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T-66-86
Walter Patrick Twinn agissant en son propre nom et au nom de tous les autres membres de la bande de Sawridge, John Daniel McLean agissant en son propre nom et au nom de tous les autres membres de la bande de Sturgeon Lake, Wayne Roan agis- sant en son propre nom et au nom de tous les autres membres de la bande Ermineskin, Raymond Cardinal agissant en son propre nom et au nom de tous les autres membres de la bande des Enochs, Bruce Starlight agissant en son propre nom et au nom de tous les autres membres de la bande des Sarcis, et Andrew Bear Robe agissant en son propre nom et au nom de tous les autres membres de la bande Pieds-Noirs (demandeurs)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: TWINN C. CANADA
Division de première instance, juge Strayer - Toronto, 18 et 19 septembre; Ottawa, 31 octobre 1986.
Pratique - Plaidoiries - Requête en radiation - Consti- tutionnalité des modifications apportées à la Loi sur les Indiens concernant la détermination de l'appartenance à une bande - Critère à appliquer à l'occasion d'une requête en radiation: la réclamation du demandeur est-elle soutenue - Plusieurs questions défendables quant aux droits ancestraux - Les points litigieux concernant les art. I et 2d) de la Charte ne doivent pas être rejetés à ce stade - Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 408, 409, 412, 415, 419(1)a),c),d),f), 474, 1711 - Loi modifiant la Loi sur les Indiens, S.C. 1985, chap. 27, art. 6, 7, 10, 11 - Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, chap. I-6, art. 5 à 11, 12(1)b), 13, 14, 109(2) - Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 35 (mod. par Proclamation de 1983 modifiant la Constitution, TR/84-102) - Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B. Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 2d), 15, 25, 27, 28 - Acte pourvoyant à l'organisation du Département du Secrétariat d'État du Canada, ainsi qu'à l'administration des Terres des Sauvages et de l'Ordonnance, S.C. 1868, chap. 42.
Pratique - Parties - Qualité pour agir - Constitutionna- lité des modifications apportées à la Loi sur les Indiens concernant la détermination de l'appartenance à une bande Parties ayant le droit d'intenter une action au nom des bandes respectives - Intérêt pour s'assurer du respect de la constitu tion par le Parlement - Il convient de dire que les autres membres de la bande devraient se constituer demandeurs dans un recours collectif - Le désaccord de deux membres de la bande ne saurait donner lieu au rejet de l'action - Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 408, 409, 412, 415, 419(1)a),c),d),f), 474, 1711 - Loi modifiant la Loi sur les Indiens, S.C. 1985, chap. 27, art. 6, 7, 10, 11.
Peuples autochtones - Inscription - Modifications appor- tées à la Loi sur les Indiens concernant la détermination de l'appartenance à une bande - Y a-t-il incompatibilité avec la garantie des droits ancestraux prévue à l'art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982? - Les demandeurs sont-ils en droit d'intenter une action au nom de leurs bandes respectives - Loi modifiant la Loi sur les Indiens, S.C. 1985, chap. 27, art. 6, 7,
10, 11 - Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, chap. I-6, art. 5 à
11, 12(1)b), 13, 14, 109(2) - Acte pourvoyant à l'organisation du Département du Secrétariat d'État du Canada, ainsi qu'à l'administration des Terres des Sauvages et de l'Ordonnance, S.C. 1868, chap. 42 - Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 35 (mod. par Proclamation de 1983 modifiant la Constitution, TR/84-102) - Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 2d), 15, 25, 27, 28 - Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 408, 409, 412, 415, 419(1)a),c),d),f), 474, 1711.
Droit constitutionnel - Autochtones - Les modifications apportées à la Loi sur les Indiens concernant la détermination de l'appartenance à une bande vont-elles à l'encontre de l'art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 - Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 35 (mod. par Proclamation de 1983 modifiant la Constitution, TR/84-102 - Loi modifiant la Loi sur les Indiens, S.C. 1985, chap. 27, art. 6, 7, 10, 11 - Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, chap. I-6, art. 5 à 11, 12(1)b), 13, 14, 109(2).
Droit constitutionnel - Charte des droits - Libertés fon- damentales - Liberté d'association - Les modifications apportées à la Loi sur les Indiens concernant la détermination de l'appartenance à une bande restreignent-elles la liberté d'association? - Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 2d), 15, 25, 27, 28 - Loi modifiant la Loi sur les Indiens, S.C. 1985, chap. 27, art. 6, 7, 10, 11 - Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, chap. I-6, art. 5 à 11, 12(1)b), 13, 14, 109(2).
Le 17 avril 1985, la Loi modifiant la Loi sur les Indiens est entrée en vigueur. Cette Loi a modifié notamment les règles d'appartenance à une bande. Les demandeurs, six Indiens qui agissent en leur propre nom et au nom de leurs bandes respecti- ves, contestent la validité de ces modifications. Ils font valoir que la Loi viole le droit ancestral des bandes indiennes de déterminer leur propre appartenance garanti par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, ou porte atteinte à leur liberté d'association garantie par l'alinéa 2d) de la Charte.
Par la présente requête, la défenderesse demande à la Cour de faire droit à quatre requêtes en ordonnant 1) la radiation de la déclaration parce qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action et qu'elle est frivole et vexatoire 2) la radiation de la déclaration parce que les demandeurs nommés ne peuvent agir au nom de leur bande, 3) la radiation de certaines parties de la déclaration modifiée parce qu'elles vont à l'encontre des articles 408, 409 et 412 des Règles de la Cour fédérale qui régissent les
plaidoiries, et 4) en ordonnant aux demandeurs de fournir des détails plus amples et plus précis.
Jugement: il y a lieu de rejeter les 1"e et 2 » requêtes et d'accueillir en partie les 3 » et 4 » requêtes.
Dans une requête en radiation fondée sur le motif qu'il n'existe aucune cause raisonnable d'action, la Cour doit tran- cher seulement la question de savoir si, à supposer que tous les faits allégués dans la déclaration soient vrais, la réclamation du demandeur est soutenable. Il s'agit d'une requête en radiation, et non d'une demande fondée sur la Règle 474 visant à obtenir une décision préliminaire sur un point de droit, ce qui fait que même s'il ne restait aucune question de fait à trancher, la Cour n'était pas tenue de trancher des questions de droit. La Cour a le pouvoir discrétionnaire de ne pas radier la déclaration lors- qu'il n'est pas manifestement clair que la réclamation du demandeur n'est pas fondée en droit. En l'espèce, il existe plusieurs questions de droit discutables en ce qui concerne le droit ancestral des demandeurs de décider de l'appartenance aux effectifs de leur bande.
L'argument fondé sur la liberté d'association, garantie par l'alinéa 2d) de la Charte, est loin d'être manifestement non fondé. De plus le fait pour la requérante d'invoquer l'article 1 de la Charte va presque certainement donner lieu à des ques tions de fait qui consistent à savoir si les modifications de 1985 sont raisonnables et si leur justification peut se démontrer dans une société libre et démocratique. Et si on ne peut dire que la déclaration ne révèle aucune cause raisonnable d'action, on ne peut alors dire a fortiori qu'elle est frivole ou vexatoire.
Les demandeurs ont le droit d'intenter la présente action au nom de leurs bandes et de l'intenter comme s'il s'agissait d'un recours collectif. Ainsi qu'il a été statué dans l'arrêt Thorson, «le droit des citoyens au respect de la constitution par le Parlement quand la question que soulève la conduite du Parle- ment est réglable par les voies de justice en tant que question de droit» fait en sorte qu'un demandeur a qualité pour faire déclarer une loi nulle. Et il convient de dire que les autres membres de la bande devraient se constituer demandeurs dans un recours collectif sous le régime de la Règle 1711, puisque les droits ancestraux sont essentiellement des droits communautai- res.
Le fait que certains membres de la bande ne peuvent récla- mer qu'une participation limitée aux droits ancestraux ne sau- rait donner lieu au rejet de l'action puisque le sens du mot «ancestral» utilisé dans la Loi constitutionnelle de 1982 est loin d'être clair, et que l'issue de l'action peut modifier la part de beaucoup de personnes dans les biens de la bande et leur mode de vie. Qui plus est, étant donné que l'on revendique des droits issus de traités, le recours collectif semble nécessaire puisque quelques particuliers ne sauraient agir en justice pour faire appliquer ces droits. Un recours collectif n'exige pas le consen- tement d'autres membres du groupe. En conséquence, l'accord ou le désaccord de deux membres de la bande ne sauraient donner lieu au rejet de l'action, surtout parce que ceux qui ne désirent pas se constituer demandeurs peuvent être constitués défendeurs.
Certaines parties de la déclaration devraient toutefois être radiées parce qu'elles ne sont pas essentielles et peuvent être vexatoires, et il est ordonné aux demandeurs de donner les détails demandés.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735; Succession Creaghan c. La Reine, [1972] C.F. 732 (1" inst.); Dowson c. Gouvernement du Canada (1981), 37 N.R. 127 (C.A.F.); Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441; Waterside Ocean Navigation Co., Inc. c. International Navigation Ltd., [1977] 2 C.F. 257 (1" inst.); Thorson c. Procureur général du Canada et autres, [1975] 1 R.C.S. 138; Attorney -General for Ontario v. Bear Island Foundation et al. (1984), 15 D.L.R. (4th) 321 (H.C. Ont.); Sykes v. One Big Union (No. 2), [1936] 1 W.W.R. 237 (C.A. Man.); Sugden et al. v. Metropolitan Toronto Board of Commissioners of Police et al. (1978), 19 O.R. (2d) 669 (H.C. Ont.); Pawis c. R., [1980] 2 C.F. 18 (1" inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Procureur général du Canada c. Lavell; Isaac c. Bedard, [1974] R.C.S. 1349; Lovelace v. Canada, [1983] Annuaire canadien des droits de la personne 305 (C.D.H.N.U.); La Reine c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.
AVOCATS:
J. J. Robinette, c.r., C. D. Evans, c.r. et June Ross pour les demandeurs.
David D. Akman et Marion E. Green pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Davies, Ward & Beck, Toronto, pour les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE STRAYER:
Les faits
Par la présente requête, la défenderesse demande à la Cour de faire droit à quatre requêtes en statuant: 1) que la déclaration modifiée est radiée parce qu'elle ne révèle aucune cause raison- nable d'action comme le prévoit la Règle 419(1)a) [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663] et qu'elle est scandaleuse, frivole et vexatoire au sens de la Règle 419(1)c), 2) que la déclaration modi- fiée est radiée en application de la Règle 419(1)a), d) et f), pour le motif que les demandeurs nommés
ne peuvent agir au nom de leur bande, 3) que, subsidiairement, certains paragraphes de la décla- ration modifiée sont radiés parce qu'ils vont à l'encontre des Règles 408, 409 et 412 qui régissent les plaidoiries et 4) que, toujours à titre subsi- diaire, les demandeurs doivent, en vertu de la Règle 415, fournir des détails plus amples et plus précis.
Les demandeurs sont six Indiens qui agissent en leur propre nom et au nom de leurs bandes (qui se trouvent toutes en Alberta) telles qu'elles étaient constituées antérieurement au 17 avril 1985. Cette date a marqué l'entrée en vigueur de la Loi modi- fiant la Loi sur les Indiens, S.C. 1985, chap. 27, qui vise à permettre à un nombre additionnel de personnes d'être membres d'une bande et à modi fier, de diverses manières, le mode de détermina- tion de l'appartenance à une bande. Les deman- deurs ont intenté une action en vue d'obtenir un jugement déclarant que les modifications sont ino- pérantes dans la mesure elles portent atteinte à la garantie des droits ancestraux prévue à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)]. Ils prétendent donc qu'il y a eu violation du droit ancestral des bandes d'Indiens de détermi- ner elles-mêmes l'appartenance à leurs effectifs, ce droit étant garanti par la Constitution. À titre subsidiaire, ils sollicitent un jugement déclarant qu'imposer des membres additionnels aux bandes, conformément aux modifications apportées à la Loi sur les Indiens, sans le consentement de ces bandes, est une atteinte à leur liberté d'association garantie par l'alinéa 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)].
Les modifications de 1985 touchent l'admissibi- lité à l'inscription sous le régime de la Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, chap. I-6. Antérieurement à 1985, les articles 5 à 14 de la Loi sur les Indiens permettaient de déterminer qui était Indien aux fins de la Loi. En vertu de l'alinéa 12(1)b), la plus célèbre (ou notoire) de ces dispositions, une femme qui épousait un non-Indien n'avait plus . le droit d'être inscrite comme indienne, et les enfants nés de cette union perdaient également leur statut d'Indien. Il n'en était pas de même d'un Indien qui épousait une femme non indienne, celle-ci se
voyant même conférer le statut d'Indienne à la suite de ce mariage. Bien entendu, ce point a fait l'objet d'une contestation et d'un débat public pendant un certain temps. Certaines femmes indiennes ayant perdu leur droit ont saisi la Cour suprême du Canada de leur cas dans l'arrêt Pro- cureur général du Canada c. Lavell; Isaac c. Bedard, [1974] R.C.S. 1349, mais elles n'ont pas réussi à faire valoir que la Loi sur les Indiens allait à l'encontre de la Déclaration canadienne des droits [S.R.C. 1970, Appendice III]. N'ayant pu obtenir un redressement devant cette instance, l'une d'entre elles a déféré son cas au Comité des droits de l'homme des Nations Unies, établi en vertu du Protocole se rapportant au Pacte interna tional relatif aux droits civils et politiques [16 déc. 1966, [1976] R.T. Can. 47] auquel le Canada a adhéré en 1976, et elle a obtenu gain de cause: c'est l'affaire Lovelace v. Canada, [1983] Annuaire canadien des droits de la personne 305. La question a pris une tournure politique avec la rédaction et l'adoption de la Charte, avec la modi fication apportée en 1983 [Proclamation de 1983 modifiant la Constitution, TR/84-l02] à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et de nou- veau, lors de la promulgation des modifications de 1985 apportées à la Loi sur les Indiens, lesquelles sont actuellement en litige.
L'entrée en vigueur, le 17 avril 1985, de l'article 15 de la Charte a, semble-t-il, fait en sorte que le législateur s'est senti obligé de modifier l'alinéa 12(1)b) et d'autres dispositions de la Loi sur les Indiens afin que les deux sexes aient droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, ce qui, ressort des nouveaux articles 6 et 7 de la Loi sur les Indiens modifiée. Il y a donc certaines personnes à qui on permet d'obtenir le statut d'In- dien. Les femmes indiennes ayant épousé des non- Indiens et qui avaient été exclues en application de l'alinéa 12(1)b) ou déclarées émancipées aux termes du paragraphe 109(2) ont le droit, en vertu de l'alinéa 6(1)c), d'être inscrites comme Indien- nes si elles en font la demande au registraire. Leurs enfants ont également le droit de l'être sur présentation d'une telle demande. Sont également réintégrés les enfants qui avaient perdu leur statut d'Indien à l'âge de 21 ans parce que leur mère et leur grand-mère paternelle avaient obtenu ce statut après avoir épousé un Indien, et les enfants qui avaient perdu leur statut parce que, à la suite
d'une «protestation», il a été établi qu'ils étaient les enfants illégitimes d'une Indienne et d'un non- Indien. Les femmes non indiennes d'Indiens sont maintenant exclues en vertu de l'alinéa 7(1)a) et les enfants nés de ces femmes et de ces non-Indiens le sont également.
Le registraire tient de l'article 11 de la Loi modifiée le pouvoir d'accorder la qualité de membre d'une bande (par inscription sur une liste de bande) aux personnes qui viennent d'obtenir le droit d'être inscrites comme Indiens sous le régime de l'article 6 et qui étaient, ou dont les parents étaient, membres de cette bande au moment de la perte du statut d'Indien.
Une bande indienne peut, en vertu de l'article 10, décider de l'appartenance à ses effectifs en en fixant les règles. Elle ne peut toutefois exclure les membres réintégrés en vertu du nouvel article 6 pour le motif qu'ils ont été ainsi réintégrés. Ces personnes vont donc devenir des membres perma nents de la bande à moins qu'elles n'enfreignent plus tard quelque autre règle de la bande.
En vertu des modifications, certaines autres per- sonnes peuvent être réintégrées le 28 juin 1987 si la bande ou bien ne décide pas de l'appartenance à ses effectifs avant cette date ou bien le fait mais consent à ce que ces personnes en deviennent membres. Les personnes qui ont volontairement été émancipées sous le régime du paragraphe 109(1) et ont donc été exclues en vertu du sous-ali- néa 12(1)a)(iii) seront admissibles. Les personnes qui ont perdu leur statut parce que, avant 1951, elles avaient résidé à l'extérieur du Canada pen dant plus de cinq ans sans le consentement du surintendant général, auront le droit d'être réinté- grées, tout comme celles qui ont perdu leur statut avant 1920 parce qu'elles avaient reçu un grade universitaire ou fait partie d'une profession. Les enfants de ces personnes ont également le droit d'être inscrits pourvu qu'ils ne soient pas exclus par l'article 7, puisque leurs parents peuvent être considérés comme inscrits à titre posthume.
Dans la requête, la requérante, c'est-à-dire le gouvernement du Canada, soutient que la déclara- tion ne révèle aucune cause raisonnable d'action ou qu'elle est frivole ou vexatoire, etc. Aux seules fins de cette prétention, elle a reconnu que le droit ancestral de décider de l'appartenance revenait
effectivement aux bandes antérieurement à 1868. Elle soutient toutefois que ce droit a été éteint soit par la Loi de 1868 relative aux Indiens [Acte pourvoyant à l'organisation du Département du Secrétariat d'État du Canada, ainsi qu'à l'admi- nistration des Terres des Sauvages et de l'Ordon- nance, S.C. 1868, chap. 42] (qui comportait des dispositions concernant l'admissibilité au statut semblables à celles de la Loi ultérieure telle qu'elle existait avant la modification de 1985), soit par des traités postérieurs à 1868. Elle prétend que si, juridiquement, ce droit a été éteint antérieurement à 1982, il n'existe aucune cause d'action sous le régime de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Toujours selon la requérante, il n'existe pas de cause d'action sous l'empire de l'alinéa 2d) de la Charte puisque le législateur a, depuis 1868, décidé de l'appartenance à une bande et les bandes ne sont donc pas des «associations» consensuelles. En conséquence, une modification des conditions d'obtention du statut ne saurait constituer une violation de la liberté d'association. Il est allégué que s'il s'agit de la liberté d'association des majori- tés de bande, la protection de cette liberté ne saurait se faire au détriment de la liberté des particuliers de se joindre à la bande. On prétend en outre que pour ce qui est de la liberté protégée par l'alinéa 2d), il faut tenir compte des dispositions des autres articles de la Charte tels que les articles 1, 15, 25, 27 et 28. Les arguments de la Couronne qu'il reste à examiner concernant les autres requê- tes sont plus techniques et il est préférable que je les aborde dans mes conclusions.
Conclusions
ire requête—Il convient tout d'abord de discuter de la nature d'une requête en radiation d'une déclaration. Les principes applicables à une telle requête sont clairement exposés dans l'arrêt Pro- cureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735, à la page 740:
... il faut tenir tous les faits allégués dans la déclaration pour avérés. Sur une requête comme celle-ci, un tribunal doit rejeter l'action ou radier une déclaration du demandeur seulement dans les cas évidents et lorsqu'il est convaincu qu'il s'agit d'un cas «au-delà de tout doute»: Ross v. Scottish Union and Natio nal Insurance Co. ((1920), 47 O.L.R. 308 (Div. App.)).
Les alinéas applicables de la Règle 419(1) sont ainsi conçus:
Règle 419. (1) La Cour pourra, à tout stade d'une action ordonner la radiation de tout ou partie d'une plaidoirie avec ou sans permission d'amendement, au motif
a) qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action ou de défense, selon le cas,
e) qu'elle est scandaleuse, futile ou vexatoire,
Pour ce qui est des motifs énoncés à la Règle 419(1)a), il importe de souligner qu'elle exige qu'il n'y ait «aucune cause raisonnable d'action». Le juge Pratte a clairement expliqué le sens de cette expression dans l'affaire Succession Creaghan c. La Reine, [1972] C.F. 732 (1`e inst.), à la page 736, il a dit que l'inclusion du mot «raisonnable» signifie que la Cour doit trancher la question de savoir non pas si l'action est vraiment fondée en droit, mais plutôt si, en supposant que tous les faits allégués dans la déclaration soient vrais, la récla- mation du demandeur est «soutenue». Dans l'af- faire Dowson c. Gouvernement du Canada (1981), 37 N.R. 127 (C.A.F.), à la page 138, le juge Le Dain a déclaré que, lorsqu'une demande de radia tion est fondée sur ces motifs, «il doit être évident et manifeste que l'action ne saurait aboutir». La Cour suprême du Canada a approuvé cette décla- ration dans l'arrêt Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441, aux pages 450 et 487. À mon avis, cela signifie qu'un juge saisi d'une telle requête ne devrait pas radier une déclaration uniquement parce qu'il ne pense pas que la réclamation du demandeur soit fondée en droit, s'il est possible que le juge du procès y fasse droit.
En l'espèce, l'avocat de la requérante a parfois semblé vouloir dire que si on pouvait rapporter la preuve qu'il ne restait aucune question de fait à trancher (ou tout au moins aucune question de ce genre qui ne fut admise aux fins de la présente requête) et qu'il restait à trancher uniquement des questions de droit, la Cour devrait alors statuer sur celles-ci en réponse à une requête en radiation des plaidoiries fondée sur l'absence d'une cause raison- nable d'action. Autrement dit, la Cour devrait se prononcer sur une telle requête comme si elle statuait sur une demande visant à obtenir une décision préliminaire sur un point de droit comme le prévoit la Règle 474. À cette fin, l'avocat a reconnu en l'espèce que les demandeurs étaient effectivement les descendants de bandes qui, anté- rieurement à 1868 (l'année de l'adoption de la
première loi relative aux Indiens, avaient le droit ancestral de décider de l'appartenance à leurs effectifs. Il a toutefois soutenu que, juridiquement, ce droit avait été éteint par des traités et par des lois bien avant l'adoption de la Loi constitution- nelle de 1982, article 35 (qui garantissait les droits ancestraux «existants»), ce qui fait qu'aucun droit ancestral de ce genre de décider de l'appartenance n'«existait» en 1982. Les deux parties ont assez longuement discuté de la question de l'extinction.
Je n'admets pas qu'on puisse ou qu'on doive trancher ces questions de droit en réponse à une telle requête. Je crois compendre que la Règle 419(1)a) m'accorde le pouvoir discrétionnaire de ne pas radier la déclaration lorsqu'il n'est pas manifestement clair que la réclamation du deman- deur n'est pas fondée en droit. Je suis convaincu qu'il existe plusieurs questions de droit discutables en ce qui concerne l'existence ou l'inexistence, la restriction ou la non-restriction du droit ancestral des demandeurs de décider de l'appartenance aux effectifs de leur bande. Sans aucunement chercher à déterminer les points litigieux, il me semble qu'il existe plusieurs questions de droit défendables, telles que l'incidence des diverses lois sur les Indiens sur ce droit ancestral supposer qu'il existe comme la requérante l'a prétendu pour les fins de la présente requête). Ces dispositions ont- elles éteint expressément le droit de la bande de décider de l'appartenance à ses effectifs? «Ont- elles occupé le domaine» de façon à éteindre impli- citement le droit des bandes de décider de l'appar- tenance à leurs effectifs? Comment interpréter correctement les traités 6, 7 et 8 auxquels les ascendants de ces demandeurs auraient été par ties? Ce sont des questions qu'on doit examiner plus à fond et avec une plus grande attention. Même s'il a nécessité trois jours et demi, le débat sur la présente requête m'a seulement permis de survoler quelques-unes de ces questions.
En outre, pour ce qui est de la demande de redressement aux termes de laquelle les deman- deurs prient la Cour de déclarer que les modifica tions de 1985 portent atteinte à leur liberté d'asso- ciation prévue à l'alinéa 2d) de la Charte, j'estime qu'il s'agit également d'une réclamation soutena- ble qui est loin d'être manifestement non fondée. Il faudra examiner la question de savoir si les bandes indiennes représentées par les demandeurs sont des
«associations» au sens de la Charte. Ces associa tions doivent-elles être purement consensuelles? Peut-on dire que les bandes qui ont inclus certains membres par l'effet de la loi sont des associations consensuelles? La requérante prétend également que, si la liberté d'association se trouve vraiment restreinte, cette restriction est justifiée par l'article 1 de la Charte ou aide à justifier les autres droits garantis par la Charte tels que ceux prévus aux articles 15 ou 28. Sans approfondir toutes les questions épineuses qui découlent de l'interpréta- tion des divers articles de la Charte, il suffit de dire que le fait pour la requérante d'invoquer l'article 1 va presque certainement donner lieu à des questions de fait qui consistent à savoir si les modifications de 1985 sont raisonnables et si leur justification peut se démontrer au sens de cet article. La requérante insiste pour dire qu'aucune preuve ne sera nécessaire en l'espèce parce que la justification des modifications de 1985 est évidente en soi. Cette justification est peut-être évidente en soi pour la requérante, mais, comme l'ont souligné les intimés, même si la requérante choisit de s'ac- quitter du fardeau possible qui lui incombe en vertu de l'article 1 et ce, uniquement par voie d'argumentation, il sera loisible aux intimés (demandeurs) de réfuter la position de la requé- rante (défenderesse) en produisant des éléments de preuve. Ceux-ci peuvent se rapporter à la question de la «proportionnalité» et des «effets» des modifi cations de 1985; ces questions sont clairement pertinentes et exigent probablement la production d'éléments de preuve; voir p.ex. La Reine c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, aux pages 137 140.
Il est donc impossible de dire que la déclaration ne révèle aucune cause raisonnable d'action, et je rejette la ire requête fondée sur l'alinéa 419(1)a) des Règles.
Je rejette également cette requête dans la mesure elle est fondée sur les motifs énumérés à l'alinéa 419(1)c) des Règles, savoir que la déclara- tion est «scandaleuse, frivole ou vexatoire». Si on ne peut dire que la déclaration ne révèle aucune cause raisonnable d'action, on ne peut alors dire a fortiori qu'elle est frivole ou vexatoire. Voir l'af- faire Waterside Ocean Navigation Co., Inc. c. International Navigation Ltd., [1977] 2 C.F. 257 (ire inst.). (Au cours du débat, l'avocat de la
requérante a abandonné l'allégation qu'il a faite dans l'avis de requête selon laquelle la déclaration était également «scandaleuse».)
2e requête—Dans ce cas, la requérante se fonde sur la Règle 419(1)a),d) et f) pour solliciter une ordonnance portant radiation de la déclaration pour les motifs:
a) que les demandeurs désignés n'ont pas le droit d'intenter la présente action au nom de tous les autres membres de leurs bandes respectives; et
b) que les demandeurs n'ont pas le droit d'intenter la présente action comme s'il s'agissait d'un recours collectif.
Il convient de souligner que chacun des deman- deurs nommés dans l'intitulé de la cause agit «en son propre nom et au nom de tous les autres membres de la ... bande». La déclaration a été modifiée le 14 avril 1986 par l'adjonction du para- graphe suivant:
[TRADUCTION] 4A Les autres membres de la bande de Saw- ridge, de la bande de Sturgeon Lake, de la bande Ermineskin, de la bande des Enoçhs, de la bande des Sarcis et de la bande Pieds-Noirs au nom de qui lesdits Walter Patrick Twinn, John Daniel McLean, Wayne Roan, Raymond Cardinal, Bruce Star light et Andrew Bear Robe agissent, respectivement, ne com- prennent pas les personnes qui sont censées être devenues membres de l'une quelconque desdites bandes en vertu des articles 8 à 14.3 inclus de la Loi sur les Indiens telle qu'elle a été modifiée par l'article 4 de la Loi intitulée Loi modifiant la Loi sur les Indiens, S.C., 1985, chap. 27.
La requérante soutient notamment que les demandeurs ne sauraient agir individuellement au nom de tous les autres membres de la bande, parce qu'ils sont censés représenter les bandes établies par la Loi sur les Indiens, mais que, en vertu de l'actuelle Loi sur les Indiens, ces bandes compren- nent également ceux-là même dont l'inscription fait l'objet d'une contestation de leur part et que lesdits demandeurs ne sauraient définir la «bande» pour leurs propres fins de manière à exclure ces personnes; elle ajoute que les bandes comprennent également les gens qui peuvent avoir le statut d'Indiens mais qui ne sont pas des autochtones et ne sauraient donc réclamer des droits ancestraux, que les demandeurs ne peuvent intenter un recours collectif parce que les membres des bandes n'ont pas un intérêt commun pour les raisons invoquées ci-dessus, et que l'action ne peut être maintenue en tant que recours collectif parce que les deman- deurs n'ont ni précisé les noms des personnes qu'ils représentent ni indiqué dans la déclaration modi- fiée que les personnes qu'ils prétendent représenter ont consenti à l'action.
À l'audience, l'avocat de la requérante a égale- ment cherché à produire deux affidavits qu'il venait de recevoir des membres de la bande qui ont indiqué qu'ils n'approuvaient pas la présente action. L'avocat a pour la première fois soulevé cette question au troisième jour de l'audience, et je ne l'ai pas autorisé à déposer les affidavits pour les raisons que je vais mentionner ci-dessous.
J'ai indiqué à l'audience que je rejetterais la présente requête pour les motifs suivants. En l'es- pèce, les demandeurs cherchent à obtenir un juge- ment déclarant qu'une certaine loi du Parlement est inconstitutionnelle parce qu'elle restreint la liberté garantie par l'article 2 de la Charte et le droit ancestral garanti par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Je dirai tout d'abord, comme l'a fait le juge Laskin [tel était alors son titre] dans l'arrêt Thorson c. Procureur général du Canada et autres, [1975] 1 R.C.S. 138, la page 163, que «le droit des citoyens au respect de la constitution par le Parlement, quand la question que soulève la conduite du Parlement est réglable par les voies de justice en tant que question de droit« fait en sorte qu'un demandeur a qualité pour faire déclarer une loi nulle. Même s'il s'agit d'une question que je n'ai pas à trancher et que je ne tranche pas, il est possible que les six demandeurs nommés dans l'intitulé de la cause auraient pu solliciter le jugement déclaratoire mentionné dans la déclaration. Quoi qu'il en soit, il est tout à fait approprié de dire que les autres membres de la bande, à l'exception de ceux dont le droit à l'ins- cription a été rétabli en vertu des modifications de 1985, devraient se constituer demandeurs dans un recours collectif sous le régime de la Règle 1711. Les droits ancestraux sont essentiellement des droits communautaires, et il convient donc que ceux qui prétendent appartenir à la collectivité à laquelle se rattachent ces droits se constituent demandeurs dans une action pour justifier ces droits: voir Attorney -General for Ontario v. Bear Island Foundation et al. (1984), 15 D.L.R. (4th) 321 (H.C. Ont.), aux pages 331 et 332. Dans le cas des demandeurs, il est essentiel que le droit ancestral en question, c'est-à-dire le droit de chaque bande de décider de l'appartenance à ses effectifs, se rattache au groupe tel qu'il a été constitué avant la date d'entrée en vigueur des modifications, soit le 17 avril 1985. Les deman- deurs ont certainement le droit d'intenter leur
action sur cette base, et il reste à voir s'ils pourront établir le bien-fondé de leur cause en fait ou en droit. S'ils y parviennent, il s'ensuivra que les bandes telles qu'ils les décrivent dans la déclara- tion modifiée sont des bandes légales. Dans les faits, la requérante soutient qu'on ne devrait pas les autoriser à agir , sur cette base parce qu'il se peut qu'ils n'obtiennent pas gain de cause. Il s'agit d'un argument constituant un cercle vicieux et qu'on pourrait qualifier de frivole ou vexatoire.
Il n'y a pas lieu non plus de rejeter l'action parce que la revendication de droits ancestraux par quel- ques-uns des membres de la bande est plus ténue. Le sens du mot «ancestral» tel qu'il a été utilisé à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 est loin d'être clair, et ce sens peut s'appliquer à beaucoup des personnes que l'avocat de la requé- rante a considérées comme étant non autochtones. Cela mis à part, l'issue d'une action visant à obtenir un jugement déclarant que ceux dont le droit à l'inscription a été rétabli ne peuvent être admis dans la bande peut très bien intéresser directement ces personnes, même si elles ne sont pas elles-mêmes des autochtones. L'issue peut modifier leur part dans les biens de la bande et leur mode de vie au sein de la réserve. De plus, compte tenu du critère adopté dans l'affaire Thor- son et dans les causes qui l'ont suivie, ces person- nes ont sûrement un intérêt suffisant pour s'assu- rer du «respect de la constitution par le Parlement» en ce qui concerne les droits ancestraux garantis. Je me permets d'ajouter que, comme les deman- deurs réclament aussi les droits issus de traités, le recours collectif semble nécessaire puisque quel- ques particuliers ne sauraient agir en justice pour faire appliquer ces droits: voir Pawis c. R., [ 1980] 2 C.F. 18 (1" inst.), à la page 30.
Ces conclusions étant tirées, j'ai rejeté la pro duction des affidavits provenant de deux membres de la bande parce qu'ils soulevaient de nouvelles questions à une date très tardive de l'audience. Si j'avais estimé qu'ils pouvaient permettre de tran- cher la question de la qualité pour agir des autres demandeurs, j'aurais pu ajourner l'affaire en vue d'un débat ultérieur et peut-être d'un contre-inter- rogatoire sur ces affidavits. Il m'a semblé toutefois que le consentement ou le désaccord de deux mem- bres de la bande ne pouvait donner lieu au rejet de l'action. Il ressort de la jurisprudence que, dans un
recours collectif, il n'est pas nécessaire que les demandeurs nommés obtiennent le consentement des autres membres du groupe avant d'intenter l'action: voir Sykes v. One Big Union (No. 2), [1936] 1 W.W.R. 237 (C.A. Man.); Sugden et al. v. Metropolitan Toronto Board of Commissioners of Police et al. (1978), 19 O.R. (2d) 669 (H.C. Ont.). Si certains membres du groupe ne désirent pas se constituer demandeurs, on peut les consti- tuer défendeurs: affaire Sugden, à la page 673. La plupart des décisions citées par l'avocat de la requérante les recours collectifs n'avaient pas été accueillis portaient sur des demandes de dom- mages-intérêts ou quelque chose du genre alors que l'intérêt particulier de chaque membre du groupe était quelque peu différent. J'estime que ces décisions ne s'appliquent guère ou pas du tout à une action visant à faire déclarer une loi du Parlement inconstitutionnelle.
Je rejette donc la 2e requête, mais sans préjudice du droit d'une personne de demander à être exclue de l'action ou à se constituer défenderesse. J'ai également précisé que si on devait rapporter la preuve—et rien n'indique qu'une telle preuve exis- te—que la présente action n'est qu'un trompe-l'oeil et qu'elle a reçu peu d'appui sinon aucun de la part des bandes au nom desquelles elle est intentée, la Cour pourrait être tenue d'examiner une action en radiation de la déclaration. Mais tel n'est pas le cas dont je suis saisi.
3e requête—Il s'agit d'une autre requête visant à faire annuler certaines parties de la déclaration. J'accueille certaines parties de cette requête pour les motifs suivants.
J'ordonnerai que la deuxième phrase du paragraphe 5 de la déclaration modifiée soit radiée pour le motif qu'elle n'est pas essentielle et qu'elle pourrait être vexatoire étant donné la portée des questions qu'elle soulève. Les [TRADUCTION] «rap- ports (de la Couronne) avec les Nations indiennes» ne concernent pas directement la prétention du début de ce paragraphe selon laquelle les bandes demanderesses existaient, en tant qu'entités dis- tinctes, antérieurement à la conclusion des traités. Quel que soit le sens de la deuxième phrase lors- qu'on y fait mention des «Nations indiennes», cel- le-ci n'expose pas un fait essentiel qui tendrait à prouver directement les propositions figurant dans la première phrase. Il sera loisible aux deman-
deurs, s'ils le jugent approprié, de modifier la déclaration en remplaçant la deuxième phrase par une allégation portant que la Couronne avait reconnu leurs bandes antérieurement à la conclu sion des traités 6, 7 et 8.
Pour ce qui est du paragraphe 9 de la déclara- tion, je me permets de faire remarquer tout d'abord qu'il s'agit là, semble-t-il, uniquement d'un exposé des points de droit. Bien que cet exposé ne soit peut-être pas nécessaire ni appro- prié, il est assez anodin. Compte tenu de la Règle 412(2), ce paragraphe n'allègue évidemment pas des faits essentiels pour étayer cette conséquence juridique. Je ne vais donc pas le radier, mais je reviendrai à la question lorsque j'aborderai la 4e requête concernant les détails parce que, à mon avis, les demandeurs doivent clairement choisir l'une des deux attitudes suivantes: ou bien ils vont considérer qu'il s'agit simplement d'une question de droit et s'en tenir à cette position ou bien ils vont chercher à «prouver» l'existence de ce droit ancestral par la pratique ou les coutumes. Dans ce dernier cas, ils doivent fournir quelques détails, et j'estime que les questions doivent se limiter aux faits concernant les bandes demanderesses.
Ces commentaires sur le paragraphe 9 s'appli- quent également au paragraphe 11 de la déclara- tion modifiée.
Étant un simple et vague exposé des points de droit, le paragraphe 13 ne constitue pas une plai- doirie utile, mais je ne vois pas comment il peut porter atteinte à la défenderesse. Il ne saurait impliquer une allégation de faits pertinents.
Les paragraphes 14 et 15, qui eux aussi interprè- tent une loi, sont plutôt particuliers dans un docu ment qui est censé se concentrer sur [TRADUC- TION] «les faits essentiels sur lesquels se fonde la partie qui plaide». Mais tout en reconnaissant une fois de plus, sur le fondement de la Règle 412(2), qu'ils ne peuvent pas être acceptés «comme rem- plaçant un exposé des faits sur lesquels se fonde la conséquence juridique», et qu'on ne doit en déduire aucune allégation de fait, je ne vois aucun inconvé- nient à laisser ces paragraphes dans la déclaration modifiée.
Bien qu'il me semble que le paragraphe 16 allègue des faits qui peuvent se rapportér aux questions constitutionnelles telles que l'application
de l'article 1 de la Charte, je ne vais pas le radier, mais j'aurai davantage à dire là-dessus lorsque je traiterai de la requête en détails.
4e requête—Dans cette autre requête, la défen- deresse sollicite à titre subsidiaire, en vertu de la Règle 415, une ordonnance enjoignant aux deman- deurs de répondre à la demande de détails en date du 22 mai 1986 qu'elle a signifiée aux deman- deurs. Ceux-ci n'ont pas fourni les détails deman dés. La défenderesse demande en outre qu'on lui accorde un délai de 30 jours après qu'elle aura reçu les détails en question pour déposer sa défense.
Je ne vais pas ordonner que l'on fournisse les détails mentionnés au paragraphe 1 de la demande. Ceux-ci portent sur la connaissance que les membres de la bande ont de l'action et sur leur consentement à celle-ci. Pour les motifs invoqués ci-dessus, je ne crois pas qu'il soit nécessaire pour les demandeurs de préciser ces renseignements dans leurs plaidoiries. Dans ce paragraphe, on demande également des détails afin de savoir si tous les membres des bandes demanderesses sont des autochtones. La défenderesse dispose sûrement de ces renseignements, et je doute qu'elle ait besoin d'autres informations pour plaider. Elle peut bien entendu demander d'autres détails à l'interrogatoire préalable si elle peut prouver que ces renseignements se rapportent aux plaidoiries.
Au paragraphe 2 de la demande, on cherche à obtenir des détails plus amples et plus précis sur le paragraphe 5 de la déclaration modifiée. J'ai déjà radié la deuxième phrase du paragraphe 5, mais j'ai autorisé les demandeurs à modifier ce paragra- phe en remplaçant la deuxième phrase, si tel est leur désir, par une allégation portant que la Cou- ronne avait reconnu leurs bandes antérieurement à la conclusion des traités 6, 7 et 8. Dans ce cas, ils devraient alors préciser la nature, la forme et les dates approximatives d'une telle reconnaissance.
Les détails demandés au paragraphe 3 de la demande sont simplement vexatoires et ne se rap- portent nullement aux questions litigieuses. Il ne sera pas ordonné de les fournir.
Au paragraphe 4 de la demande, on cherche à obtenir des détails sur les paragraphes 9 et 12 de la déclaration modifiée. Pour ce qui est du paragra- phe 9, j'ai déjà indiqué au sujet de la 3e requête
que si les demandeurs voulaient prouver l'existence des droits ancestraux qui y sont mentionnés, ils devaient alors fournir certains détails sur les insti tutions et les pratiques des bandes dont ils ont hérité et sur lesquelles ils peuvent se fonder pour affirmer l'existence continue du droit ancestral de chaque bande de décider de l'appartenance à ses effectifs. Pour ce qui est du paragraphe 12 de la déclaration, je ne vais pas enjoindre aux deman- deurs de donner les détails demandés parce que, à mon avis, il n'y est allégué qu'une proposition mixte de droit et de fait quant à l'interprétation des traités 6, 7 et 8. Pour prouver les allégations faites au paragraphe 5 de la déclaration, les demandeurs seront, bien entendu, tenus de démon- trer qu'ils sont les successeurs des Indiens qui ont signé ces traités.
En ce qui a trait au paragraphe 5 de la demande, qui concerne le paragraphe . 11 de la déclaration modifiée, j'ordonnerai aux demandeurs de fournir des détails aux mêmes conditions que celles que j'ai imposées à l'égard du paragraphe 9. Autrement dit, si les demandeurs ne considèrent pas ce paragraphe comme un simple exposé des points de droit et s'en servent pour prouver les pratiques et les institutions de leurs bandes relati ves au contrôle de l'appartenance antérieurement à la signature des traités 6, 7 et 8 respectivement, ils devront alors fournir des détails sur ces institutions et pratiques. A mon avis, ce paragraphe ne peut être considéré comme pertinent aux fins de la présente action que dans la mesure il allègue les droits de ces bandes et non des bandes indiennes en général.
Quant au paragraphe 6 de la demande, qui concerne le paragraphe 12 de la déclaration, j'ai déjà traité de ce dernier et je n'ordonne pas aux demandeurs de donner les détails qui s'y rapportent.
Je ne leur ordonnerai pas non plus de fournir des détails sur les lois applicables du Canada, requis au paragraphe 7 de la demande. Il s'agit de questions de droit qui feront l'objet d'un débat. On pourrait mettre en doute l'utilité du paragraphe 13 de la déclaration à cet égard, mais il donne au moins une explication générale de la position des demandeurs. Certes, il existe peut-être des cas une cour devrait ordonner de fournir des détails sur les lois invoquées; mais je ne pense pas qu'en
l'espèce la défenderesse soit prise au dépourvu pour ce qui est des dispositions législatives applica- bles, surtout après l'audition des présentes requêtes.
En ce qui a trait au paragraphe 8 de la demande, par lequel la défenderesse cherche à obtenir des détails sur la question de savoir laquelle des bandes demanderesses, s'il en est, a décidé de l'appartenance à ses effectifs, et des détails sur tous règlements applicables qu'elle a adoptés, il s'agit sûrement de renseignements dont la défenderesse est déjà en possession, et il n'y a pas lieu d'ordonner de donner des détails à cet égard.
Au sujet du paragraphe 9 de la demande, qui vise à obtenir d'autres détails sur le paragraphe 16 de la déclaration modifiée, il me semble que ce que la défenderesse cherche à obtenir participe plus des éléments de preuve que des faits. Je ne vois pas comment l'absence de détails empêchera la défen- deresse de répondre à ce paragraphe, et je ne vais donc pas ordonner aux demandeurs de les fournir. Il n'y a pas de doute que les allégations figurant au paragraphe 16 de la déclaration modifiée peuvent faire l'objet d'un long interrogatoire préalable.
Pour ce qui est du paragraphe 10 de la demande, je n'ordonnerai pas que l'on fournisse les détails demandés au sous-alinéa a) (i) puisque le paragraphe 5 de la déclaration modifiée allègue bien l'existence des bandes qui ont précédé les bandes actuelles et que tout détail additionnel requis vise davantage à rechercher des éléments de preuve plutôt que des faits. Quant au sous-alinéa a)(ii), la défenderesse doit certainement disposer de renseignements suffisants pour plaider à cet égard, et d'autres renseignements peuvent être demandés à l'interrogatoire préalable. En ce qui a trait à l'alinéa b), ce que la défenderesse cherche à connaître est essentiellement un exposé des points de droit et la preuve permettant aux demandeurs de prouver la violation de leurs droits. Il ne sera pas ordonné de donner des détails pour ces fins.
Puisque j'ordonne aux demandeurs de fournir certains détails, je vais accorder à la défenderesse, conformément à sa demande, un délai de 30 jours pour qu'elle dépose sa défense, ce délai courant à compter du jour de la réception des détails en question.
Dépens—Bien que la défenderesse ait réussi, dans une très faible mesure, à faire accueillir certaines parties du redressement demandé dans la 3e et 4e requête, l'audience a porté principalement sur la Ire et la 2e requête qui ont été rejetées. Ces dernières étaient sans aucun doute plus fondamen- tales et plus importantes. Il est donc ordonné à la défenderesse de payer les dépens de la demande tout entière.
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