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A-493-86
Syndicat des travailleurs du grain, section locale 333, C.T.C. (requérant)
c.
Prince Rupert Grain Ltd., Y. F. Simmons, R. Alderdice, D. Bartko, D. Gamble, D. Shuttleworth et B. J. Hyland (intimés)
RÉPERTORIÉ: S.T.G., SECTION LOCALE 333 c. PRINCE RUPERT GRAIN LTD.
Cour d'appel, juges Mahoney, Stone et Lacom- be—Vancouver, 7 avril; Ottawa, 20 mai 1987.
Relations du travail Demande d'examen et d'annulation d'une décision du Conseil canadien des relations du travail qui a exclu certains emplois d'une unité de négociation Le Conseil a conclu que le transfert des activités d'un silo à céréales à un nouveau silo terminal constituait un changement technologique et s'est réservé juridiction au sujet de la ques tion de l'exclusion La question de l'exclusion a été tranchée par un quorum différent de celui qui avait tranché la première question Demande rejetée Il n'a pas été contrevenu à la règle de justice naturelle «he who decides must hear» (»qui décide doit entendre») Les deux audiences peuvent être disjointes puisque les questions tranchées, comme la preuve, différaient d'une audience à l'autre Il est inféré de l'art. 120.1, qui autorise le Conseil à disjoindre les points litigieux découlant d'une demande pour les trancher séparément, que la compétence de trancher plus tard les autres points appartient au Conseil et non aux membres mêmes du quorum Le syndicat ne s'est objecté à la composition du quorum qu'une fois rendue une décision contraire à ses prétentions Le défaut du requérant de s'opposer en temps voulu à la composi tion du quorum constitue une renonciation au droit de voir trancher son affaire par le quorum précédent Code cana- dien du travail, S.R.C. 1970, chap. L-1, art. 118k) (mod. par S.C. 1972, chap. 18, art. 1), p)(ii),(v) (mod., idem), 119 (mod., idem), 121 (mod., idem), 1 (édicté par S.C. 1977-78, chap. 27, art. 42), 149 (mod. par S.C. 1972, chap. 18, art. 1), 150 (mod., idem; S.C. 1984, chap. 39, art. 29), 151 (mod., idem; S.C. 1984, chap. 39, art. 30).
Contrôle judiciaire Demandes d'examen Le Conseil canadien des relations du travail a tranché une question rela tive au changement technologique mais s'est réservé juridiction relativement à l'exclusion de certains membres du syndicat d'une unité de négociation La question de l'exclusion a été entendue par un quorum différent de celui qui a tranché la première question Il n'a point été contrevenu à la règle de justice naturelle «he who decides must hear» (»qui décide doit entendre») Il est inféré de l'art. 120.1 du Code que la question à trancher ultérieurement peut, dans des circons- tances particulières, être entendue par un quorum différent Le Syndicat ne s'est objecté à la composition du quorum qu'une fois rendue une décision contraire à ses prétentions Le défaut de s'objecter devant le Conseil à la composition du quorum donne à déduire que les parties ont agi comme si les deux instances étaient distinctes et constitue une renonciation
au droit de voir trancher cette affaire par le quorum précédent Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 28 Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L-1, art. 120.1 (édicté par S.C. 1977-78, chap. 27, art. 42).
Il s'agit d'une demande d'examen et d'annulation d'une décision du Conseil canadien des relations du travail excluant certains emplois d'une unité de négociation. En 1984, le Conseil avait conclu que le commencement de l'exploitation d'un nou- veau silo à céréales terminal constituerait un changement tech- nologique. Il s'est réservé juridiction quant à la possibilité d'exclure de l'unité de négociation certains employés qui tra- vailleraient à ce tout nouveau terminal. En 1986, le syndicat a demandé au Conseil de statuer sur la question de l'exclusion ainsi que sur d'autres questions que le Conseil a jugées exté- rieures à la compétence découlant de sa décision précédente. Avant l'audience, les parties ont été avisées du nom des person- nes qui formeraient le quorum du Conseil chargé d'entendre la question soumise. Un des membres du Conseil était nouveau. Les parties ont eu la pleine possibilité de présenter toute preuve relative à l'inclusion ou à l'exclusion des employés visés. Le syndicat sollicite l'annulation de l'ordonnance du Conseil aux motifs qu'il a excédé sa compétence et manqué d'observer un principe de justice naturelle en modifiant la composition du quorum du Conseil qui s'était réservé juridiction. Le requérant a invoqué la règle de justice naturelle «he who decides must hear» («qui décide doit entendre»).
Arrêt: la demande devrait être rejetée.
Les audiences tenues par le Conseil en 1984 et en 1986 peuvent être totalement disjointes puisque les deux questions alors tranchées, tout comme la preuve et les prétentions qui lui étaient présentées, différaient totalement d'une audience à l'au- tre. Rien dans les motifs de l'ordonnance de 1986 n'indique que les membres formant le quorum, en prenant leur décision, se soient appuyés sur une preuve n'ayant pas été présentée lors de l'audience tenue en 1986 ou aient même examiné une telle preuve, ou encore aient été influencés de quelque manière par ce qui a été dit ou fait dans le cadre de l'audience tenue en 1984. Les parties ont débattu la question des inclusions dans l'unité de négociation ou des exclusions de cette unité sur le fondement de prétentions rigoureusement nouvelles. Les trois membres constituant le quorum ont tous entendu toute la preuve pertinente. Les exigences de la règle «qui décide doit entendre» ont été observées.
L'article 120.1 du Code du travail autorise le Conseil à disjoindre les points litigieux découlant d'une demande pour les trancher séparément. Même s'il n'y aurait habituellement aucun changement dans la composition du quorum, il peut exister des circonstances particulières permettant qu'un point laissé en suspens soit tranché par un quorum différent de celui ayant tranché la première question, sans tenir compte des éléments de preuve ou des arguments présentés relativement à la question initiale. L'article 120.1 prévoit que le Conseil peut «remettre à plus tard sa décision sur les autres points». La compétence de trancher plus tard les autres points appartient donc au Conseil lui-même, et non aux membres mêmes du quorum qui a rendu la décision initiale.
Quoi qu'il en soit, le requérant ne peut se plaindre de la composition du quorum alors qu'il ne s'y est pas objecté devant le Conseil. Le fait que les parties ne se sont opposées à la constitution du quorum ni avant l'audience, ni au début de
l'audience, ni pendant l'audience permet de déduire que cel- les-ci avaient décidé de considérer les deux audiences comme des procédures totalement distinctes l'une de l'autre et avaient conclu que les membres du nouveau quorum n'auraient besoin de se référer à aucun élément de preuve présenté au cours de la première audience pour trancher la question qui leur était soumise. Le syndicat n'a soulevé cette question qu'une fois rendue une décision contraire à ses prétentions. C'est une position inacceptable. Bien que le syndicat n'ait pas renoncé à son droit que le litige soit tranché conformément à la règle «qui décide doit entendre», il a renoncé à son droit de voir son affaire tranchée par le même quorum en faisant défaut de présenter une opposition en temps voulu.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Ex Parte Pratt (1884), 12 Q.B.D. 334 (C.A.); Doyle c. Commission des pratiques restrictives du commerce, [1985] 1 C.F. 362 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
The King v. Huntingdon Confirming Authority. Ex parte George and Stamford Hotels, Ld., [1929] 1 K. B. 698 (C.A.); Merh v. Law Society of Upper Canada, [1955] R.C.S. 344; Re Ramm and The Public Accountants Council for The Province of Ontario, [1957] O.R. 217 (C.A.).
AVOCATS:
James E. Dorsey pour le requérant.
R. Alan Francis et E. J. Harris pour Prince
Rupert Grain Ltd.
Peter R. Sheen pour le Conseil canadien des
relations du travail.
PROCUREURS:
Braidwood, MacKenzie, Brewer & Greyell, Vancouver, pour le requérant.
Campney & Murphy, Vancouver, pour Prince Rupert Grain Ltd.
Russell & DuMoulin, Vancouver, pour le
Conseil canadien des relations du travail.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE LACOMBE: Il s'agit d'une requête fondée sur l'article 28 [Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10] visant l'examen et l'annulation d'une décision et d'une ordonnance en date du 21 juillet 1986 du Conseil canadien des relations du travail (le Conseil) qui a exclu cer- tains emplois de l'unité de négociation à l'égard de
laquelle le requérant (le Syndicat) avait obtenu l'accréditation comme agent négociateur. Il s'agit principalement en l'espèce de déterminer si les personnes ayant formé le quorum du Conseil lors- qu'il a décidé de remettre à plus tard sa décision sur certains points doivent également entendre la preuve relative à ces points et les trancher.
Dans une ordonnance en date du 29 avril 1980, le Conseil a accrédité le syndicat à titre d'agent négociateur de «tous les employés travaillant à l'élévateur de l'employeur situé à Prince Rupert, à l'exclusion du contremaître général, du surinten- dant des installations, du chef de bureau et des personnes de niveau supérieur».
Cet employeur exploitait alors un silo à céréales (communément appelé PRG1) à Prince Rupert, en Colombie-Britannique. Il a décidé de construire sur une île voisine, l'île de Ridley, un nouveau silo à céréales qui, à la pointe du progrès et ayant un terminal complètement informatisé, serait opéra- tionnel dès 1985; ce projet impliquait la fermeture du vieux silo PRG1 de Prince Rupert, des mises à pied massives du personnel travaillant à cet endroit ainsi qu'une réduction plutôt importante des effec- tifs requis pour faire fonctionner les nouvelles ins tallations terminales de Ridley Island (qui seront dénommées PRG2).
Le 12 décembre 1984, après une audition pub-
lique tenue les 26 et 27 novembre 1984,. le Conseil, donnant suite à la requête du syndicat déposée le 16 août 1984, a notamment conclu que le com mencement de l'exploitation de PRG2 con- stituerait un changement technologique au sens des articles 149, 150 et 151 du Code canadien du travail (PARTIE V- RELATIONS INDUSTRIELLES), S.R.C. 1970, chap. L-1, et ses modifications [S.C. 1972, chap. 18, art. 1; S.C. 1984, chap. 39, art. 29, 30], et a décidé que l'accréditation du syndicat à l'égard des employés travaillant à PRG1 s'étendait aux employés du nouveau terminal PRG2. Il a également modifié l'ordonnance d'accréditation de façon à y inscrire la nouvelle raison sociale de l'employeur, une question qui avait cessé d'être litigieuse lors du commencement de l'audience. Toutefois, le Conseil s'est réservé juridiction quant à la possibilité d'exclure de l'unité de négociation certains employés qui travailleraient au nouveau terminal au cas les parties ne puissent en arriver à une entente négociée sur cette question.
Le passage de la décision du Conseil il se réserve juridiction est ainsi libellé:
Il nous reste une dernière question à trancher, celle de l'exclu- sion de l'unité de négociation de certains employés de PRG 2, telle que réclamée par l'employeur. L'employeur a suggéré au Conseil que les parties attendent six mois avant de juger de la question des inclusions ou des exclusions en ce qui concerne les employés qui travailleront à PRG 2. Pour l'instant, le Conseil n'a pas l'intention, vu les éléments de preuve dont il est saisi, de rendre une décision concernant la question des exclusions et des inclusions. Nous estimons qu'il s'agit d'une question qui devrait d'abord être examinée directement par les parties. Le Conseil demeurera saisi de la question au cas il lui faudrait apporter d'autres modifications à l'ordonnance d'accréditation de façon à fixer la structure de l'unité de négociation. Nous attendrons les observations des parties à cet égard.
Le 10 février 1986, le syndicat a demandé au Conseil de statuer sur le point qu'il avait décidé de trancher ultérieurement ainsi que sur d'autres questions ayant trait au changement technologi- que, à l'égard desquelles les parties ne s'enten- daient toujours pas. Après que l'employeur lui eut fait parvenir les prétentions qu'il opposait à celles du syndicat, le Conseil a, dans une lettre en date du 20 mars 1986, fait part aux parties des considé- rations suivantes:
[TRADUCTION] À la suite de son examen des prétentions des parties, le Conseil a décidé que sa compétence découlant de la décision numéro 491 du Conseil, en date du 12 décembre 1984, est restreinte à la question des inclusions dans l'unité de négociation et des exclusions de cette dernière. Toute nouvelle question des parties devra être soumise au Conseil au moyen d'une nouvelle demande.
Avant l'audience, le Conseil a demandé et obtenu que lui soient soumises les prétentions des employés pouvant être inclus dans l'unité de négo- ciation ou exclus de cette unité, et ceux-ci sont devenus des intervenants dans l'instance. Les par ties lui ont soumis des arguments supplémentaires. Il a, conformément à l'alinéa 118k) [mod. par S.C. 1972, chap. 18, art. 1] du Code canadien du travail, confié à un fonctionnaire des relations de travail le mandat de faire enquête et de lui faire rapport sur les prétentions des parties.
Environ cinq jours avant l'audience, le Conseil a avisé les parties du nom des personnes qui forme- raient le quorum du Conseil chargé d'entendre cette question.
Lors de l'audience publique tenue les 8 et 9 juillet 1986, le Conseil, conformément à sa prati- que habituelle, a imposé à l'employeur le fardeau d'établir l'exclusion des emplois faisant l'objet du
litige. Il a accordé pleinement aux parties la possi- bilité de présenter toute preuve relative à l'inclu- sion des employés dans l'unité de négociation ou à leur exclusion de cette unité. Le Conseil a égale- ment procédé à un examen d'une partie des instal lations du nouveau terminal PRG 2.
Le 21 juillet 1986, le Conseil, dans une décision unanime, a exclu de l'unité de négociation, confor- mément aux prétentions de l'employeur, les postes de secrétaire des terminaux, de contremaître des opérations et de superviseur des systèmes de traite- ment, et il a modifié l'ordonnance d'accréditation en conséquence.
Par sa demande, fondée sur l'alinéa 28(1)a) de la Loi sur la Cour fédérale, le syndicat sollicite l'annulation de la décision et de l'ordonnance sus- mentionnées du Conseil, aux motifs qu'il a excédé sa compétence et manqué d'observer un principe de justice naturelle en modifiant la composition des membres du quorum qui avait décidé, le 12 décembre 1984, de se prononcer ultérieurement sur le droit du syndicat d'être accrédité relative- ment à certaines catégories d'employés. Le quorum du Conseil était alors formé du vice-prési- dent Keller et des membres Gannon et Parent; lors de l'audience de 1986, le vice-président Brault a remplacé le membre Parent au sein de la formation.
L'avocat du requérant a invoqué la règle de justice naturelle «he who decides must hear» ([TRADUCTION] «qui décide doit entendre»). Selon lui, la question de l'inclusion ou de l'exclusion de certains employés devait être entendue par le même quorum qui avait décidé de demeurer saisi de la question. Cet avocat a également prétendu que, l'audience des 8 et 9 juillet 1986 étant la continuation de la procédure engagée en août 1984, le vice-président Brault ne peut être consi- déré, en droit, comme ayant entendu, et n'a effec- tivement pas entendu, toute la preuve ayant con duit à la décision attaquée. Quoi qu'il en soit, a dit l'avocat du requérant, la justice naturelle a été enfreinte puisque le nouveau membre du quorum ne possédait pas la connaissance de toutes les données sous-jacentes à la question à trancher que les autres membres avaient acquise lors de la procédure antérieure.
À mon avis, ces dernières prétentions reposent sur de simples suppositions, lesquelles ne sont pas appuyées par le dossier et qui, de plus, procèdent d'une compréhension erronée de la règle «qui décide doit entendre».
Il ressort clairement du dossier que les audiences tenues par le Conseil en 1984 et en 1986 peuvent être totalement disjointes puisque les deux ques tions alors considérées et tranchées, tout comme la preuve et les prétentions qui lui étaient présentées, différaient totalement d'une audience à l'autre.
En 1984, le Conseil, exerçant la compétence que lui confère l'article 151 [mod. par S.C. 1972, chap. 18, art. 1; S.C. 1984, chap. 39, art. 3(1' du Code canadien du travail, a conclu que le transfert des activités de l'employeur des anciennes aux nouvel- les installations terminales constituerait un chan- gement technologique. La décision du 12 décembre 1984 du Conseil a épuisé cette question.
' 151. (1) Lorsqu'un agent négociateur allègue
a) que les articles 150, 152 et 153 s'appliquent à un employeur en ce qui concerne un changement technologique allégué, et
b) que l'employeur ne s'est pas conformé à l'article 150,
il peut, dans les trente jours qui suivent la date à laquelle il a pris ou, de l'avis du Conseil, aurait prendre connaissance du fait que l'employeur ne s'était pas conformé à l'article 150, demander au Conseil de statuer, par ordonnance, sur les faits ainsi allégués.
(2) Sur réception d'une demande d'ordonnance statuant sur les faits allégués en vertu du paragraphe (1) et après avoir donné aux parties la possibilité de se faire entendre, le Conseil peut, par ordonnance,
a) décider que les articles 150, 152 et 153 ne s'appliquent pas à l'employeur en ce qui concerne le changement techno- logique allégué; ou
b) décider que les articles 150, 152 et 153 s'appliquent à l'employeur en ce qui concerne le changement technologique allégué et que l'employeur ne s'est pas conformé à l'article 150 en ce qui concerne le changement technologique.
(3) Le Conseil peut, dans toute ordonnance rendue en vertu de l'alinéa (2)b) ou par ordonnance rendue après consultation avec les parties en attendant de rendre une ordonnance en vertu du paragraphe (2),
a) ordonner à l'employeur de suspendre l'application du changement technologique établi ou allégué pendant le délai, de cent-vingt jours au plus, que le Conseil juge approprié;
b) exiger que tout employé déplacé par l'employeur par suite du changement technologique soit réintégré dans ses fonc- tions; et,
c) lorsqu'un employé est réintégré en application de l'alinéa b), exiger que l'employeur rembourse à l'employé toute perte
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Dans le cadre de la procédure de 1986, con- formément aux sous-alinéas 118p)(ii) et (v) et aux articles 119 [mod. par S.C. 1972, chap. 18, art. 1] et 121 [mod., idem] 2 du Code canadien du travail, le Conseil a été appelé à décider si certaines personnes travaillant dans le nouveau terminal PRG2 étaient des employés et pouvaient à bon droit être incluses dans l'unité de négociation ainsi que le soutenait le syndicat dans sa demande du 10 février 1986 et dans ses prétentions subséquentes. Les parties et le Conseil n'ont abordé cette ques tion que dans le cadre de l'instance de 1986.
Il n'y a absolument rien dans les motifs de l'ordonnance du Conseil en date du 21 juillet 1986 qui indique qu'en prenant leur décision, les mem- bres formant le quorum se soient appuyés sur une preuve n'ayant pas été présentée lors de l'audience
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de salaire que ce dernier a subie par suite de son déplacement.
(4) Une ordonnance du Conseil rendue en vertu de l'alinéa (2)b) à l'égard d'un employeur est censée être un avis de changement technologique donné par l'employeur en applica tion de l'article 150; simultanément, le Conseil permet, par ordonnance, à l'agent négociateur la significaton à l'employeur d'une mise en demeure d'entamer des négociations collectives pour la fin visée au paragraphe 152(1).
2 118. Le Conseil a, relativement à toute procédure engagée devant lui, pouvoir
p) de trancher à toutes fins afférentes à la présente Partie toute question qui peut se poser, à l'occasion de la procédure, notamment, et sans restreindre la portée générale de ce qui précède, la question de savoir
(ii) si une personne participe à la direction ou exerce des fonctions confidentielles ayant trait aux relations indus- trielles,
(v) si un groupe d'employés est une unité habile à négocier collectivement,
119. Le Conseil peut reviser, annuler ou modifier toute décision ou ordonnance rendue par lui et peut entendre à nouveau toute demande avant de rendre une ordonnance rela tive à cette dernière.
121. Le Conseil exerce les pouvoirs et fonctions que lui attribue la présente Partie ou qui peuvent être nécessaires à la réalisation des objets de la présente Partie, et notamment, sans restreindre la portée générale de ce qui précède, il rend des ordonnances comportant obligation de se conformer aux dispo sitions de la présente Partie, de tout règlement pris sous son régime ou de toute décision rendue dans une affaire dont il est saisi.
tenue les 8 et 9 juillet 1986 ou qu'ils aient même examiné une telle preuve, ou encore qu'ils aient été influencés de quelque manière par ce qui a été dit ou fait dans le cadre de l'audience antérieure de 1984. L'avocat du requérant n'a pas su établir devant cette Cour que la preuve sur laquelle s'ap- puient l'ordonnance et la décision du Conseil est constituée, même en partie, d'éléments étrangers à l'audience de 1986. Au contraire, il ressort du dossier que les parties ont débattu la question des inclusions dans l'unité de négociation ou des exclu- sions de cette unité sur le fondement d'une preuve et de prétentions rigoureusement nouvelles, qui étaient complètes et suffisantes en elles-mêmes pour permettre au Conseil de rendre sa décision.
Considérant les documents qui lui sont soumis, la Cour ne peut que conclure que les trois mem- bres constituant le quorum ont tous entendu toute la preuve pertinente ainsi que tous les arguments qui leur étaient nécessaires pour trancher la ques tion dont ils étaient saisis. Il s'ensuit que les exi- gences de la règle «qui décide doit entendre» ont été effectivement observées par les membres du Conseil qui ont tenu l'audience de 1986'.
Toutefois, le Conseil a décidé en décembre 1984 de demeurer saisi du litige, sur lequel ont porté la décision ainsi que l'ordonnance qu'il a prononcées subséquemment. Selon la prétention principale de l'avocat du requérant, le vice-président Brault, n'ayant pas été membre de la première formation, ne pourrait pas être considéré comme ayant entendu toute la preuve qui a conduit à la décision à laquelle il a participé. Je suis d'avis que cette prétention est inadmissible eu égard aux circons- tances particulières dans lesquelles le Conseil a décidé de remettre sa décision à plus tard et a exercé sa compétence en l'espèce et ce, en dépit de la règle prescrivant qu'une question dont une Cour ou un tribunal est demeuré saisi doit être décidée par le même quorum qui avait réservé juridiction.
3 The King v. Huntingdon Confirming Authority. Ex parte George and Stamford Hotels, Ld., [1929] 1 K. B. 698 (C.A.); Merh v. Law Society of Upper Canada, [1955] R.C.S. 344; Re Ramm and The Public Accountants Council for The Province of Ontario, [1957] O.R. 217 (C.A.); Doyle c. Commission sur les pratiques restrictives du commerce, [1985] 1 C.F. 362 (C.A.).
L'avocat du Conseil a soutenu que l'article 120.1 [édicté par S.C. 1977-78, chap. 27, art. 42] 4 du Code canadien du travail investit le Conseil, dans une espèce plusieurs points sont en litige, du pouvoir de faire trancher l'un ou l'autre de ces points par des quorums différents, à la seule condi tion qu'il soit convaincu de pouvoir le faire sans porter atteinte aux droits des parties. A première vue, cet article ne dit pas expressément cela: il autorise .le Conseil à disjoindre les points litigieux découlant d'une demande ou d'une plainte pour les trancher séparément. Dans la plupart des cas, si ce n'est dans tous les cas visés par cette disposition, le simple sens commun sinon la justice naturelle dic- terait qu'il n'y ait aucun changement dans la composition du quorum pour disposer des points laissés en suspens et sur lesquels le Conseil s'était réservé juridiction. Ainsi cette règle s'appliquera- t-elle, par exemple, lorsque tous les points soulevés par une demande ou une plainte sont inextricable- ment liés ou lorsque les points laissés en suspens doivent être tranchés sur le fondement des mêmes éléments de preuve que les points sur lesquels il a déjà été statué ou à l'aide d'éléments de preuve additionnels ou après des plaidoiries ou une enquête supplémentaires.
Il peut exister des circonstances particulières permettant qu'un point laissé en suspens soit tran- ché par un quorum différent de celui qui a décidé de réserver juridiction; c'est le cas, par exemple, lorsque le point à décider est tel qu'il pourra être tranché sans tenir compte des éléments de preuve ou des arguments présentés relativement à la ques tion initiale. Le libellé de l'article 120.1 du Code canadien du travail permet d'inférer que, dans de telles circonstances, le point qui reste à trancher pourra être décidé par un quorum différent. Cet article prévoit expressément que le Conseil peut «remettre à plus tard sa décision sur les autres
120.1 (I) Lorsque, pour statuer de façon définitive sur une demande ou une plainte, le Conseil doit juger deux ou plusieurs points litigieux qui en découlent, il peut, s'il est convaincu pouvoir le faire sans porter atteinte aux droits d'aucune des parties aux procédures, rendre une décision tranchant seule- ment un ou quelques-uns des points litigieux et remettre à plus tard sa décision sur les autres points.
(2) Toute décision mentionnée au paragraphe (1) est défini- tive, à moins que le Conseil n'en stipule autrement.
(3) Au présent article, le mot «décision» comprend une ordonnance, une détermination et une déclaration.
points». [Le soulignement est ajouté.] La compé- tence de trancher plus tard les autres points appar- tient donc au Conseil lui-même, à titre de Conseil, et non aux membres mêmes du quorum qui a rendu la décision initiale. Il ne nous est toutefois pas nécessaire d'en arriver à une conclusion finale sur ce point puisque, selon moi, le requérant ne peut se plaindre devant cette Cour de la composi tion du Conseil qui a rendu la décision attaquée alors qu'il ne s'y est pas objecté devant le Conseil.
Les circonstances exactes dans lesquelles a effectivement été soulevée la question des inclu sions et exclusions d'employés ne ressortent pas clairement du passage de la décision du Conseil dans lequel cet organisme remet sa décision à plus tard. Ce point n'avait pas pour origine la demande du syndicat en date du 19 août 1984 visant une décision sur la question du changement technologi- que. Il a été soulevé par l'employeur au cours de cette audience. Le Conseil a statué que «vu les éléments de preuve dont il est saisi», il n'avait pas l'intention, à ce moment-là, de rendre une décision concernant cette question. On peut déduire des termes précités soit que certains éléments de preuve avaient été présentés concernant cette ques tion, soit qu'il n'en avait été présenté aucun. Tou- tefois, comme le Conseil croyait qu'il s'agissait «d'une question qui devrait d'abord être examinée directement par les parties» (les soulignements sont ajoutés), et comme le syndicat n'a même pas tenté d'établir devant cette Cour que le Conseil avait effectivement reçu quelque élément de preuve concernant cette question, l'on serait porté à conclure que les parties n'en ont présenté aucun au Conseil à ce moment-là. Quoi qu'il en soit, à supposer que de tels éléments aient effectivement été présentés lors de la première audience concer- nant le point que le Conseil a décidé de trancher ultérieurement, les parties savaient, le cas échéant, jusqu'à quel point de tels éléments seraient néces- saires pour en décider adéquatement.
L'on doit se rappeler que les parties ont été avisées par le Conseil, avant l'audience, que la question dont il était demeuré saisi serait entendue par MM. Keller, Brault et Gannon, plutôt que par MM. Keller et Gannon et Mm° Parent. Les parties, dont le syndicat requérant, ne se sont opposées à la constitution de ce quorum ni avant l'audience, ni au début de l'audience, ni pendant l'audience. On
peut en déduire que les parties elles-mêmes avaient décidé de considérer les deux audiences comme des procédures totalement distinctes l'une de l'autre et avaient conclu que les membres du nouveau quorum n'auraient besoin de se référer à aucun élément de preuve présenté ni à rien de ce qui avait été fait au cours de la première audience pour trancher la question qui leur était soumise. Le syndicat croyait alors que la non participation du vice-président Brault à la décision antérieure du Conseil de trancher ultérieurement la question visée en l'espèce n'était pas pertinente et ne devait pas l'empêcher de rendre pleine justice à la cause. Le syndicat n'a prétendu que la composition diffé- rente du quorum affectait la compétence du Con- seil qu'une fois rendue une décision contraire à ses prétentions. C'est une position inacceptable.
Dans l'arrêt Ex parte Pratt (1884), 12 Q.B.D. 334 (C.A.), le lord juge Bowen a dit à la page 341:
[TRADUCTION] Il existe une bonne vieille règle selon laquelle nul n'a le droit de se comporter devant un tribunal comme s'il reconnaissait sa compétence pour ensuite, si la décision rendue va à l'encontre de ses prétentions, changer d'avis et dire: «Vous n'avez pas la compétence requise». L'on ne doit pas amener les tribunaux à exercer une compétence qu'ils ne possèdent pas.
Dans l'affaire Doyle c. Commission sur les pra- tiques restrictives du commerce, [1985] 1 C.F. 362 (C.A.), la Commission avait tenu des audien ces relativement aux activités de M. Doyle; celui-ci n'avait pas assisté aux audiences mais y était représenté par des avocats qui s'étaient retirés après un certain temps. Certains membres de la Commission s'étaient absentés pendant toutes les audiences ou pendant une partie de celles-ci, Cette Cour, à la majorité, a annulé le rapport délivré par la Commission contre M. Doyle. Le juge Pratte a conclu, à la page 368, que la règle «qui décide doit entendre» non seulement exprime «une consé- quence de la règle audi alteram partem» mais «touche véritablement à la compétence du juge», de sorte qu'une partie peut, par son comportement, renoncer au droit de se faire entendre mais «ne renonce pas, cependant, au droit d'être jugé[e] par un juge qui a pris connaissance de la preuve».
Appliquant ce principe à l'espèce, je concluerais que le requérant, en supposant, sans en décider, qu'il ait eu le droit de voir son affaire tranchée par le même quorum du Conseil qui avait remis à plus tard sa décision sur certains points, a renoncé à ce droit en ne s'opposant pas en temps voulu à la
présence du vice-président Brault au sein de ce Conseil. Il n'a évidemment pas renoncé à son droit que le litige soit tranché conformément à la règle «qui décide doit entendre». Si un membre de la formation avait été absent lors de quelque séance du Conseil au cours de laquelle la présente affaire était entendue ou examinée ou si le Conseil avait appuyé sa décision sur des éléments de preuve non présentés lors de l'audience visée mais seulement au cours de l'audience précédente, un tel manque- ment à la règle précitée aurait évidemment donné lieu au contrôle judiciaire de cette Cour.
Pour les motifs qui précèdent, la demande fondée sur l'article 28 en l'espèce devrait être rejetée.
LE JUGE MAHONEY: Je souscris à ces motifs. LE JUGE STONE: Je souscris à ces motifs.
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