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T-1527-86
Michael Adrian Van Rassel (requérant) c.
P. M. Cummings*, surintendant de la GRC, Robert Simmonds, commissaire de la GRC, et la Gendarmerie royale du Canada (intimés)
et
Procureur général du Canada (mis-en-cause)
RÉPERTORIÉ: VAN RASSEL c. CANADA (SURINTENDANT DE L4 GRC)
Division de première instance, juge Joyal— Montréal, 26 septembre; Ottawa, 17 novembre 1986.
GRC Un agent a été acquitté d'accusations criminelles aux États-Unis Il a été libéré au terme d'un procès criminel tenu au Canada relativement aux mêmes faits Le juge a tenu compte des doctrines de la double incrimination et de la chose jugée Accusation de conduite déshonorante portée en vertu de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada Infraction majeure ressortissant au service Le requérant tente de faire interdire qu'on prenne des poursuites disciplinai- res contre lui La présente accusation n'est pas identique aux accusations criminelles dont il a été acquitté Il n'y a pas double incrimination Les droits garantis par la Charte n'ont pas été violés Aucune crainte raisonnable de partialité ne découle des remarques désobligeantes attribuées au commis- saire ou du fait que les membres du tribunal soient désignés par l'autorité qui décide qu'une accusation doit être portée Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, S.R.C. 1970, chap. R-9, art. 21(1),(2), 25, 31 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 28, art. 49), 32(2), 34, 41, 43(1),(2), 44 United States Code, titre 18, art. 201(c), 641, 1952(a)(3) Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 11d),h), 24 Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 245(1) Loi sur la marine marchande du Canada,' S.R.C. 1970, chap. S-9, art. 570 Loi sur la défense natio- nale, S.R.C. 1970, chap. N-4, art. 78, 80(1) Règlement sur le service des pénitenciers, C.R.C., chap. 1251 Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appendice III, art. 2f).
Droit constitutionnel Charte des droits Procédures criminelles et pénales Double incrimination Demande d'une ordonnance de prohibition Infraction majeure ressor- tissant au service en violation de l'art. 25o) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et accusations criminelles fondées sur les mêmes faits Le requérant a été acquitté d'accusations criminelles aux États-Unis et libéré d'accusa- tions découlant des mêmes faits au terme d'un procès tenu au
* Note de l'arrêtiste: Le nom de cet intimé devrait se lire P. M. Cummins. Il a été mal orthographié par erreur tout au long de la poursuite.
Canada Il a été accusé d'une infraction majeure ressortis- sant au service devant un tribunal du service de la GRC Il n'y a pas eu violation de l'art. 11h) de la Charte car l'accusa- tion de conduite déshonorante n'est pas prima facie identique ou semblable aux accusations criminelles dont il a été acquitté
C'est une question qu'il est plus approprié de soulever devant le tribunal du service Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 11d),h), 24 Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, S.R.C. 1970, chap. R-9, art. 21(1),(2), 25, 31 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 28, art. 49), 32(2), 34, 41, 43(1),(2), 44
United States Code, titre 18, art. 201(c), 641, 1952(a)(3).
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Prohibition
Demande en vue d'obtenir une ordonnance interdisant à un tribunal du service de la GRC d'entendre et de trancher une accusation d'infraction majeure ressortissant au service qui est fondée sur les mêmes faits que les accusations criminelles dont le requérant a été acquitté aux États-Unis et libéré au Canada
Il n'y a pas double incrimination car l'accusation de conduite déshonorante n'est pas prima facie identique aux accusations criminelles II n'y a pas de partialité inhérente au tribunal: MacKay c. La Reine, [19801 2 R.C.S. 370 L'allégation selon laquelle le commissaire de la GRC aurait émis des critiques sévères n'est pas pertinente car le tribunal du service est un tribunal indépendant La Loi prévoit la possibilité d'interjeter appel Il est préférable que la ques tion soit tranchée par un tribunal du service La demande en vue d'obtenir une ordonnance de prohibition est-elle prématu- rée? Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, S.R.C. 1970, chap. R-9, art. 21(1),(2), 25, 31 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 28, art. 49), 32(2), 34, 41, 43(1),(2), 44 United States Code, titre 18, art. 201(c), 641, 1952(a)(3).
Le requérant, qui est membre de la GRC, a été appréhendé États-Unis tats -Unis et accusé d'avoir divulgué sans autorisation des
renseignements confidentiels concernant une enquête, d'avoir illégalement transporté des dossiers et d'avoir sollicité et obtenu un pot-de-vin. Il a subi un procès devant un tribunal composé d'un juge et d'un jury et il a été acquitté de toutes les accusations.
À son retour au Canada, des accusations ont été portées contre lui en vertu de dispositions similaires du Code criminel. Au procès, le juge a libéré l'accusé en se fondant sur les doctrines de la double incrimination et de la chose jugée. Le requérant a également été accusé de conduite déshonorante en vertu de l'article 25 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. C'est une infraction majeure ressortissant au service qui est punissable d'une peine d'emprisonnement d'au plus un an.
Il s'agit d'une demande en vue d'obtenir une ordonnance interdisant à la GRC d'engager des poursuites disciplinaires. Le requérant a soulevé la question de la double incrimination. Il a également soutenu que, bien que l'accusation relative à la discipline diffère des accusations criminelles, elle découle des mêmes circonstances, et cela constitue donc une chose jugée. Le requérant a également soulevé qu'on peut craindre qu'il y ait partialité vu que le commissaire de la GRC aurait critiqué les actes du requérant de façon sévère.
Jugement: la demande devrait être rejetée.
La jurisprudence n'a pas encore établi qu'un tribunal disci- plinaire perd le droit de juger l'un de ses membres pour une infraction ressortissant au service ou à la profession en raison du fait qu'une accusation criminelle a été portée relativement aux mêmes circonstances ou a entraîné une condamnation ou un acquittement. Elle a considéré l'aspect possible de la double incrimination comme l'une des conditions de l'adhésion à une société dans son ensemble et à un groupe sélect au sein de cette société.
On peut dire que la protection prévue à l'alinéa 11h) de la Charte contre la double incrimination a été interprétée comme étant assez limitée. D'ailleurs l'infraction n'est pas identique en l'espèce: une accusation de conduite répréhensible est différente d'une accusation de vente de renseignements précieux. Il se pourrait bien que la preuve qui devra alors être présentée devant le tribunal du service ne soit pas la même que dans les poursuites criminelles. La Cour ne peut pas non plus actuelle- ment déterminer quels sont les éléments nécessaires de l'infrac- tion ressortissant au service ou si ces éléments sont identiques à ceux des poursuites criminelles. Quoi qu'il en soit, voilà des questions qu'il serait peut-être plus approprié de soulever devant le tribunal du service. Il serait alors facile de se préva- loir des recours prévus en cas d'erreur.
Il n'existe aucune crainte raisonnable de partialité «institu- tionnelle». Le fait que les membres du tribunal soient nommés par le commissaire pour appliquer les politiques formulées par lui ne signifie pas que le tribunal soit partial. Ainsi que l'a jugé la Cour suprême relativement aux cours martiales, on ne peut pas dire que les membres du tribunal, qu'ils soient des militai- res ou, comme dans le présent cas, des agents de police, soient moins en mesure de remplir leur obligation d'impartialité que les juges des tribunaux civils.
Le fait que le commissaire aurait pu formuler des critiques sévères à l'égard du requérant ne justifie pas qu'on conclue à l'existence d'une crainte raisonnable de partialité de la part du tribunal du service. C'est un tribunal indépendant et impartial.
De plus, il ne serait pas à propos d'interrompre le procès disciplinaire avant même qu'il ne commence, sous prétexte de partialité, étant donné que la Loi prévoit la possibilité d'interje- ter appel de la décision du tribunal.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
MacKay c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 370.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Re Nash and The Queen (1982), 70 C.C.C. (2d) 490 (C. prov. T.-N.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Regina v. Mingo et al. (1982), 2 C.C.C. (3d) 23 (C.S.C.-B.); Krug c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 255; 21 C.C.C. (3d) 193; R. c. Prince, [1986] 2 R.C.S. 480; Re MacDonald and Marriott et al. (1984), 7 D.L.R. (4th) 697 (C.S.C.-B.); Regina v. Wigglesworth (1984), 11 C.C.C. (3d) 27; 38 C.R. (3d) 388 (C.A. Sask.) (autorisa- tion de pourvoi accordée [1984] 1 R.C.S. xiv), confir-
mant 7 C.C.C. (3d) 170; 150 D.L.R. (3d) 748; 35 C.R. (3d) 322 (B.R. Sask.).
DÉCISIONS CITÉES:
Carlo Borrelli c. Sa Majesté la Reine, jugement en date du 5 août 1986, Cour d'appel du Québec, du greffe 500-10-000254-85 2 / 7 00-27-011073-846, encore inédit; Committee for Justice and Liberty et autres c. Office national de l'énergie et autres, [1978] 1 R.C.S. 369; (1976), 68 D.L.R. (3d) 716; Kienapple c. La Reine, [1975] 1 R.C.S. 729; Re R. v. Crux and Polvliet (1971), 2 C.C.C. (2d) 427; Vaillancourt v. City of Hull and Attorney General of the Province, [1949] B.R. 680 (Qc).
AVOCATS:
Julius H. Grey et Lawrence Corriveau, c.r.
pour le requérant.
Richard Starck pour les intimés.
PROCUREURS:
Grey, Casgrain, Montréal, et Corriveau, Bou- chard, Corriveau & Associés, Québec, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE JOYAL: Il s'agit d'une demande présen- tée à la Cour en vue d'obtenir une ordonnance interdisant à la Gendarmerie royale du Canada d'engager des poursuites disciplinaires contre le requérant pour une infraction majeure ressortis- sant au service en vertu de l'alinéa 25o) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, S.R.C. 1970, chap. R-9.
Cet article de la Loi prévoit qu'un membre de la GRC est coupable d'une infraction s'il
25....
o) se conduit de façon scandaleuse, infâme, honteuse, impie
ou immorale; .. .
Le requérant fonde sa demande sur la doctrine de la double incrimination et sur la partialité.
Le requérant est membre de la Gendarmerie royale du Canada. À toutes les époques en cause, il était en poste à Roberval (Québec). Vers le mois de mars ou d'avril 1985, il a reçu de la Drug Enforcement Agency des États-Unis certains
documents confidentiels concernant un suspect qui pouvait avoir eu des parents ou des relations dans la région du Lac St-Jean. En mai 1985, il a pris des vacances en Floride. Pendant son séjour à cet endroit, il a été arrêté par les autorités américaines et accusé sous trois chefs d'avoir contrevenu aux articles 1952(a)(3), 641 et 201(c) du titre 18 du United States Code. Ces accusations criminelles avaient trait à la divulgation non autorisée de renseignements confidentiels relatifs à une enquête menée par la Drug Enforcement Administration du département de la Justice des États-Unis, au transport illégal de dossiers et à la sollicitation et l'obtention d'un pot-de-vin.
Le requérant a par la suite subi un procès devant un tribunal composé d'un juge et d'un jury et, le 8 août 1985, il a été acquitté de toutes les accusations.
Il est revenu au Canada. Des accusations ont été portées contre lui en vertu de dispositions similai- res du Code criminel [S.R.C. 1970, chap. C-34]. Une enquête préliminaire a eu lieu du 7 au 11 avril 1986. Le requérant a été renvoyé à son procès sous deux des six chefs d'accusation portés contre lui.
Au procès, l'avocat de l'accusé a soulevé la question de la double incrimination, du plaidoyer appelé «autrefois acquit» et de la chose jugée. Le juge a alors mis l'affaire en délibéré et, le 12 septembre 1986, après une analyse minutieuse des doctrines de la double incrimination et de la chose jugée ainsi que de la jurisprudence récente sur le sujet, il a libéré l'accusé.
Pendant ce temps, toutefois, la conduite du requérant durant son séjour en Floride n'était pas passée inaperçue chez ses supérieurs. Il a été accusé de conduite déshonorante en vertu des dis positions disciplinaires de l'article 25 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. L'audience relative à cette accusation a été reportée un certain nombre de fois en attendant que les accusations criminelles portées contre le requérant soient tranchées.
Le requérant demande maintenant à la Cour d'interdire la tenue de l'enquête disciplinaire. Son avocat allègue en détail ce qui suit:
1. L'accusation portée en vertu de l'article 25 de la Loi est une accusation criminelle. S'il est
condamné, le requérant peut encourir une peine d'emprisonnement d'au plus un an, sanction à laquelle il ne devrait pas être soumis en raison de son acquittement antérieur.
2. Bien qu'elle diffère des accusations criminel- les auxquelles le requérant a déjà fait face, l'accusation relative à la discipline découle des mêmes circonstances et, selon la doctrine récente, cela constitue une chose jugée. L'avo- cat invoque à cet égard la décision rendue récemment par la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Carlo Borrelli c. Sa Majesté la Reine, du greffe 500-10-000254-852/ 700-27-011073-846, en date du 5 août 1986 et non encore publiée.
3. L'accusation relative à la discipline contre- vient elle-même aux droits garantis au requé- rant par la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)], et la demande présentée à la Cour constitue essentiellement une demande de redressement fondée sur l'article 24 de la Charte.
4. Vu que le commissaire de la GRC aurait critiqué les actes du requérant de façon très sévère, on peut donc craindre qu'il y ait eu partialité selon la définition donnée par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Mar- shall Crowe (Committee for Justice and Liberty et autres c. Office national de l'éner- gie et autres, [1978] 1 R.C.S. 369; (1976), 68 D.L.R. (3d) 716).
L'avocat de la Couronne soutient que, par sa nature même, la demande visant l'obtention d'une ordonnance de prohibition est prématurée. Il prie la Cour de conclure:
1. qu'il ne faudrait pas confondre une ordon- nance de prohibition avec une ordonnance de certiorari;
2. qu'il faut d'abord prouver l'absence de com- pétence du tribunal du service ou un abus de compétence de sa part;
3. que le requérant a soulevé des questions d'or- dre constitutionnel et juridique mais non des questions relatives à la compétence;
4. qu'il s'agit de questions qu'il pourrait être préférable de soulever au moment du procès
disciplinaire du requérant à la suite d'une enquête tenue par le tribunal du service;
5. que la crainte raisonnable de partialité n'a pas été prouvée.
La Gendarmerie royale du Canada est un corps policier légendaire. C'est un organisme paramili- taire et la combinaison de l'entraînement, de la conduite et de la discipline auxquels ses membres doivent se soumettre est essentielle à son rôle de gardienne de la paix et de défenseur de l'ordre public.
À l'instar des organismes similaires du Canada ou d'ailleurs, la GRC est soumise à des règlements et à des ordres permanents dont la violation peut être sanctionnée par un certain nombre de mesures disciplinaires. Le paragraphe 21(1) confère au gouverneur en conseil le pouvoir d'«édicter des règlements sur l'organisation, l'entraînement, la discipline, l'efficacité, l'administration et le bon gouvernement de la Gendarmerie et, en général, sur la réalisation des objets de la présente loi et la mise à exécution de ses dispositions.»
De même, le paragraphe 21(2) de la Loi auto- rise le commissaire de la GRC à édicter des règles, appelées «ordres permanents», pour les mêmes fins.
La Partie II de la Loi s'intitule «Discipline». L'article 25 contient quelque 16 infractions appe- lées «infractions majeures ressortissant au service». C'est l'une d'entre elles qu'on reproche au requé- rant d'avoir commise, c'est-à-dire de s'être conduit de façon déshonorante, scandaleuse, infâme, hon- teuse, impie ou immorale.
Selon l'article 31 [mod. par S.C. 1976-77, chap. 28, art. 49], une enquête peut être instituée par un officier ou un membre chargé de commander un détachement d'agents, et les pouvoirs qu'ils ont d'interroger des personnes et de contraindre des témoins à comparaître sont ceux que possèdent les juges de paix sous le régime des dispositions du Code criminel relatives aux déclarations sommai- res de culpabilité.
S'il ressort d'une telle enquête qu'une infraction ressortissant au service a été commise, un rapport est présenté au commissaire conformément au paragraphe 32(2), et, s'il est d'avis que l'agent devrait être jugé pour cette infraction, il peut
ordonner qu'une accusation écrite soit rédigée et signifiée et il désignera alors l'officier qui prési- dera le procès.
L'article 34, qui se rapporte au procès, prévoit ce qui est généralement considéré comme la procé- dure pénale. Advenant une condamnation et le prononcé d'une sentence, l'affaire peut être révisée par une commission dont les membres sont nommés par le solliciteur général du Canada.
À tous les égards, vu la nature des infractions qui sont définies à l'article 25, les règles de preuve qui sont prescrites en matière pénale et la sanction pénale qui pourrait être imposée à la suite d'une condamnation, le tribunal ressemble en tous points à une cour criminelle. Selon l'avocat du requérant, la procédure devrait donc être perçue comme un autre procès auquel doit se soumettre le requérant après avoir déjà subi deux procès de ce genre les mêmes circonstances s'appliquaient.
C'est naturellement un lieu commun de dire que les organismes constitués en vertu de la loi à des fins publiques ou privées déterminées et investis d'un mandat particulier par le Parlement, ont depuis toujours été dotés de pouvoirs étendus afin de soumettre leurs membres à des codes de disci pline et de faire respecter ces codes. Les militaires relèvent des cours martiales depuis des années. Les membres de la marine marchande du Canada peuvent être arrêtés à bord d'un navire ou à l'étranger et punis par un tribunal maritime ou par un officier en service de la marine ou un agent consulaire à l'étranger. (Voir les articles 570 et suivants de la Loi sur la marine marchande du Canada, S.R.C. 1970, chap. S-9.) Les corps poli- ciers qui ont été institués dans plusieurs de nos provinces possèdent des codes de discipline sembla- bles. Les organismes qui réglementent la pratique du droit, de la médecine et l'exercice d'autres professions se voient également accorder par la loi le droit de punir leurs membres.
À ma connaissance, la jurisprudence n'a pas encore établi qu'un tribunal disciplinaire perd le droit de juger l'un de ses membres pour une infrac tion ressortissant au service ou à la profession en raison du fait qu'une accusation criminelle a été portée relativement aux mêmes circonstances ou qu'une condamnation ou un acquittement a été
prononcé à la suite d'un procès. La jurisprudence a considéré l'aspect possible de la double incrimina tion comme l'une des conditions de l'adhésion à une société dans son ensemble et à un groupe sélect au sein de cette société. L'adhésion à ces groupes constitués par la loi pourrait souvent être avantageuse pour ses membres si ceux-ci se com- portent bien. Il en est autrement si leur conduite est considérée en général comme préjudiciable au bon fonctionnement du groupe.
La conduite d'un citoyen peut être scandaleuse. Elle peut être honteuse et immorale. Du point de vue pénal, cependant, aucun acte criminel ne pour- rait en résulter ni aucune sanction pénale être imposée.
Toutefois, les circonstances dans lesquelles se produit une conduite scandaleuse ou répréhensible peuvent également avoir une certaine incidence. Un médecin pourrait faire du tapage après avoir consommé de la bière ou agir de façon déréglée et scandaleuse au cours d'un colloque sur la méde- cine, et il n'encourra alors que la désapprobation complaisante de ses collègues. Il en découlera des conséquences différentes et beaucoup plus graves s'il s'engage dans une intervention ophtalmologi- que lorsqu'il est dans un état semblable ou qu'il entretient des rapports scandaleux avec des patients.
De la même façon, un citoyen ordinaire peut quitter son poste ou ne pas se présenter à son travail. Il n'en subira aucune conséquence si ce n'est une perte de revenu. Dans le cas d'un membre des Forces armées canadiennes, un tel comportement pourrait cependant constituer une absence sans autorisation ou un acte de désertion et entraîner des peines très sévères (voir l'article 78 et le paragraphe 80(1) de la Loi sur la défense nationale, S.R.C. 1970, chap. N-4, et d'une manière générale les infractions et les peines pré- vues à la Partie V de la Loi).
Les affaires jugées depuis l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés n'ont certainement pas révolutionné les conceptions du monde juridique en ce qui concerne la double incrimination ou les plaidoyers appelés «autrefois acquit» ou «autrefois convict». On a même laissé entendre que la doctrine actuelle de common law a une portée plus large que les garanties prévues par
la Charte à l'alinéa 11h). Dans leur ouvrage inti- tulé Charte canadienne des droits et libertés (Montréal, Coéditions Wilson & Lafleur/Sorej, 1982), Beaudoin et Tarnopolsky traitent abondam- ment de cette question aux pages 481 et suivantes, et la conclusion que je tire de leurs observations est que le texte de l'alinéa 11h) renferme plus de restrictions qu'il ne paraît.
L'affaire Regina v. Mingo et al. (1982), 2 C.C.C. (3d) 23 (C.S.C.-B.), concernait un détenu d'un pénitencier qui avait été puni en vertu du Règlement sur le service des pénitenciers, C.R.C., chap. 1251, et accusé également en vertu du Code criminel. La Cour suprême de la Colombie-Britan- nique a statué que le mot «infraction» utilisé à l'alinéa 11h) n'était censé s'appliquer qu'aux infractions créées par une loi fédérale ou une loi provinciale et qui peuvent être jugées par des tribunaux publics compétents.
Selon la décision rendue dans Re Nash and The Queen (1982), 70 C.C.C. (2d) 490 (C. prov. T.-N.), le mot «infraction» utilisé à l'alinéa 11h) a une portée assez large pour s'appliquer à toute infraction ou accusation pour laquelle un accusé peut être puni, et notamment pour s'appliquer à toute action intentée contre un membre d'une cor poration professionnelle autonome aussi bien qu'aux infractions au code de discipline de groupes tels que les agents de police et les membres des forces armées. Toutefois, la question soumise à la Cour semble avoir été une tentative d'invoquer la notion «d'impartialité» prévue à l'alinéa 11d) et pourrait ne pas être nécessairement en contradic tion avec les arrêts traitant de la double incrimination.
Dans l'arrêt Krug c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 255; 21 C.C.0 (3d) 193, la Cour suprême du Canada a jugé qu'un plaidoyer de double incrimi nation ne s'appliquerait qu'aux infractions qui sont identiques, c'est-à-dire qui contiennent les mêmes éléments et constituent une seule et même infrac tion procédant du même ensemble de circons- tances.
Cette conclusion représentait une certaine déro- gation à la doctrine énoncée dans l'arrêt Kienapple c. La Reine, [1975] 1 R.C.S. 729, et il en a été question de nouveau dans l'arrêt R. c. Prince, [1986] 2 R.C.S. 480 le juge en chef de la Cour
a souligné l'importante controverse portant sur la nature et la portée du principe de la chose jugée exposé par la Cour dans l'arrêt Kienapple.
À la fin de ses motifs, le juge en chef a formulé les commentaires suivants, qui sont particulière- ment pertinents à la présente question en litige [aux pages 507 et 508]:
Quoique ce point n'ait pas été soulevé en cette Cour, je tiens à ajouter que, selon moi, il convient normalement qu'une cour supérieure refuse de faire droit à une demande interlocutoire de bref de prérogative lorsque c'est la règle interdisant les déclara- tions de culpabilité multiples qui est en cause. Cette règle est à l'origine de nombreux appels. La présente affaire offre malheu- reusement un exemple des retards qui peuvent résulter d'une application erronée du principe de l'arrêt Kienapple avant la fin du procès. Les brefs de prérogative relèvent de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire et, nonobstant la possibilité d'une erreur de compétence dans certains cas, il serait généralement préféra- ble que les cours supérieures refusent d'examiner le bien-fondé de l'argument de l'arrêt Kienapple invoqué dans le cadre d'une demande interlocutoire.
Dans l'affaire Re MacDonald and Marriott et al. (1984), 7 D.L.R. (4th) 697 (C.S.C.-B.), un agent de police reconnu coupable de fraude a également fait l'objet de poursuites disciplinaires visant à déterminer si cette condamnation le ren- dait inapte à exercer ses fonctions. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a jugé que cela n'allait pas à l'encontre de l'alinéa 11h) de la Charte. Selon la Cour, bien que l'agent de police ait le droit de ne pas être accusé une autre fois de fraude, les poursuites disciplinaires ne visaient pas la fraude elle-même.
Dans l'affaire Regina v. Wigglesworth (1984), 11 C.C.C. (3d) 27; 38 C.R. (3d) 388 (C.A. Sask.), un membre de la GRC avait été reconnu coupable d'une infraction grave ressortis- sant au service en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada pour s'être conduit de façon inutilement violente envers un prisonnier. L'agent avait également été accusé de voies de fait simples en vertu du paragraphe 245(1) du Code criminel. La Cour d'appel de la Saskatchewan a décidé qu'il ne pouvait invoquer l'alinéa 11h) de la Charte. La Cour a fait siens les mots du juge Kindred du tribunal inférieur [B.R. Sask.] qui avait conclu ce qui suit [7 C.C.C. (3d) 170, aux pages 174 et 175; 150 D.L.R. (3d) 748, à la page 753; 35 C.R. (3d) 322 aux pages 327-328]: [TRADUCTION] ... (1) en adoptant la Partie II de la Loi, le Parlement a pourvu la Gendarmerie d'un code et de ses propres tribunaux pour juger les manquements à la discipline; (2) les
infractions (tant les infractions majeures que les infractions mineures ressortissant au service) prévues par la Partie II «concernent uniquement la discipline interne», se rapportant aux membres de la Gendarmerie; (3) il ne s'agit généralement pas d'infractions d'une nature publique qui doivent être jugées devant les cours ordinaires de juridiction criminelle.
Dans cette affaire, la Cour d'appel a déclaré qu'elle n'avait pas à s'occuper de la question de savoir si le pouvoir conféré à la GRC d'imposer une peine d'emprisonnement à ses membres recon- nus coupables d'infractions graves ressortissant au service, allait ou non à l'encontre de dispositions de la Charte.
Il faut noter que la Cour suprême du Canada [[1984] 1 R.C.S. xiv] a accordé la permission d'interjeter appel de la décision de la Cour d'appel de la Saskatchewan, et celui-ci devrait être entendu à la prochaine session.
Il convient également de noter que l'infraction ressortissant au service dont Wigglesworth a été reconnu coupable, c'est-à-dire le recours inutile à la violence envers un prisonnier, semblerait être sensiblement la même infraction que celle qui est décrite au paragraphe 245(1) du Code criminel.
On n'a pas soulevé devant moi la question de la validité des dispositions disciplinaires de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada compte tenu des droits et libertés prévus par la Charte. Néan- moins, l'avocat du requérant a fait remarquer que la Loi prévoit notamment une peine d'emprisonne- ment d'au plus un an pour une infraction grave ressortissant au service. C'est donc une loi pénale tout comme le Code criminel, et les règles ordinai- res en matière de double incrimination s'appli- quent.
Je dois reconnaître que, si l'accusation portée contre le requérant et en instance devant le tribu nal du service était identique ou similaire aux accusations criminelles dont il a déjà été acquitté, il pourrait opposer la double incrimination de façon assez convaincante. Je suis toutefois loin d'être persuadé que cette défense soit possible en l'espèce.
Le requérant est accusé d'avoir eu une conduite répréhensible pour un agent de la GRC. Il n'est pas accusé d'avoir vendu des renseignements pré- cieux pour ce qu'on pourrait appeler, par euphé- misme, une contrepartie valable. Il est accusé
d'une infraction ressortissant au service, et le tri bunal du service devra le juger et prononcer un verdict, dans un sens ou dans l'autre, en fonction de la preuve qui lui est soumise. De plus, la Cour ignore complètement ce qui pourrait être des élé- ments de preuve concordants qui ont été présentés devant les tribunaux criminels et que le tribunal du service pourra ou non trouver pertinents ou receva- bles, ainsi que les faits et les circonstances invo- qués aux procès criminels tenus en Floride ou au Canada.
La Cour ne peut non plus actuellement détermi- ner quels sont les éléments nécessaires de l'infrac- tion dont le tribunal du service est saisi ou si ces éléments sont identiques à ceux qui sont prévus par le code des États-Unis ou notre propre Code cri- minel. À titre d'exemple, il se pourrait que, pour le public en général, la divulgation de renseignements confidentiels, ou même la vente de ceux-ci à un acheteur intéressé, ne constitue pas un comporte- ment criminel. Ce genre de conduite pourrait néanmoins constituer une infraction grave pour un membre de la Gendarmerie, car il pourrait repré- senter un manquement grave à l'ordre et à la discipline. Dans de telles circonstances, une accu sation reliée au service pourrait être perçue comme une sorte de double incrimination, sans pour autant que le tribunal du service soit inhabile à l'entendre et sans qu'elle aille, à mon avis, à l'encontre de l'alinéa 11h) de la Charte canadienne des droits et libertés. Quoi qu'il en soit, voilà des questions qu'il serait peut-être plus approprié de soulever devant le tribunal du service, d'autant plus qu'il serait alors facile de se prévaloir des recours prévus en cas d'erreur.
L'avocat du requérant soulève la question de la «crainte raisonnable de partialité». Je dois dire tout d'abord qu'on a déjà avancé cet argument relative- ment aux tribunaux du service. Comme c'est le cas pour les cours martiales, on allègue que le tribunal est désigné par l'autorité qui décide qu'une accusa tion doit être portée, que les maillons de la chaîne hiérarchique vont du sommet au tribunal pour retourner au point de départ, que le tribunal veut faire respecter la politique élaborée par l'autorité concernée et est partial. Cette allégation a été soulevée dans l'affaire MacKay c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 370. La Cour a jugé cet appel en séance plénière et la majorité des juges (sauf les
dissidences du juge en chef Laskin et du juge Estey) n'a pas retenu cette allégation. Le juge McIntyre a dit, aux pages 403 et 404:
On ne peut nier qu'un officier est jusqu'à un certain point le représentant de la classe militaire dont il est issu; il ne serait pas humain si ce n'était le cas. Mais le même argument, en toute justice, vaut tout autant à l'égard des personnes nommées à des fonctions judiciaires dans la société civile. Nous sommes tous les produits de nos milieux respectifs et nous devons tous, dans l'exercice de la fonction judiciaire, veiller à ce que cette réalité n'entraîne aucune injustice. Je ne puis dire que les officiers, formés aux méthodes de la vie militaire et soucieux de préserver les normes requises d'efficacité et de discipline—ce qui inclut le bien-être de leurs hommes—sont moins aptes que d'autres à adapter leurs attitudes de façon à remplir l'obligation d'impartialité qui leur incombe dans cette tâche.
Il est vrai que, dans l'affaire MacKay, la contes- tation de la compétence de la Cour martiale était fondée sur l'alinéa 2f) de la Déclaration cana- dienne des droits, S.R.C. 1970, Appendice III, mais, quant au fond, ce droit ou cette protection est identique à celui qui est prévu à l'alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés.
L'avocat du requérant a cependant avancé un autre argument en ce qui concerne la partialité. Le requérant a produit comme pièce annexe de son affidavit un extrait dactylographié non identifié d'un présumé enregistrement sur cassette d'une présumée déclaration qui aurait été faite par le commissaire de la GRC à un certain groupe et dans laquelle le commissaire exprimait certaines opinions non équivoques sur la conduite d'un membre non identifié de la Gendarmerie. L'avocat m'a exhorté à conclure que l'extrait était authenti- que, que les paroles avaient vraiment été pronon- cées, qu'elles visaient le requérant et que la trans cription reproduisait exactement ce qui a été dit et enregistré à cette réunion. L'avocat du requérant a également souligné que le fait pour la Couronne de ne pas avoir contre-interrogé le requérant au sujet de cette pièce constituait une reconnaissance de son authenticité.
Je n'irai pas jusque-là. Le document lui-même ne constitue que du ouï-dire et je doute que le requérant soit en mesure de jurer que son contenu est authentique ou vrai. Aucune preuve ne porte sur l'auteur de la déclaration, sur les personnes devant lesquelles elle a été faite ni sur le contexte des paroles soi-disant partiales.
Évidemment, il n'existe non plus aucune preuve sur la façon dont le requérant est entré en posses-
Sion de cette «transcription», mais c'est une autre question qui devrait être tranchée exclusive- ment selon la procédure de la GRC en matière de sécurité interne.
En admettant pour le moment que le document est authentique et que les paroles qui y sont rap- portées visaient le requérant, il ne suffirait pas pour autant à me justifier d'intervenir pour l'ins- tant. Le commissaire de la GRC n'est pas le tribunal. Il est vrai qu'il a désigné le tribunal mais, une fois désigné, celui-ci est aussi indépendant et apparemment aussi impartial que tout tribunal qui traiterait d'une infraction ressortissant au service. On ne peut pas raisonnablement conclure que les préventions du commissaire, le cas échéant, sont nécessairement partagées par le tribunal et que, par conséquent, le requérant n'obtiendrait pas un procès équitable. Je n'ai pas à répéter ici les remarques formulées à cet égard par le juge McIn- tyre dans l'arrêt MacKay (précité).
En outre, la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada contient certaines garanties qui sont énon- cées à la Partie II. L'article 41 prévoit la possibi- lité d'interjeter appel. Selon le paragraphe 43(2), les appels interjetés par des personnes déclarées coupables d'une infraction majeure ressortissant au service doivent être déférés par le commissaire à une Commission de révision. Conformément au paragraphe 43(1), cette Commission de révision est nommée par le solliciteur général du Canada. J'admets que la Commission de révision doit alors faire ses recommandations au commissaire qui peut, en vertu de l'article 44, annuler la déclara- tion de culpabilité, rejeter l'appel, réduire la sen tence ou ordonner un nouveau procès. Ces procé- dures d'appel sont cependant assez éloignées et, en attendant, les parties seront libres d'examiner davantage la preuve à l'appui de l'allégation de partialité. À ce moment-ci, toutefois, je répugne à interrompre le procès disciplinaire avant même qu'il ne soit commencé.
Je dois maintenant traiter brièvement du renvoi que le dossier de l'avocat du requérant fait au paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés. Cette disposition est rédigée ainsi:
24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente
charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.
Le renvoi que l'avocat du requérant fait à cette disposition de la Charte a, si je comprends bien, deux volets: premièrement, la disposition fournirait au requérant une procédure lui permettant de chercher un redressement devant la Cour et, deuxièmement, les droits garantis au requérant par la Charte auraient été violés ou niés en raison de l'accusation relative au service portée contre lui et, dans un tel cas, une ordonnance de prohibition serait le redressement approprié. Comme j'ai conclu que le droit conféré par la Loi au tribunal du service d'entendre ladite accusation relative à ce service est bien établi et que, à cette étape au moins, les droits garantis au requérant par la Charte n'ont pas été violés ou niés, je n'ai pas besoin d'en dire davantage sur ce point.
L'avocat de la Couronne a fait valoir qu'il est prématuré en ce moment de présenter une demande d'ordonnance de prohibition. Il soutient qu'une cour supérieure ne peut pas rendre une telle ordonnance afin d'empêcher un tribunal inférieur de commettre des erreurs que l'on peut peut-être appréhender mais qui n'ont pas encore été commi- ses. L'avocat a cité le volume de Gilles Létourneau intitulé The Prerogative Writs in Canadian Crimi nal Law and Procedure, (Toronto, Butterworths), aux pages 142 et 143 et les arrêts Re R. v. Crux and Polvliet (1971), 2 C.C.C. (2d) 427, et Vail- lancourt v. City of Hull and Attorney General of the Province, [1949] B.R. 680 (Qc), à la page 689. Cet ouvrage et cette jurisprudence ont été inter- prétés comme reconnaissant à un tribunal le privi- lège de commettre une erreur ou le droit de se tromper, le recours dans un tel cas étant une demande d'annulation du jugement.
On a dit beaucoup de choses sur le champ d'application possible d'un bref de prohibition. L'argument qu'a fait valoir l'avocat de la Cou- ronne peut être bien fondé en ce qui concerne certains des motifs soulevés par le requérant. On pourrait considérer que ces motifs sont prématurés et qu'il serait préférable de les soulever devant le tribunal du service. Cela aurait pu justifier une réponse favorable à la requête concomitante de l'avocat de la Couronne tendant à la radiation de la demande. En raison cependant de la décision
que j'ai déjà rendue au sujet de cette demande, je n'ai pas à m'attarder sur cette question.
La demande visant à obtenir une ordonnance de prohibition est rejetée avec dépens.
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