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A-228-85
Nargisbanu Mohammad Ali Mohamed (appe- lante)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
RÉPERTORIÉ: MOHAMED c. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juge Huges- sen et juge suppléant McQuaid—Toronto, 6 mai; Ottawa, 21 mai 1986.
Immigration Appel d'une décision de la Commission d'appel de l'immigration qui a rejeté un appel formé à l'encon- tre d'un refus d'autoriser une demande parrainée de droit d'établissement L'agent des visas a conclu que la mère de l'appelante était inadmissible aux termes de l'art. 19(1)a)(ii) en se fondant sur l'opinion d'un «médecin» Une preuve médicale a été présentée devant la Commission pour démon- trer que la mère de l'appelante ne souffrait plus du problème qui avait entraîné son inadmissibilité La Commission a rejeté l'appel pour le motif que l'accueillir ne permettrait pas de «réunir la famille. et ce, même si d'autres facteurs appuyaient l'octroi du redressement pour des considérations de compassion Appel accueilli La Commission était fondée à rejeter la preuve médicale relative à la condition actuelle de la mère de l'appelante L'appel est interjeté de la décision de l'agent des visas, non de l'opinion des médecins Dans la mesure l'opinion des médecins était raisonnable au moment elle a été formulée et l'agent des visas y a fait appel, le refus d'autoriser la demande était bien fondé Les considé- rations relatives au fait de «réunir la famille. ne sont pas pertinentes à une décision rendue en vertu de l'art. 79(2)b) sur l'octroi d'une mesure spéciale Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 2, 19(1)a)(ii),b),d),e),f),g), 59(1), 60(5), 65, 79(2) Loi sur la Commission d'appel de l'immigration, S.R.C. 1970, chap. I-3, art. 17.
Appel est interjeté d'une décision de la Commission d'appel de l'immigration rejetant un appel formé à l'encontre d'un refus d'autoriser une demande parrainée de droit d'établissement. L'on a décidé, en s'appuyant sur l'opinion d'un «médecin», que la mère de l'appelante était inadmissible pour des raisons médicales conformément au sous-alinéa 19(1)a)(ii). Lors de l'instruction de l'appel devant la Commission, l'appelante a présenté des éléments de preuve de médecins qui n'étaient pas des «médecins» au sens de la Loi, éléments de preuve qui tendaient à démontrer que, au moment de cette instruction, la mère de l'appelante ne souffrait plus du problème qui avait entraîné son inadmissibilité.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
Le juge Hugessen (avec l'appui du juge suppléant McQuaid): La Commission a eu raison de rejeter la nouvelle préuve médicale. L'appel avait été interjeté devant la Commission en vertu du paragraphe 79(2) de la Loi. Bien que le refus soit fondé sur l'opinion des médecins, l'appel vise non pas cette opinion mais le refus lui-même. L'opinion des médecins n'est
toutefois pas entièrement à l'abri de toute contestation puisque le pouvoir de ces derniers «doit être exercé de façon raisonna- ble». Des éléments de preuve établissant simplement que la personne visée ne souffre plus du problème médical sur lequel reposait l'opinion des médecins sont insuffisants. Dans la mesure la personne visée souffrait du problème médical en question et leur opinion quant à ses conséquences était raisonnable au moment elle a été formulée et l'agent des visas y a fait appel pour justifier sa décision, le refus par ce dernier d'autoriser la demande parrainée était bien fondé.
Comme l'appelante a invoqué tant l'alinéa a) que l'alinéa b) du paragraphe 79(2), il était du devoir de la Commission d'examiner si des considérations humanitaires ou de compas sion ne justifiaient pas l'octroi d'un redressement. Même si un certain nombre d'autres facteurs militaient en faveur du redres- sement, la Commission a rejeté l'appel après avoir déclaré que «Accueillir l'appel ne permettrait pas de réunir la famille». Une telle considération n'est pas pertinente. Bien que la Loi vise à faciliter la réunion au Canada de citoyens canadiens avec leurs proches parents de l'étranger, le fait que quelque octroi particu- lier d'un droit d'entrée ne permettra pas de «réunir la famille» n'est pas une condition préalable pour conclure que des considé- rations humanitaires ou de compassion justifient l'octroi d'un redressement.
En vertu de l'alinéa 52c) de la Loi sur la Cour fédérale, lorsqu'un appel est accueilli, la Cour doit, en règle générale, rendre la décision qui aurait due être rendue. La Commission, si elle n'avait pas tenu compte d'une considération non perti- nente, soit «réunir la famille», aurait accordé le redressement demandé. En conséquence, il est ordonné que la demande parrainée ne soit pas rejetée.
Le juge en chef Thurlow (motifs concordants quant au résultat): Lorsqu'elle a rejeté l'appel, la Commission s'est pen- chée et a statué sur la mauvaise question. La question devant être tranchée consistait à savoir si, au moment de l'instruction de l'appel, la personne en cause faisait effectivement partie de la catégorie interdite. L'examen des articles 59, 65 et 79 ainsi que du paragraphe 60(5) de la Loi révèle que l'intention du Parlement était d'instituer et de maintenir à titre de cour d'archives une commission ayant les pouvoirs de statuer judi- ciairement sur les faits dont dépend l'admissibilité d'une per- sonne et non simplement de s'attacher au bien-fondé quant à la procédure ou au fond de la décision administrative prise par un agent des visas relativement à ces exigences imposées par la loi.
Quoi qu'il en soit, ainsi que l'a indiqué le juge Hugessen, la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a formulé sa conclusion sur la question découlant de l'alinéa 79(2)b) de la Loi en tenant compte d'une considération non pertinente.
JURISPRUDENCE
DÉCISION EXAMINÉE:
Ahir c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1984] 1 C.F. 1098; (1983), 49 N.R. 185 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Gana c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra- tion, [1970] R.C.S. 699; Srivastava c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1973] C.F. 138 (C.A.).
AVOCATS:
Brent S. Knazan pour l'appelante. Marilyn Doering-Steffen pour l'intimé.
PROCUREURS:
Knazan, Goodman, Toronto, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW (souscrivant au dispositif): Appel est interjeté en l'espèce d'une décision de la Commission d'appel de l'immigra- tion qui a rejeté l'appel formé par l'appelante contre le rejet par un agent des visas de la demande parrainée de résidence permanente pré- sentée par son père pour lui-même, son épouse, Ayesha Asmal, et ses deux enfants. L'agent des visas a rejeté la demande au motif que Ayesha Asmal était inadmissible aux termes du sous-ali- néa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration de 1976 [S.C. 1976-77, chap. 52] parce qu'elle souf- frait d'hypertension non contrôlée accompagnée de tachycardie, condition qui, de l'avis du médecin, confirmé par au moins un autre médecin, entraîne- rait ou pourrait vraisemblablement entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de
santé.
Le sous-alinéa 19(1)a)(ii) prévoit que: 19. (1) Ne sont pas admissibles
a) les personnes souffrant d'une maladie, d'un trouble, d'une invalidité ou autre incapacité pour raison de santé, dont la nature, la gravité ou la durée probable sont telles qu'un médecin, dont l'avis est confirmé par au moins un autre médecin, conclut,
(i) qu'elles constituent ou pourraient constituer un danger pour la santé ou la sécurité publiques, ou
(ii) que leur admission entraînerait ou pourrait vraisembla- blement entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé;
L'expression «médecin» utilisée à ce paragraphe ne vise pas tous les médecins agréés. Suivant la définition qui en est donnée à l'article 2, cette expression désigne:
2....
... un médecin agréé ou reconnu par ordre du ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, pour exercer les pouvoirs que la présente loi confère aux médecins;
Dans l'arrêt Ahir c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration', cette Cour a conclu que la Com mission d'appel de l'immigration, de même que cette Cour, en appel, avaient compétence pour examiner le caractère raisonnable, dans les cir- constances de ce cas particulier, de l'opinion expri- mée par le médecin aux fins du sous-alinéa 19(1)a)(ii) et, dans un cas approprié, de l'infirmer ou de ne pas en tenir compte.
La première question soulevée par le présent appel porte sur la compétence de la Commission dans une situation l'opinion du médecin prévue à ce sous-alinéa, opinion dont l'exactitude à l'épo- que elle a été donnée n'est pas en litige, a été exprimée à la suite d'un examen effectué peu avant que l'agent des visas ne rejette la demande, mais la Commission disposait également d'au- tres preuves médicales à partir desquelles . il lui était permis de conclure qu'au moment de l'ins- truction de l'appel, c'est-à-dire quelque dix-huit mois après que le médecin eut rendu son opinion, la condition de la personne concernée s'était suffi- samment améliorée pour remettre en question la validité de l'opinion du médecin selon qui elle imposerait vraisemblablement un fardeau sur les services sociaux et de santé. Il convient de signaler que l'opinion exprimée par le médecin n'écartait pas la possibilité d'une amélioration de la condi tion de la personne concernée et qu'elle n'a été formulée qu'en regard de la condition de cette personne à ce moment particulier.
Dans les motifs qu'elle a donnés pour rejeter l'appel, la Commission semble avoir limité son examen à la question de la validité de l'opinion du médecin au moment il l'a formulée. La Com mission, après avoir résumé la preuve médicale produite par l'appelante, a déclaré:
D'après un médecin, dont l'avis est confirmé par un autre médecin, l'admission d'Ayesha Asmal «entraînerait ou pourrait vraisemblablement entraîner un fardeau excessif pour les servi ces sociaux ou de santé». Même si l'appelante a produit des preuves d'ordre médical, celles-ci ne sont pas suffisantes pour conclure «que les opinions des médecins n'étaient pas, dans le cas présent, fondées sur les critères appropriés», c'est-à-dire que ceux-ci se sont fondés sur des «données erronées et ont utilisé les mauvais critères» et que leurs opinions n'étaient donc «pas vraisemblables». La Commission conclut que le rejet est valide en droit.
' [1984] 1 C.F. 1098; (1983), 49 N.R. 185 (C.A.).
En toute déférence, je suis d'avis que la Com mission s'est penchée et a statué sur la mauvaise question et qu'elle a omis de trancher la question qui aurait l'être.
Il convient de noter que rien dans le sous-alinéa 19(1)a)(ii) ne rend l'opinion du médecin sacro- sainte ou incontestable en contre-interrogatoire ou n'empêche de la réfuter par l'opinion de quelque autre médecin. Rien dans cet alinéa n'empêche de donner cette opinion sous serment devant la Com mission. Rien dans la Loi n'exige qu'elle soit rendue par écrit. Cette disposition peut être mise en contraste avec la disposition du paragraphe 83(2) prévoyant une attestation dans les cas il s'applique. Qui plus est, dans le cas de personnes visées aux alinéas 19(1)b), d), e), f) et g), il semble clair à la lecture de ces dispositions que la tâche de la Commission consiste à déterminer s'«il existe de bonnes raisons de croire» au moment de l'instruc- tion d'un appel plutôt qu'à quelque moment antérieur.
À mon avis, la question que doit trancher la Commission à l'occasion d'un appel interjeté en vertu de l'article 79 de la Loi ne consiste pas à se demander si la décision administrative d'un agent des visas de rejeter une demande parce que les renseignements portés à sa connaissance indi- quaient que la personne sollicitant son admission au Canada appartenait à une catégorie inadmissi ble a été prise régulièrement. Elle consiste plutôt à déterminer si, au moment de l'instruction de l'ap- pel, la personne en cause fait effectivement partie de la catégorie interdite.
La Commission est instituée par le paragraphe 59(1) de la Loi et se voit conférer, à l'égard notamment d'un appel fondé sur l'article 79, «com- pétence exclusive ... pour entendre et juger sur des questions de droit et de fait, y compris des questions de compétence, relatives ... au rejet d'une demande de droit d'établissement présentée par une personne appartenant à la catégorie de la famille». Aux termes du paragraphe 60(5), les membres de l'ancienne Commission sont mainte- nus en fonction en qualité de commissaires de la Commission ainsi instituée. L'article 65 fait de la Commission une cour d'archives et lui confère de vastes pouvoirs, notamment ceux de citer des témoins à comparaître, de forcer la production de documents, de faire prêter serment et de recevoir
toute preuve qu'elle considère digne de foi et pertinente.
Le paragraphe 79(2) confère à un citoyen cana- dien le droit d'en appeler à la Commission à l'encontre du refus d'un agent des visas d'autoriser une demande au motif qu'un membre de la catégo- rie de la famille ne répond pas aux exigences de la Loi ou des règlements; le citoyen peut exercer ce droit en invoquant «l'un ou les deux motifs suivants:»
79. (2) ...
a) un moyen d'appel comportant une question de droit ou de fait ou une question mixte de droit et de fait;
b) le fait que des considérations humanitaires ou de compas sion justifient l'octroi d'une mesure spéciale.
À l'occasion d'un tel appel, la Commission n'a que le pouvoir de l'accueillir ou de le rejeter. Voir le paragraphe 79(3). Le paragraphe 79(4) vaut également la peine d'être mentionné en ce qu'il fait mention des «exigences de la présente loi et des règlements, autres que celles qui ont fait l'objet de la décision de la Commission».
Le libellé des dispositions législatives applicables a été quelque peu modifié depuis que la décision de la Cour suprême dans Gana c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration 2 et de cette Cour dans Srivastava c. Ministre de la Main- d'oeuvre et de l'Immigration' ont été rendues, mais j'estime que l'intention du Parlement est toujours la même que sous l'ancienne législation, c'est-à- dire, instituer et maintenir à titre de cour d'archi- ves une commission ayant les pouvoirs de statuer judiciairement sur les faits dont dépend l'admissi- bilité d'une personne et non simplement de s'atta- cher au bien-fondé quant à la procédure ou au fond de la décision administrative prise par un agent des visas relativement à ces exigences impo sées par la loi 4 .
2 [1970] R.C.S. 699.
3 [1973] C.F. 138 (C.A.).
' Voici quel était le libellé de l'article 17 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration (S.R.C. 1970, chap. I-3, maintenant abrogée):
17. Une personne qui a demandé l'admission au Canada d'un parent en conformité des règlements établis selon la Loi sur l'immigration peut interjeter appel à la Commission du refus d'approbation de la demande. Si la Commission juge que la personne dont l'admission a été parrainée et le répon- dant de cette personne satisfont à toutes les exigences de la Loi sur l'immigration .. .
Je suis d'avis qu'il était du devoir de la Commis sion, lors de l'audition de l'appel formé par l'appe- lante, de déterminer si à ce moment-là la condition de Ayesha Asmal était telle que, suivant l'opinion d'un médecin, confirmée par au moins un autre médecin, son admission entraînerait ou pourrait vraisemblablement entraîner un fardeau excessif sur les services sociaux ou de santé et à cette fin d'exiger, à la demande de l'une ou l'autre des parties en appel, la comparution de tous les témoins nécessaires pour appuyer sa conclusion et de recevoir leur témoignage à cet égard. Si pour ce faire, la présence d'un ou plusieurs médecins était nécessaire afin de formuler une opinion, la Com mission disposait de l'autorité nécessaire pour requérir leur présence et recueillir leur témoi- gnage. En conséquence, relativement au premier point soulevé par l'appelante, je ne crois pas que la décision devrait être maintenue.
Cependant, en plus d'être inutile pour les fins du présent appel, il ne servirait à rien de m'attacher davantage à ce point puisque je suis d'accord avec les motifs et la conclusion du juge Hugessen sur l'autre point soulevé par l'appelante, c'est-à-dire son argument suivant lequel la Commission a tenu compte d'une considération non pertinente en for- mulant sa conclusion sur la question découlant de l'alinéa 79(2)b) de la Loi. Je suis de plus d'avis qu'à la lumière des autres considérations énoncées par la Commission, il s'agit d'un cas justifiant l'octroi d'une mesure spéciale et que la Cour devrait rendre le jugement que la Commission aurait rendre.
J'accueillerais l'appel et je statuerais sur la question de la manière que propose le juge Hugessen.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HUGESSEN: Il s'agit en l'espèce d'un appel d'une décision de la Commission d'appel de l'immigration, datée du 27 novembre 1984, dans laquelle la Commission a rejeté un appel formé à l'encontre d'un refus d'autoriser la demande par- rainée de droit d'établissement présentée par le père, la mère, le frère et la soeur de l'appelante. La demande a été refusée au motif que la mère de
l'appelante, Ayesha Asmal, était inadmissible pour des raisons médicales conformément au sous-ali- néa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration de 1976 5 .
Quant à lui, ce refus reposait sur l'opinion d'un «médecin» (suivant la définition donnée à ce mot à l'article 2) selon laquelle la mère de l'appelante [TRADUCTION] «souffre d'hypertension non con- trôlée accompagnée de tachycardie, maladie sus ceptible d'entraîner un fardeau pour les services de santé à un point tel qu'elle est actuellement consi- dérée comme non admissible en vertu du sous-ali- néa 19(1)a)(ii)». Cette opinion est datée du 11 mai 1983 et un second «médecin» y a souscrit le 30 mai 1983.
Lors de l'instruction de l'appel devant la Com mission, l'appelante a présenté des éléments de preuve de médecins qui n'étaient pas des «méde- cins» au sens de la Loi. Si j'ai bien compris, cette preuve ne visait pas à contester et ne contestait effectivement pas le caractère raisonnable de l'opi- nion originale des médecins en date de mai 1983; elle tend plutôt à démontrer qu'au moment de l'instruction de l'appel devant la Commission, en novembre 1984, la condition de la mère de l'appe- lante avait changé, de sorte que cette dernière ne souffrait plus du problème qui avait entraîné son inadmissibilité. À mon avis, la Commission a eu raison de rejeter cette preuve.
L'appelante en a appelé auprès de la Commis sion, en vertu du paragraphe 79(2) de la Loi, du refus de l'agent des visas d'autoriser la demande de droit d'établissement parrainée. Bien que ce refus soit fondé sur l'opinion des médecins, l'appel vise non pas l'opinion mais plutôt le refus lui-même. Cela ne veut pas dire, comme l'a suggéré l'avocate du Ministre, que l'opinion des médecins est entiè- rement à l'abri de toute contestation: comme cette
5 19. (1) Ne sont pas admissibles
a) les personnes souffrant d'une maladie, d'un trouble, d'une invalidité ou autre incapacité pour raison de santé, dont la nature, la gravité ou la durée probable sont telles qu'un médecin, dont l'avis est confirmé par au moins un autre médecin, conclut,
(ii) que leur admission entraînerait ou pourrait vraisembla- blement entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé;
Cour l'a décidé dans l'arrêt Ahir la page 1102 C.F.; à la page 188 N.R.] 6 , le pouvoir des méde- cins «doit être exercé de façon raisonnable».
Il est donc loisible à la personne qui interjette appel d'établir que l'opinion des médecins est déraisonnable, ce qui peut se faire en présentant des éléments de preuve de témoins experts dans le domaine médical autres que des «médecins». Cependant, des éléments de preuve tendant simple- ment à établir que la personne visée ne souffre plus du problème médical sur lequel reposait l'opinion des médecins sont, de toute évidence, insuffisants; il est possible que les médecins aient eu tort dans leur pronostic, mais dans la mesure la personne visée souffrait du problème médical en question et leur opinion quant à ses conséquences était raisonnable au moment elle a été formulée et l'agent des visas y a fait appel pour justifier sa décision, le refus par ce dernier d'autoriser la demande parrainée était bien fondé. Par consé- quent, à mon avis, la décision de la Commission à cet égard était fondée.
Le paragraphe 79(2) de la Loi est ainsi rédigé:
79....
(2) Au cas de rejet, en vertu du paragraphe (1), d'une demande de droit d'établissement parrainée par un citoyen canadien, celui-ci peut interjeter appel à la Commission en invoquant l'un ou les deux motifs suivants:
a) un moyen d'appel comportant une question de droit ou de fait ou une question mixte de droit et de fait;
b) le fait que des considérations humanitaires ou de compas sion justifient l'octroi d'une mesure spéciale.
Comme l'appelante a invoqué tant l'alinéa a) que l'alinéa b), il était du devoir de la Commission, après avoir conclu que la demande parrainée avait été à bon droit rejetée, d'examiner si des considé- rations humanitaires ou de compassion ne justi- fiaient pas l'octroi d'un redressement. Bien que la Commission ne l'ait pas dit expressément, il est évident que la preuve médicale avait une certaine pertinence quant à cette question puisqu'elle ten- dait à établir que la condition de la mère de l'appelante n'était alors pas aussi grave que ce que l'on avait pu croire au départ. Un certain nombre d'autres facteurs militaient également en faveur de l'octroi du redressement et la Commission les a pour la plupart résumés dans un long paragraphe
6 Ahir c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1984] 1 C.F. 1098; (1983), 49 N.R. 185 (C.A.).
de ses motifs. Au paragraphe suivant, la Commis sion déclare:
La famille de Nargisbanu Mohammadali Mohamed exploite une ferme de 18 acres en Inde elle emploie entre quinze et dix-huit travailleurs et, comme l'appelante l'a déclaré dans sa déposition, la famille vit bien selon les normes de ce pays. Outre le frère et la soeur inclus dans la demande de parrainage, l'appelante a un autre frère marié, qui habite chez ses parents dans un logement distinct du leur. Accueillir l'appel ne permet- trait pas de réunir la famille.
Malgré tous mes efforts, je ne vois pas la perti nence de ce paragraphe et en particulier des mots qui sont soulignés. Manifestement, la Commission estime qu'elle énonce une considération négative qui vient équilibrer, d'une certaine manière, les facteurs positifs qu'elle a tout juste énumérés auparavant car, au paragraphe suivant, elle con- clut qu'elle ne voit pas de motifs justifiant l'octroi du redressement.
Bien que l'un des objectifs exprès de la Loi soit de faciliter la réunion au Canada de citoyens canadiens avec leurs proches parents de l'étranger, le fait que quelque octroi particulier d'un droit d'entrée ou d'établissement ne permettra pas de «réunir la famille» n'est sûrement pas une condi tion préalable pour conclure que des considérations humanitaires ou de compassion justifient l'octroi d'un redressement. «Réunir la famille» est une chose très différente du fait de faciliter la réunion au Canada de citoyens canadiens avec leurs pro- ches parents de l'étranger, et ne fait pas partie des objectifs visés par la Loi sur l'immigration de 1976. Le fait qu'un parent à l'étranger d'un citoyen canadien ne désire pas rejoindre ici ce dernier ou qu'il soit inadmissible à le faire n'a tout simplement aucune pertinence quant à l'octroi à ce citoyen canadien d'un redressement pour des con- sidérations humanitaires ou de compassion de façon à lui permettre d'être réuni avec un autre proche parent de l'étranger. Concrètement, en l'es- pèce, le fait que le frère de l'appelante soit resté en Inde n'a rien à voir avec la question de savoir si sa mère devrait ou non être autorisée à la rejoindre ici.
À mon avis, la décision de la Commission rela tive à l'octroi du redressement pour des considéra- tions humanitaires ou de compassion repose sur une considération non pertinente et doit être annulée.
Il reste maintenant à examiner quelle est la solution appropriée à ce litige. Les pouvoirs et les devoirs de cette Cour à l'occasion d'un appel de ce genre sont énumérés à l'alinéa 52c) de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10]:
52. La Cour d'appel peut
c) dans le cas d'un appel qui n'est pas un appel d'une décision de la Division de première instance,
(i) rejeter l'appel ou rendre la décision qui aurait être rendue, ou
(ii) à sa discrétion, renvoyer la question pour jugement conformément aux directives qu'elle estime appropriées;
Règle générale donc, lorsque l'appel est accueilli, la Cour doit rendre la décision qui aurait être rendue; ce n'est que s'il existe quelque motif pour ce faire que la Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire pour renvoyer l'affaire, car une telle décision entraînerait des délais et des dépenses considérables en plus de forcer la tenue d'une nouvelle audience devant des membres diffé- rents de la Commission. En l'espèce, je suis con- vaincu, à la lumière du dossier, que si la Commis sion n'avait pas tenu compte d'une considération non pertinente, soit «réunir la famille», elle aurait jugé qu'il s'agissait d'un cas approprié pour accor- der le redressement prévu à l'alinéa 79(2)b). Cela étant, rien ne nous empêche de rendre la décision qu'aurait rendre la Commission.
J'accueillerais l'appel, j'annulerais la décision de la Commission d'appel de l'immigration en date du 27 novembre 1984 pour lui substituer une décision accueillant l'appel et ordonnant de ne pas rejeter la demande parrainée du père; de la mère, du frère et de la sœur de l'appelante au motif que Ayesha Asmal est inadmissible aux termes du sous-alinéa 19(1)a)(ii).
LE JUGE SUPPLÉANT MCQUAID y a souscrit.
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