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1976 de Dixie après le 28 novembre 1980 était Guaranty Properties. Toutefois, avant d'examiner les deuxième et troisième arguments de la défende- resse concernant les dispositions correctives conte- nues dans la Loi de l'impôt sur le revenu, il faut aborder deux autres questions. La première porte sur l'avis donné au ministre concernant la fusion du 28 novembre 1980, et la deuxième sur le bulle tin d'interprétation en matière de fusion.
Au cours de l'audition tenue devant moi, la défenderesse a prétendu que, antérieurement à juillet 1981, les demanderesses n'ont nullement tenté d'aviser le ministre du Revenu national de la fusion. Elle a insisté pour que la Cour tienne compte de la question de savoir jusqu'à quel point le contribuable a essayé d'aviser le ministre. Je ne suis d'accord avec aucun des arguments de la défenderesse sur ce point. Il ressort de la preuve que le ministère de la Consommation et du Com merce de l'Ontario envoie chaque semaine à Revenu Canada (et il l'a fait au moment de la seconde fusion) un dossier contenant tous les chan- gements dans les statuts des corporations en Onta- rio, notamment les changements de juridiction, d'adresse, d'administrateurs, ainsi que la première page des statuts de fusion au moment d'une fusion.
Il ressort également de la preuve que Revenu Canada a effectivement reçu une copie des statuts de fusion concernant la fusion du 28 novembre 1980. Néanmoins, avant que Forest Glenn ne reçoive l'avis de nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1976 de Dixie, on n'en a jamais informé le vérificateur qui devait émettre l'avis de nouvelle cotisation pour cette année d'imposition de Dixie. Certes, ce renseignement est parvenu au Ministère, mais, de toute évidence, au mauvais service. Il est clair qu'il y a eu un manque de coordination des renseignements, ce qui fait que
l'avis de nouvelle cotisation en question a été déli- vré à la mauvaise partie. Il serait tout à fait injuste que la Cour tienne l'une ou l'autre demanderesse responsable d'une telle erreur commise par la défenderesse. La défenderesse semble laisser entendre que les demanderesses étaient tenues encore davantage d'aviser le ministre de la fusion du 28 novembre 1980. Toutefois, je ne suis pas persuadé qu'une telle obligation existe, et la défen- deresse n'a rien produit pour étayer cette prétention.
De plus, il y a des indications permettant de croire que d'autres documents très décisifs ont été fournis à Revenu national après la fusion du 28 novembre 1980. Par exemple, le 28 mai 1981, on a déposé une déclaration d'impôt sur le revenu pour le compte de Forest Glenn pour l'année d'imposi- tion prenant fin à la date de la fusion. La docu mentation soumise avec la déclaration indiquait clairement que celle-ci portait sur l'année d'impo- sition allant de décembre 1979 au 28 novembre 1980, soit pour une période d'un an moins deux jours, que les demanderesses ont appelée année souche. Bien que ce renseignement ne permette pas de conclure qu'une fusion a eu lieu le 28 novembre 1980, il éveillerait l'attention de quiconque exa mine la déclaration d'impôt sur le fait que quelque chose qui sortait de l'ordinaire était survenu. Qui plus est, l'état financier que Forest Glenn a déposé et que Revenu Canada a reçu le 12 juillet 1981 fait mention, à plusieurs reprises, de la fusion. Finale- ment, la première déclaration d'impôt déposée par Guaranty Properties, la nouvelle corporation, por- tait sur une période très courte allant du 28 novembre 1980, date de la fusion, au 31 décembre 1980, la fin de l'exercice de la corporation. Je conviens avec les demanderesses que, disposant de tous ces renseignements avant l'expiration du délai prévu pour l'établissement d'une nouvelle cotisa- tion pour l'année d'imposition 1976 de Dixie, Revenu Canada a eu toutes les chances d'examiner en son entier la question de l'existence ou la non existence des diverses personnes morales. Tout indiquait que quelque chose avait eu lieu, et les fonctionnaires de Revenu Canada auraient prendre connaissance des événements.
Je suis convaincu que les demanderesses n'étaient tenues à aucune obligation additionnelle d'aviser la défenderesse de la fusion et que, de
toute façon, celle-ci était en possession de tous les renseignements relatifs à la fusion. Bien que ces renseignements ne soient pas adressés au fonction- naire compétent, savoir le vérificateur chargé de recevoir les documents et d'émettre l'avis de nou- velle cotisation en question, les demanderesses ne sont, ni en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu ni en vertu de sa politique, tenues de fournir ou d'adresser des avis ou renseignements supplémen- taires.
Quant au bulletin d'interprétation portant sur les fusions, il est clairement dit que, lorsqu'il faut, par suite d'une fusion, établir une cotisation ou une nouvelle cotisation d'une corporation rempla- cée, la cotisation doit être délivrée à la nouvelle corporation. L'avocat de la défenderesse soutient qu'une nouvelle cotisation adressée à une corpora tion remplacée n'est pas pour autant nulle, et que les bulletins d'interprétation ne constituent qu'un moyen d'interpréter la Loi de l'impôt sur le revenu lorsque le ministre adopte un point de vue con- traire à une politique administrative établie expo sée dans le bulletin. Voir les affaires Harel c. Sous-ministre du revenu du Québec, [1978] 1 R.C.S. 851 et Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29; 83 DTC 5041.
À mon avis, il a été prouvé de façon concluante que Revenu Canada avait pour politique d'adresser l'avis de nouvelle cotisation d'une corporation rem- placée à la nouvelle corporation née de la fusion. M. Delavigne, le vérificateur de Revenu national qui s'occupait du dossier a affirmé sous serment que, s'il avait été au courant de la fusion du 28 novembre 1980, il n'aurait pas fixé de nouveau l'impôt payable par Forest Glenn pour l'année d'imposition 1976 de Dixie, mais il aurait plutôt adressé l'avis de nouvelle cotisation à Guaranty Properties. En contre-interrogatoire, M. Delavigne a bien précisé qu'on avait dit aux fonctionnaires du Ministère de ne pas établir de nouvelles cotisations pour les corporations remplacées à la suite d'une fusion, mais plutôt de procéder à de nouvelles cotisations conformément au bulletin d'interpréta- tion.
Les demanderesses ont produit en preuve trois avis de nouvelle cotisation adressés à Guaranty Properties après l'avis de nouvelle cotisation du 23 juin 1981, qui fait l'objet du présent litige. Deux de ces nouvelles cotisations portaient sur les années
d'imposition 1977 et 1978 de Dixie. Ces avis ont tous été émis le 31 mai 1982 après que les fonc- tionnaires de Revenu Canada se furent rendu compte de leur erreur et de la fusion du 28 novem- bre 1980.
En conséquence, je suis persuadé que Revenu Canada avait pour politique de fixer de nouveau l'impôt payable par la nouvelle corporation née de la fusion plutôt que par les corporations rempla- cées. J'estime que c'est la seule ligne de conduite que Revenu Canada puisse adopter. Il ne saurait choisir la corporation qui fera l'objet d'une nou- velle cotisation par suite d'une fusion. Si cette Cour devait décider que la nouvelle cotisation de Forest Glenn pour l'année d'imposition 1976 de Dixie est valide, cela constituerait un précédent permettant à Revenu Canada, dans les cas de fusion, de fixer de nouveau l'impôt payable par une corporation de son choix, soit la corporation remplacée soit la nouvelle corporation. Je ne crois pas que cela soit le but de la Loi ni l'intention du législateur, ce qui est certainement confirmé par une lecture attentive du paragraphe 87(1), par la preuve ainsi que par le bulletin d'interprétation.
Les dispositions correctives de la Loi de l'impôt sur le revenu ne sont d'aucune assistance à la défenderesse en l'espèce. Il ressort des faits que certaines erreurs ont ennuyé cette dernière dans toute cette affaire. Le vérificateur qu'on aurait mettre au courant de la fusion n'en a pas été avisé et, au moment de la découverte de cette erreur et de la rectification de celle-ci, le délai imparti par la Loi pour l'établissement d'une nouvelle cotisa- tion pour l'année d'imposition 1976 de Dixie avait expiré. L'équité à elle seule empêche qu'on recoure à des dispositions correctives comme celles qui figurent dans la Loi de l'impôt sur le revenu pour corriger une erreur de fond de cette nature. J'es- time que la Loi n'envisage pas la modification d'une nouvelle cotisation après l'expiration d'un délai.
Par ces motifs, je déclare nulle la nouvelle coti- sation de Forest Glenn en ce qui concerne le revenu gagné par Dixie pendant l'année d'imposi- tion 1976. Les dépens sont adjugés aux demande- resses.
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