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T-273-85
ECG Canada Inc. (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: ECG CANADA LTA c. CANADA
Division de première instance, juge Rouleau— Montréal, 9 décembre 1986; Ottawa, 11 février 1987.
Interprétation des lois Loi sur la taxe d'accise Expression «qui prépare des marchandises pour la vente ... en les ... emballant ou remballant» figurant à l'art. 2(1)f) La Cour peut examiner l'objet de la loi et les circonstances qui entourent son adoption pour déterminer l'intention du législa- teur La première étape consiste tout d'abord à interpréter la Loi dans son ensemble et ensuite, à interpréter les dispositions pertinentes dans leur sens ordinaire et grammatical Les politiques et l'interprétation administratives ont été invoquées à juste titre Il ne subsiste aucun doute quant à l'intention de la Loi Intention d'étendre la définition du mot fabricant L'effacement du code de garantie sur les tubes récepteurs et le rangement de ceux-ci dans des boîtes pour leur expédition aux distributeurs sont manifestement des opérations d'embal- lage ou de remballage Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, art. 2(1)f) (ajouté par S.C. 1980-81-82-83, chap. 68, art. 1).
Douanes et accise Loi sur la taxe d'accise La deman- deresse importe des tubes récepteurs pour téléviseurs afin de les vendre à des distributeurs Elle enlève le code de garantie américain et place les tubes dans des boîtes portant le numéro de série, le nouveau code de garantie ainsi que le pays d'ori- gine Demande visant à faire annuler une cotisation suivant laquelle les opérations effectuées constituent ce qu'on appelle de la «fabrication marginale» Interprétation de l'expression «qui prépare des marchandises pour la vente ... en les ... emballant ou remballant» qui figure à l'art. 2(1)f) de la Loi Intention d'étendre la définition du mot fabricant et de créer une catégorie appelée «fabrication marginale» Action reje- tée Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, art. 2(1)f) (ajouté par S.C. 1980-81-82-83, chap. 68, art. 1).
La demanderesse cherche à faire annuler une cotisation établie conformément à l'alinéa 2(1)f) de la Loi sur la taxe d'accise. Elle importe des États-Unis des tubes récepteurs pour appareils de télévision. Lorsque les tubes arrivent au Canada, la demanderesse efface le code de garantie qui est déjà imprimé sur leur surface de verre. Le code est enlevé parce qu'il diffère de celui qui s'applique au Canada. Les tubes sont ensuite placés dans de petites boîtes et expédiés aux distributeurs. La deman- deresse imprime sur le couvercle à rabat de la boîte le numéro de série qui indique le modèle du tube, le nouveau code de garantie et le pays d'origine. Les boîtes ne sont pas mises en montre mais entreposées par la demanderesse et elles sont habituellement stockées sur des tablettes à l'arrière des maga- sins des distributeurs et des marchands en gros. Il a été décidé que les opérations effectuées par la demanderesse sont visées par l'expression «fabrication marginale», ce qui assujettit la demanderesse au paiement de la taxe de vente fédérale. Le
litige tourne autour de l'interprétation qu'il faut donner à l'expression «qui prépare des marchandises pour la vente ... en les ... emballant ou remballant», expression qui a été insérée à l'alinéa 2(1)j) de la Loi en 1981. La demanderesse prétend que les politiques et l'interprétation administratives sont, comme l'a déclaré la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Nowegijick, un facteur important dont il faut tenir compte en cas de doute sur le sens de la législation. La défenderesse allègue qu'il faut adopter l'approche littérale ou la règle du «sens ordinaire» et que les termes «emballant ou remballant» utilisés dans les définitions figurant dans la Loi étendent le sens des mots fabricant ou producteur de manière à englober les opérations effectuées en l'espèce.
Jugement: l'action doit être rejetée.
La Cour peut toujours examiner l'objet de la loi et les circonstances qui entourent son adoption afin de comprendre et de déterminer ce qu'a dit le législateur. Il ne faut pas seulement tenir compte de ces considérations que lorsqu'il y a un doute. En l'espèce, il faut tout d'abord interpréter la Loi dans son ensemble afin de déterminer l'intention du législateur ainsi que l'objet et l'économie de la Loi. Il faut ensuite interpréter les termes des dispositions pertinentes dans leur sens ordinaire et grammatical en tenant compte des considérations qui précè- dent. Il ressort d'une lecture attentive du bulletin publié par le Ministère avant que la disposition pertinente ne soit adoptée en 1981 qu'on avait l'intention à l'époque d'étendre la définition du mot fabricant et de créer une catégorie appelée «fabrication marginale». Il est prévu dans le bulletin qu'on voulait étendre la définition à toute personne qui accomplit une ou plusieurs opérations d'emballage ou de remballage, qui prépare les mar- chandises pour la vente.
Il ne s'agit pas en l'espèce d'un cas il faudrait interpréter la politique administrative d'une manière restrictive et il faudrait suivre le principe dégagé dans l'arrêt Nowegijick, car il n'existe aucun doute quant à l'intention de la Loi. La disposition en cause énonce clairement les opérations qu'on doit considérer comme de la «fabrication marginale». Les opérations effectuées par la demanderesse se rapportent directement à la définition des termes «emballant ou remballant» et au sens ordinaire de l'article.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Fiat Auto Canada Limited c. La Reine, [1984] 1 C.F. 203; (1983), 6 C.E.R. 82 (1' » inst.); Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29; 144 D.L.R. (3d) 193.
DÉCISION EXAMINÉE:
Harel c. Sous-ministre du revenu du Québec, [1978] 1 R.C.S. 851.
AVOCATS:
Michael Kaylor pour la demanderesse. Daniel Marecki pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Gottlieb, Kaylor & Stocks, Montréal, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE ROULEAU: La demanderesse cherche à faire annuler une cotisation établie par la division des Douanes et de l'Accise du ministère du Revenu national conformément à l'alinéa 2(1)f) de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, modifiée par S.C. 1980-81-82-83, chap. 68, art. 1; la défenderesse a décidé que les opérations effec- tuées par la demanderesse sur certaines marchan- dises importées constituaient ce qu'on appelle de la «fabrication marginale».
La demanderesse, qui est une société canadienne dûment constituée et une filiale en propriété exclu sive de Philips U.S., exploite son entreprise à Montréal. Parmi ses nombreuses activités, elle importe et vend des tubes récepteurs pour l'indus- trie de la télévision. Entre le lei août 1981 et le 31 octobre 1983, elle a importé les tubes récepteurs des États-Unis dans des boîtes d'environ cent unités chacune. Une fois les marchandises arrivées, la demanderesse a effectué certaines opérations avant que les tubes ne soient expédiés aux distribu- teurs ou à d'autres acheteurs éventuels; ces opéra- tions ont été classées dans la catégorie visée par l'expression «fabrication marginale», d'où la cotisa- tion établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise.
Les tubes sont cylindriques; ils mesurent environ 2 pouces et ' de long et leur diamètre est de 3 4 de pouce. La majorité de ces tubes est fabriquée aux États-Unis par Philips qui les expé- die dans des boîtes divisées en petits espaces carrés d'environ 3 / 4 de pouce. Lorsque les tubes arrivent au Canada, le nom commercial Sylvania ainsi que le numéro de modèle et le code de garantie sont déjà imprimés sur leur surface de verre. Le code est effacé par polissage, mais le nom commercial ainsi que le numéro de modèle restent. Le code de garantie est enlevé parce qu'il diffère de celui qui s'applique au Canada. Les autres 25 % des tubes importés ne présentent aucun intérêt majeur.
Une fois le code de garantie enlevé, les tubes sont placés dans de petites boîtes en carton sem- blables à toutes les autres boîtes pour tubes utili sées dans cette industrie; ces dernières servent à maintenir les tubes fermement de peur qu'ils ne se cassent pendant la manutention, l'expédition et l'entreposage. La demanderesse imprime sur le couvercle à rabat de la boîte le numéro de série qui indique le modèle du tube, le code de garantie et le pays d'origine. Ces petites boîtes sont fabriquées et imprimées au Canada suivant les directives de la demanderesse.
Les tubes sont insérés dans les téléviseurs pour contrôler le courant et le son provenant des haut- parleurs. En raison de la diminution des ventes de ce type particulier de tube, la demanderesse importe maintenant ce qu'on appelle des «semi- conducteurs» qui remplissent les mêmes fonctions.
Une fois reçus, les tubes sont prêts à être utilisés et ne sont pas modifiés de quelque autre façon; une fois placés dans les boîtes, ils sont prêts à être expédiés aux divers distributeurs et marchands en gros partout au Canada. La demanderesse a déclaré sous serment qu'elle importait et distri- buait un large éventail de tubes utilisés dans l'in- dustrie de la télévision et qu'elle était réputée pour la qualité de son produit et la facilité avec laquelle on pouvait se le procurer étant donné qu'elle en gardait des stocks imposants. La boîte dans laquelle le tube était placé n'était pas mise en montre mais entreposée par la demanderesse et elle était habituellement stockée sur des tablettes à l'arrière des magasins des distributeurs et des mar- chands en gros. La seule marque permettant aux distributeurs de se retrouver était le nom Sylvania imprimé sur la boîte. Cela leur permettait de distinguer les tubes provenant d'autres fabricants. Les fournisseurs ou les marchands en gros les vendaient ensuite aux réparateurs de téléviseurs ou aux personnes chargées d'en assurer l'entretien.
Un distributeur d'appareils électroniques, qui a témoigné au nom de la compagnie demanderesse, a déclaré qu'il achetait des produits de cette der- nière, qu'il gardait des stocks importants, qu'il commandait des produits à la demanderesse à l'aide d'une liste de prix, et que les produits vendus par la demanderesse étaient souvent supérieurs à ceux d'autres fabricants. Il a ajouté que les tubes n'étaient jamais mis en montre et que la boîte
n'influençait nullement le public dans sa décision d'acheter les tubes, mais qu'elle facilitait l'entrepo- sage et la manutention. La boîte servait principale- ment à protéger le tube et il la gardait habituelle- ment dans l'entrepôt de sa concession; il serait impossible de distribuer des articles de ce genre ou de les entreposer s'ils n'étaient pas placés dans un emballage protecteur.
Il s'agit de déterminer si on devrait conclure que les opérations effectuées par la demanderesse sont visées par l'expression «fabrication marginale». Le cas échéant, celle-ci doit payer la taxe de vente fédérale sur les conducteurs importés entre le 1" août 1981 et le 31 octobre 1983. Les modifications pertinentes apportées à la Loi sur la taxe d'accise, et en particulier à l'alinéa 2(1)f), sont entrées en vigueur le 8 juillet 1981:
2. (1) Dans la présente loi
«fabricant» ou «producteur» comprend
f) toute personne, ou une autre personne agissant pour le compte de celle-ci, qui prépare des marchandises pour la vente, notamment en les assemblant, fusionnant, mélangeant, coupant sur mesure, diluant, embouteillant, emballant ou remballant, à l'exclusion d'une personne qui prépare ainsi des marchandises dans un magasin de détail afin de les y vendre exclusivement et directement aux consommateurs;
Le débat tourne autour de l'interprétation qu'il faut donner à l'expression «qui prépare des mar- chandises pour la vente ... en les ... emballant ou remballant». Il ne faut pas oublier que le code de garantie pour les États-Unis figurait sur la surface de verre des conducteurs importés et que son effa cement par polissage est le seul changement qui a été apporté au tube lui-même et ce, parce qu'il existait un code de garantie pour le Canada. De plus, le nouveau code de garantie ainsi que le numéro de modèle du tube et son pays d'origine ont été imprimés sur le couvercle à rabat de la boîte contenant le conducteur.
Estimant qu'elle s'appliquait à l'espèce, l'avocat de la demanderesse a invoqué l'interprétation donnée à l'article pertinent de la Loi par le juge Campbell Grant dans l'affaire Fiat Auto Canada Limited c. La Reine, [1984] 1 C.F. 203; (1983), 6 C.E.R. 82 (1P» inst.), tranchée en 1983. Le juge Grant a examiné le sens de l'expression «qui pré- pare des marchandises pour la vente» et il a écrit aux pages 210 C.F.; 87 et 88 C.E.R.:
À l'alinéa 2(1)1) de la Loi sur la taxe d'accise, avant les termes précis «assemblant, fusionnant, mélangeant, coupant sur mesure, diluant, embouteillant, emballant ou remballant», on trouve l'expression générale «qui prépare des marchandises pour la vente». Cette dernière expression doit être interprétée avec les mots précités qui suivent cette expression et dans le même sens. Comme aucun de ces mots ne se rapporte à l'opération de mise en place d'un appareil de radio dans une automobile, ils ne contribuent pas à inclure cette opération dans la définition.
[TRADUCTION] Mais le terme générique qui suit des termes spécifiques du même genre prend le sens de ces termes et est réputé se restreindre au genre de ces termes. «Suivant une règle d'interprétation des lois, les termes généri- ques qui suivent des termes spécifiques s'appliquent unique- ment aux personnes ou aux choses qui ont le même sens que celles que le langage de la loi englobe.» En d'autres mots, si rien n'indique qu'on lui a attribué un sens plus large, l'ex- pression générale s'interprète de manière à englober unique- ment des choses du même genre que celles que désignent les expressions précises qui la précèdent ..
L'avocat a ensuite invoqué l'interprétation de cet article faite par le Ministère avant son adop tion. Il a souligné certains extraits tirés du bulletin Nouvelles de l'accise publié par le ministère du Revenu en décembre 1980 et intitulé Définition élargie de fabricant ou producteur (fabrication marginale). L'introduction qui figure à la première page du bulletin traite de l'alinéa 2(1)f) en général:
En vertu de ladite modification, la définition de fabricant ou producteur comprend la personne qui accomplit une ou plu- sieurs des opérations précitées sauf si ces opérations sont effec- tuées dans un magasin de détail en vue de la vente exclusive et directe, dans le magasin, aux consommateurs. Ces opérations sont connues sous l'expression «fabrication marginale».
Le bulletin apporte plus loin d'autres améliorations et il énonce à la page 3 certaines opérations qui ne sont pas considérées comme visées par le projet de modification. En voici des exemples:
(1) le coupage aux dimensions voulues, fait à pied d'oeuvre, afin de faciliter l'installation de marchandises;
(2) l'assemblage d'armoires ou autres marchandises au lieu de l'installation par l'entrepreneur ou le consommateur pour son propre usage;
(3) l'emballage ou la mise en caisse de marchandises exclusive- ment aux fins d'expédition pour remplir une commande d'un client;
(4) le déballage et le remballage de marchandises uniquement aux fins d'inspection;
(5) le remplacement d'un contenant endommagé;
(6) le seul fait de tailler des marchandises à la longueur exigée par le client, par ex., le fil métallique, le câble, le tissu servant à confectionner les draperies, vendus au pied, à la verge ou au mètre;
(7) le seul fait de coller des étiquettes de prix à un produit;
(8) le seul fait d'étiqueter ou de re-étiqueter les marchandises;
(9) la préparation d'aliments ou de breuvages dans un restau rant, une cuisine centrale ou un établissement similaire, que les aliments ou les breuvages soient ou non pour consommation sur les lieux;
(10) la remise en état de marchandises usagées par le proprié- taire utilisateur ou pour lui ou en son nom;
(11) l'achat de marchandises de marque particulière lorsque les matières ne sont pas fournies au fabricant;
(12) l'installation d'appareils ou d'accessoires facultatifs sur les automobiles ou le démontage d'appareils ou d'accessoires par un concessionnaire qui vend aux consommateurs ou aux utilisa- teurs ou pour le compte du concessionnaire.
On a également essayé à la page deux du même bulletin, dans la section intitulée «clarification des termes utilisés», de définir en quoi consiste l'action «d'emballer ou de remballer»:
«emballer» et/ou «remballer» comprend l'action de mettre en paquet, un paquet étant un colis, un sac ou une boîte, etc.
par ex.: (1) l'emballage de marchandises en utilisant les tech niques de la pellicule et des «blisters»;
(2) le remballage d'un produit acheté en vrac en des quantités plus petites comme dans le cas de la cire en pâte, les produits chimiques, etc.
Selon l'avocat, ces exemples montrent clairement que l'expression «fabrication marginale» devait s'appliquer à ceux qui «emballent ou remballent» des marchandises pour les mettre en montre et faire la promotion des ventes, fonction que n'exerce pas la demanderesse.
Par suite de cette première édition des Nouvel- les de l'accise, parue en décembre 1980, le sous- ministre adjoint pour l'accise a publié d'autres directives dans une note de service adressée aux directeurs régionaux en date du 6 juillet 1981 et intitulée Principes et philosophie de la fabrication marginale. Voici le texte des quatrième et cin- quième paragraphes de cette note:
Les activités précitées (assembler, mélanger) sont toutes reliées à la préparation des marchandises pour la vente, c'est-à-dire changer, modifier ou rehausser la présentation commerciale en vue de la vente. En général, le but de cette activité est de rendre le produit plus attrayant aux yeux du client, sans égard à son statut.
La préparation des marchandises pour la vente ne comprend pas l'emballage des marchandises pour l'expédition seulement ni leur préparation en vue de satisfaire aux exigences d'un client, lorsque cette activité n'est pas orientée vers la «mise en valeur» du produit mais représente plutôt un service rendu à l'utilisateur des marchandises. Une distinction aussi subtile ne sera pas facile à établir, mais il n'y a pas moyen d'éviter la
situation. Par exemple, le fait de mélanger la peinture ailleurs que chez un détaillant constitue une préparation de marchandi- ses pour la vente, puisque la peinture ainsi mélangée fait normalement partie des conditions de vente et c'est de cette façon qu'on en fait la publicité et la commercialisation. Par contre, si une personne vend des tuyaux et des raccords et qu'à titre de service au client, elle ajuste les raccords aux tuyaux, cette personne ne prépare pas les marchandises pour la vente et cette activité n'est donc pas considérée comme étant de la fabrication «marginale».
Analysant d'un œil critique la philosophie du Ministère, l'avocat note que le fait de placer un objet dans une boîte en vue de sa protection, de sa manutention, de son entreposage et de son expédi- tion ne constitue pas une mise en valeur aux fins de la revente et n'influence certainement pas l'acheteur contrairement à l'emballage des mar- chandises effectué en utilisant les techniques de la pellicule et des «blisters» qui permet «de rehausser la présentation commerciale».
L'avocat a conclu en soutenant qu'il faut accor- der une certaine valeur aux politiques et à l'inter- prétation administratives qui, bien qu'elles ne soient pas déterminantes, doivent être considérées comme «un facteur important» en cas de doute sur le sens de la législation; ce principe a été établi par le juge Dickson [tel était alors son titre] dans l'arrêt Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, la page 37; 144 D.L.R. (3d) 193, la page 199.
L'avocat de la défenderesse a prétendu que la Cour devrait adopter l'approche littérale ou la règle du «sens ordinaire» en interprétant l'alinéa 2(1)f) de la Loi sur la taxe d'accise. Cette règle prévoit qu'il faut examiner les termes utilisés dans la loi, et que s'ils sont clairs et sans équivoque, il faut les interpréter suivant leur sens ordinaire et grammatical. En conséquence, la défenderesse soumet et invoque diverses définitions du mot «emballer» qu'elle a tirées de dictionnaires et elle prie la Cour d'appliquer celles-ci aux mots «embal- lant ou remballant» qui figurent à l'alinéa 2(1)f) de la Loi. Elle soutient que si l'on applique cette règle du «sens ordinaire», les termes «emballant ou remballant» utilisés dans les définitions figurant dans la Loi sur la taxe d'accise étendent le sens des mots fabricant ou producteur de manière à englobler les opérations effectuées en l'espèce.
La défenderesse allègue en outre que je ne devrais pas fonder ma décision sur la politique
administrative du ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, car je ne saurais agir ainsi que lorsque les termes d'une loi sont ambigus. Quand le texte d'une disposition législative est clair, il est inutile pour une cour qui interprète celle-ci d'aller au-delà de la loi elle-même pour déterminer l'intention du législateur. À l'appui de cet argument, la défenderesse invoque l'arrêt de la Cour suprême du Canada Harel c. Sous-ministre du revenu du Québec, [1978] 1 R.C.S. 851, le juge de Grandpré a dit à la page 858:
Si j'avais le moindre doute à ce sujet, je conclurais quand même en faveur de l'appelant en m'appuyant sur la politique administrative de l'intimé. Évidemment, cette politique admi nistrative ne saurait être prise en considération si elle allait à l'encontre du texte de la Loi. En l'espèce, toutefois, compte tenu de l'évolution historique que je veux rappeler rapidement, cette démarche administrative peut validement être utilisée vu qu'au mieux pour l'intimé, le texte est ambigu. [C'est moi qui souligne.]
Il ne fait aucun doute que l'approche littérale constitue une méthode reconnue dans le domaine de l'interprétation des lois. Néanmoins, la Cour peut toujours examiner l'objet d'une loi non pas pour modifier ce qui a été dit par le législateur, mais afin de comprendre et de déterminer ce qu'il a dit. L'objet de la loi et les circonstances qui entourent son adoption constituent des considéra- tions pertinentes dont il faut tenir compte non seulement lorsqu'il y a un doute, mais dans tous les cas.
La défenderesse allègue que les termes «embal- lant ou remballant» doivent être considérés dans leur sens ordinaire et grammatical. C'est vrai, mais il faut, tout d'abord franchir une étape fondamen- tale, c'est-à-dire interpréter la Loi sous examen dans son ensemble afin de déterminer l'intention du législateur ainsi que l'objet et l'économie de la Loi. Il faut donc interpréter les termes des diverses dispositions législatives sous examen dans leur sens ordinaire et grammatical en tenant compte de l'intention du législateur telle qu'elle ressort de l'ensemble de la Loi ainsi que de l'objet et de l'économie de la Loi.
J'ai relu attentivement le bulletin Nouvelles de l'accise publié par Revenu Canada en décembre 1980. Il ne fait aucun doute qu'on avait à l'époque l'intention d'étendre la définition du mot fabricant et de créer une catégorie appelée «fabrication mar-
ginale». Cette politique prévoit expressément qu'on voulait étendre la définition à toute personne qui «accomplit une ou plusieurs opérations d'embal- lage ou de remballage, qui prépare les marchandi- ses pour la vente.
En interprétant la règle ejusdem generis dans l'affaire Fiat Auto Canada Limited c. La Reine (précitée), le juge Grant n'a pu conclure que la mise en place d'un appareil de radio dans une automobile faisait partie des nouvelles opérations énumérées à l'alinéa 2(1)f) et que ces opérations étaient liées à «la préparation des marchandises pour la vente»; il a donc rejeté la cotisation établie par le Revenu national. Cette affaire se distingue nettement de l'espèce.
Je suis également convaincu qu'il ne s'agit pas d'un cas il faudrait interpréter la politique administrative d'une manière restrictive comme l'a laissé entendre la demanderesse; je ne dois pas non plus suivre le principe dégagé dans l'arrêt Nowegi- jick (précité), car l'intention de la loi ne soulève aucun doute dans mon esprit. Les modifications énoncent clairement les opérations qu'on doit con- sidérer comme de la «fabrication marginale». Il ne fait aucun doute que les tubes doivent être placés dans un contenant aux fins de leur manutention, de leur entreposage et de leur expédition, ce qui a pu avoir été le but principal des opérations effec- tuées. Néanmoins, ces opérations se rapportent directement à la définition des termes «emballant ou remballant» et au sens ordinaire de l'article.
En élargissant la définition du mot «fabrication», le législateur avait l'intention de taxer toutes les opérations qui sont énoncées à l'alinéa 2(1)f). Les termes de l'article sont clairs et sans équivoque et le ministre les a interprétés correctement.
Je confirme la cotisation établie par la division de l'Accise du ministère du Revenu national et je rejette l'action de la demanderesse avec dépens.
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