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A-362-85
Chi Cheung Hui (appelant) c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration et Secré- taire d'État aux Affaires extérieures (intimés)
RÉPERTORIÉ: HUI C. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION) (C.A.F.)
Cour d'appel, juge en chef Thurlow, juges Stone et MacGuigan—Toronto, 4 février; Ottawa, 3 mars 1986.
Immigration Appel d'une décision de la Division de première instance ayant rejeté des demandes en certiorari et mandamus Demande de résidence permanente en qualité d'entrepreneur rejetée Politique ministérielle selon laquelle seuls les requérants témoignant «d'antécédents en affaire» sont admissibles en qualité d'entrepreneur Appel accueilli L'agent des visas a outrepassé sa compétence en tenant compte d'un facteur que n'autorise pas la Loi ou le Règlement Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 8(1), 9(2),(4) Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78- 172, art. 2(1) (mod. par DORS/83-837, art. 1), 8(1)c) (mod. par DORS/79-851, art. 2), 9(1)b) (mod. par DORS/79-851, art. 3; 83-675, art. 3), 11(3) (mod. par DORS/81-461, art. 1).
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Certiorari Appel du refus de la Division de première instance d'accorder des brefs de certiorari et mandamus La décision de rejeter la demande de résidence permanente en qualité d'entrepreneur a été prise à une étape préliminaire à la lumière d'une politi- que ministérielle Des facteurs dont il aurait fallu par ailleurs tenir compte n'ont pas été examinés L'agent des visas a outrepassé sa compétence en tenant compte d'un fac- teur extérieur que n'autorisait pas la Loi ou le Règlement Appel accueilli Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10, art. 18.
Il s'agit en l'espèce d'un appel d'une décision de la Division de première instance ayant rejeté une demande en certiorari et mandamus. La demande présentée par l'appelant en vue d'ob- tenir la résidence permanente au Canada en qualité «d'entre- preneur» a été rejetée. Pour rejeter la demande, on a invoqué le fait que l'appelant avait toujours été un employé, qu'il n'avait jamais possédé ni exploité sa propre entreprise, et que le Ministre avait déclaré que «seuls les requérants ayant démontré qu'ils possédaient des antécédents en affaire peuvent être choi- sis pour faire partie de cette catégorie». L'appelant soutient que l'agent des visas a outrepassé sa compétence en tenant compte d'un élément que ni la Loi ni le Règlement ne l'autorisait à prendre en considération.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
Le passage concernant la politique ministérielle requérant des «antécédents en affaire» que renferme la lettre qu'on a fait parvenir à l'appelant pour l'informer que sa demande était rejetée faisait effectivement partie de la décision. La définition du mot «entrepreneur» dans le Règlement n'exige pas des
antécédents en affaire. Ce qu'on exige, c'est qu'il «soit en mesure d'établir» une entreprise et de participer régulièrement à sa gestion. Le libellé de la définition n'exclut pas les requé- rants qui ne possèdent pas de tels antécédents.
La décision a été prise à une étape préliminaire du processus d'appréciation, à l'étape «du tamisage des dossiers». Des fac- teurs qui devaient par ailleurs être pris en considération n'ont pas été examinés. La décision a eu le même effet, c'est-à-dire que l'appelant ne pouvait s'établir au Canada. L'agent des visas a outrepassé la compétence que lui confère la Loi en prenant en considération une politique ministérielle, une exigence que n'autorise pas le libellé de la définition du mot «entrepreneur». Suivant l'arrêt Baldwin & Francis Ltd. v. Patents Appeal Tribunal, [1959] A.C. 663 (H.L.), si un tribunal fonde sa décision sur des considérations extérieures dont il n'aurait pas tenir compte, sa décision peut être annulée et un bref de mandamus peut être délivré. Comme l'agent des visas n'a pas décidé de manière appropriée, conformément à la Loi et au Règlement, si l'appelant était un «entrepreneur», sa décision ne peut être maintenue. Elle devrait être annulée et la demande de résidence permanente de l'appelant devrait être réexaminée à la lumière de la Loi et du Règlement en tenant pour acquis que des antécédents en affaire ne constituent pas une exigence légale pour pouvoir qualifier l'appelant d'entrepreneur.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Anisminic Ltd. v. Foreign Compensation Commission, [1969] 2 A.C. 147 (H.L.); Baldwin & Francis Ltd. v. Patents Appeal Tribunal, [1959] A.C. 663 (H.L.).
DÉCISION CITÉE:
Metropolitan Life Insurance Company c. International Union of Operating Engineers, Local 796, [1970] R.C.S. 425.
AVOCATS:
Cecil L. Rotenberg, c.r., pour l'appelant. Carolyn Kobernick pour les intimés.
PROCUREURS:
Cecil L. Rotenberg, c.r., Don Mills (Ontario), pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE STONE: Le présent appel vise une décision rendue conformément à la Loi sur l'im- migration de 1976 [S.C. 1976-77, chap. 52] et à son règlement d'application. Cette décision a rejeté la demande de résidence permanente au Canada
de l'appelant en qualité d'«entrepreneur». Le 7 mars 1985, l'appelant a présenté à la Division de première instance une demande fondée sur l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2° Supp.), chap. 10] en vue d'obtenir un bref de certiorari annulant cette décision de même qu'un bref de mandamus. Dans une ordonnance rendue le 28 mars 1985 [Hui c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, ordonnance en date du 28 mars 1985, Division de première instance de la Cour fédérale, T-461-85, encore inédite], la Division de première instance a rejeté cette demande. C'est cette ordonnance qui fait l'objet du présent appel.
L'appelant, qui est résident de Hong Kong il est en 1951, a présenté sa demande de résidence permanente au Canada au bureau du Commissa riat du Canada à Hong Kong au mois de décembre 1984. Précédemment, il avait visité la ville de Regina en compagnie de son épouse. Dans une lettre jointe à la demande de résidence perma- nente, leur procureur décrivait leurs activités durant cette visite ainsi que leur projet de se lancer en affaires à Regina:
[TRADUCTION] La présente demande fait suite à la visite de M. et de Mme Hui dans la ville de Regina en Saskatchewan ils ont pris contact avec le bureau local du Saskatchewan Econo mic Development & Trade ainsi qu'avec diverses autres person- nes et ils se sont livrés à des enquêtes passablement appro- fondies relativement à leur projet commercial.
M. et Mme Hui projettent de faire l'acquisition d'un commerce de beignes déjà existant, qui consiste en un point de vente au détail et une usine de production vendant en gros à divers clients dont des supermarchés et des bazars. Vous trouverez ci-joint un aperçu de leur projet commercial de même qu'une copie du contrat de souscription d'actions, une copie du bail, une lettre de l'Association chinoise de Regina endossant leur projet et d'autres documents pertinents qui vous aideront à apprécier cette demande.
Vous noterez qu'il n'existe qu'une boutique de pâtisseries chi- noises dans la province de la Saskatchewan et qu'elle se trouve à Saskatoon. M. et Mme Hui entendent tirer profit de cette lacune au plan de l'offre et utiliser les installations de prépara- tion de beignes déjà en place afin de pénétrer immédiatement le marché.
Au cours de leur visite à Regina, ils ont examiné attentivement les diverses perspectives commerciales pouvant s'offrir à eux. Ils ont étudié plusieurs projets et ont eu des discussions avec des gens de l'endroit, notamment avec diverses connaissances ayant déjà immigré à Regina, avec des gens du ministère provincial et avec leurs avocats.
La demande de résidence permanente au Canada a été traitée par un agent des visas attaché au Commissariat du Canada à Hong Kong. Cette demande était assujettie à diverses dispositions de
la Loi et du Règlement. Le mot «entrepreneur» est défini au paragraphe 2(1) du Règlement [Règle- ment sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (mod. par DORS/83-837, art. 1)] qui, à l'époque pertinente, était ainsi rédigé:
2. (1) ...
«entrepreneur» désigne un immigrant
a) qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent, à part l'entrepre- neur et les personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi, et
b) qui a l'intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce;
En outre, les alinéas 8(1)c) (mod. par DORS/79- 851, art. 2) et 9(1)b) (mod. par DORS/79-851, art. 3; 83-675, art. 3) ainsi que le paragraphe 11(3) (mod. par DORS/81-461, art. 1) du Règle- ment s'appliquent à une demande visant la catégo- rie «entrepreneur». A l'époque pertinente, ces dis positions étaient ainsi rédigées:
8. (1) Afin de déterminer si un immigrant et les personnes à sa charge, autres qu'une personne appartenant à la catégorie de la famille ou qu'un réfugié au sens de la Convention cherchant à se réétablir, seront en mesure de s'établir avec succès au Canada, un agent des visas doit apprécier cet immigrant ou, au choix de ce dernier, son conjoint,
e) dans le cas d'un entrepreneur ou d'un candidat d'une province, suivant chacun des facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I, sauf les facteurs visés aux articles 4 et 5 de cette annexe;
9. (1) Lorsqu'un immigrant, autre qu'une personne apparte- nant à la catégorie de la famille, qu'un parent aidé ou qu'un réfugié au sens de la Convention cherchant à se réétablir, présente une demande de visa, l'agent des visas peut, sous réserve de l'article 11, lui délivrer un visa d'immigrant ainsi qu'aux personnes à sa charge qui l'accompagnent, si
b) suivant son appréciation selon l'article 8,
(i) dans le cas d'un immigrant, autre qu'un retraité ou un entrepreneur, il obtient au moins cinquante points d'appré- ciation, ou
(ii) dans le cas d'un entrepreneur ou d'un candidat d'une province, il obtient au moins vingt-cinq points d'apprécia- tion.
11. ...
(3) L'agent des visas peut
a) délivrer un visa d'immigrant à un immigrant qui n'obtient pas le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10 ou qui ne satisfait pas aux exigences des paragraphes
(1) ou (2), ou
b) refuser un visa d'immigrant à un immigrant qui obtient le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10,
s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de s'établir avec succès au Canada et que ces raisons ont été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont reçu l'approbation de ce dernier.
Les facteurs auxquels fait référence l'alinéa 8(1)c) sont les études, la préparation professionnelle spé- cifique, l'expérience, l'endroit, l'âge, la connais- sance de l'anglais et du français, la personnalité et les parents.
L'admission au Canada est régie par la Partie II de la Loi qui prévoit ce qui suit au paragraphe 8(1) relativement au fardeau de la preuve:
8. (1) Il appartient à la personne désireuse d'entrer au Canada de prouver qu'elle a le droit d'y entrer ou que son admission ne contreviendrait ni à la présente loi ni aux règlements.
Les paragraphes 9(2) et (4) de la Loi, qui sont également pertinents en ce qui a trait à la demande de résidence permanente, portent: 9....
(2) Toute personne qui fait une demande de visa doit être examinée par un agent des visas qui détermine si elle semble être une personne qui peut obtenir le droit d'établissement ou l'autorisation de séjour.
(4) L'agent des visas, qui constate que l'établissement ou le séjour au Canada d'une personne visée au paragraphe (1) ne contreviendrait ni à la présente loi ni aux règlements, peut lui délivrer un visa attestant qu'à son avis, le titulaire est un immigrant ou un visiteur qui satisfait aux exigences de la présente loi et des règlements.
Dans la documentation jointe à sa demande de résidence permanente, l'appelant énonce ce qu'il décrit comme étant ses [TRADUCTION] «lettres de créance en matière d'esprit d'entreprise», notam- ment son dossier en matière d'emploi. De 1969 à 1973, il a servi dans les forces armées à Hong Kong. Entre 1973 et 1984, il a travaillé comme chauffeur et vendeur pour une brasserie de Hong Kong il supervisait le travail de quatre employés et, de 1982à 1984, il a travaillé pendant
la nuit comme apprenti-pâtissier dans une pâtisse- rie de Hong Kong.
Dans une lettre datée du 18 janvier 1985, le Commissariat du Canada a informé l'appelant de la décision qui avait été prise à l'égard de sa demande. Cette lettre se lit en partie comme suit:
[TRADUCTION] Tous les aspects de votre demande et de vos projets d'entreprise ont été examinés attentivement. Cette éva- luation nous a conduits à la conclusion que votre demande pour faire partie de la catégorie entrepreneur ne pouvait être accueillie.
Vos antécédents et votre dossier en matière d'emploi ont fait l'objet d'une évaluation; vous ne répondez malheureusement pas aux critères de sélection qui définissent l'entrepreneur pour fins d'immigration. Cette conclusion se fonde en partie sur le fait que vous avez toujours été un employé et que vous n'avez jamais possédé, mis sur pied ou exploité votre propre entreprise. Le Ministre responsable de l'immigration a établi que seuls les requérants ayant démontré qu'ils possédaient des antécédents en affaires peuvent être choisis pour faire partie de cette catégorie.
On s'est appuyé sur un certain nombre de motifs pour contester la décision de la Division de pre- mière instance. Cependant, étant donné le point de vue que j'adopte à l'égard de cette affaire, il me suffira d'en examiner un seul. L'appelant soutient que l'agent des visas a outrepassé sa compétence lorsqu'il a rendu sa décision en prenant en considé- ration un élément que ni la Loi ni le Règlement ne l'autorisaient à examiner. Cet élément, de dire l'appelant, ressort de la phrase suivante tirée de la lettre du 18 janvier 1985:
[TRADUCTION] Le Ministre responsable de l'immigration a établi que seuls les requérants ayant démontré qu'ils possé- daient des antécédents en affaires peuvent être choisis pour faire partie de cette catégorie.
L'intimé cherche à contrer cet argument en prétendant que cette assertion ne faisait pas réelle- ment partie de la décision comme telle, mais cons- tituait tout au plus une observation formulée après coup. Il m'est impossible d'interpréter la lettre de cette manière. La phrase en question figure dans un paragraphe portant sur l'appréciation des «anté- cédents et [du] dossier en matière d'emploi» de l'appelant. Il est évident, à la lecture de ce para- graphe, qu'au moins deux facteurs ont été pris en considération, savoir le fait que l'appelant n'avait «jamais possédé, mis sur pied ou exploité» sa propre entreprise et, deuxièmement, le fait que la politique du Ministre en matière d'admissibilité exigeait «des antécédents en affaires».
L'appelant s'appuie sur la définition du mot «entrepreneur» pour prétendre que l'agent des visas n'aurait tenir aucun compte de la politique ministérielle dans une affaire de ce genre. Il souli- gne que la définition n'exige pas «des antécédents en affaires». Ce que l'on exige de l'appelant c'est qu'il ait l'intention et qu'il soit «en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante» pour les fins qui y sont précisées et de «participer activement et régulièrement à la gestion» de cette entreprise ou de ce commerce (c'est moi qui souli- gne). Avec déférence, je suis d'accord avec l'appe- lant. Le fait d'introduire dans la définition cette notion «des antécédents en affaires» ferait en sorte que certaines personnes revendiquant le statut de résidents permanents en vertu de cette catégorie ne pourraient jamais satisfaire à l'exigence voulant qu'elles soient «en mesure» de poser les gestes précisés. Suivant l'interprétation que j'en donne, le libellé de la définition n'exclut pas les requérants qui ne possèdent pas de tels antécédents, mais il exige simplement d'eux qu'ils soient «en mesure» de poser les gestes requis. S'il en était autrement, aucun requérant ne pourrait satisfaire à cette exi- gence sans au préalable établir qu'il a «des antécé- dents en affaires». Manifestement, cette intention ne ressort pas du langage utilisé.
Il reste à déterminer si, dans ces circonstances, il y a ouverture aux brefs de certiorari et de manda- mus. Il semble que la décision ait été rendue à une étape préliminaire du processus d'appréciation, à l'étape [TRADUCTION] «du tamisage des dossiers». Comme on l'a expliqué, le fait pour l'appelant d'avoir été [TRADUCTION] «écarté» à cette étape signifie qu'on a jugé qu'il n'entrait pas dans la définition d'«entrepreneur». En conséquence, on ne s'est pas penché sur des facteurs qui doivent par ailleurs être pris en considération lorsqu'on statue sur une demande portant sur la catégorie des entrepreneurs. Bien que la décision ait été prise à cette étape préliminaire, son résultat a néanmoins été le même: l'appelant ne pouvait pas s'établir au Canada. En prenant cette décision, l'agent des visas était tenu d'appliquer les exigences posées par la définition. Il n'avait pas le droit d'introduire dans cette définition une exigence que ne justifiait pas son libellé. C'est pourtant ce qu'il a fait en tenant compte de la politique ministérielle et ce faisant, il a, à mon avis, outrepassé la compétence qu'il possède en vertu de la Loi.
Comme l'a déclaré lord Reid dans l'arrêt Anis- minic Ltd. v. Foreign Compensation Commission, [1969] 2 A.C. 147 (H.L.), à la page 171, la personne qui exerce un pouvoir décisionnel conféré par la loi outrepasse sa compétence lorsque, notamment, sa décision repose sur quelque facteur dont il [TRADUCTION] «n'a aucunement droit de tenir compte» en vertu des dispositions législatives pertinentes (voir également Metropolitan Life Insurance Company c. International Union of Operating Engineers, Local 796, [1970] R.C.S 425). C'est sûrement ce qui s'est produit en l'es- pèce. Lord Denning avait exprimé la même opi nion dix années auparavant dans l'arrêt Baldwin & Francis Ltd. v. Patents Appeal Tribunal, [1959] A.C. 663 (H.L.), il a déclaré en son nom (aux pages 693 et 694):
[TRADUCTION] Les recueils de jurisprudence renferment bon nombre d'arrêts qui établissent que si un tribunal fonde sa décision sur des considérations extérieures dont il n'aurait pas tenir compte ... sa décision peut être annulée par voie de certiorari et un bref de mandamus peut être délivré afin de le contraindre à entendre l'affaire à nouveau. Les arrêts en matière de mandamus sont suffisament clairs: en outre, si un bref de mandamus est adressé à un tribunal pour une telle cause, un bref de certiorari ne pourra que suivre également: car lorsqu'un mandamus est adressé à un tribunal, ce dernier doit instruire l'affaire à nouveau et rendre une décision, et il ne peut vraiment le faire si son ordonnance originale est maintenue.
Selon moi, ce principe s'applique tout autant au présent cas l'agent des visas devait statuer sur l'affaire en se conformant à la loi et non en introduisant dans la définition du mot «entrepre- neur» un élément extérieur que ne justifiait pas le libellé de cette définition. Il est inutile de souligner que la Loi et son Règlement ont force de loi alors que ce n'est pas le cas des déclarations ou directi ves du Ministre.
À supposer que l'appelant pouvait être «écarté» à cette étape préliminaire, il ne pouvait l'être avant que l'agent des visas ait décidé de manière appro- priée, conformément à la Loi et au Règlement, si l'appelant était un «entrepreneur» suivant la défini- tion. L'agent ne l'a pas fait et, pour cette raison, sa décision ne peut être maintenue. Étant de cet avis, je ne puis souscrire aux motifs énoncés par la Division de première instance pour rejeter la demande fondée sur l'article 18. À la page 6 du texte français de ses motifs de jugement, le savant juge de première instance a déclaré:
Il est évident qu'il n'appartient pas à cette Cour d'étudier une demande de statut d'entrepreneur avec les yeux d'un agent des
visas, d'additionner les points ou les unités d'appréciation et de décider si un visa doit ou ne doit pas être accordé au requérant. Il n'appartient pas non plus à cette Cour de se substituer à l'agent des visas et de juger si une entrevue personnelle doit ou ne doit pas être accordée au requérant. Il s'agit d'une décision purement administrative laissée à la discrétion de l'agent.
En l'espèce, la lettre de la Commission indique clairement que la demande a été examinée attentivement et a été jugée non conforme aux critères de sélection des entrepreneurs définis par la Loi et le Règlement sur l'immigration. Le commentaire qui, dans la lettre de la Commission, est fait sur le «dossier» se rapporte au facteur expérience; selon moi, il n'invalide pas la décision des intimés.
Avec déférence, dans les circonstances du présent cas, l'agent des visas a outrepassé le mandat que lui confie la Loi en tenant compte de l'absence «d'antécédents en affaires» lorsqu'il s'est prononcé sur l'affaire.
J'accueillerais donc l'appel avec dépens tant en appel qu'en première instance et j'ordonnerais que la décision rendue par les intimés ou par l'un ou plusieurs de leurs fonctionnaires, divulguée dans la lettre expédiée par le courrier le 18 janvier 1985, soit annulée et que les intimés et leurs fonctionnai- res examinent et traitent la demande de résidence permanente au Canada de l'appelant conformé- ment à la Loi sur l'immigration de 1976 et à son règlement d'application et ce, en tenant pour acquis que des antécédents en affaires ne consti tuent pas une exigence légale pour que l'appelant ait qualité d'entrepreneur au sens dudit Règlement et que l'absence de tels antécédents ne peut être considérée comme privant l'appelant de cette qualité.
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Je souscris aux présents motifs.
LE JUGE MACGUIGAN: Je souscris aux présents motifs.
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