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T-1133-86
Charles Carl Dempsey (demandeur)
c.
La Reine (défenderesse)
et
Procureur général de l'Ontario (intervenant)
RÉPERTORIÉ: DEMPSEY C. CANADA
Division de première instance, juge Muldoon - Toronto, 24 et 25 septembre; Ottawa, 17 novembre 1986.
Libération conditionnelle - Surveillance obligatoire Applicable à ceux qui sont condamnés à une peine de deux ans ou plus (détenus fédéraux) et non aux détenus provinciaux - Ne va pas à l'encontre de l'art. 15 de la Charte même si elle repose sur la durée de la peine d'emprisonnement imposée - Il n'y a pas eu violation du droit à la liberté prévu à l'art. 7 de la Charte - Aucune audition n'est nécessaire en matière de surveillance obligatoire - Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-2, art. 15(1),(3) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 28) - Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitu- tionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 7, 15(1),(2), 24(1), 28, 32(2) - Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 474 (mod. par DORS/79-57, art. 14) - Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 722 (mod. par S.C. 1985, chap. 19, art. 170) - Acte des pénitenciers de 1868, 31 Vict., chap. 75, art. 62 - Loi de 1968-69 modifiant le droit pénal, S.C. 1968-69, chap. 38 - Loi de 1977 modifiant le droit pénal, S.C. 1976-77, chap. 53 - Loi modifiant la Loi sur la libération conditionnelle de détenus et la Loi sur les pénitenciers, S.C. 1986, chap. 42, art. 5 - Loi modifiant la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, la Loi sur les pénitenciers, la Loi sur les prisons et les maisons de correction et le Code criminel, S.C. 1986, chap. 43.
Droit constitutionnel - Charte des droits - Droits à l'égalité - Mise en liberté conditionnelle sous surveillance obligatoire - La surveillance obligatoire qui repose sur la durée de la peine d'emprisonnement imposée viole-t-elle l'art. 15 de la Charte parce qu'elle s'applique à ceux qui sont condamnés à une peine de deux ans ou plus (détenus fédé- raux), et non à ceux qui condamnés à une peine moindre (détenus provinciaux) - L'art. 15 exige que «ceux qui se trouvent dans la même situation» doivent faire l'objet d'un traitement similaire - Les détenus provinciaux et fédéraux ne se trouvent pas «dans la même situation» étant donné les différences dans la gravité des infractions, le degré de culpabi- lité et le risque pour la société - Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-1, art. 15(1), (3) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 28) - Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 7, 15(1),(2), 24(1), 28, 32(2).
Droit constitutionnel Charte des droits Vie, liberté et sécurité Droit à la liberté Mise en liberté conditionnelle sous surveillance obligatoire Aucune audition n'est néces- saire pour déterminer si le demandeur devrait être assujetti à une surveillance obligatoire, puisqu'une telle mise en liberté conditionnelle accroît la liberté, mais n'intensifie pas sa priva tion Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-2, art. 15(1),(3) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 28) Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 7, 15(1),(2), 24(1), 28, 32(2).
Le demandeur purgeait une peine d'emprisonnement dans un pénitencier fédéral. A un moment donné, avec une réduction méritée de peine, le demandeur est devenu admissible à la libération conditionnelle sous surveillance obligatoire. En vertu du paragraphe 15(3) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, il était loisible au demandeur d'accepter ou de refuser la libération conditionnelle sous surveillance obligatoire. Il a accepté.
Le demandeur demande que le régime de la surveillance obligatoire soit déclaré inconstitutionnel et inopérant. Il fait valoir que ce régime viole les droits à l'égalité garantis par le paragraphe 15(1) de la Charte, parce qu'il s'applique à ceux qui sont condamnés à une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus (détenus fédéraux) mais ne s'applique pas à ceux qui sont condamnés à un peine moindre (détenus provinciaux). Le demandeur soutient subsidiairement que le régime de la surveil lance obligatoire devrait, en vertu de l'article 24 de la Charte, être déclaré inopérant en ce qui le concerne, puisqu'on ne lui a jamais offert la possibilité de se faire entendre pour déterminer s'il devait être assujetti à une surveillance obligatoire, ce qui a porté atteinte à son droit à la liberté prévu par l'article 7 de la Charte. Le juge en chef adjoint s'est fondé sur la Règle 474 pour formuler ces questions constitutionnelles préliminaires.
Jugement: le régime de la surveillance obligatoire ne va pas à l'encontre de l'article 15 de la Charte, et l'article 7 n'a pas non plus été violé.
À l'appui de son argument fondé sur les droits à l'égalité, le demandeur fait remarquer qu'il n'existe dans la Loi constitu- tionnelle de 1867 aucune disposition qui ou bien définit le mot «pénitencier» ou bien fixe une ligne de démarcation entre les contrevenants qui doivent purger leur peine dans des péniten- ciers ou dans d'autres prisons. Étant donné la compétence que possède le gouvernement fédéral pour légiférer dans le domaine du droit criminel, on pourrait conclure que ledit gouvernement peut définir ou autrement modifier la ligne de démarcation comme bon lui semble. Il s'ensuivrait que l'inégalité alléguée pour ce qui est de la surveillance obligatoire n'est pas inélucta- ble. En fait, le Comité canadien de la réforme pénale et correctionnelle a, dans son rapport de 1969, recommandé que la surveillance obligatoire s'applique également aux détenus des prisons fédérales et provinciales.
Le demandeur soutient que les prisonniers libérés des établis- sements provinciaux à la suite d'une réduction de peine ne sont pas assujettis à la surveillance obligatoire: ils sont relâchés directement dans la société sans surveillance et jouissent des mêmes droits et privilèges que ceux d'un résident du Canada. D'autre part, l'ajout de la surveillance obligatoire à la réduction de peine d'un détenu fédéral le prive de l'avantage de sa réduction de peine.
L'article 15 a pour but d'exiger que ceux qui se trouvent dans la même situation fassent l'objet d'un traitement similaire. Tant la loi que la nature même de la déprédation criminelle différen- cient les contrevenants. Il existe des différences entre les déte- nus fédéraux et provinciaux quant à la gravité des infractions, au degré de culpabilité et au risque qu'ils représentent pour la société.
Il est vrai que la Constitution ne considère nullement la réduction de peine comme un droit. Il est également vrai que tant et aussi longtemps que la réduction est voulue par le législateur, il faut l'accorder de façon à ne pas violer l'article 15 de la Charte. Toutefois, étant donné le fait que la surveillance obligatoire est en droit un aspect de la peine qui frappe une conduite criminelle, étant donné aussi les différences susmen- tionnées entre les deux catégories de détenus, on ne saurait conclure qu'il s'agit d'un cas de discrimination que l'article 15 de la Charte condamne. De plus, la surveillance obligatoire vise à éviter que les détenus fédéraux, qui n'ont pas obtenu de libération conditionnelle, soient relâchés directement dans la collectivité sans être assujettis à la surveillance imposée aux libérés conditionnels qui, en général, constituent un risque moindre pour la société. La preuve de la violation des condi tions de la surveillance obligatoire peut entraîner la révocation de cette dernière et la réincarcération du détenu, mais la condition fondamentale est que le détenu fédéral respecte la loi et ne trouble par l'ordre public, laquelle condition n'est guère discriminatoire.
Le fait que le demandeur n'a jamais eu la possibilité de se faire entendre pour déterminer s'il devait être assujetti à une surveillance obligatoire ne porte pas atteinte à son droit à la liberté prévu à l'article 7. Il y a eu une audience quant à la peine appropriée que la Cour devait lui imposer en conséquence de sa condamnation. Excepté les questions qui exigent une audience, les principes de justice naturelle n'exigent aucune autre décision pendant que la peine imposée est purgée. L'ac- ceptation ou le rejet de la surveillance obligatoire par un détenu n'exige aucune autre décision, puisqu'il est facile de démontrer que la liberté dont le demandeur a été légalement privé lors de sa condamnation se trouve accrue par sa remise en liberté sous les conditions de sa surveillance obligatoire. Les principes de justice fondamentale n'exigent pas plus de se prononcer sur la mise en liberté conditionnelle d'un détenu qui fait normalement partie de sa peine, que de se prononcer annuellement sur chaque année de la peine d'emprisonnement.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUEÉS:
Re McDonald and The Queen (1985), 21 C.C.C. (3d) 330 (C.A. Ont.); Rebic v. Collver Prov. J., [1986] 4 W.W.R. 401 (C.A.C.-B.); R. v. Swain (1986), 50 C.R. (3d) 97 (C.A. Ont.); R. v. McCormick, [1979] 4 W.W.R. 453; 47 C.C.C. (2d) 224 (C.A. Man.).
DÉCISIONS CITÉES:
R. c. Hauser, [1979] 1 R.C.S. 984; Dempsey c. Canada (procureur général), [1986] 3 C.F. 129 (C.A.F.); (1986), 65 N.R. 295; 25 C.C.C. (3d) 193; R. c. Moore; Oag c. La Reine et autres, [1983] 1 R.C.S. 658; 33 C.R. (3d) 97; R. v. Constant (1978), 40 C.C.C. (2d) 329 (C.A. Man.);
autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée, [1978] 1 R.C.S. vi; Logan v. Dir. of William Head Inst'n et al., jugement en date du 30 mai 1986, Cour suprême de la Colombie-Britannique, du greffe de Victoria 86/1307, encore inédit.
AVOCATS:
David P. Cole et S. Benzvy Miller pour le
demandeur.
M. Thomas pour la défenderesse.
W. B. Trafford, c.r. et James M. Chalké pour
l'intervenant.
PROCUREURS:
David P. Cole, Toronto, pour le demandeur. Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Le sous-procureur général de l'Ontario pour l'intervenant.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MULDOON: Aux époques en cause, le demandeur purgeait une peine d'emprisonnement dans un pénitencier fédéral et il lui était alors loisible d'accepter ou de refuser d'être libéré condi- tionnellement de la prison, conformément au régime de la surveillance obligatoire. Le deman- deur et quiconque se trouvant dans la même situa tion que la sienne peuvent exercer un tel choix depuis 1977 grâce au paragraphe 15(3) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-2 tel qu'il a été modifié [ajouté par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 28]. Le demandeur a accepté d'être remis en liberté sous surveillance obligatoire.
Dans sa déclaration, il demande que le régime de la surveillance obligatoire soit déclaré inconsti- tutionnel et inopérant. Il fait valoir que ce régime et ses dispositions législatives vont à l'encontre des articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de; 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)] (ci-après appelée la Charte) promulguée par la Loi consti- tutionnelle de 1982. Cela donne lieu à des ques tions constitutionnelles préliminaires que le juge en chef adjoint a formulées, conformément à la Règle 474 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap.
663 (mod. par DORS/79-57, art. 14)], dans les ordonnances qu'il a rendues les 16 et 24 juillet 1986.
Il a été ordonné que des copies de la déclaration et de la défense soient signifiées à chaque procu- reur général provincial, étant donné les questions constitutionnelles soulevées. Le procureur général de l'Ontario a demandé et obtenu l'autorisation d'intervenir dans les présentes procédures, comme l'indique l'intitulé de la cause.
Voici les questions préliminaires qui ont été soulevées:
a) Le régime de la surveillance obligatoire prévu par l'art. 15 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-2, modifié, et par les dispositions législatives et règlements qui s'y rapportent est-il inopérant pour le motif qu'il est incompatible avec l'art. 15 de la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982?
b) Subsidiairement, le par. 24(1) de la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 fait-il en sorte que le régime de la surveillance obligatoire soit inopérant en ce qui concerne le demandeur puisqu'on ne lui a jamais offert la possibilité de se faire entendre pour déterminer s'il devait être assu- jetti à une surveillance obligatoire, ce qui a porté atteinte à son droit à la liberté prévu à l'art. 7 de la Charte.
Quatre volumes de textes cités ont été soumis conjointement pour le compte du demandeur et de la défenderesse et, en outre, chacun d'eux a pré- senté en son nom un exposé distinct des faits et du droit. Les avocats de l'intervenant ont également produit un volume de textes cités.
Le demandeur et la défenderesse s'entendent pour une large part sur les faits saillants qui étaient les questions déférées à la Cour, car la défenderesse a officiellement reconnu [TRADUC- TION] «l'exactitude des faits exposés aux alinéas a) à e) de la déclaration». Voici les cinq allégations en question du demandeur:
[TRADUCTION]
a) Il a été condamné le 19 mai 1983 à Toronto (Ontario) à une peine d'emprisonnement de quatre ans après avoir été déclaré coupable de vol qualifié.
b) Aux termes de l'art. 659(1)b) du Code criminel du Canada, cette peine devait être purgée dans un pénitencier. Le demandeur a été transféré à un pénitencier et a purgé sa peine d'emprisonnement dans divers pénitenciers de la province d'Ontario.
c) Conformément à la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, chap. P-2, modifiée, et du Règle- ment sur la libération conditionnelle de détenus, C.P.
1978-1528, modifié, des membres de la Commission natio- nale des libérations conditionnelles ont examiné le cas du demandeur, mais celle-ci ne lui a pas accordé la libération conditionnelle. Si cette libération lui avait été accordée (et si elle n'avait été ni suspendue ni révoquée), le demandeur aurait été mis en liberté dans sa collectivité (sous réserve des conditions jugées souhaitables par la Commission) jusqu'à l'expiration de sa peine, soit le 18 mai 1987.
d) Aux termes de la Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, chap. P-6, modifiée, le demandeur avait droit à une réduc- tion méritée de peine parce qu'il s'était adonné assidûment au programme du pénitencier dans lequel il était empri- sonné. Il a mérité cette réduction de peine. À partir du moment le nombre de jours de réduction méritée de peine était égal au nombre de jours qu'il lui restait à purger, le demandeur était en droit d'être libéré de la garde en milieu fermé. Il était admissible à une mise en liberté le 22 janvier 1986. (Conformément à la coutume existant dans les établissements, il a en fait été libéré le 21 janvier 1986, ayant obtenu une autorisation d'absence temporaire sans escorte d'un jour, qui lui a été accordée en vertu de l'art. 26.1 de la Loi sur les pénitenciers).
e) Suivant l'esprit de l'art. 15 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, (désigné sous le nom de «surveil- lance obligatoire») la remise en liberté du demandeur le 22 janvier 1986 n'était pas absolue. Il est assujetti au contrôle de la Commission nationale des libérations conditionnelles et de ses agents désignés jusqu'au 18 mai 1987. Sont jointes à cette déclaration des photocopies du «Certificat de surveillance obligatoire» du demandeur. Dans la «Reconnaissance» (que le demandeur a refusé de signer), il est indiqué (dans le texte anglais) qu'il doit respecter certaines conditions, et que s'il viole l'une quelconque de celles-ci, il peut être réincarcéré. La Loi sur la libération conditionnelle de détenus prévoit en outre que le droit du demandeur d'être en liberté sous surveillance obligatoire peut être suspendu et révoqué.
Le demandeur a prêté son nom et lié son cas personnel au présent litige qui, comme l'a indiqué explicitement son avocat, et avec l'accord implicite de tous les autres avocats, doit servir de cause- type. Pour ce qui est du cas du demandeur et de ses perspectives d'avenir, il faut souligner l'argu- ment avancé par son avocat, Me Cole, selon lequel [TRADUCTION] «aux fins de la présente action, le demandeur ne conteste nullement l'efficacité de la surveillance obligatoire». Celui-ci ne prétend pas que la surveillance obligatoire constitue un traite- ment ou une peine cruel et inusité. Toutefois, pour trancher les questions en litige, il faut, dans une certaine mesure, examiner les objectifs et les buts que vise le droit pénal et reconnaître certains facteurs historiques dans l'évolution des services correctionnels canadiens. Les volumes de textes cités qui ont été soumis conjointement, tout en étant excellents et d'une grande portée, constituent
une source abondante de documentation et de jurisprudence mais ils sont, hélas, trop volumineux et trop longs pour être exposés en entier dans les présents motifs.
ARTICLE 15 DE LA CHARTE
Le demandeur se fonde principalement sur les droits à l'égalité énoncés au paragraphe 15 (1) de la Charte pour contester la constitutionnalité du régime de la surveillance obligatoire. Ce paragra- phe est ainsi rédigé:
15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimina tion, notamment des discriminations fondées sur la race, l'ori- gine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.
Le paragraphe (2) porte sur les programmes de promotion sociale, et l'article 28 vient confirmer l'égalité des sexes garantie par la Charte. L'article 15 est entré en vigueur le 17 avril 1985, conformé- ment au paragraphe 32(2).
L'avocat du demandeur a eu raison de souligner l'existence de deux types d'établissement pour les détenus qui ont été condamnés à une période d'em- prisonnement pour des infractions prévues par le Code criminel [S.R.C. 1970, chap. C-34] et par les dispositions pénales d'autres lois promulguées par le Parlement. Il s'agit d'établissements correction- nels provinciaux (parfois appelés prisons), et de pénitenciers fédéraux. Cette division dans le sys- tème carcéral semble avoir été dictée par un prag- matisme qui s'est effacé sous la brume de la brève histoire de notre pays, comme l'a souligné avec ironie l'avocat de l'intervenant.
Les détenus condamnés à une peine d'emprison- nement pour avoir violé ce qui peut généralement être considéré comme le droit pénal (malgré l'arrêt R. c. Hauser, [ 1979] 1 R.C.S. 984) doivent purger cette peine dans un établissement provincial si elle ne dépasse pas deux ans moins un jour, alors qu'une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus doit être purgée dans un pénitencier fédéral. Pourquoi? A cet égard, l'article intitulé «Historical Perspectives on The Federal -Provincial Split in Jurisdiction in Corrections», (1980) 22 Revue canadienne de criminologie 298, rédigé par H. Cr. Needham, analyste principal des politiques, secré-
tariat du ministère du Solliciteur général du Canada, est instructif. Aux pages 298 et 299, l'auteur (onglet 35—textes soumis conjointement) écrit:
[TRADUCTION] Avant le milieu du dix-neuvième siècle, la notion de division, entre une prison et un pénitencier selon qu'il s'agissait d'une période d'emprisonnement de moins ou de plus de deux ans était, semble-t-il, bien établie. En vertu du chap. 23-26 (1841) [chap. 24, art. 24], 4e et 5 e Victoria, les contreve- nants doivent:
être emprisonné(s) et assujetti(s) aux travaux forcés dans le Pénitentiaire Provincial pour un tems qui n'excédera pas sept ans, ou à être emprisonné(s) dans aucune autre Prison ou lieu de détention pour un tems qui n'excédera pas deux ans.
L'année suivante, la période discrétionnaire (plus de deux ans, mais moins de sept ans) a été supprimée, et une autre loi, celle de 1859, a confirmé la ligne de démarcation que constitue la période de deux ans.
Le partage des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les gouverments provinciaux reposait principalement sur l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. En général, le gouvernement fédéral s'est vu confier la tâche de légiférer dans le domaine de la justice criminelle et de l'administration des pénitenciers [Article 91, rubriques 27 et 28]. Il. est en outre prévu que les provinces peuvent légiférer concernant l'établissement, l'entre- tien et l'administration des prisons publiques et des maisons de correction dans la province. [Article 92, rubrique 6]
Il convient de souligner qu'il n'existe dans l'AANB aucune disposition qui, ou bien définit le mot pénitencier, ou bien fixe une ligne de démarcation entre les contrevenants qui doivent purger leur peine dans des pénitenciers ou dans d'autres prisons.
Étant donné la compétence que possède le gouvernement fédéral pour légiférer dans le domaine du droit criminel et l'absence de référence à ces deux sujets, on peut conclure que ledit gouvernement peut définir ou autrement modifier la ligne de démarcation comme bon lui semble.
Les premières dispositions législatives portant sur le partage de compétence figurent dans les refontes de 1869, 1886, 1892 et 1927, qui réaffirment la division reposant sur la période de deux ans, originairement prévue dans la loi de 1842, avec de petites modifications.
Dans les faits, la ligne de démarcation demeure aujourd'hui ce qu'elle a été depuis longtemps, c'est-à-dire qu'un emprisonnement d'au plus deux ans moins un jour doit être purgé dans des prisons provinciales, et un emprisonnement de deux ans ou plus, dans des pénitenciers fédéraux.
Pour faciliter les choses, bien que cela soit au détriment de la précision, tous les avocats ont désigné les détenus des établissements respectifs sous les noms de «détenus provinciaux» et «détenus fédéraux». Cette terminologie est adéquate aux fins de l'espèce.
Il faut se rappeler que, parmi les détenus provin- ciaux, il y en a qui purgent une peine maximale de six mois après avoir été déclarés coupables d'in- fractions punissables par procédure sommaire et pour lesquelles l'article 722 du Code criminel [mod. par S.C. 1985, chap. 19, art. 170] prévoit cette peine maximale. Sont également inclus parmi les détenus provinciaux ceux qui ont été déclarés coupables d'infractions pour lesquelles la peine maximale peut être l'emprisonnement à perpétuité, mais qui ont été condamnés à un emprisonnement de deux ans moins un jour ou à une peine plus courte. En dernier lieu, il y a, bien entendu, parmi les détenus provinciaux ceux qui sont condamnés à une peine d'emprisonnement pour avoir violé diverses lois provinciales telles que le Code de la route ou la Loi sur les alcools.
La grande majorité des détenus fédéraux sont incarcérés après avoir commis des infractions pré- vues par le Code criminel et les lois sur les dro- gues, et purgent une peine de deux ans ou plus. L'avocat du demandeur a plaidé qu'il y a des détenus fédéraux qui ne devraient même pas être incarcérés dans les pénitenciers, comme l'exige toute politique valable en matière correctionnelle. L'aspect le plus ironique de cet argument est que c'est le frère du demandeur, selon lui, qui a per- suadé la majorité d'un tribunal de juges de la Cour d'appel fédérale de l'autoriser à purger, consécuti- vement à une peine de douze ans, un emprisonne- ment de 66 jours qui lui avait été imposé parce qu'il n'avait pas payé ses amendes pour des contra ventions à des règlements municipaux sur le sta- tionnement. Cette décision est publiée sous le titre Dempsey c. Canada (procureur général), [ 1986] 3 C.F. 129; (1986), 65 N.R. 295; 25 C.C.C. (3d) 193, mais les recueils n'indiquent pas si le procu- reur général provincial avait été invité à intervenir dans cette question constitutionnelle. Quoi qu'il en soit, la qualification dans l'autre affaire Dempsey était qu'il purgeait déjà une peine d'emprisonne- ment pour avoir commis des infractions criminelles graves.
Les preuves testimoniale et documentaire ont été fournies par le seul témoin cité dans les présen- tes procédures, Linda Goldberg, agent de recher- che et d'évaluation de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Criminologue et socio- logue, elle a surtout enseigné, dans une université,
la sociologie reliée à la police et aux services correctionnels. Elle a notamment produit la pièce 2 qui contient d'excellentes données statistiques. Dans cette pièce figure le tableau 2 qui, bien qu'il n'indique pas en détail les facteurs, permutations et combinaisons révélés par les autres documents de Mn' Goldberg et son témoignage explicatif, décrit très bien la nature et la qualité des popula tions carcérales que les avocats ont désignées sous les noms de détenus provinciaux et détenus fédé- raux. Voici le tableau 2, avec quelques mots d'ex- plication et soulignements de la Cour:
[TRADUCTION] TABLEAU 2
Admissions dans les établissements provinciaux des personnes condamnées et détenus fédéraux au profil (registre) selon l'infraction grave, 1983-84
PROVINCIAL' FÉDÉRAL 2
INFRACTION [ÉTABLISSEMENT] [ÉTABLISSEMENT]
Violente 3 8 % 60 %
Propriété' 30 % 24 %
Conduite en état
d'ébriété 18 %
Autres 15 % 8 %
Total Code criminel 71 % 92
Drogues 5 % 6 %
Autres 1 % 2 %
Total Lois fédérales 6 % 8
Alcool 8 %
Autres 11 %
Total Lois
provinciales 19
Règlements
municipaux 4 %
Total 129,748 11,875
personnes personnes
Le témoin a souligné que, en ce qui concerne les infractions contre la propriété, on ne saurait vrai- ment déterminer les circonstances de l'introduction par effraction, ni préciser si les lieux ce délit a été commis étaient des entrepôts ou des maisons, ni établir la fréquence avec laquelle les détenus ont commis les infractions. Elle a également expliqué
' Services correctionnels pour adultes au Canada, 1983-84,
Statistique Canada, p. 158 et 159.
2 Ibid., p. 180.
3 Les infractions à caractère violent comprennent: l'homicide (meurtre, homicide involontaire coupable, infanticide), les voies de fait, l'agression sexuelle, les autres infractions d'ordre sexuel, la décharge d'une arme à feu, le rapt et le vol qualifié.
4 Les infractions contre la propriété comprennent: l'introduc- tion par effraction, le vol (au-dessus et au-dessous de $ 200 et vol de voiture), la possession de biens volés, les fraudes.
que, même si les pourcentages des infractions com- mises contre la propriété par des détenus provin- ciaux et fédéraux ne diffèrent pas beaucoup (30 % et 24 % respectivement), on ne saurait présumer que ces infractions sont les mêmes, ni que les contrevenants ont des casiers judiciaires identi- ques, ni qu'ils ont causé la même quantité de dommages. (Page 27 de la transcription.) Le même genre d'observation s'applique aux autres infractions.
Certes, l'avocat du demandeur a fait savoir que celui-ci ne contestait nullement l'efficacité présu- mée de la surveillance obligatoire, mais il a pro- cédé au contre-interrogatoire du témoin à ce sujet, ce qui a fait ressortir certains éléments de preuve. À la question, posée par l'avocat, de savoir si la surveillance obligatoire est efficace ou, au cas elle s'appliquerait au niveau provincial, si elle pro- duirait l'effet escompté, le témoin a répondu:
[TRADUCTION] La difficulté réside dans le fait qu'il n'y a pas de population qui n'est pas assujettie à la surveillance obliga- toire à titre de groupe témoin, afin que l'on puisse déterminer si celle-ci est efficace. Nous avons une catégorie de personnes qui ont été libérées avant la surveillance obligatoire, par opposition à une catégorie qui fait actuellement l'objet d'une libération sous surveillance obligatoire. Néanmoins, les périodes de temps sont si différentes dans le monde socio-économique nous vivons actuellement qu'on se demande si les statistiques compa- rant ces deux groupes quant à leur taux de récidive seraient d'une quelconque utilité. (Page 34 de la transcription.)
Dans son contre-interrogatoire, l'avocat de l'inter- venant, Trafford, a enchaîné en demandant pourquoi les détenus des maisons de correction [c.-à-d. provinciales] ne constituent pas un groupe témoin approprié pour fins de comparaison. Le témoin a répondu:
[TRADUCTION] Nous avons déjà souligné ce point dès le début; ils sont tellement, tellement différents. Je ne pense pas qu'on puisse comparer les taux de succès des personnes qui ont été condamnées à des peines très courtes pour des types de crimes d'importance beaucoup moindre à ceux des détenus fédéraux qui purgent des peines plus longues pour des types de crimes beaucoup plus violents. (Page 51 de la transcription.)
À cet égard, il faut souligner que, aux termes du paragraphe 15(1) de la Loi sur la libération con- ditionnelle de détenus, un détenu, pour être assu- jetti à une surveillance obligatoire, doit être admis sible à une mise en liberté découlant uniquement d'une réduction de peine supérieure à 60 jours. Aucune surveillance obligatoire n'est imposée en sus d'une période de réduction de 60 jours ou moins. Pour obtenir une réduction de 60 jours, un
détenu doit être condamné à une peine de seule- ment 6 mois ou plus. En général, ces peines ne s'appliquent pas aux infractions graves du genre de celles qui sont commises par les détenus fédéraux. Soit dit en passant, il convient de souligner égale- ment que le pourcentage des détenus fédéraux qui choisissent de renoncer à une libération sous sur veillance obligatoire est «infinitésimal». (Page 44 de la transcription.) Presque tous les détenus fédé- raux qui ont droit à une libération conditionnelle sous surveillance obligatoire l'acceptent.
Le Comité canadien de la réforme pénale et correctionnelle (le Comité Ouimet) a été instauré en 1965. Son rapport intitulé Justice pénale et correction: un lien à forger est daté du 31 mars 1969. En examinant les réductions des peines d'emprisonnement qui remontent au moins à la promulgation de l'article 62 de l'Acte des péniten- ciers de 1868 [31 Vict., chap. 75], et le régime de la libération conditionnelle, le comité Ouimet a souligné dans son rapport cité (onglet 11) que «Environ 60 p. 100 seulement des détenus des pénitenciers, admissibles à la libération condition- nelle, en font la demande.» À cette époque, un détenu bénéficiait d'une libération inconditionnelle lorsque la réduction de sa peine d'emprisonnement était égale au nombre de jours qu'il lui restait à purger. Le comité a dit ceci à la page 376 de son rapport:
Si le détenu obtient sa libération conditionnelle, la période de réduction statutaire de peine devient une partie de la période de libération conditionnelle et, advenant déchéance ou révocation de sa libération conditionnelle, il perd le crédit de la réduction statutaire et doit purger la totalité de sa peine, moins la réduction méritée qu'il peut avoir à son crédit. Beaucoup de détenus en viennent à préférer terminer leur sentence dans l'établissement plutôt que de risquer de perdre leur période de réduction statutaire de peine.
Le Comité Ouimet a recommandé (page 379) «que les mêmes dispositions de réduction de peine s'appliquent aux détenus des prisons fédérales et des prisons provinciales et que la mesure législative prévoyant [ce qu'on appelle maintenant la surveil lance obligatoire] tel que décrit ci-dessus, s'appli- que également à tous». Il a recommandé la surveil lance obligatoire parce que, selon lui, les détenus qui constituent un moindre risque pour la société sont ceux qui obtiennent une libération condition- nelle, alors que les détenus qui constituent un très grand danger sont ceux qui, à la suite d'une réduc- tion de peine, sont relâchés directement dans la
société après avoir purgé approximativement les deux-tiers de leur peine, sans condition ni surveillance.
Le Parlement n'a pas donné suite à la recom- mandation du comité Ouimet concernant l'applica- tion du régime de la surveillance obligatoire tant aux détenus provinciaux que fédéraux. Il a toute- fois promulgué la Loi de 1968-69 modifiant le droit pénal [S.C. 1968-69, chap. 38] qui prévoit la surveillance obligatoire pour les détenus fédéraux. Cette Loi modifiait la Loi sur la libération condi- tionnelle de détenus et la Loi sur les pénitenciers, et le nouveau régime est entré en vigueur le ler août 1970. La Loi de 1977 modifiant le droit pénal [S.C. 1976-77, chap. 53] a apporté d'autres modifications. À compter du l er juillet 1978, toute réduction de peine devait être méritée. Les disposi tions concernant la déchéance ont été standardi sées pour les détenus fédéraux et provinciaux. On a autorisé les provinces à créer des commissions des libérations conditionnelles pour ce qui est des déte- nus provinciaux. C'est chose faite dans les provin ces d'Ontario, de Québec et de la Colombie-Bri- tannique, alors que dans les provinces (et territoires) qui ont refusé de le faire, la Commis sion nationale des libérations conditionnelles conti nue d'exercer sa compétence.
Pour compléter cet historique des services cor- rectionnels jusqu'à ce jour, on peut souligner que le projet de loi C-67, Loi modifiant la Loi sur la libération conditionnelle de détenus et la Loi sur les pénitenciers [S.C. 1986, chap. 42], a reçu la sanction royale le 24 juillet 1986. En 1983, la Cour suprême du Canada a jugé illégale la pratique qui venait d'être instituée à l'époque par la Commis sion nationale des libérations conditionnelles, laquelle consistait à «arrêter» les détenus qu'elle considérait comme dangereux, dès leur remise en liberté sous surveillance obligatoire. Cette décision est publiée sous l'intitulé R. c. Moore; Oag c. La Reine et autres, [1983] 1 R.C.S. 658; 33 C.R. (3d) 97.
L'article 5 du projet de loi C-67 (avec les lois correspondantes dans le projet de loi C-68 [Loi modifiant la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, la Loi sur les pénitenciers, la Loi sur les prisons et les maisons de correction et le Code criminel, S.C. 1986, chap. 43]) est entré en vigueur le 25 juillet 1986 [TR/86-147]. En vertu
de cette Loi, la Commission nationale des libéra- tions conditionnelles peut, après une audience le détenu comparaît en personne, refuser de lui per- mettre d'être même conditionnellement libéré sous surveillance obligatoire. De nouvelles modalités obligatoires types de libération (pièce 3) s'appli- quent maintenant à la fois à la libération condi- tionnelle et à la surveillance obligatoire. (Pages 45 à 47 de la transcription.) Essentiellement, ces con ditions enjoignent au détenu libéré de «respecter la loi et ne pas troubler l'ordre public»—condition tout à fait inattaquable—et, surtout, de rester, comme il se doit, en contact avec le surveillant des libérés conditionnels.
En contestant, sur le plan constitutionnel, le régime de la surveillance obligatoire, le demandeur prétend essentiellement que, jusqu'à maintenant, les prisonniers incarcérés dans des établissements provinciaux et libérés à la suite d'une réduction de peine n'ont pas été, et ne sont pas touchés par le régime de la surveillance obligatoire, ni assujettis à ce régime. Ces détenus provinciaux, allègue-t-on, sont relâchés directement dans la société sans sur veillance (s'ils ne demandent ni n'obtiennent une libération conditionnelle) et jouissent des mêmes droits et privilèges que ceux d'un résident du Canada. L'avocat du demandeur soutient que, en raison de ce seul trait distinctif, savoir la durée de la peine d'emprisonnement à laquelle le détenu est condamné, la catégorie des détenus fédéraux est inexorablement forcée de se conformer aux moda- lités de la surveillance obligatoire, indépendam- ment de la question de savoir si cela répond aux besoins de la société ou à ceux du prisonnier. (Le choix du prisonnier, prévu au paragraphe 15(3) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, dilue quelque peu l'argument invoqué par l'avocat en l'espèce.) Par contre, selon l'avocat du deman- deur, la catégorie des détenus provinciaux se voit conférer l'avantage de jouir pleinement des droits de tout autre résident du Canada, indépendam- ment de la question de savoir si cette liberté répond aux besoins de la société ou à ceux du prisonnier.
(Dans les faits, l'argument ci-dessus est en géné- ral fondé, mais il ne tient pas compte du fardeau possible que représente une ordonnance de proba tion, imposée au détenu par le juge qui prononce la peine, et qui prend effet dès que le détenu est
libéré d'une prison provinciale. Voir R. v. Constant (1978), 40 C.C.C. (2d) 329 (C.A. Man.); autorisa- tion d'interjeter appel devant la Cour suprême du Canada refusée: [1978] 1 R.C.S. vi.)
Voici donc l'argument invoqué par l'avocat du demandeur:
[TRADUCTION] Il se peut que des personnes qui peuvent à tous les égards être égales pour ce qui est des conditions de réinsertion dans la collectivité fassent l'objet d'un traitement différent simplement parce qu'il fallait en premier lieu que la peine imposée soit purgée dans un pénitencier ou une maison de correction. Il est allégué que le trait distinctif entre ces deux catégories ne saurait logiquement justifier le traitement inégal auquel ces personnes sont soumises, et que ce trait distinctif est entièrement arbitraire.
Hunter et autres c. Southam Inc. (1984), 14 C.C.C. (3d) 97, (C.S.C.)
Re Blainey and Ontario Hockey Association et al. (1986), 54 O.R. (2d) 513 à la p. 529 (C.A. Ont.)
(Pages 12 et 13 du mémoire du demandeur.)
L'avocat du demandeur fait valoir que puisque tous les détenus ont droit à une réduction de peine et que seuls les détenus fédéraux peuvent choisir de se soumettre à la surveillance obligatoire ou de renoncer à leur réduction, il s'agit d'une inéga- lité qui va à l'encontre de l'article 15 de la Charte.
Aucun avocat n'a prétendu que le paragraphe 15(2) de la Charte peut être invoqué en l'espèce. L'avocat du demandeur a insisté sur le fait que, malgré les motifs prononcés par le juge Locke dans l'arrêt Logan v. Dir. of William Head Inst'n et al. (jugement en date du 30-5-86, C.S.C.-B.—n° du greffe de Victoria 8 6 / 1 307), ce n'est pas la surveil lance obligatoire mais plutôt la réduction de peine qui est un avantage. En fait, selon lui, l'ajout de la surveillance obligatoire à la réduction de peine d'un détenu fédéral ne fait que le priver de l'avan- tage de sa réduction de peine.
Tous les avocats ont abordé la question de savoir comment il faut appliquer les droits à l'égalité prévus au paragraphe 15 (1) de la Charte aux détenus fédéraux et provinciaux. Dans Re McDo- nald and The Queen (1985), 21 C.C.C. (3d) 330, le juge Morden a, au nom de la Cour d'appel de l'Ontario, tenu ces propos à la page 349:
[TRADUCTION] On peut raisonnablement dire que, en général, l'art. 15 a pour but d'exiger «que ceux qui se trouvent dans la même situation fassent l'objet d'un traitement similaire»: Tuss- man and tenBroek, «The Equal Protection of the Laws», 37 Cal. L. Rev. 341 (1948), à la p. 344. (Onglet 24.)
En l'espèce, tous les avocats souscrivent au critère de «la même situation». Si ce critère est approprié, et il semble certainement l'être, alors, bien entendu, la notion de traitement «similaire» réservé à ceux qui se trouvent dans la même situation ne dénote ni n'exige une précision arithmétique lors- qu'il s'agit d'égaliser ou de distinguer leurs droits incontestables, prévus dans la Constitution, à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination.
Tous les avocats ont cité et mentionné l'arrêt rendu le 12 mai 1986 par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'affaire Rebic v. Coll - ver Prov. J., [1986] 4 W.W.R. 401. Les motifs prononcés par la majorité et par la minorité ont concouru au même résultat, c'est-à-dire le rejet de l'appel formé contre la détention imposée à une personne déclarée [TRADUCTION] «non coupable pour cause d'aliénation mentale». Toutefois, les juges Esson et Cheffins dont les motifs sont con- courants d'une part la page 422), et le juge MacFarlane d'autre part (aux pages 412 et 413) ont convenu que, lorsqu'on examine le paragraphe 15(1) de la Charte, il faut d'abord déterminer si le demandeur ou requérant se trouve vraiment dans la «même situation» que ceux qui, selon lui, jouis- sent d'un traitement différent du sien. C'est ce qui ressort également des propos que le juge Thorson a tenus au nom de la majorité de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire R. v. Swain (1986), 50 C.R. (3d) 97, à la page 148.
Le demandeur en l'espèce prétend être dans la même situation qu'un détenu provincial mais, comme il n'a pas droit à une libération incondi- tionnelle à la suite d'une réduction de peine, il fait l'objet d'un traitement différent qui ne repose sur aucun fondement constitutionnel.
La criminalité n'est pas monolithique, que ce soit sur le plan conceptuel, ou par la façon dont le Parlement légifère à cet égard dans le Code crimi- nel et dans certaines autres lois canadiennes qui portent sur l'inconduite grave, mais qui ne sau- raient faire partie du droit criminel étant donné le jugement Hauser précité. Il suffit de très peu de perspicacité pour se rendre compte que celui qui fait le commerce de pièces automobiles volées nuit moins à la société que celui qui fait le trafic de drogues destructrices qui créent un état de dépen- dance. Même un cas grave de vente de pièces
automobiles volées n'est pas aussi sérieux qu'un cas moins grave de trafic de drogues. De même, un vol à l'étalage de marchandises d'une valeur infé- rieure à $ 200 est moins grave qu'un vol à main armée. De même, des voies de fait simples sont moins graves que des voies de fait avec une arme ou causant des lésions corporelles qui, eu égard au degré de gravité, ne sont pas aussi sérieuses qu'une agression sexuelle grave.
Même à l'intérieur d'une catégorie d'infractions prévue par la loi, la gravité du crime dépend finalement des traits de caractère de l'auteur et de la nature de la perpétration. C'est la raison pour laquelle, sauf en ce qui concerne les infractions graves telles que la haute trahison et le meurtre, pour lesquelles le Parlement a prévu la peine d'em- prisonnement à perpétuité, il convient de laisser à la cour qui détermine la sentence une certaine latitude quant à la sévérité de la peine à imposer. Dans l'affaire R. v. McCormick, [1979] 4 W.W.R. 453; 47 C.C.C. (2d) 224, la Cour d'appel du Manitoba a confirmé une peine d'emprisonnement de trois mois imposée à un jeune homme qui avait commis un vol à main armée pour laquelle la peine maximum prévue est l'emprisonnement à perpé- tuité. Le juge Huband s'exprime en ces termes aux pages 456 W.W.R.; 229 et 230 C.C.C.:
[TRADUCTION] Les facteurs dont il faut tenir compte pour imposer une peine ne sont pas contestés: protection du public, effet de dissuasion sur d'autres contrevenants éventuels, châti- ment et réhabilitation de l'accusé. Le poids qu'il faut accorder à ces facteurs dépend de la nature du crime, des circonstances dans lesquelles il a été commis et de son auteur. Ces variables font qu'il est impossible d'atteindre l'uniformité dans l'imposi- tion des peines. En fait, l'uniformité vers laquelle doit tendre la cour consiste à mettre l'accent comme il se doit sur les facteurs variables qui donnent des résultats différents.
C'est donc le Parlement qui a établi, dans ses lois pénales, les degrés de gravité des diverses déprédations criminelles; et sauf lorsque, dans les quelques cas déjà cités, il n'a eu aucun doute sur la détermination des peines invariables, le législateur a habilité les tribunaux de juridiction criminelle à fixer la peine appropriée dans les limites qu'il a prescrites pour ces catégories. Dans les questions humaines de ce genre, il faut faire preuve de jugement. Le jugement du législateur est complété par celui de la cour. La Constitution, particulière- ment à l'article 15 de la Charte, interdit aux tribunaux de rendre des décisions arbitraires et absurdes. Étant donné qu'il est pratiquement
impossible d'atteindre une exactitude arithmétique en matières législatives et judiciaires en raison du comportement humain et des circonstances très variables, le critère de l'égalité consiste à réserver un traitement similaire aux gens qui se trouvent dans une situation similaire. Bien que pratique et raisonnable, ce critère ne permet nullement d'at- teindre l'égalité parfaite.
Pour ce qui est de la dénonciation et de la punition des crimes, il est facile de reconnaître les extrêmes et de se rendre compte que le voleur à l'étalage et le terroriste ne se trouvent pas dans la même situation; ceux-ci ne devraient donc pas être traités de la même façon par une cour qui pro- nonce la peine. Entre ces extrêmes, le droit crimi- nel, qui dresse un tableau des nombreux cas d'in- conduite criminelle, fait des distinctions selon les divers stades ou les diverses catégories que l'on peut discerner parmi les infractions et les contreve- nants. Tant la loi que la nature même de la déprédation criminelle différencient les contreve- nants.
Dans ce contexte, il importe peu que la surveil lance obligatoire constitue un préjudice ou une pénalité qui se greffe à la réduction de la période d'emprisonnement accordée par la loi, comme l'a prétendu l'avocat du demandeur, ou qu'elle se confonde avec la réduction de peine pour consti- tuer un régime entièrement nouveau de réduction de peine conditionnelle, comme l'a soutenu l'avo- cat de l'intervenant. La constitution ne considère nullement la réduction de peine comme un droit. Il s'agit d'un droit qui dépend de la seule volonté du législateur, sous la forme et dans les conditions voulues par ce dernier. Sans ce droit, un détenu serait légalement emprisonné jusqu'au terme de la peine à laquelle il a été condamné. Tant et aussi longtemps que la réduction de peine est voulue par le législateur et que les conditions pour l'obtenir ne constituent pas un traitement ou une peine cruel et inusité, il faut l'accorder pour ne pas violer l'article 15 de la Charte.
La disposition législative prévoyant les peines fait normalement et intégralement partie du droit pénal. La surveillance obligatoire est donc, en droit, un aspect de la peine qui frappe une con- duite criminelle. La notion de peine est assez large pour qu'on en traite relativement à l'aspect correc- tionnel du droit criminel. Faut-il éliminer ou
exclure la possibilité d'apprendre un métier au pénitencier, parce qu'elle n'est pas considérée comme suffisamment punitive? De même, la possi- bilité d'être libéré conditionnellement sous surveil lance obligatoire, que le demandeur semble avoir en horreur, constitue un traitement qui, d'un point de vue objectif, n'est guère punitif.
Le châtiment des contrevenants fondé sur leur conduite criminelle offensante est imposé pour les motifs énoncés par le juge Huband dans l'affaire McCormick précitée. Plus l'acte est infâme plus la peine devrait être lourde. Mais il n'est pas néces- saire que celle-ci soit brutale; elle ne doit pas non plus être cruelle et inusitée.
On impose une peine légitime à ceux qui com- mettent des déprédations graves en les soumettant à une surveillance officielle, afin de minimiser les occasions et les tentations qu'ils pourraient avoir de récidiver. En purgeant la peine à laquelle ils sont condamnés, ils font sûrement l'objet d'une telle surveillance lorsqu'ils sont détenus à l'inté- rieur de l'établissement. La peine normale pour les infractions criminelles graves est alors maintenue jusqu'à son expiration pour ceux qui, dans la grande majorité des cas, semble-t-il, acceptent la possibilité de purger le reste de leur peine à l'exté- rieur du pénitencier et sous surveillance obliga- toire. Ils doivent continuer à être l'objet d'une surveillance, quoique nettement moins intensive, lorsqu'ils acceptent d'être libérés conditionnelle- ment pour le reste de leur peine. Le législateur impose cette peine plus lourde (mais qui est loin d'être cruelle), à ceux qui ont été déclarés coupa- bles des crimes plus graves. Cela fait simplement partie de la peine qui leur a été imposée pour les crimes qu'ils ont perpétrés. Ceux qui ont commis des infractions moins graves y échappent.
La surveillance obligatoire s'applique aux déte- nus fédéraux qui purgent des peines plus longues et qui ont été mis à l'écart de la société canadienne pendant plus longtemps que ne l'ont été les détenus provinciaux. Elle vise à éviter que les détenus fédéraux, qui n'ont pas obtenu de libération condi- tionnelle, soient relâchés directement dans la col- lectivité sans être assujettis à la surveillance impo sée aux libérés conditionnels qui, en général, constituent un risque moindre pour la société.
Le demandeur n'a pas rapporté la preuve que les détenus fédéraux sont dans la même situation que les détenus provinciaux qui ont été condamnés à purger une peine d'emprisonnement de moins de deux ans. L'avocat de la défenderesse a bien établi la différence inhérente entre les détenus fédéraux et provinciaux, en faisant valoir que, sauf le cas d'une libération conditionnelle anticipée, l'applica- tion normale, mais évitable, de la surveillance obligatoire à ceux qui sont les plus coupables, c'est-à-dire les détenus fédéraux, fait en sorte que chacun d'eux est assujetti à la même peine, cette égalité ne s'appliquant pas nécessairement à ceux qui sont moins coupables. La durée de cette sur veillance correspond à celle de la peine imposée. Il existe un degré variable de culpabilité selon qu'il s'agit d'un cas mineur ou d'un cas grave. A cet égard, la loi établit une ligne de démarcation (2 ans) logique, pour ne pas dire pragmatique, et la cour doit toujours tenir compte des degrés de culpabilité plus difficiles à établir dans l'imposition d'une peine. Ceux qui ont commis des déprédations plus graves subissent une peine d'emprisonnement plus longue et sont soumis à une surveillance plus étroite au cours de cette période. D'autre part, si l'emprisonnement est d'une plus courte durée, et si le détenu n'obtient pas de libération conditionnelle et évite l'imposition d'une ordonnance de proba tion, il a droit à une libération sans surveillance. Il ne s'agit pas d'un cas de discrimination que l'arti- cle 15 de la Charte condamne si clairement.
Il est vrai que la preuve de la violation des conditions de la surveillance obligatoire peut entraîner la révocation de cette dernière et la réincarcération du détenu. Il est tout aussi vrai que ces modalités types, exposées dans la pièce 3, ne permettent pas une liberté complète, mais elles constituent, somme toute, un aspect de la peine imposée pour la condamnation d'un ou de plus d'un crime grave. En vertu du projet de loi C-67, le détenu fédéral peut demander à la Commission nationale des libérations conditionnelles de le dis penser de l'une quelconque de ces modalités. Il va de soi qu'il ne sera pas réincarcéré s'il respecte la loi et ne trouble pas l'ordre public. Bien entendu, cette modalité n'est guère discriminatoire.
Pour ce qui est de la première question et compte tenu de tous les motifs qui précèdent, le régime de la surveillance obligatoire prévu par
l'article 15 de la Loi sur la libération condition- nelle de détenus, modifié, ainsi que par les lois et règlements qui s'y rapportent est parfaitement valide, parce qu'il n'est pas incompatible avec l'article 15 de la Partie I de la Loi constitution- nelle de 1982.
ARTICLE 7 DE LA CHARTE
La question subsidiaire posée à la Cour laisse entendre que le régime de la surveillance obliga- toire est inopérant en ce qui concerne le deman- deur, puisqu'on ne lui a jamais offert la possibilité de se faire entendre pour déterminer s'il devait être assujetti à une surveillance obligatoire, ce qui a porté atteinte à son droit à la liberté prévu à l'article 7 de la Charte. Il faut reconnaître que le demandeur a effectivement eu droit à une audience quant à la peine appropriée que la Cour devait lui imposer en conséquence de sa condam- nation.
Une fois qu'un accusé est déclaré coupable et condamné à purger une peine dans un pénitencier fédéral, les principes de justice fondamentale n'exi- gent aucune autre décision pendant que la peine imposée est purgée. Des questions qui exigent une audience peuvent bien sûr se poser durant l'incar- cération du détenu, mais ces questions n'ont rien à voir avec la peine d'emprisonnement qui lui a été imposée. Parmi ces questions, on peut mentionner la demande de libération totale formulée par le détenu, ce qui inclut quelquefois les demandes de libération conditionnelle de jour ou d'autres absen ces autorisées, ainsi que la révocation de la libéra- tion conditionnelle ou de la surveillance obliga- toire. Et il ne fait aucun doute qu'une audience s'impose lorsqu'un tribunal disciplinaire statue sur les infractions commises par un détenu.
Si aucune de ces questions ne concerne le détenu, il peut tranquillement purger la peine que la cour lui a légalement imposée, sans aucune autre forme de procès. Le détenu qui n'a pas obtenu de libération conditionnelle pourra éven- tuellement faire l'objet d'une surveillance obliga- toire—cet aspect normal de la peine imposée aux détenus fédéraux.
Il est rare que le détenu choisisse de renoncer au droit d'être remis en liberté sous surveillance obli- gatoire en vertu du paragraphe 15(3) de la Loi sur
la libération conditionnelle de détenus et de demeurer en détention. Ce choix de l'intimé n'exige aucune autre décision de quiconque.
Un avis suffisant sera donné au détenu qui ne choisit pas de renoncer à la surveillance obligatoire afin qu'il puisse demander à la Commission natio- nale des libérations conditionnelles de modifier les modalités normales de la libération s'il le désire. Cette action de l'intimé exige qu'une décision soit rendue selon les principes de justice fondamentale. Une telle demande peut être présentée en vertu des récentes modifications apportées par le projet de loi C-67.
Le demandeur a été remis en liberté sous sur veillance obligatoire avant la promulgation de ces récentes modifications. Il a choisi d'accepter la surveillance obligatoire et il a donc été remis en liberté sous condition, bien qu'il ait refusé de signer la reconnaissance de ses conditions d'élar- gissement. Bien entendu, il est parfaitement au courant de ces modalités parce qu'on les lui a expliquées et qu'elles sont imprimées sur son certi- ficat. Voici ces modalités:
[TRADUCTION] MODALITÉS DE LA SURVEILLANCE OBLIGA- TOIRE
Vous devez vous rendre directement à l'adresse indiquée sous la rubrique INSTRUCTIONS et vous rapporter immédiatement à votre surveillant de liberté conditionnelle et ensuite à la fré- quence fixée par ce dernier.
Vous devez obtenir l'autorisation du surveillant de liberté con- ditionnelle avant de quitter la région désignée par la Commission.
Vous devez informer immédiatement le surveillant de liberté conditionnelle si vous êtes arrêté ou interrogé par la police.
Vous devez respecter la loi et ne pas troubler l'ordre public.
S'efforcer d'avoir un emploi stable et, sauf instructions contrai- res données par le surveillant de liberté conditionnelle, signaler immédiatement tout changement qui survient, tels que emploi, accident ou maladie.
Se présenter à la police ❑X oui non
si oui ❑X mensuellement
ou D à la fréquence fixée ci-après
Obtenir l'approbation du surveillant de liberté conditionnelle avant:
a) de contracter des dettes en empruntant ou en achetant à tempérament;
b) d'acquérir ou d'avoir sous son contrôle une arme à feu ou d'autres armes.
Dès votre remise en liberté, communiquer aussitôt que possible votre adresse initiale ainsi que tout changement d'adresse au surveillant de liberté conditionnelle.
Ces conditions ne sont pas très difficiles, et elles n'entravent certainement pas plus la liberté du demandeur si on les compare à celles qui lui ont été imposées au moment il a été condamné à sa peine d'emprisonnement. En fait, il est facile de démontrer que, même s'il ne s'agit pas d'une liberté totale, la liberté dont le demandeur a été légalement privé lors de sa condamnation se trouve accrue par sa remise en liberté sous ces conditions.
Étant donné que la libération conditionnelle choisie par le demandeur fait normalement partie de sa peine, comment pourrait-on être tenu, en vertu des principes de justice naturelle, de se pro- noncer sur ces modalités, et de se prononcer annuellement sur chaque année de la peine d'em- prisonnement à laquelle il a été condamné. Les principes de justice fondamentale n'exigent pas une telle décision.
De plus, le demandeur n'a pas rapporté la preuve que les modalités de sa libération portent atteinte à son état psychique ou à sa sécurité, ni à celui d'un autre détenu. Il n'aime évidemment pas ces modalités parce que s'il ne s'y conforme pas— il s'agit encore de son choix—il risque d'être réin- carcéré. Puisque le demandeur a déjà été privé de sa liberté lorsqu'il a été condamné à une peine d'emprisonnement, ces modalités ne constituent ni une autre privation ni une plus grande privation de sa liberté. Il doit faire preuve de prudence. Il en est ainsi pour tout le monde. Bien que sa liberté soit plus restreinte que celle des détenus qui ne sont pas des détenus fédéraux, elle est plus grande que celle d'un détenu qui choisit de renoncer à la mise en liberté, et elle l'est davantage qu'elle ne l'était avant sa mise en liberté.
Le droit du demandeur à la liberté prévu à l'article 7 de la Charte n'ayant été nullement violé, il s'ensuit qu'il n'a droit à aucun redressement sous le régime du paragraphe 24(1) de la Charte. Dans son cas, le régime de la surveillance obligatoire demeure donc parfaitement valide.
La décision portant sur les points litigieux soule- vés en l'espèce a donné lieu à des questions consti- tutionnelles d'intérêt public. Le règlement de ces questions importe plus que les intérêts personnels
du demandeur. Par conséquent, compte tenu des faits de l'espèce, la Cour fait usage de son pouvoir discrétionnaire et n'adjuge aucun dépens en faveur de l'une ou de l'autre partie ou de l'intervenant, ni contre ceux-ci.
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