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T-2630-86
MTD Products Limited (requérante)
c.
Commission du tarif du Canada, Gordon Banner- man Limited, Deutz-Allis Corporation Canada Ltd., John Deere Limited, Outboard Marine Cor poration, Westward Power Equipment, The Toro Company, Canadiana Outdoor Products Inc., Out door Power Equipment Institute Inc., Murray Ohio Manufacturing Company, Honda Canada Inc., Jacobsen Textron, Rollins Machinery Ltd., Brouwer Turf Equipment Limited, Alteen Distri butors Ltd., Consolidated Turf Equipment (1965) Ltd., Brandt Industries Ltd., Interprovincial Turf Equipment, Fallis Turf Equipment, G. D. Duke Equipment Ltd., JI Case Canada, MacLeod-Sted- man Inc., Ontario Turf Equipment Co. Ltd., Mary's Leisure Products (1977), Inc., Halifax Seek Company Limited, Turf Care, Polaris Indus tries Inc. et le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (intimés)
RÉPERTORIÉ: MTD PRODUCTS LTD. c. CANADA (COMMISSION DU TARIF)
Division de première instance, juge Dubé— Ottawa, 9 et 10 décembre 1986.
Douanes et accise Loi sur les douanes Commission du tarif La Commission n'a pas le pouvoir inhérent ni législatif de réexaminer sa propre décision En common law, il ne peut y avoir lieu à réexamen que dans les cas d'erreurs d'écriture et d'omissions accidentelles Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, chap. C-40, art. 47, 48, 49 Loi sur la Commission du tarif S.R.C. 1970, chap. T-1, art. 9 Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 337(5),(6).
Pratique Jugements et ordonnances Annulation ou modification Une fois sa décision rendue, la Cour ou la Commission n'a que la compétence nécessaire pour corriger des erreurs d'écriture ou pour statuer sur un point oublié par inadvertance Les commissions n'ont pas le pouvoir inhérent de réexaminer leur propre décision Ni la Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, chap. C-40, ni la Loi sur la Commission du tarif, S.R.C. 1970, chap. T-1, ne prévoient de pouvoir légal à cet effet.
Le sous-ministre a envoyé un renvoi à la Commission relati- vement à la classification tarifaire appropriée de diverses ton- deuses à gazon autopropulsées. La Commission a rendu une décision officielle, et elle a fait connaître ses motifs par écrit le 19 septembre 1986. Certes, elle a conclu que les critères énoncés dans un appel antérieur étaient suffisants pour permet- tre une classification appropriée; mais elle était aussi d'opinion que la preuve soumise était insuffisante pour permettre de classifier correctement toutes et chacune des tondeuses à gazon. En conséquence, elle a renvoyé l'affaire devant le sous-ministre.
Le 2 octobre, l'un des intimés a demandé à la Commission de «clarifier» sa décision qui était, dit-on, ambiguë. La Commis sion a répondu qu'elle était disposée à entendre une demande officielle de réexamen des positions prises dans sa décision et à fixer la date d'audition au 11 décembre. La requête en l'espèce tend à l'obtention d'un bref de prohibition qui interdirait à la Commission de tenir une telle audience.
Jugement: Il y a lieu de décerner le bref de prohibition demandé.
La Commission n'a pas adopté de règles et doit donc suivre les principes de la common law. En common law, tant les tribunaux quasi judiciaires que les tribunaux judiciaires n'ont que la compétence nécessaire pour corriger des erreurs d'écri- ture accidentelles ou pour statuer sur un point oublié par inadvertance. Les commissions n'ont pas le pouvoir inhérent de réexaminer leur propre décision. Elles ne le peuvent que si la loi qui les crée le prévoit expressément. Or, ni la Loi sur les douanes ni la Loi sur la Commission du tarif ne contiennent de disposition à cet effet. Au contraire, le paragraphe 47(3), que vise l'article 49 de la Loi sur les douanes, dispose qu'une ordonnance de la Commission est «définitive et péremptoire, sauf nouvel appel que prévoit l'article 48». II est évident que les jugements doivent être définitifs. En l'espèce, la décision est conforme aux motifs et aucune question n'a été omise par inadvertance.
Le paragraphe 337(5) des Règles de la Cour fédérale (connu sous le nom de «Règle des omissions») ne s'applique pas à la Commission du tarif et, même si elle était applicable, elle ne justifierait pas un réexamen dans les circonstances.
JURISPRUDENCE:
DÉCISIONS CITÉES:
Holmes Foundry Limited v. Village of Point Edward, [1963] 2 O.R. 404; 39 D.L.R. (2d) 621 (C.A.); Paper Machinery Ltd. et al. v. J.O. Ross Engineering Corp. et al., [1934] R.C.S. 186; [1934] 2 D.L.R. 239; Preston Banking Company v. William Allsup & Sons, [1895] 1 Ch. 141 (C.A.); Piyaratana Unnanse v. Wahareke Sonuttara Unnanse, [1950] 2 W.W.R. 796 (P.C.); Scivi- tarro v. Min. of Human Resources, [1982] 4 W.W.R. 632; 134 D.L.R. (3d) 521 (C.S.C.-B.); Re Martin and County of Brant, [1970] 1 O.R. 1 (C.A.).
AVOCATS:
Ronald J. Rolls, c.r. et Ronald D. Collins pour la requérante.
Peter Annis pour la Commission du tarif du Canada, intimée.
Richard A. Wagner pour John Deere Limited, Deutz-Allis Corporation et Outboard Marine Corporation, intimées.
Ronald Cheng pour The Toro Company, intimée.
Paul Kane pour Canadiana Outdoor Products Inc., intimée.
Steven H. Leitl pour Jacobsen Textron, intimée.
Arnold Fradkin pour le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, intimé.
PROCUREURS:
Fasken & Calvin, Toronto, pour la requé- rante.
Honeywell, Wotherspoon, Ottawa, pour la Commission du tarif du Canada, intimée. Perley-Robertson, Panet, Hill & McDougall, Ottawa, pour John Deere Limited, Deutz- Allis Corporation, Outboard Marine Corpora tion et Canadiana Outdoor Products Inc., intimées.
Osier, Haskin & Hartcourt, Toronto, pour The Toro Company, intimée.
Borden & Elliott, Toronto, pour Jacobsen Textron, intimée.
Le sous-procureur général du Canada pour le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE DURÉ: La présente requête (entendue toute la journée hier) tend à obtenir un bref de prohibition pour empêcher la Commission du tarif de tenir une audience pour réexaminer la décision qu'elle a rendue le 19 septembre 1986 dans le renvoi/appel 2294. L'audience doit être tenue demain, le 11 décembre 1986. Comme le temps presse, je ne puis passer en revue dans les présents motifs tous les arguments invoqués, ni discuter en détail de la jurisprudence présentée par les diffé- rentes parties qui ont comparu dans cette affaire. J'entends donc me limiter à une brève présentation des faits essentiels, de l'analyse des principes appli- cables et de mes conclusions.
Le renvoi/appel 2294 portait sur la classifica tion tarifaire de diverses tondeuses à gazon méca- niques autopropulsées. En application du paragra- phe 49(1) de la Loi sur les douanes', le renvoi en question a été soumis à la Commission par le sous-ministre dans sa lettre datée du 4 avril 1985.
1 S.R.C. 1970, chap. C-40.
Le sous-ministre y soulève deux questions. En premier lieu, les machines particulières désignées à l'Annexe A sont-elles des tondeuses à gazon méca- niques, classées sous le numéro tarifaire 42505-1, ou des tracteurs classés sous le numéro tarifaire 40938-1? En second lieu, de quels critères la Com mission a-t-elle tenu compte pour trancher la question?
Aux termes d'une audience de dix-huit jours, la Commission a rendu une décision officielle, et elle a fait connaître ses motifs par écrit le 19 septem- bre 1986. Voici la décision de la Commission:
DÉCISION DE LA COMMISSION
La Commission conclut que les critères énoncés dans l'appel portant le numéro 795 sont suffisants pour permettre de classi- fier les marchandises énumérées dans ce renvoi ainsi que des marchandises semblables. La Commission est aussi d'opinion que la preuve soumise est insuffisante pour lui permettre de classifier correctement toutes et chacune des machines énumé- rées dans l'Annexe A sur une base individuelle. En consé- quence, la Commission renvoie l'affaire devant le sous-ministre pour toute mesure appropriée.
Dans le dernier paragraphe des motifs de la décision, la Commission en arrive à la conclusion suivante:
La Commission, après avoir étudié attentivement la preuve, conclut que les critères énoncés lors de l'appel numéro 795, supra, permettent de classer de façon appropriée les marchan- dises énumérées dans le présent renvoi, ainsi que les marchandi- ses similaires. Les critères établis lors de l'appel 795 ont résisté à l'épreuve du temps depuis les déclarations de la Commission le 20 septembre 1966 et la Commission estime qu'elle ne serait pas fondée d'ajouter aux critères qui existent déjà afin de pouvoir inclure les marchandises en question. La Commission est aussi d'avis qu'elle n'a pas reçu assez d'éléments de preuve pour qu'elle puisse dûment classer chacune des machines énu- mérées à l'Annexe A séparément. Par conséquent, la Commis sion n'est pas disposée à répondre à une telle demande du sous-ministre à ce moment-ci et elle lui renvoie la question pour qu'il prenne les mesures qui s'imposent.
Le 2 octobre 1986, l'avocat de l'un des interve- nants, Canadiana Outdoor Products Inc., a demandé par écrit à la Commission du tarif de «clarifier" sa décision. Dans sa réponse en date du 23 octobre 1986, le secrétaire de la Commission a indiqué que celle-ci était disposée à entendre une demande officielle de réexamen des positions prises dans sa décision et à fixer la date d'audition au 11 décembre 1986 si les avis étaient déposés et signifiés par courrier recommandé au plus tard le 10 novembre 1986. La Commission avait alors déjà été informée par le ministère de la Justice qu'elle n'avait plus compétence pour tenir une audience en vue de procéder à un tel examen.
On a beaucoup insisté sur le fait que l'avis de requête officiel a été déposé le 10 novembre et posté ce jour même, d'où impossibilité pour les autres parties de recevoir leur avis au plus tard le 10 novembre. Cependant, j'estime qu'aucun préju- dice n'a été subi par aucune des parties intéressées. La question de savoir si la signification d'un avis par courrier recommandé est effectuée à la date de l'expédition ou à celle de la réception de l'avis n'aura donc aucune incidence sur la décision.
La requérante a prétendu que la Commission avait fait preuve de partialité, avait autrement contrevenu aux principes de la justice naturelle, ou n'avait pas suivi une procédure équitable. À mon avis, ces allégations ne sont pas fondées.
L'un des intimés a soutenu que la décision de la Commission n'était pas une «décision» mais un «avis» donné en application de l'article 49 de la Loi sur les douanes. Aux termes du paragraphe 49(2), le renvoi prévu par cet article doit être considéré comme un appel à la Commission du tarif, et, en vertu des dispositions de la Loi, peut faire l'objet d'un appel à la Cour fédérale. On a également soutenu que la décision de la Commission était de nature strictement administrative et non quasi judiciaire. Même l'avocat de la Commission a rejeté cette prétention.
Le 12 novembre 1986, l'avocat de la requérante («MTD») a fait parvenir au secrétaire de la Com mission un télex dans lequel il lui demandait quel était l'objet de l'audience du 11 décembre 1986. Le 21 novembre 1986, ce dernier a fait savoir à l'avocat que l'audience porterait uniquement sur la question de la compétence et que l'on ne débattrait pas le bien-fondé du réexamen proposé. Cette posi tion a été confirmée par la Commission dans une lettre datée du 20 novembre 1986. Toutefois, le 29 novembre 1986, le secrétaire de la Commission a de nouveau écrit à l'avocat pour l'informer du fait que la Commission avait changé d'avis. Voici un passage de sa lettre:
[TRADUCTION] Je suis maintenant chargé de vous faire savoir qu'à l'audition des demandes de clarification relatives à la décision et aux motifs de la décision rendue par la Commis sion qui aura lieu le 11 décembre prochain, le Comité s'attend à ce qu'on débatte devant lui la question de savoir si la Commis sion est compétente pour réexaminer l'affaire, s'il existe des motifs justifiant ce réexamen et si les recours proposés convien- nent, conformément à la lettre de la Commission en date du 23 octobre.
Les prétentions de la requérante MTD, qu'ap- puie le sous-ministre du Revenu national, se résu- ment à ceci: la Commission n'a pas compétence pour réexaminer sa propre décision. Je partage ce point de vue.
Dès le départ, il convient de souligner que la décision en question rendue le 19 septembre 1986 a été publiée dans la Gazette du Canada le let novembre 1986 en application de l'article 9 de la Loi sur la Commission du tarif qui dispose que la décision de la Commission doit être publiée immé- diatement. L'article 49 de la Loi sur les douanes (qui prévoit le renvoi) vise les articles 47 et 48 de la Loi. Aux termes du paragraphe 47(3), une ordonnance de la Commission est «définitive et péremptoire, sauf nouvel appel que prévoit l'article 48». Et il va de soi que les jugements doivent être définitifs.
Les autres parties ont invoqué la Règle 337 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663] et, plus particulièrement, les paragraphes 337(5) et 337(6) qui servent de fondement à la règle des omissions. Ces dispositions prévoient ce qui suit:
Règle 337. ..
(5) Dans les 10 jours de prononcé d'un jugement en vertu de l'alinéa (2)a), ou dans tel délai prolongé que la Cour pourra accorder, soit avant, soit après l'expiration du délai de 10 jours, l'une ou l'autre des parties pourra présenter à la Cour, telle qu'elle est constituée au moment du prononcé, une requête demandant un nouvel examen des termes du prononcé, mais seulement l'une ou l'autre ou l'une et l'autre des raisons suivantes:
a) le prononcé n'est pas en accord avec les motifs qui, le cas échéant, ont été donnés pour justifier le jugement;
b) on a négligé ou accidentellement omis de traiter d'une question dont on aurait traiter.
(6) Dans les jugements, les erreurs de rédaction ou autres erreurs d'écriture ou omissions accidentelles peuvent toujours être corrigées par la Cour sans procéder par voie d'appel.
Dans les faits, l'avocat de la partie qui demande des éclaircissements a repris les termes des alinéas 337(5)a) et b) dans la demande adressée à la Commission. L'avocat des intimés ne prétend pas que la décision contient des erreurs d'écriture ni des omissions accidentelles. Il soutient qu'elle est imprécise au point de faire l'objet de différentes interprétations par les diverses parties, ce qui est plus grave.
2 S.R.C. 1970, chap. T-1.
D'abord, la règle des omissions de la Cour fédé- rale ne s'applique pas à la Commission du tarif et, même si elle était applicable, elle ne permettrait pas le réexamen ni l'éclaircissement demandé par les intimés. La Commission n'a pas de règles et doit donc suivre les principes de la common law en la matière.
En common law, la cour qui a rendu une ordon- nance ou un jugement est dessaisie, et elle n'a plus que la compétence nécessaire pour corriger des erreurs d'écriture accidentelles ou pour statuer sur un point oublié par inadvertance'. Ce principe s'applique tant aux tribunaux quasi judiciaires qu'aux tribunaux judiciaires 4 . Les commissions en tant que telles n'ont pas le pouvoir inhérent de réexaminer leur propre décision. Elles ne le peu- vent que si la Loi qui les crée le prévoit expressé- ment. Or, ni la Loi sur les douanes ni la Loi sur la Commission du tarif ne contiennent de disposition à cet effet.
Ayant conclu que la Commission n'avait pas le pouvoir inhérent ni législatif de réexaminer sa propre décision, je dois maintenant examiner les motifs de la décision ainsi que la décision de la Commission pour déterminer si la décision est en accord avec les motifs ou si certaines questions n'ont pas été omises par inadvertance.
Dès les premières lignes des motifs de la déci- sion, la Commission reproduit les deux questions soumises par le sous-ministre. Puis, elle statue sur les deux points et renvoie l'affaire au sous-ministre pour qu'il prenne les mesures qui s'imposent. Comme l'ont fait remarquer certains intimés, la Commission ne précise pas quelles mesures le sous- ministre doit prendre. Il appartient à ce dernier d'en décider et la cour ne saurait se prononcer sur la question.
Dans sa décision, la Commission reproduit très brièvement les conclusions des motifs de la déci-
3 Voir Holmes Foundry Limited v. Village of Point Edward, [1963] 2 O.R. 404; 39 D.L.R. (2d) 621 (C.A.); Paper Machi nery Ltd. et al. v. J.O. Ross Engineering Corp. et al., [1934] R.C.S. 186; [1934] 2 D.L.R. 239; Preston Banking Company v. William Allsup & Sons, [1895] 1 Ch. 141 (C.A.); et Piyara- tana Unnanse v. Wahareke Sonuttara Unnanse, [1950] 2 W.W.R. 796 (P.C.).
4 Voir Scivitarro v. Min. of Human Resources, [1982] 4 W.W.R. 632; 134 D.L.R. (3d) 521 (C.S.C.-B.) et Re Martin and County of Brant, [1970] 1 O.R. 1 (C.A.).
Sion. Si ambiguë et imprécise qu'elle soit, je ne puis conclure que la décision n'est pas en accord avec les motifs ni que certaines questions ont été omises par inadvertance. Il se peut fort bien que ni les motifs ni la décision ne résolvent les problèmes perçus par les intimés et que les deux documents n'apportent pas, aux yeux du sous-ministre, une réponse satisfaisante à la question posée mais en rendant sa décision, la Commission n'a agi ni de façon accidentelle ou involontaire, ni par inadver- tance. La décision de la Commission reflète les motifs de cette décision si mécontents que soient les intimés.
Étant donné les circonstances, un bref de prohi bition sera décerné pour empêcher la Commission du tarif de tenir une audience pour réexaminer la décision qu'elle a rendue le 19 septembre 1986 dans le renvoi/appel 2294. La requérante a droit aux dépens.
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