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T-5457-82
Richard D. McNeill (demandeur)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: MCNEILL c. CANADA
Division de première instance, juge Rouleau— Ottawa, 30 avril et 15 septembre 1986.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Indemnité de déménagement pour changement de milieu et augmentation du coût du logement versée à des contrôleurs aériens mutés à l'extérieur du Québec Mutation destinée à mettre fin à la tension et à la menace pesant sur la sécurité aérienne par suite de l'intolérance de contrôleurs francophones à l'égard de cer- tains collègues Les contrôleurs mutés ne devaient pas vivre au Québec ni faire aucune déclaration à la presse L'indem- nité constituait-elle un revenu imposable? S'agissait-il d'un revenu tiré d'une charge ou d'un emploi à titre d'«autre rémunération»? S'agissait-il d'une rémunération réputée?
Le paiement s'expliquait-il par le lien de subordination entre l'employeur et l'employé ou par une entente accessoire?
En déménageant, les bénéficiaires de l'indemnité rendaient- ils service à leur employeur ou exerçaient-ils une fonction pour ce dernier? S'agissait-il d'«autres avantages de quel- que nature que ce soit»? La loi a pour but d'imposer les avantages accessoires Un remboursement n'est pas la même chose qu'une allocation Le contribuable n'a pas prouvé qu'il avait véritablement subi une perte égale à la somme de l'in- demnité de changement de milieu Cette portion de l'indem- nité de déménagement doit étre incluse dans le revenu Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 5(1), 6(1)a),b) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 26, art. 1), (3), 248(1).
Fonction publique Relations du travail Ministère des Transports Des contrôleurs aériens francophones en poste à Dorval se sont montrés intolérants à l'égard de certains collè- gues Ils ont fait preuve de militantisme Sécurité aérienne mise en danger à cause de la tension engendrée dans la tour de contrôle Mutation des contrôleurs anglophones afin d'éviter une éventuelle catastrophe en matière de relations du travail Le Conseil du Trésor a autorisé le versement d'une indemnité de déménagement pour changement de milieu et d'une indemnité de logement L'indemnité reçue consti- tuait-elle un revenu imposable?
Le demandeur parlait couramment les deux langues et tra- vaillait pour le ministère des Transports comme contrôleur aérien à l'aéroport de Dorval. Il a été muté à Ottawa en décembre 1976. Officiellement, il a été muté dans le cadre de la campagne accélérée d'implantation du bilinguisme dans les tours de contrôle de la circulation aérienne du Québec. En réalité, certains employés, même bilingues, n'étaient pas les bienvenus au sein des francophones à Dorval. La sécurité aérienne était en danger à cause de la tension qui existait à la tour de contrôle. Afin de calmer les esprits, le ministère des Transports a offert trois possibilités à ses employés, notamment la mutation de ses employés anglophones. C'est ce qu'a choisi le demandeur.
Le Conseil du Trésor a autorisé le paiement d'une indemnité de déménagement des contrôleurs aériens pour raisons linguisti- ques afin de compenser les frais de logement plus coûteux dans d'autres parties du pays (indemnité de logement) et les frais entraînés par le changement de milieu (indemnité de change- ment de milieu). En échange de l'indemnité, les contrôleurs aériens devaient s'engager par écrit à ne pas vivre au Québec, à ne faire aucune déclaration à la presse et à demeurer à leur nouveau lieu d'affectation pendant cinq ans. Le demandeur a reçu une indemnité de logement de 15 571 $ et une indemnité de changement de milieu de 2 155,41 $.
La Couronne a prétendu que toute la totalité de l'indemnité de déménagement constituait un revenu imposable en vertu du paragraphe 5(1), de l'alinéa 6(1)a) ou du paragraphe 6(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Appel est interjeté de la décision de la Commission de révision de l'impôt confirmant cette cotisation.
Jugement: l'appel doit être accueilli en ce qui a trait à l'indemnité de logement mais non pour ce qui est de l'indemnité de changement de milieu.
Le point en litige consiste à déterminer si la somme reçue par le contribuable doit être considérée comme une «autre rémuné- ration» au sens du paragraphe 5(1) de la Loi, comme une «rémunération réputée» aux fins du paragraphe 6(3), comme un avantage tiré d'une charge ou d'un emploi comme le prévoit l'alinéa 6(1)a) ou comme une allocation pour frais personnels ou de subsistance non exemptés.
L'indemnité n'est pas une «autre rémunération» au sens de l'article 5. Les définitions contenues dans les dictionnaires et la jurisprudence soulignent le lien qui doit exister entre la presta- tion de services et le paiement de la somme avant que l'indem- nisation puisse être considérée comme un revenu tiré d'une charge ou d'un emploi. Le paiement en cause ne découle pas du contrat d'emploi. Il a fait suite à une entente accessoire et spéciale conclue entre l'employeur et l'employé. Ladite entente devait servir à compenser la perte en capital subie par les employés mutés et à éviter une éventuelle catastrophe en matière de relations du travail.
Le montant reçu ne peut être présumé constituer, conformé- ment au paragraphe 6(3), une rémunération aux fins de l'arti- cle 5. Le contribuable s'est déchargé du fardeau de la preuve et a renversé cette présomption: il a établi que ce montant n'est pas visé par les alinéas 6(3)c),d) ou e). La somme versée pour compenser une perte en capital subie lors d'une mutation involontaire, à l'emploi du même employeur, n'accordant aucun avantage économique à l'une ou l'autre des parties, n'est pas visée par le paragraphe 6(3).
Ce montant ne constitue pas non plus un avantage reçu au titre, dans l'occupation ou en vertu de la charge ou de l'emploi au sens de l'alinéa 6(1)a). La Couronne n'a pas démontré que le paiement a été effectué en raison de la charge ou de l'emploi du demandeur; il avait pour but d'éviter un conflit de travail et était destiné au demandeur en tant que simple particulier plutôt qu'employé. Le demandeur n'a pas eu le choix et a accepter la mutation. Celle-ci était motivée par des raisons politiques et n'était nullement liée à la politique de la société et elle ne visait pas à favoriser le perfectionnement ou l'avancement de l'employé.
Bien qu'il ne soit peut-être pas nécessaire de déterminer si le paiement constituait un avantage, il semble opportun d'exami- ner le sens de l'expression «avantages de quelque nature que ce soit» au sens de l'alinéa 6(1)a) de la Loi. Cette disposition vise à fournir une façon d'imposer les contribuables qui reçoivent des avantages accessoires en plus de leur traitement. Elle ne vise pas à rendre le revenu d'un employé imposable à l'égard d'une somme reçue à titre de remboursement lorsque celle-ci ne correspond à aucune des exceptions de l'alinéa 6(1)b).
Bien qu'on ait laissé entendre que le contribuable n'était pas tenu de rendre compte du paiement reçu et qu'il n'était pas obligé d'acheter une maison dans la région d'Ottawa, il n'en demeure pas moins que le demandeur a bel et bien acheté une maison et qu'il a été obligé d'accepter la mutation afin de conserver son emploi.
Pour ce qui est de l'indemnité de changement de milieu, puisqu'on n'a soumis aucune preuve montrant que le deman- deur avait véritablement subi des pertes, il faut conclure que ce dernier a reçu un avantage au sens de l'alinéa 6(1)a) de la Loi.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Ransom, Cyril John v. Minister of National Revenue, [1968] I R.C.É. 293; (1967), 67 DTC 5235; Roy, J.L. v. M.N.R. (1979), 80 DTC 1005 (C.R.1.); Lor-Wes Con tracting Ltd. c. La Reine, [1986] I C.F. 346; [1985] 2 CTC 79 (C.A.); Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536.
DISTINCTION FAITE AVEC:
R. c. Savage, [1983] 2 R.C.S. 428; 83 DTC 5409; R. v.
Poynton, [1972] 3 O.R. 727; 72 DTC 6329 (C.A.).
DÉCISION EXAMINÉE:
La succession Phaneuf c. R., [1978] 2 C.F. 564; 78 DTC 6001 (1e° inst.).
DÉCISIONS MENTIONNÉES:
Scanlan v. M.N.R. (1951), 51 DTC 84 (C.A.I.); Laidler v. Perry (Inspector of Taxes), [1965] 2 All E.R. 121 (H.L.); Buchanan, George Smith v. Minister of National Revenue, [1967] 1 R.C.E. 11; (1966), 66 DTC 5257; Le Ministre du Revenu national v. Bhérer, Wilbrod, [1968] 1 R.C.É. 146; (1967), 67 DTC 5186; Martel v. M.N.R., [1970] R.C.É. 68; 70 DTC 6204; R. c. Pascoe, [1976] 1 C.F. 372; (1975), 75 DTC 5427 (C.A.); Lepine, G. v. M.N.R. (1977), 78 DTC 1637 (C.R.I.); Dauphine, T. c. La Reine (1980), 80 DTC 6267 (C.F. 1" inst.); R. c. Demers, [1981] 2 C.F. 121; (1980), 81 DTC 5256 (1" inst.); Cutmore, R. H. et al. v. M.N.R. (1986), 86 DTC 1146 (C.C.I.); Gagnon c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 264; 86 DTC 6179.
AVOCATS:
Paul A. Webber, c.r., pour le demandeur.
Paul Plourde et Sandra E. Phillips pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Bell, Baker, Ottawa, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE ROULEAU: La Cour est saisie d'un appel d'une décision de la Commission de révision de l'impôt [(1982), 82 DTC 1192], rendue le 12 mars 1982. Le demandeur, contrôleur aérien, tra- vaillait pour Transports Canada, à la tour de contrôle de la circulation aérienne de l'Aéroport Dorval, jusqu'à ce que son nom soit mis sur la liste des mutations, confirmant son départ au 1" juillet 1977. De fait, il avait déjà commencé à travailler à l'aéroport international d'Ottawa, le 31 décembre 1976. Officiellement, le demandeur a été muté dans le cadre de la campagne accélérée de bilin- guisme des tours de contrôle de la circulation aérienne du Québec où, jusqu'alors, la langue offi- cielle de travail était l'anglais. Il s'agit de détermi- ner si la somme versée par l'employeur au contri- buable, sous le nom de [TRADUCTION] «indemnité de déménagement des contrôleurs aériens pour raisons linguistiques» est imposable.
Le demandcur a toujours résidé dans la région de Montréal et il parle couramment les deux lan- gues. Il est donc difficile de ne pas conclure que sa réinstallation était imputable à une autre raison que celle qui a motivé la mutation des contrôleurs anglophones unilingues qui ne pouvaient pas ou ne voulaient pas suivre des cours de langue spéciali- sés. Même si personne ne l'a affirmé de façon expresse, on peut conclure, d'après les faits et les circonstances de cette affaire, que certains employés, même bilingues, n'étaient pas les bienve- nus au sein des francophones qui dominaient la section locale du syndicat. Il y avait beaucoup de tension à la tour de contrôle ainsi que de graves problèmes de relations humaines parmi les employés, au point que la sécurité aérienne était en danger à cause du manque de collaboration et du militantisme de certains employés au sujet de la langue. C'est pourquoi le ministère des Transports a tenté de calmer les esprits avant que la situation
ne devienne incontrôlable et a donc offert trois possibilités à ses employés: la pré-retraite, la muta tion ou des cours de langue spécialisés dans le domaine du contrôle aérien afin d'atteindre un bilinguisme de travail.
Par suite de négociations entre Transports Canada et un groupe de contrôleurs aériens anglo- phones bilingues et unilingues ayant accepté d'être mutés, le Conseil du Trésor a été consulté en vue d'obtenir le versement d'une indemnité à ceux qui engageraient des frais de réinstallation.
Après une étude de trois mois menée par un groupe de travail spécial, le Conseil du Trésor a autorisé le paiement d'une allocation de réinstalla- tion, surnommée «indemnité de déménagement des contrôleurs aériens pour raisons linguistiques». L'indemnité était versée en deux volets. Le pre mier, intitulé «indemnité de logement», était fondé sur une conclusion du rapport du groupe de travail portant que l'achat d'un logement semblable dans un important centre urbain serait plus coûteux et entraînerait une augmentation de l'hypothèque. Ce paiement avait pour but de réduire l'effet du coût du logement causé par l'augmentation des paie- ments hypothécaires; il était défini de la façon suivante:
[TRADUCTION]—un paiement annuel versé pendant une période d'au plus cinq ans pour compenser seulement les aug mentations d'hypothèque relevées au nouveau lieu d'affectation, selon le coût de l'intérêt, aux taux hypothécaires reconnus, applicable uniquement à la différence entre la valeur estimée ou le prix de vente du logement du contrôleur à Montréal et la valeur estimée d'un logement semblable au nouveau lieu de travail, d'après les coûts du marché résidentiel déclarés trimes- triellement par des bureaux de courtage immobilier reconnus dans tout le pays.
Le deuxième était désigné sous le nom de «indemnité de changement de milieu» et était cal- culé de la façon suivante: une somme globale égale à 1 % du traitement annuel de l'employé multiplié par le nombre d'années de service, ne devant pas être inférieur à 500 $ et ne pas dépasser 5 000 $.
En échange de l'indemnité, les contrôleurs aériens mutés devaient s'engager par écrit à ne pas vivre au Québec, à ne faire aucune déclaration à la presse et à demeurer à leur nouveau lieu d'affecta- tion pendant cinq ans. En cas de défaut, le contrô- leur devait rembourser l'indemnité, au prorata, à partir du premier jour de défaut.
En 1973, le demandeur a acheté une maison à Pierrefonds (Québec), à environ 16 500 $, moyen- nant une hypothèque de 13 000 $, remboursable au taux annuel de 9 1 / 4 %, ce qui portait ses paiements mensuels à moins de 150 $. L'emplacement était idéal pour son travail. Le demandeur n'a pas pu vendre sa maison avant de quitter Dorval, et la valeur de celle-ci a été estimée à 28 000 $, au 31 décembre 1976. Il l'a finalement vendue 24 000 $, en avril 1977. S'étant engagé à ne pas résider dans la province de Québec, après sa mutation à Ottawa, il ne pouvait profiter des prix moins élevés du marché immobilier de Hull (Québec). Il n'a pas pu trouver de logement à un prix semblable, dans les limites de la ville d'Ottawa, et il a été obligé de chercher à l'extérieur de la capitale une maison à un prix raisonnable. Il s'est finalement installé dans le canton de West Carleton (Ontario), com- munauté rurale située à quelque quarante milles d'Ottawa. Il y a acheté une maison 82 000 $, à charge d'une hypothèque de 60 000 $ portant inté- rêt à 11 1 / 2 % par année et des versements mensuels de 599 $. Il a reçu une indemnité de logement de 15 571 $, pour compenser les intérêts payables sur son hypothèque plus élevée ainsi que le taux d'inté- rêt plus élevé, pendant une période de cinq ans. De plus, il a reçu la somme de 2 155,41 $ en vertu de l'indemnité de changement de milieu.
La Couronne prétend que toute la somme de l'indemnité de déménagement des contrôleurs aériens pour des raisons linguistiques constituait un revenu imposable entre les mains du contribua- ble, pour l'année d'imposition 1976. À l'appui de cette allégation, l'avocat de la Couronne a présenté trois arguments principaux. Il a allégué que la somme versée au demandeur représentait une «autre rémunération» au sens du paragraphe 5(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.R.C. 1952, chap. 148 (mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 1)] (ci-après désignée «la Loi») dont voici le texte:
5. (1) Sous réserve de la présente Partie, le revenu d'un contribuable, pour une année d'imposition, tiré d'une charge ou d'un emploi est le traitement, salaire et autre rémunération, y compris les gratifications, que ce contribuable a reçus dans l'année.
La Couronne a aussi proposé un argument sub- sidiaire à ce sujet, savoir que si l'argent reçu par le
demandeur ne constitue pas une «autre rémunéra- tion» en soi, il devrait néanmoins être considéré comme une rémunération réputée, aux fins de l'article 5 de la Loi, en vertu du paragraphe 6(3) de la Loi que voici:
6....
(3) Une somme qu'une personne a reçue d'une autre personne,
a) pendant une période alors que le bénéficiaire faisait partie des cadres du payeur ou était employé par ce dernier, ou
b) au titre ou en paiement intégral ou partiel d'une obligation découlant d'une entente intervenue entre le payeur et le bénéficiaire immédiatement avant, pendant ou immédiate- ment après une période ce bénéficiaire faisait partie des cadres du payeur ou était employé par ce dernier,
est réputée être, aux fins de l'article 5, une rémunération des services que le bénéficiaire a rendus à titre de cadre ou pendant sa période d'emploi, sauf s'il est établi que, indépendamment de la date a été conclue l'entente, si entente il y a, en vertu de laquelle cette somme a été reçue ou de la forme ou des effets juridiques de cette entente, cette somme ne peut pas raisonna- blement être considérée comme ayant été reçue
c) à titre de contrepartie totale ou partielle de l'acceptation de la charge ou de la conclusion du contrat d'emploi,
d) à titre de rémunération totale ou partielle des services rendus comme cadre ou conformément au contrat d'emploi, ou
e) à titre de contrepartie totale ou partielle d'un engagement prévoyant ce que le cadre ou l'employé doit faire, ou ne doit pas faire, avant ou après la cessation de l'emploi.
L'avocat de la Couronne a prétendu qu'aucune des exceptions prévues au paragraphe 6(3) n'était applicable. Il a également insisté sur le fait que le paiement s'expliquait par le lien de subordination entre l'employeur et l'employé. L'avocat a admis que l'indemnisation ne faisait pas partie du contrat d'emploi initial, mais il a affirmé vigoureusement qu'elle ne faisait pas suite non plus à une entente accessoire entre l'employeur et l'employé. De plus, il prétend qu'en déménageant, le demandeur ren- dait un service à son employeur ou exerçait une fonction pour ce dernier.
L'avocat de la Couronne a également ajouté 'que les sommes versées au demandeur étaient des élé- ments à inclure dans son revenu tiré d'une charge ou d'un emploi, en vertu des alinéas 6(1)a) et b) [mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 26, art. 1] de la Loi. Voici ce que prévoyait l'alinéa 6(1)a) de la Loi, en 1976:
6. (1) Doivent être inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, ceux des éléments appropriés suivants:
a) la valeur de la pension, du logement et autres avantages de quelque nature que ce soit (sauf les avantages résultant des contributions de son employeur à une caisse ou régime enregistré de pension, un régime d'assurance collective contre la maladie ou les accidents, un régime de service de santé privé, un régime de prestations supplémentaires de chômage, un régime de participation différée aux bénéfices ou une police collective d'assurance temporaire sur la vie) qu'il a reçus ou dont il a joui dans l'année au titre, dans l'occupation ou en vertu de la charge ou de l'emploi; [C'est moi qui souligne.]
L'avocat de la Couronne a prétendu que le versement de cette soi-disant «indemnité» au con- tribuable devrait être considéré comme un avan- tage conféré en vertu de sa charge ou de son emploi, peu importe si le montant était assez élevé pour indemniser le demandeur de façon satisfai- sante à l'égard des pertes réellement subies lors de sa mutation à Ottawa. Finalement, il a souligné que la somme reçue par le demandeur ne corres- pondait pas à l'une des exceptions prévues à l'ali- néa 6(1)b) de la Loi:
6. (1) ...
b) toutes les sommes qu'il a reçues dans l'année à titre d'allocations pour frais personnels ou de subsistance ou à titre d'allocations pour toute autre fin, sauf
(i) les allocations pour frais de déplacement, frais person- nels ou frais de subsistance
(A) expressément établies dans une loi du Parlement du Canada, ou
(B) payées en vertu d'une autorisation du conseil du Trésor à une personne nommée, ou dont les services étaient retenus, conformément à la Loi sur les enquêtes, relativement à l'accomplissement des fonctions afféren- tes à sa nomination ou à son engagement,
(ii) les allocations de déplacement et les indemnités d'ab- sence du foyer reçues en vertu de règlements militaires à titre de membre des Forces canadiennes,
(iii) les allocations de représentation ou autres allocations spéciales reçues et afférentes à une période d'absence hors du Canada, à titre de personne visée à l'alinéa 250(1)b), c) ou d),
(iv) les allocations de représentation ou autres allocations spéciales reçues par un agent général d'une province et afférentes à une période pendant laquelle il était à Ottawa en qualité d'agent général de la province,
(y) les allocations raisonnables pour frais de déplacement reçues de son employeur par un employé et afférentes à une période pendant laquelle son emploi était relié à la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son employeur,
(vi) les allocations raisonnables reçues par un ministre du culte ou un membre du clergé desservant un diocèse, une paroisse ou une congrégation, ou en ayant la charge, pour les frais de transport qu'a entraînés l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi,
(vii) les allocations (ne dépassant pas des sommes raison- nables) pour frais de déplacement qu'un employé (autre qu'une personne dont l'emploi est relié à la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son employeur) a reçues de son employeur, si elles ont été calculées en fonction du temps qu'a véritablement passé l'employé à voyager à l'extérieur
(A) de la municipalité était situé l'établissement de l'employeur dans lequel l'employé travaillait habituelle- ment ou auquel il adressait ordinairement ses rapports, et,
(B) le cas échéant, de la région métropolitaine était situé cet établissement,
dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi,
(viii) la partie du total des allocations reçues, par un pompier dit volontaire, d'un gouvernement, d'une munici- palité ou d'une autre administration publique, au titre des dépenses qu'il a engagées dans l'accomplissement ou en vertu de ses fonctions de volontaire, qui ne dépasse pas $300; ou
(ix) les allocations (jusqu'à concurrence de leur montant raisonnable) qu'un employé a reçues de son employeur pour un enfant de l'employé vivant à l'extérieur du domi cile de ce dernier au lieu il est obligé de demeurer en raison de son emploi et fréquentant à plein temps un établissement scolaire dans lequel la langue principale d'enseignement est celle des langues officielles du Canada qui est la langue première de l'employé, à la condition que
(A) aucun établissement scolaire convenant à l'enfant et utilisant principalement cette langue dans l'enseigne- ment ne soit accessible au lieu l'employé est tenu de demeurer, et
(B) que l'établissement scolaire que l'enfant fréquente soit celui des établissements cette langue est la principale langue de l'enseignement qui est le plus proche de ce lieu;
D'autre part, l'avocat du demandeur a prétendu que le paiement en cause ne constituait pas un revenu tiré d'une charge ou d'un emploi. Ce revenu n'avait pas pour origine des services rendus par le demandeur à son employeur mais plutôt un contrat distinct conclu entre les parties. Selon l'avocat, le versement de cette somme visait à inciter les employés à quitter le Québec sans soulever de controverse.
Il a également allégué que l'indemnisation versée aux contrôleurs aériens à l'égard de leur déménagement ne leur donnait pas un avantage puisqu'elle n'améliorait pas leur situation par rap port aux employés restés au Québec. L'avocat estime que l'«indemnité» était une somme globale devant indemniser le contrôleur pour la perte en
capital causée par l'augmentation du coût du loge- ment lors de sa mutation à un autre lieu de travail.
L'avocat du demandeur a contesté l'allégation selon laquelle la somme versée au demandeur était une «allocation» au sens de la Loi. Il a reconnu que les bénéficiaires de la soi-disant «allocation» n'étaient aucunement obligés d'acheter une autre maison pour recevoir cette somme, mais il a ajouté que dans les faits, le demandeur avait bel et bien acheté une résidence, et la somme en question ne pouvait être considérée comme une allocation puis- que le contribuable devait assumer une hypothèque plus importante, comme il l'avait prévu.
L'avocat a également attiré mon attention sur le fait que la mutation de son client a finalement pris la forme d'une rétrogradation.
Quant à l'indemnité de changement de milieu, l'avocat n'a pas insisté sur cet argument, souli- gnant seulement que la somme ne suffisait pas à indemniser le demandeur de façon satisfaisante pour le changement de milieu et les inconvénients que sa famille et lui ont subis. Il a indiqué notam- ment qu'à cause de la mutation du demandeur, l'épouse de ce dernier, qui avait onze ans d'expé- rience comme infirmière, a abandonner son emploi et renoncer à ses chances d'avancement au sein du ministère des Anciens combattants. Elle n'a pu être mutée dans un hôpital semblable en Ontario et elle est restée sans emploi pendant deux mois. Francophone unilingue, elle a abandonner son poste administratif et reprendre le travail sur les étages; elle a subi une grave blessure en soule- vant des patients à l'hôpital, ce qui l'a laissée semi -invalide.
Compte tenu de ces faits, je répète le point en litige: est-ce que la somme versée au contribuable au cours de l'année d'imposition 1976 doit être considérée comme une autre rémunération ou comme un avantage tiré d'une charge ou d'un emploi, ou encore comme une allocation pour frais personnels ou de subsistance ou pour toute autre fin, et par conséquent, incluse dans son revenu de cette année?
L'avocat du demandeur a cité une abondante jurisprudence pertinente, portant sur le paragra- phe 5(1) et les alinéas 6(1)a) et b) de la Loi. J'ai trouvé moi-même quelques décisions utiles à cet égard.
Le demandeur a cité les affaires suivantes: Scanlan v. M.N.R. (1951), 51 DTC 84 (C.A.I.); Laidler v. Perry (Inspector of Taxes), [1965] 2 All E.R. 121 (H.L.); Buchanan, George Smith v. Minister of National Revenue, [1967] 1 R.C.E. 11; (1966), 66 DTC 5257; Le Ministre du Revenu national v. Bhérer, Wilbrod, [1968] 1 R.C.E. 146; (1967), 67 DTC 5186; Ransom, Cyril John v. Minister of National Revenue, [1968] 1 R.C.E. 293; (1967),, 67 DTC 5235; Martel v. M.N.R., [1970] R.C.E. 68; 70 DTC 6204; R. c. Pascoe, [1976] 1 C.F. 372; (1975), 75 DTC 5427 (C.A.); Lepine, G. v. M.N.R. (1977), 78 DTC 1637 (C.R.I.); Dauphinee, T. c. La Reine (1980), 80 DTC 6267 (C.F. 1 re inst.); R. c. Demers, [1981] 2 C.F. 121; (1980), 81 DTC 5256 (1re inst.); R. c. Savage, [1983] 2 R.C.S. 428; 83 DTC 5409; Cut - more, R. H. et al. v. M.N.R. (1986), 86 DTC 1146 (C.C.I.); et Gagnon c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 264; 86 DTC 6179.
L'avocat de la Couronne ne s'est fondé que sur l'arrêt Ransom, précité.
À mon avis, de toute la jurisprudence susmen- tionnée, l'affaire la plus pertinente à l'égard des deux questions en litige est l'arrêt Ransom portant sur le remboursement à un employé de la perte subie au moment de la vente de sa maison, lors de sa mutation dans une autre ville. D'autres déci- sions méritent d'être étudiées avec soin, savoir les arrêts Pascoe et Gagnon, précités, il est ques tion de la définition de l'«allocation» aux fins de l'alinéa 6(1)b) de la Loi.
Les autres décisions citées ne semblent applica- bles qu'aux faits pertinents de chaque espèce.
«Autre rémunération»: Paragraphe 5(1)
L'expression «autre rémunération» n'est pas définie dans la Loi; elle est prévue à l'article 5 dans la phrase «traitement, salaire et autre rému- nération, y compris les gratifications». Compte tenu de la place qu'elle occupe dans cette disposi tion de la Loi, je suis tenté d'appliquer la règle ejusdem generis et d'interpréter «autre rémunéra- tion» comme une somme de la même nature que les mots qui les précèdent dans la phrase, c'est-à- dire «traitement» et «salaire». Ces derniers sont définis au paragraphe 248(1) de la Loi, mais selon les termes exprès de ce paragraphe, ils ne s'appli-
quent pas à l'article 5. Il est donc nécessaire de chercher ailleurs une interprétation de «rémunéra- tion>, aux fins de l'article 5. À cet égard, je cite le Shorter Oxford English Dictionary, (3e éd.), Cla- rendon Press, Oxford, 1973:
[TRADUCTION] Rémunérer ... 1. trans. Payer, rembourser ou défrayer de quelque façon (le prix des services, etc.). 2. Récompenser (une personne), payer (quelqu'un) pour les servi ces rendus ou le travail effectué ... Donc Rémunération, récompense, remboursement: paiement, paie.
Traitement ... 1. Paiement fixe fait périodiquement à une personne à titre d'indemnisation d'un travail régulier; de nos jours, utilisé habituellement pour les travaux non manuels ou non mécaniques (par opposition au salaire). 2. [anc.] Rémuné- ration pour services rendus; honoraires, émoluments ...
Salaire ... [1. anc.] 2. Paiement à une personne pour services rendus; de nos jours, utilisé surtout pour la somme versée périodiquement à un travailleur ou à un subalterne pour son travail ou ses services. [Les crochets ne figurent pas dans le texte original.]
Ces définitions laissent présumer qu'il s'agit de l'indemnisation de services rendus.
Dans l'affaire Ransom, précitée, le juge souligne également le lien semblable qui doit exister entre la prestation de services et le paiement de la somme avant que l'indemnisation puisse être consi- dérée comme un revenu tiré d'une charge ou d'un emploi. À l'époque de l'arrêt Ransom, le paragra- phe 5(1) était combiné aux alinéas 6(1)a) et b). Au sujet de l'ancien article 5 en entier, voici ce qu'a écrit le juge Noël aux pages 307 R.C.É.; 5242 DTC:
[TRADUCTION] Cependant, afin d'évaluer adéquatement l'es- prit de l'article 5, j'estime qu'il est nécessaire de se rappeler tout d'abord qu'il porte uniquement sur l'imposition du revenu qui n'existe qu'à cause d'un lien avec une certaine entité, savoir une charge ou un emploi, et que pour être imposables à titre de revenu tiré d'une charge ou d'un emploi, les sommes reçues par un employé ne doivent pas constituer uniquement un revenu, distinct du capital, mais elles doivent également provenir de sa charge ou de son emploi ... Deuxièmement, la question de savoir si un paiement est tiré d'une charge ou d'un emploi dépend du lien de causalité qui existe entre cette somme et la charge ou l'emploi; en d'autres termes, il faut déterminer si les services rendus dans le cadre de l'emploi sont réellement la cause du paiement.
Le paiement en cause ne faisait pas partie du traitement habituel du demandeur, ni n'en consti- tuait un rajustement. Il a reçu tout son salaire annuel; la somme en cause a été ajoutée au revenu habituel et n'est aucunement liée aux services rendus par le contribuable. La somme versée au demandeur visait à défrayer les coûts additionnels
d'une hypothèque plus élevée qu'il a assumer lors de sa réinstallation.
Ce paiement, offert aux employés mutés, ne découle pas du contrat d'emploi. Il faisait suite à une entente accessoire et spéciale, entre l'em- ployeur et l'employé, conclue juste avant la muta tion. Cette entente ne faisait pas partie des condi tions d'emploi, ni avant ni après la mutation; elle devait servir à compenser la perte en capital subie par les employés mutés et à éviter une éventuelle catastrophe en matière de relations du travail. Le paiement n'a jamais découlé du contrat d'emploi et n'est aucunement lié aux services rendus à l'em- ployeur par l'employé. Je ne vois pas comment cette indemnité pourrait, à première vue, consti- tuer une «autre rémunération» au sens du paragra- phe 5(1) de la Loi.
Rémunération réputée: Paragraphe 6(3)
Le paragraphe 6(3) de la Loi créé une présomp- tion selon laquelle une somme versée par un employeur à un employé:
6(3)a) pendant la période d'emploi; ou
6(3)b) en vertu d'une obligation découlant d'une entente intervenue entre l'em- ployeur et l'employé immédiatement avant, pendant ou après une telle période,
constitue une rémunération aux fins de l'article 5 de la Loi. À première vue, en l'absence de toute preuve contraire, il faudrait conclure que la somme en cause correspond au paragraphe 6(3) et consti- tue donc une «rémunération», au sens de l'article 5.
Pour réfuter cette présomption, à savoir que le paiement doit être traité comme une rémunération, le contribuable doit démontrer que cette somme ne peut pas raisonnablement être considérée comme l'une de trois choses:
6(3)c) contrepartie totale ou partielle de l'ac- ceptation de la charge ou de la conclu sion du contrat d'emploi;
6(3)d) rémunération totale ou partielle des services rendus comme cadre ou con- formément au contrat d'emploi;
6(3)e) à titre de contrepartie totale ou par- tielle d'un engagement prévoyant ce que le cadre ou l'employé doit faire, ou ne doit pas faire, avant ou après la cessation de l'emploi.
Même si les avocats n'ont pas traité de cette question dans leurs plaidoiries, je suis convaincu que le contribuable s'est déchargé du fardeau de la preuve et a renversé la présomption selon laquelle la somme reçue constituait une rémunération en vertu du paragraphe 6(3). Selon les faits de l'es- pèce, il est impossible de conclure ce qui suit:
—le paiement visait à inciter le demandeur «à accepter la charge ou à conclure le contrat d'emploi»;
—il s'agissait d'une rémunération totale ou par- tielle des services rendus;
—le paiement était lié à une contrepartie d'un engagement prévoyant ce que l'employé doit faire, ou ne doit pas faire, avant ou après la cessation de l'emploi.
La somme versée pour compenser une perte en capital subie lors d'une mutation involontaire, à l'emploi du même employeur, n'accordant aucun avantage économique à l'une ou l'autre des parties, n'est pas visée par le paragraphe 6(3).
Avantages reçus au titre, dans l'occupation ou en vertu de la charge ou de l'emploi: alinéa 6(1)a)
L'alinéa 6(1)a) prévoit que les autres avantages de quelque nature que ce soit que l'employé a reçus ou dont il a joui dans l'année, .au titre de l'occupation ou en vertu de la charge ou de l'em- ploi doivent être inclus dans le revenu de l'em- ployé. Les avantages résultant des contributions de son employeur à une caisse ou régime enregistré de pension, à un régime d'assurance collective contre la maladie ou les accidents, à un régime de service de santé privé, à un régime de prestations supplé- mentaires de chômage, à un régime de participa tion différée aux bénéfices ou à une police collec tive d'assurance temporaire sur la vie, en vertu d'un régime de prestations aux employés ou d'une fiducie d'employés, ou des avantages relatifs à l'usage d'une automobile sauf dans la mesure ils étaient liés au fonctionnement de celle-ci, ne sont pas imposables.
Selon mon interprétation de l'alinéa 6(1)a), je conclus que je dois déterminer si le paiement reçu par le contribuable constituait véritablement un avantage et s'il a été reçu «au titre, dans l'occupa- tion ou en vertu de la charge ou de l'emploi».
Comme je l'ai déjà affirmé, je suis convaincu que le paiement versé au contribuable ne découlait pas de sa charge ou de son emploi; il avait essen- tiellement pour but d'éviter un conflit de travail et était destiné au demandeur en tant que simple particulier plutôt qu'employé.
La Division de première instance de la Cour fédérale a énoncé des critères pour déterminer si un paiement constitue un avantage tiré d'un emploi, dans l'arrêt La succession Phaneuf c. R., [1978] 2 C.F. 564; 78 DTC 6001. Voici ce que le juge Thurlow, alors juge en chef adjoint, a affirmé aux pages 572 C.F.; 6005 DTC:
Malgré la différence de libellé des lois, le critère formulé par le vicomte Cave, lord Chancelier (supra) exprime, de la meil- leure façon possible, l'essentiel des dispositions fiscales de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le paiement a-t-il été fait «à titre de rémunération pour ses services» ou «sur une base personnelle et non comme rétribution de ses services»? On peut faire un versement à un employé, mais celui-ci le reçoit-il à titre d'em- ployé ou comme simple particulier? On peut aussi se demander s'il l'a reçu en sa qualité d'employé, mais le critère est le même. Il ne le reçoit en sa qualité d'employé que lorsqu'il s'agit de rémunération pour des services rendus. Tel est bien, à mon avis, le sens des expressions «au titre, dans l'occupation ou en vertu de la charge ou de l'emploi» utilisées dans l'alinéa 6(1)a).
Dans l'arrêt Savage, précité, la Cour suprême du Canada a accepté ce critère, mais non sans réserve. Elle a rejeté l'affirmation selon laquelle, pour qu'une personne reçoive un paiement à titre d'employé, le paiement doit être considéré comme une rémunération versée pour services rendus; elle a cité le passage suivant de R. v. Poynton, [ 1972] 3 O.R. 727; 72 DTC 6329 (C.A.) qui semble faire autorité pour ce qui est du sens de l'expression [TRADUCTION] «conférant un avantage économi- que». Voici ce qu'a affirmé le juge d'appel Evans, au nom de la Cour, aux pages 6335 et 6336 DTC; 738 O.R.:
[TRADUCTION] À mon avis, il n'y a pas de différence entre l'argent et l'équivalent en argent, lors du calcul du revenu. Ce sont tous deux des avantages au sens des art. 3 et 5 [maintenant 6] de la Loi, c'est-à-dire des avantages que l'intimé a reçus ou
dont il a joui au titre, dans l'occupation ou en vertu de sa charge ou de son emploi. Je ne crois pas que ces dispositions soient restreintes aux avantages liés à la charge ou à l'emploi, en ce sens qu'ils représentent une forme de rémunération pour services rendus. S'il s'agit d'une acquisition matérielle qui confère un avantage économique au contribuable et ne consti- tue pas une exception, comme un prêt ou un cadeau, elle est alors visée par la définition générale de l'art. 3 [la définition de «revenu»]. [Non souligné dans le texte original auquel j'ai ajouté des crochets.]
Dans l'affaire Savage, précitée, la Cour a distin- gué l'espèce de l'arrêt Phaneuf, précité, et affirmé ce qui suit aux pages 441 et 442 R.C.S.; 5414 DTC:
Il est difficile de conclure que les paiements effectués par Excelsior à M"'» Savage ne se rapportaient pas ou n'étaient pas liés à son emploi. Comme l'a dit le juge Grant, les employés suivaient les cours pour améliorer leurs connaissances et leur rendement et pour avoir plus de chances d'avancement.
Comme le fait valoir le substitut du procureur général, la somme de 300 $ que Mn' Savage a reçue de son employeur constitue un avantage qu'elle a reçu ou dont elle a joui au titre, dans l'occupation ou en vertu de son emploi au sens de l'al. 6(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu; ce montant lui a été versé par son employeur, conformément à une politique de la compagnie, après qu'elle eut terminé avec succès des cours [TRADUCTION] «conçus pour donner une vue d'ensemble de l'assurance-vie moderne et du fonctionnement d'une compagnie d'assurance-vie» et [TRADUCTION] «pour encourager les mem- bres du personnel à se perfectionner»; l'intérêt de l'employeur [TRADUCTION] «était que les cours en feraient une employée plus précieuse»; M'"` Savage a suivi ces cours pour [TRADUC- TION] «améliorer ses connaissances et son rendement et pour avoir plus de chances d'avancement». La présente espèce est différente de la décision Phaneuf en ce sens qu'il n'est pas question ici d'un cadeau, d'un don personnel ou de considéra- tions qui n'ont rien à voir avec l'emploi de M'"» Savage.
Selon moi, M'' Savage a reçu les paiements au titre de son emploi. Cela, en soi, en fait un revenu au sens de l'art. 3 de la Loi.
Il me semble clair que d'après les faits perti- nents dans Savage, il n'y avait aucun élément de cadeau, de don personnel ou de considérations non liés à l'emploi de la contribuable. La Cour était convaincue que la somme de 300 $ remise à l'em- ployée qui a réussi aux cours recommandés par la société «conformément à une politique de la com- pagnie ... conçus pour donner une vue d'ensemble de l'assurance-vie moderne ... pour encourager les membres du personnel à se perfectionner ... en [faire] une employée plus précieuse ... [avec un meilleur] rendement et pour avoir plus de chances d'avancement». Cela signifie clairement que, même s'il est inévitable que l'emploi et le paiement soient liés, pour être exempte d'impôt, l'indemnité
doit viser un but tout à fait étranger à l'emploi et ne doit pas constituer un avantage, ni pour l'em- ployeur ni pour l'employé, en ce qui a trait à l'emploi. En l'espèce, la somme a été versée au contribuable à titre de simple particulier. L'em- ployé n'a pas eu le choix et a accepter la mutation. Celle-ci était motivée par des raisons politiques et faisait suite à un conflit de travail. La mutation à Ottawa était involontaire et n'a sûre- ment pas amélioré la sécurité aérienne à l'aéroport international d'Ottawa. Le paiement de cette somme n'est pas lié à une politique de la société et ne vise pas à offrir de meilleurès connaissances en matière de contrôle de la circulation aérienne ou du fonctionnement de la société, à favoriser le perfectionnement de l'employé, à faire du contri- buable un meilleur employé ou à favoriser son avancement.
Dans l'affaire Roy, J.L. v. M.N.R. (1979),' 80 DTC 1005 (C.R.I.), l'employeur avait créé un «programme de surplus» en vertu duquel il payait une somme considérable au contribuable, pendant un certain nombre d'années suivant son licencie- ment obligatoire. Les paiements étaient calculés en fonction des états de service, de l'échelle de salaire, de l'âge, du nombre d'années qui restaient avant la retraite, de l'assurance, etc. Voici ce qu'a affirmé la Commission de révision de l'impôt, à la page 1007:
La formule relative au fonds destiné à l'excédent de main- d'oeuvre a été soigneusement élaborée par la compagnie dont le motif était d'empêcher un employé congédié de la poursuivre ou de faire des menaces dans ce sens. Les paiements faits à l'appelant en vertu de ce fonds n'étaient pas des avantages tirés de son contrat d'emploi, mais plutôt la conséquence d'une entente intervenue après la fin du contrat d'emploi.
De même, en l'espèce, les sommes versées aux contrôleurs aériens mutés ne découlaient pas du contrat d'emploi mais plutôt d'une entente dis- tincte, conclue avant la date d'entrée en vigueur des mutations, par opposition à la période suivant la fin de l'emploi dans l'affaire Roy, précitée. Mais ce qui est encore plus important, c'est que le paiement de l'indemnité en cause était principale- ment motivé par des questions tout à fait étrangè- res à l'emploi, c'est-à-dire des questions de rela tions publiques et de relations du travail. D'ailleurs, on en trouve la preuve dans le fait que les employés mutés devaient éviter tout contact avec les médias et ne pas résider au Québec pen-
dant cinq ans, à défaut de quoi ils devaient rem- bourser la somme versée.
Pour les raisons susmentionnées, j'estime que la Couronne n'a pas démontré que le paiement reçu par le contribuable en l'espèce a été versé «au titre, dans l'occupation ou en vertu de la charge ou de l'emploi», comme le prévoit l'alinéa 6(1)a) de la Loi.
Par suite de cette conclusion, il n'est peut-être pas nécessaire que je détermine si le paiement en question constitue un avantage. Néanmoins, il me semble opportun d'examiner de plus près le sens de l'expression «avantages de quelque nature que ce soit», au sens de l'alinéa 6(1)a) de la Loi.
Je pense qu'il est clair que l'alinéa 6(1)a) visait à inclure dans le revenu imposable d'un contribua- ble les avantages économiques tirés de son emploi qui augmentent la valeur du traitement du contri- buable. Je suis convaincu que si quelqu'un a tiré profit des circonstances de l'espèce, ce n'était cer- tainement pas le contribuable. Je ne peux compa- rer cette indemnité à la valeur de la pension et du logement mentionnée à l'alinéa 6(1)a).
J'estime que l'alinéa 6(1)a) vise à fournir une façon d'imposer tous les contribuables qui reçoi- vent des avantages accessoires en plus de leur traitement. Les employeurs peuvent offrir toute une variété d'avantages, qu'il s'agisse de presta- tions de retraite et de décès, de généreux comptes de frais ou autres avantages, comme l'utilisation des installations d'un club, d'une automobile, d'un bateau ou d'autres biens de la société. Il est tout à fait normal que ces éléments soient inclus dans le revenu et imposés. Ceux qui reçoivent de plus grands avantages économiques devraient payer de l'impôt en conséquence. Il est impensable que l'employé qui reçoit toute sa rémunération sous forme de traitement et de salaire et celui qui reçoit la même somme, mais en partie sous forme d'avan- tages et d'indemnités, ne soient pas traités de la même façon aux fins de l'impôt.
J'estime que cette interprétation de l'alinéa 6(1)a) est correcte, compte tenu des décisions récentes de la Cour suprême du Canada, dans les affaires Stubart [Stubart Investments Ltd. c. La
Reine, [1984] 1 R.C.S. 536], précitée, etc., et de l'arrêt Lor-Wes Contracting Ltd. c. La Reine, [1986] 1 C.F. 346; [1985] 2 CTC 79 (C.A.) le juge MacGuigan a affirmé ce qui suit aux pages 352 C.F.; 83 CTC:
Le seul principe d'interprétation reconnu aujourd'hui consiste à examiner les termes dans leur contexte global en vue de décou- vrir l'objet et l'esprit des dispositions fiscales.
Par conséquent, l'alinéa 6(1)a) ne vise pas à rendre le revenu d'un employé imposable à l'égard d'une somme reçue à titre de remboursement lors- que celle-ci ne correspond à aucune des exceptions de l'alinéa 6(1)b). Même si la Couronne s'est fondée en grande partie sur la décision rendue dans l'affaire Ransom, précitée, pour prétendre que si l'emploi a donné lieu à un paiement, celui-ci constitue nécessairement un revenu à moins qu'il ne s'agisse d'une exception, l'avocat a omis de souligner la véritable interprétation qu'a faite le juge Noël à l'égard des paiements effectués dans ces circonstances, aux pages 310 et 311 R.C.É.; 5244 DTC:
[TRADUCTION] Une allocation n'est pas du tout la même chose qu'un remboursement. Comme je l'ai déjà dit, il s'agit d'un montant arbitraire habituellement versé au lieu d'un remboursement. Il est versé à l'employé qui n'est pas tenu d'en rendre compte. C'est pourquoi il est possible de s'en servir pour augmenter la rémunération de façon détournée et j'imagine que c'est la raison pour laquelle les «allocations» sont imposables comme si elles constituaient une rémunération.
Il est clair que le remboursement à un employé, par un employeur, des dépenses ou pertes imputables à son emploi (qui n'a rien mis dans ses poches mais n'a fait que sauver ses poches, selon lord MacNaughton dans Tenant v. Smith ([1982] A.C. 150) n'est pas une rémunération en tant que telle ni un avantage «de quelque nature que ce soit»; il n'est donc pas visé par les premiers mots de l'article 5(1), ni par l'alinéa a). Il est également évident qu'il ne s'agit pas d'une allocation au sens de l'alinéa b) pour des raisons déjà données.
L'avocat de la Couronne a ajouté que le contri- buable n'était pas tenu de rendre compte du paie- ment reçu et qu'il n'était pas obligé d'acheter une maison dans la région d'Ottawa. C'est ce qui semble avoir convaincu la Cour canadienne de l'impôt qui a ainsi conclu la page 1195 DTC]:
[TRADUCTION] Il avait le choix d'acquérir une maison et il a touché l'argent sans même avoir à prouver une perte. La formule avait été établie, et c'est elle qui a été appliquée. Si l'appelant avait jugé bon de louer un appartement ou de vivre chez des amis ou des parents, il aurait quand même reçu le même montant.
À mon avis, ce raisonnement n'est pas pertinent. Tout d'abord, la décision de la Cour canadienne de l'impôt n'est pas fondée sur les faits, à savoir que le contribuable a bel et bien acheté une maison. Ensuite, le contribuable était forcé d'accepter la mutation afin de conserver son emploi. Dans ces circonstances, je pense qu'il avait non seulement le choix mais bien le droit d'acheter une maison dans la région d'Ottawa et d'essayer de refaire sa vie comme à Montréal. D'après la preuve soumise à l'audience, il est clair que le demandeur «n'a rien mis dans ses poches mais n'a fait que sauver ses poches».
Rappelons que l'indemnité de déménagement des contrôleurs aériens pour raisons linguistiques était versée en deux volets. Tout au long de mes motifs, je n'ai traité que de l'indemnité de loge- ment qui, en vertu de ce qui précède, ne doit pas être incluse dans le calcul du revenu imposable du demandeur, que ce soit à titre d'«autre rémunéra- tion», de «rémunération réputée», d'«autre avantage de quelque nature que ce soit» ou d'«allocation pour toute autre fin», selon les textes respectifs des paragraphes 5(1) et 6(3) et des alinéas 6(1)a) et b) de la Loi. Quant au second volet de l'indemnité, c'est-à-dire l'indemnité de changement de milieu, puisque le demandeur n'a soumis aucune preuve portant qu'il avait véritablement subi des pertes imputables à sa réinstallation, égales à la somme touchée de 2 155,41 $, je dois conclure qu'il a reçu un avantage, au sens de l'alinéa 6(1)a) de la Loi. Cette somme ne constitue pas une rémunération en vertu du paragraphe 5(1), une rémunération répu- tée aux fins du paragraphe 6(3) ou une allocation prévue à l'alinéa 6(1)b), pour les mêmes raisons que dans le cas de l'indemnité de logement.
J'accueille donc le présent appel et déclare que l'indemnité de logement, de 15 571 $, versée au demandeur par Sa Majesté la Reine du chef du Canada n'est pas imposable; cependant, l'indem- nité de changement de milieu, de 2 155,41 $, doit être incluse dans le calcul du revenu du contribua- ble pour l'année 1976. Les dépens sont adjugés au demandeur.
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