Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A-913-85
Oceanspan Carriers Limited (appelante)
c.
La Reine (intimée)
RÉPERTORIÉ: OCEANSPAN CARRIERS LTD. C. CANADA
Cour d'appel, juges Urie, Hugessen et MacGui- gan—Vancouver, 13 janvier; Ottawa, 11 février 1987.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Déductions Déductibilité des pertes autres qu'en capital subies par une corporation avant qu'elle ne devienne résidente et alors qu'elle n'exploitait pas une entreprise au Canada Les pertes autres qu'en capital du premier exercice financier doivent-elles être réparties en fonction du nombre de jours de résidence au cours de cette période? Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970- 71-72, chap. 63, art. 2, 3a),b),c),d), 9, 111(1)a),(8)b), 114, 115(1)c), 248(1), 249(1).
Le 15 juin 1976, l'appelante, jusque-là une corporation non résidante pour les fins de la Loi, est devenue une résidente du Canada. Elle a adopté un exercice financier prenant fin le 31 décembre. En faisant ses déclarations pour les années d'imposi-
tion 1977 1979, elle a reporté ses pertes autres qu'en capital pour 1976, et reporté et imputé ses pertes accumulées autres qu'en capital des exercices financiers 1972 1975. Ces derniè- res avaient été subies alors que l'appelante était encore une non-résidente et n'exploitait aucune entreprise au Canada.
Le ministre a refusé dans leur totalité les affectations des pertes autres qu'en capital subies avant 1976. Il a également refusé une partie de la perte subie en 1976 en répartissant la perte totale en fonction du nombre de jours de résidence au Canada au cours de l'exercice financier 1976. Le juge de première instance a rejeté l'appel formé à l'encontre de cette décision.
Arrêt: l'appel devrait être rejeté en ce qui regarde les pertes antérieures à 1976 mais accueilli relativement à la perte subie au cours de l'année 1976.
Une corporation non résidante n'ayant aucun revenu en provenance d'une source canadienne n'est pas obligée de calcu- ler son revenu imposable, selon la définition donnée par la Loi à cette expression, et, en conséquence, n'a nullement besoin des déductions pour pertes autres qu'en capital prévues à l'alinéa 111(1)a). En d'autres termes, un non-résident ne tirant son revenu d'aucune source située à l'intérieur du Canada n'est pas un «contribuable» parce qu'il n'est pas tenu de payer l'impôt prévu à la Loi sur ses revenus de provenance étrangère. De plus, autant il est difficile de concevoir que les profits réalisés par une non-résidente puissent être imposés au Canada une fois celle-ci devenue une résidente, autant il est difficile de conce- voir comment les pertes subies par une corporation non rési- dante dans le cadre de ses activités commerciales à l'extérieur du Canada pourraient être pertinentes une fois celle-ci devenue une résidente. Une corporation non résidante ne devient assu- jettie à la Loi que lorsqu'elle devient une résidente. Jusque-là, elle n'est pas un «contribuable» et n'a pas d'uannée d'imposi- tion». L'alinéa 111(1)a) de la Loi, qui utilise l'expression «années d'imposition», ne lui est donc point applicable.
En ce qui a trait à la perte subie au cours de l'année 1976, la corporation qui devient une résidente canadienne au cours d'un exercice financier doit payer l'impôt sur son revenu imposable de l'année entière, quelle que soit la source de ce revenu. La logique, le sens commun, l'équité ainsi que l'économie de la Loi veulent que les pertes autres que des pertes en capital subies dans la situation de fait qui précède soient considérées de la même façon.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Lea -Don Canada Limited c. Ministre du Revenu natio nal, [1971] R.C.S. 95; 70 DTC 6271.
AVOCATS:
P. N. Thorsteinsson, c.r. et Lorne A. Green pour l'appelante.
J. A. Van Iperen, c.r. et Max J. Weder pour l'intimée.
PROCUREURS:
Thorsteinsson, Mitchell, Little, O'Keefe & Davidson, Vancouver, pour l'appelante. Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Appel est interjeté d'un juge- ment de la Divsion de première instance [[1986] 1 C.T.C. 114; 85 DTC 5621] rejetant l'appel formé par l'appelante à l'encontre d'une nouvelle cotisa- tion d'impôt sur le revenu visant ses années d'im-
position 1976 1979 inclusivement. En bref, les faits non contestés sont les suivants.
L'appelante, qui avait été constituée en corpora tion aux Bermudes en 1972, était détenue, au moins à 50 %, par MacMillan Bloedel Limited. De 1972 à 1980, elle exploitait une entreprise de navigation. Avant le 15 juin 1976, l'appelante était une corporation non résidante pour les fins de la Loi de l'impôt sur le revenu («la Loi») [S.R.C. 1952, chap. 148 (mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 1)]. Le 15 juin 1976, cause des change- ments apportés à sa direction centrale, l'appelante est devenue pour les fins de la Loi une corporation résidant au Canada.
L'appelante a adopté un exercice financier, au sens donné à cette expression dans la Loi, prenant
fin le 31 décembre. Le 30 juin 1980, elle a déposé au Canada sa première déclaration d'impôt sur le revenu des corporations, la formule T-2, pour l'an- née d'imposition 1976, en même temps que ses déclarations T-2 pour les années d'imposition 1977, 1978 et 1979. L'appelante a, pour fins d'im- pôt, déclaré une perte autre qu'une perte en capital s'élevant à 1 225 295 $ pour son exercice financier 1976. En faisant ses déclarations pour les années
d'imposition 1977 1979, elle a reporté sa perte autre qu'une perte en capital pour 1976 conformé- ment à l'alinéa 111(1)a) de la Loi. Elle a égale- ment reporté sur ces exercices ses pertes autres qu'en capital des exercices financiers 1972 1975, leur imputant une somme de 404 118 $. L'imputa- tion de ces pertes a eu pour effet de réduire à zéro le revenu imposable de l'appelante pour les années d'imposition 1977, 1978 et 1979. Les pertes autres
qu'en capital des années 1972 1975 avaient évidemment été subies pendant les années au cours desquelles l'appelante était encore une résidente des Bermudes et n'exploitait au Canada aucune entreprise produisant un revenu à l'égard duquel elle aurait pu être cotisée à titre de corporation non résidante.
En juillet 1982, le ministre a procédé à de nouvelles cotisations concernant les années d'impo-
sition 1976 1979 de l'appelante, et il a refusé dans leur totalité les affectations des pertes autres qu'en capital subies avant 1976. Il a également refusé une partie de la perte subie en 1976 en répartissant la perte totale en fonction du nombre de jours de l'année 1976 écoulés avant et après le 15 juin, le jour l'appelante est devenue une résidente canadienne pour fins d'impôt. Certaines réclamations de déductions pour amortissement, sans être visées par le présent appel, ont aussi fait l'objet d'un ajustement. L'appel formé par l'appe- lante à l'encontre de la nouvelle cotisation a été rejeté en Division de première instance par le juge Rouleau. C'est de cette décision qu'est interjeté l'appel en l'espèce.
Dans son exposé des faits et du droit, l'appelante énonce comme suit les deux questions qui nous sont soumises:
[TRADUCTION] L'appelante soutient que le juge de première instance s'est trompé lorsqu'il a conclu
(a) que les pertes autres qu'en capital subies dans le cadre d'une entreprise exploitée à l'extérieur du Canada par une corporation ne résidant pas au Canada au moment de ces
pertes ne pouvaient, en vertu de l'alinéa 111(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, être déduites du revenu gagné par la corporation après qu'elle fut devenue une résidente du Canada aux fins de l'impôt sur le revenu;
(b) que la perte autre qu'une perte en capital subie par l'appelante au cours de l'exercice financier s'étendant du l" janvier 1976 au 31 décembre 1976 devait être répartie proportionnellement aux fins de l'alinéa 111(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu de manière que seule la partie de cette perte considérée comme ayant été subie après le 15 juin 1976 puisse être déduite du revenu des années d'imposition subséquentes.
(a) Déduction des pertes autres que des pertes en capital subies par un non-résident dans l'ex- ploitation d'une entreprise à l'extérieur du Canada
L'examen de l'argument présenté par l'appe- lante à l'égard de cet aspect de son appel implique tout d'abord l'examen des définitions suivantes de la Loi. Le paragraphe 248 (1) définit certaines des expressions pertinentes à l'espèce:
248. (1) ..
«exercice financier» signifie la période pour laquelle les comptes de l'entreprise du contribuable ont été ordinairement arrê- tés et agréés aux fins de l'établissement de la cotisation en vertu de la présente loi, et, en l'absence d'une coutume établie, l'exercice financier est celui que le contribuable adopte (toutefois, un exercice financier ne peut pas dépasser,
a) dans le cas d'une corporation, 53 semaines, et
b) dans le cas de tout autre contribuable, 12 mois,
et il ne peut être apporté, aux fins de la présente loi, aucun changement à l'exercice financier habituel et agréé, sans l'as- sentiment du Ministre);
«revenu imposable» a le sens que lui donne le paragraphe 2(2);
«contribuable» comprend toute personne, qu'elle soit tenue ou non de payer l'impôt;
Au paragraphe 249(1), la définition de l'expres- sion «année d'imposition» est ainsi libellée:
249. (1) Aux fins de la présente loi, une «année d'imposition» est
a) dans le cas d'une corporation, un exercice financier, et
b) dans le cas d'un particulier, une année civile, et
lorsqu'il est fait mention d'une année d'imposition par rapport à une année civile, le renvoi vise l'année ou les années d'imposi- tion qui coïncident avec cette année civile ou se terminent dans cette année.
Pour bien comprendre l'argument habile de l'avocat de l'appelante, on devrait garder à l'esprit
que la section A de la Partie I de la Loi désigne les personnes qui seront tenues de payer l'impôt qu'elle prévoit. À tous les moments pertinents— comme aujourd'hui, d'ailleurs—cette section n'a contenu que le seul article 2, qui est ainsi libellé:
2. (1) Un impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu'il est prévu ci-après, pour chaque année d'imposition, sur le revenu imposable de toute personne résidant au Canada à une date quelconque dans l'année.
(2) Le revenu imposable d'un contribuable pour une année d'imposition est son revenu pour l'année moins les déductions permises par la section C.
(3) Lorsqu'une personne non imposable en vertu du paragra- phe (1) pour une année d'imposition
a) a été employée au Canada,
b) a exploité une entreprise au Canada, ou
c) a disposé d'un bien canadien imposable
à une date quelconque de l'année, ou d'une année antérieure, un impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu'il est prévu ci-après, sur son revenu imposable gagné au Canada pour l'année, déterminé conformément à la section D.
La section B établit les règles applicables au calcul du revenu imposable pour l'année d'imposi- tion visée à l'article 2. Ce calcul s'effectue évidem- ment en déterminant, conformément à la section B, le revenu de toutes provenances pour l'année d'imposition visée et en soustrayant de celui-ci les déductions et exemptions permises sous le régime de la section C. La section D énonce les règles fondamentales s'appliquant au calcul du revenu imposable des non-résidents.
Aux fins de l'argument avancé par l'appelante, les dispositions pertinentes des sections B et C sont l'alinéa 3d), l'article 9 ainsi que les alinéas 111(1)a) et 111(8)b). Celles-ci, à l'époque perti- nente, c'est-à-dire en 1976, étaient ainsi libellées:
(Dispositions tirées de la section B)
3. Le revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, aux fins de la présente Partie, est son revenu pour l'année, déterminé selon les règles suivantes:
d) en calculant la fraction, si fraction il y a, du reste établi selon l'alinéa c), qui est en sus du total des sommes qui constituent chacune une perte subie par le contribuable pour l'année au titre d'une charge, d'un emploi, d'une entreprise ou d'un bien; et
et le reste, si reste il y a, ainsi obtenu selon l'alinéa e) constitue le revenu du contribuable pour l'année aux fins de la présente Partie.
9. (1) Sous réserve des dispositions de la présente Partie, le revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition est le bénéfice qu'il en tire pour cette année.
(2) Sous réserve des dispositions de l'article 31, la perte subie par un contribuable dans une année d'imposition relativement à une entreprise ou à un bien est le montant de sa perte, si perte il y a, subie dans cette année d'imposition relativement à cette entreprise ou à ce bien, calculée en appliquant mutatis mutan- dis les dispositions de la présente loi afférentes au calcul du revenu tiré de cette entreprise ou de ce bien.
(3) Dans la présente loi, «le revenu tiré d'un bien» ne comprend aucun gain en capital résultant de la disposition de ce bien et «la perte provenant d'un bien» ne comprend aucune perte en capital résultant de la disposition de ce bien.
(Dispositions tirées de la section C)
111. (1) Aux fins du calcul du revenu imposable d'un contri- buable pour une année d'imposition, peuvent être déduites de son revenu de l'année, les sommes appropriées suivantes:
a) les pertes autres que des pertes en capital subies au cours des 5 années d'imposition qui précèdent et de l'année d'impo- sition qui suit l'année d'imposition considérée, mais aucune somme n'est déductible de son revenu de toute année, au titre de pertes autres que des pertes en capital, sauf jusqu'à concurrence du revenu du contribuable pour l'année diminué de toutes les déductions permises par les dispositions de la présente section autres que celles du présent alinéa, de l'alinéa b) ou de l'article 109;
(8) Dans le présent article,
b) «perte autre qu'une perte en capital» subie par un contri- buable pour une année d'imposition signifie la fraction, si fraction il y a,
(i) du total de toutes les sommes dont chacune représente la perte que le contribuable a subie pour l'année, relative- ment à une charge, à un emploi, à une entreprise ou à un bien et de toutes les sommes déductibles, en vertu de l'article 112 ou du paragraphe 113(1), du revenu du contribuable pour l'année
qui est en sus
(ii) du montant déterminé en vertu de l'alinéa 3c); et
L'alinéa 115(1)c) est la seule disposition de la section D à laquelle nous ferons référence. En 1976, cet alinéa était ainsi libellé:
115. (1) Aux fins de la présente loi, le revenu imposable, pour une année d'imposition, gagné au Canada, par une per- sonne non résidante, est la fraction de son revenu pour l'année, qui serait déterminée en vertu de l'article 3.
c) lorsque les seules pertes visées à l'alinéa 3d) étaient des pertes provenant d'entreprises qu'elle exploitait au Canada,
moins le total des déductions du revenu, permises aux fins du calcul du revenu imposable, qui peuvent raisonnablement être considérées comme entièrement applicables, et de la partie de
toute autre de ces déductions qui peut raisonnablement être considérée comme applicable.
Les prétentions de l'appelante sont, en bref, les suivantes. L'appelante, même si elle n'était pas tenue de payer l'impôt, était un «contribuable», au
sens large du terme, de 1972 1976, période au cours de laquelle elle a subi les pertes en question. Celles-ci constituaient des «pertes autres que des pertes en capital» au sens donné à cette expression dans la définition de l'alinéa 111(8)b). Au cours de ces années, elle a eu une «année d'imposition» aux fins de la Loi parce qu'elle a eu un «exercice financier». Il s'agissait de l'année civile. En vertu
de l'alinéa 249(1)a), de 1972 1976 inclusive- ment, son «année d'imposition»» était l'année civile. En conséquence, puisque la «perte autre qu'une perte en capital» comprend, selon l'alinéa 111(8)b), les pertes subies par un «contribuable» (une expression dont la définition s'appliquait à l'appelante) relativement à une entreprise pour une «année d'imposition»», c'est-à-dire, dans le cas de l'appelante, l'année civile, l'appelante avait le droit, dans le calcul de son revenu imposable pour les années d'imposition 1976, 1977 et 1978, après qu'elle fut devenue une corporation résidante, de déduire ses pertes autres que des pertes en capital
pour les années 1972 1976 inclusivement bien qu'elle ne fût point une corporation résidante au cours de ladite période. L'avocat de l'appelante a dit que la Loi, au cours de ces années-là, ne stipulait aucune restriction quant à l'origine ou à la source des pertes déductibles des corporations résidantes ou quant à la situation juridique du contribuable.
Je ne suis pas d'accord avec cette assertion. Pour m'expliquer, je dois faire référence aux principes fondamentaux ressortant de l'économie des sec tions A à D de la Loi, le plus fondamental de ceux-ci portant qu'aussi bien les résidents que les non-résidents sont tenus de payer l'impôt sur leurs revenus dont la source se situe à l'intérieur du Canada. Un non-résident ne tirant son revenu d'aucune source située à l'intérieur du Canada n'est pas tenu de payer l'impôt au Canada. Le terme «contribuable», par définition, désigne à la fois les résidents et les non-résidents, tenus ou non de payer l'impôt, qui gagnent un revenu provenant d'une source située à l'intérieur du Canada. Le calcul de leur revenu s'effectue conformément à la section B. Sous le régime du paragraphe 2(2), dans
le calcul de leur «revenu imposable», ils ont droit aux déductions et exemptions prévues à la section C. Seulement une fois cet exercice terminé pourra- t-il être déterminé si ceux-ci sont «tenus de payer l'impôt». Il s'ensuit qu'une corporation non rési- dante n'ayant aucun revenu en provenance d'une source canadienne n'est pas obligée de calculer son revenu imposable, selon la définition précitée de cette expression, et, en conséquence, n'a nullement besoin des déductions prévues à la section C, y compris la déduction pour pertes autres qu'une perte en capital visée à l'alinéa 111(1)a). Une telle corporation n'est pas «tenue de payer l'impôt».
Ce raisonnement peut s'exprimer d'une autre façon. Selon moi, il ressort indiscutablement de la définition du terme «contribuable», interprétée en fonction de son contexte au sein de l'économie générale de la Loi, que ce terme désigne des individus ou corporations résidants qui peuvent être tenus de payer l'impôt à un moment donné, que ceux-ci soient ou non tenus de le faire à un moment précis. Une personne non résidante qui n'a aucun revenu de source canadienne ne peut en aucun cas être tenue de payer l'impôt prévu à la Loi sur son revenu étranger. Elle ne constitue donc pas une corporation visée par la définition du terme «contribuable» figurant dans la Loi. De la même façon, les pertes subies par une corporation non résidante dans le cadre de ses activités com- merciales à l'extérieur du Canada sont sans intérêt pour la Loi. Il est difficile de concevoir comment elles pourraient, comme par osmose, devenir perti- nentes et déductibles en vertu de l'alinéa 111(1)a) une fois la corporation non résidante devenue une résidente, comme il est difficile de concevoir que les profits réalisés par une non-résidente grâce à l'exploitation d'une entreprise puissent être impo- sés au Canada une fois celle-ci devenue résidente.
Les considérations suivantes me confirment dans cette opinion. Tant qu'elle n'est pas devenue un «contribuable», une corporation non résidante n'a pas «aux fins de la présente loi», une «année d'im- position» au sens de l'alinéa 249(1)a) de la Loi, précité. Lorsqu'elle devient une résidente, étant tenue de payer l'impôt, elle devient assujettie à la Loi. C'est alors qu'elle répond à la définition du mot «contribuable». Ce terme, avant cela, ne lui était point applicable. En conséquence, jusque-là, la définition de l'expression «année d'imposition»
ne lui était point applicable. Il s'ensuit également que l'alinéa 111(1)a) ne lui est point applicable puisque celui-ci vise les «5 années d'imposition qui précèdent ... l'année d'imposition considérée». Au cours de ces cinq années, l'appelante, «aux fins de la loi», n'avait point d'«année d'imposition». Elle ne pouvait donc déduire ses pertes autres que des pertes en capital subies à l'extérieur du Canada au cours des années civiles 1972, 1973, 1974 et 1975.
L'avocat de l'appelante, toutefois, a soutenu que ces années étaient devenues des exercices finan ciers aux fins de la Loi, alléguant à l'appui de cette prétention que l'appelante avait, en 1980, déposé des déclarations T-2 visant les années d'imposition 1976 à 1979 en se fondant sur ses «exercices financiers» 1972 à 1975, correspondant, dans chacun des cas, à l'année civile, et qu'ils avaient été «agréés aux fins de l'établissement de la cotisa- tion en vertu de la ... loi» conformément à la définition de l'expression «exercice financier» figu- rant au paragraphe 248(1) de la Loi. A cette prétention,_ l'on peut répondre brièvement que, ainsi qu'il a déjà été mentionné, un non-résident n'exploitant point une entreprise au Canada ne peut avoir d'année d'imposition aux fins de la fiscalité canadienne. Je ne vois pas comment une année d'imposition pourrait lui être attribuée rétroactivement. Ainsi la prétention de l'appelante ne résiste-t-elle pas à l'analyse.
L'opinion qui précède trouve un appui dans le jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Lea -Don Canada Limited c. Minis- tre du Revenu national, [1971] R.C.S. 95, à la page 99; 70 DTC 6271, aux pages 6273 et 6274, dans laquelle le juge Hall, dans un contexte il est vrai différent de celui de l'espèce, a conclu au nom de la Cour:
On ne peut aucunement admettre la prétention que les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui autorisent une déduction à l'égard du coût en capital des biens suscepti- bles de dépréciation, s'appliquent à ceux qui, ne résidant pas au Canada, ne sont pas assujettis à la cotisation pour fins d'impôt en vertu de la Partie I de la Loi sous prétexte que cette déduction se calcule à partir du revenu. Il est clair que le par. (4) de l'art. 20 vise les contribuables qui ont droit à une déduction et non les personnes qui ne sont pas assujetties à la cotisation en vertu de la Partie I. Celui qui ne réside pas au Canada et qui n'y fait pas affaires n'est pas une personne qui a droit à une telle déduction; donc, on ne saurait à proprement parler, dire que le par. (4) de l'art. 20 s'applique à lui. [C'est moi qui souligne.]
À plus forte raison, une corporation qui subit des pertes relativement à des activités commercia- les menées à l'extérieur du Canada alors que, n'étant point résidante et ne tirant pas un revenu d'une source canadienne, elle n'est pas assujettie à la cotisation prévue à la Loi, n'a pas le droit de déduire de telles pertes de manière à réduire à zéro le revenu qu'elle a gagné après être devenue une résidente canadienne.
L'appel interjeté par l'appelante au sujet de la déductibilité des pertes subies au cours des années 1972 à 1975 inclusivement doit donc échouer.
(b) La déduction des pertes autres que des pertes en capital subies en 1976, année au cours de laquelle l'appelante est devenue une résidente
L'appelante prétend que le Parlement n'enten- dait pas que les règles prévues à la section D s'appliquent aux corporations devenues résidentes canadiennes une fois l'année d'imposition entamée. L'avocat de l'appelante prétend également que le juge de première instance a commis une erreur en répartissant proportionnellement la perte autre qu'une perte en capital de l'année d'imposition 1976.
L'avocat de l'intimée soutient pour sa part qu'un non-résident qui n'exploite pas une entreprise au Canada ne peut avoir d'année d'imposition pour les fins de la loi fiscale canadienne et, nous l'avons déjà vu, je partage ce point de vue. L'appelante, toutefois, étant devenue une résidente et ayant choisi l'année civile comme exercice financier, ne pouvait, selon cet avocat, qu'avoir une année d'im- position commençant le 15 juin 1976, date à laquelle elle est devenue une résidente canadienne. En 1976, en conséquence, son exercice financier s'étendait, pour fins d'impôt, du 15 juin au 31 décembre. Seules les pertes autres que des pertes en capital subies au cours de cette période pou- vaient donc être déduites conformément à l'alinéa 111(1)a) de la Loi. Selon l'avocat de l'intimée, rien dans la Loi ne fixe une durée minimale à l'année d'imposition ou à l'exercice financier d'une corporation; il est seulement exigé que la période visée n'excède pas cinquante-trois semaines. Dans des circonstances comme celles en l'espèce, le ministre a le droit de répartir, comme il l'a fait, les pertes de la corporation entre ses périodes de résidence et de non-résidence.
Le juge de première instance a ainsi traité de ces arguments [aux pages 123 C.T.C.; 5628 DTC]:
À propos de ces arguments, il suffit de mentionner que l'absence de dispositions explicites autorisant le ministre à répartir proportionnellement les pertes de la demanderesse ne constitue pas un obstacle à la solution choisie par le ministre, surtout étant donné le fait que le calcul proportionnel des pertes de la demanderesse a été fait en conséquence de l'exercice financier choisi et du système comptable adopté par la deman- deresse. La méthode employée par le ministre était simplement une prolongation de la contrainte de compétence imposée par la Loi dans la détermination de l'impôt à payer par un contribuable.
Une brève analyse nous permettra de juger de ces prétentions opposées. Citons, au départ, les dispositions pertinentes du paragraphe 2(1):
2. (1) Un impôt sur le revenu doit être payé ... pour chaque année d'imposition, sur le revenu imposable de toute personne résidant au Canada à une date quelconque dans l'année. [C'est moi qui souligne.]
Par contraste avec la situation qui a cours pour les corporations, l'article 114 de la Loi' permet la répartition proportionnelle du revenu des particu- liers gagné au Canada. Il résulte de cette règle que seul le revenu gagné pendant la partie de l'année d'imposition au cours de laquelle le particulier réside au Canada est imposable, à moins que, durant le reste de l'année, celui-ci n'ait occupé un emploi au Canada ou exploité une entreprise au Canada. S'il occupait un emploi ou exploitait une entreprise au Canada, la totalité du revenu qu'il aurait tiré de toutes provenances au cours de l'an- née visée serait imposable en vertu du paragraphe 2(1).
1 114. Lorsqu'un particulier résidait au Canada pendant une
partie d'une année d'imposition, et que pendant une autre partie de celle-ci il n'y résidait pas, n'y occupait pas d'emploi et n'y exploitait pas d'entreprise, aux fins de la présente Partie, son revenu imposable pour l'année d'imposition est le total
a) de son revenu pour la période ou les périodes de l'année pendant lesquelles il résidait au Canada, y occupait un emploi ou y exploitait une entreprise, calculé comme si cette période ou ces périodes constituaient l'année d'imposition toute entière et comme si toute disposition de biens réputée, en vertu du paragraphe 48(1), avoir été faite en raison du fait que le contribuable a cessé de résider au Canada avait été effectuée dans cette période ou dans ces périodes, et
b) de la somme qui représentait son revenu imposable gagné au Canada, pour l'année, s'il n'avait résidé au Canada en aucun temps de l'année, calculée comme si la partie de l'année qui n'est pas comprise dans la période ou les périodes mentionnées à l'alinéa a) constituait l'année d'imposition toute entière,
(Suite à la page suivante)
Il n'existe point, pour les corporations, de pen dant de l'article 114. En conséquence, la corpora tion qui devient une résidente canadienne au cours d'un exercice financier doit payer l'impôt sur son revenu imposable de l'année entière, quelle que soit la source de ce revenu. La logique, le sens commun, l'équité ainsi que l'économie de la Loi veulent que les pertes autres que des pertes en capital subies dans la situation de fait qui précède soient considérées de la même façon. En consé- quence, lorsqu'une corporation non résidante dont l'exercice financier a été l'année civile devient une résidente au cours de cet exercice financier sans, ensuite, modifier cet exercice, celui-ci devient son année d'imposition. Cela étant, l'interprétation corrélative des dispositions du paragraphe 2(1) et des alinéas 3a), c) et d) ainsi que les définitions des expressions «année fiscale» et «année d'imposi- tion», établit clairement, à mon sens, que la section, D ne s'applique pas à une telle situation. De plus, s'il en avait été autrement, l'adoption de l'article 114, qui ne vise que les particuliers, n'aurait pas été nécessaire. L'intimée a donc le droit, pour l'exercice financier visé, de déduire les pertes autres que des pertes en capital subies au cours de cet exercice du revenu qu'elle a alors gagné sans établir que ces pertes ont été subies uniquement pendant qu'elle résidait au Canada.
Le juge de première instance s'est donc trompé, à mon avis, en appliquant la règle de la répartition proportionnelle visant les particuliers qui résident au Canada pendant une partie seulement d'une année d'imposition, aux corporations qui se trou- vent placées dans cette même situation de fait. À mon point de vue, une telle interprétation contredit carrément la Loi.
En conséquence, je rejetterais l'appel en ce qui concerne la première question et j'accueillerais l'appel en ce qui a trait à la seconde question, avec dépens devant cette Cour et devant la Division de
(Suite de la page précédente)
moins le total des déductions du revenu, autorisées aux fins du calcul du revenu imposable, qui peuvent raisonnablement être considérées comme applicables entièrement à la période ou aux périodes mentionnées à l'alinéa a), et de la partie de l'une quelconque de ces déductions, qui peut raisonnablement être considérée comme applicable à cette période ou à ces périodes.
première instance. Je renverrais la question devant le ministre du Revenu national afin qu'il fixe, relativement à l'année d'imposition 1976 de l'appe- lante, une nouvelle cotisation qui ne soit pas incompatible avec les présents motifs de jugement.
LE JUGE HUGESSEN: Je souscris à ces motifs. LE JUGE MACGUIGAN: Je souscris à ces motifs.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.