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T-2382-84
Jean-Pierre Houle (demandeur) c.
Sa Majesté du chef du Canada représentée par le ministre de l'Emploi et de l'Immigration et le président de la Commission d'appel de l'immigra- tion (défendeurs)
RÉPERTORIÉ: HOULE c. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION)
Division de première instance, juge Martin— Ottawa, 16, 17 et 27 février 1987.
Fonction publique Fin d'emploi Le vice-président de la Commission d'appel de l'immigration est-il un »fonction- naire public»? Le gouverneur en conseil est habilité à mettre fin à sa discrétion à la désignation du demandeur à titre de vice-président Il n'existe aucune disposition expresse ou implicite prévue soit dans un contrat, soit dans le mandat confié au montent de la désignation, .soit dans la loi, qui limite le droit du gouverneur en conseil de mettre fin aux fonctions sans motif Loi sur la Commission d'appel de l'immigration, S.R.C. 1970, chap. 1-3 (abrogée par S.C. 1976-77, chap. 52, art. 128(1)), art. 3(1),(2),(5) -- Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 2(1), 60(1),(5), 61(1),(4), 68, 128 Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. 1-23, art. 2, 3(1), 22, 23 (mod. par S.R.C. 1970 (2`" Supp.), chap. 29, art. 1(2)). 36f) Interpretation Ordinance, R.O.N.W.T. 1974, chap. 1-3, art. 2 Loi sur la pension de la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-36 Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, S.R.C. 1970, chap. R-9, art. 13(2) Règles de la Cour fédérale. C.R.C., chap. 663, Règle 474.
Juges et tribunaux Indépendance judiciaire Vice-pré- sident de la Commission d'appel de l'immigration Les autres fonctions attribuées au demandeur en sa qualité de vice-président ont un caractère administratif plutôt qu'adjudi- catif La perte des fonctions de vice-président par le deman- deur n'a aucune influence sur son indépendance judiciaire C'harte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 11d).
En mai 1968, le demandeur a été nommé commissaire à la Commission d'appel de l'immigration pour occuper ce poste durant bonne conduite titre inamovible). Il a été nommé pour occuper le poste de vice-président, de la Commission en décembre 1969. Le gouverneur en conseil a mis fin à la désignation du demandeur comme vice-président en janvier 1984, mais ce dernier a continué d'agir en qualité de commissaire.
La présente demande vise à obtenir une décision préliminaire sur deux points de droit: le gouverneur en conseil était-il
habilité à retirer la charge de vice-président et, le cas échéant, était-il habilité à le faire à sa discrétion, sans motif?
Jugement: la réponse aux deux questions est affirmative et l'action du demandeur est rejetée.
Les dispositions de la Loi sur l'immigration de 1976 doivent être lues en corrélation avec celles de la Loi d'interprétation. Étant donné qu'un vice-président est un «fonctionnaire publia. au sens de cette expression figurant à l'article 2 de la Loi d'interprétation, la nomination, suivant l'article 22 de la Loi, est faite «à titre amovible seulement, sauf disposition contraire dudit texte ou de sa commission ou nomination.> et, suivant l'article 23 de la Loi, il peut y être mis fin «à la discrétion de l'autorité investie du pouvoir de faire la nomination... Il importe peu que suivant le paragraphe 61(1) de la Loi sur l'immigra- tion de 1976 le demandeur ait été «choisi» comme vice-prési- dent plutôt que «nommé» à ce poste, ces deux mots étant synonymes.
Le Parlement ayant prévu que les commissaires étaient nommés pour occuper leur poste durant «bonne conduite.., mais n'ayant pas précisé la durée du mandat du vice-président, cela signifie que les articles 22 et 23 de la Loi d'interprétation étaient destinés à s'appliquer au poste de vice-président. Les autres fonctions attribuées par la loi au demandeur en sa qualité de vice-président étaient minimes et elles avaient un caractère procédural ou administratif plutôt qu'adjudicatif. Le demandeur bénéficiait de l'inamovibilité dans l'exercice de ses fonctions judiciaires. L'inamovibilité n'était pas nécessaire pour le poste de vice-président.
Il n'existait aucune disposition expresse prévue soit dans un contrat, soit dans le mandat qui a été confié au demandeur au moment de sa désignation, soit dans le texte législatif, qui limitait le droit du gouverneur en conseil de le révoquer sans motif et on ne peut non plus conclure qu'une telle limite existait
implicitement. '
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Re Melsness and Minister of Social Services and C'om- munity Health et al. (1982), 132 D.L.R. (3d) 715 (C.A. Alb.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
McCleery c. La Reine, [1974] 2 C.F. 339 (C.A.); Malone v. The Queen in Right of Ontario et al. (1984), 3 C.C.E.L. 61 (H.C. Ont.); Malloch v. Aberdeen Corpora - lion, [1971] 1 W.L.R. 1578 (H.L.); Wuorinen v. Wor kers' Compensation Board (1983), 1 C.C.E.L. 29 (C.S.C.-B.); Reference re Justices of the Peace Act (1985), 48 O.R. (2d) 609 (C.A.); Valente c. La Reine et autres, [1985] 2 R.C.S. 673.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, [ 1979] 1 R.C.S. 311; Associa tion des employés du gouvernement de la Nouvelle- Écosse et autres c. C'omnii.ssion de la Fonction publique de la Nouvelle-Écosse et autre, [1981] 1 R.C.S. 211; 119 D.L.R. (3d) 1.
AVOCATS:
Gordon F. Henderson, c.r. et Martin W. Mason pour le demandeur.
Dogan D. Akman et J. DePencier pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MARTIN: Vu la demande conjointe présentée par les parties et conformément à la Règle 474 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663], la Cour a décidé de statuer sur deux points de droit lors d'une audience tenue à Ottawa les 16 et 17 février 1987.
Les parties ont convenu que la Cour devait statuer sur les points suivants:
[TRADUCTION] 1. Son Excellence le gouverneur en conseil était-il habilité, à la date en cause, à mettre fin à la charge du demandeur comme vice-président de la Commission d'appel de l'immigration?
2. Si la réponse à la première question est affirmative, Son Excellence le gouverneur en conseil était-il habilité, à la date en cause, à mettre fin à sa discrétion, c'est-à-dire sans motif, à la charge du demandeur comme vice-président de la Com mission d'appel de l'immigration?
Les parties ont également convenu de l'exposé des faits suivant:
[TRADUCTION] 1. Le 22 mai 1968, par le décret du Conseil privé 1968-1010, Son Excellence le gouverneur en conseil, sur la recommandation du ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration et conformément à l'article 3 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration, a nommé le demandeur membre de la Commission d'appel de l'immigration pour occu- per son poste durant bonne conduite.
2. Le 19 décembre 1969, par le décret du Conseil privé 1969- 2412, Son Excellence le gouverneur en conseil, sur la recom- mandation du ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra- tion ainsi que du Conseil du Trésor et conformément à l'article 3 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immi- gration, a désigné le demandeur pour occuper un poste de vice-président de la Commission d'appel de l'immigration dont il était alors commissaire.
3. Le 3 janvier 1984, par le décret du Conseil privé 1984-I, Son Excellence le gouverneur en conseil, sur la recommandation
du ministre de l'Emploi et de l'Immigration et sur le fonde- ment du paragraphe 61(1) de la Loi sur l'immigration de 1976, a mis fin à la désignation du demandeur comme vice-président de la Commission d'appel de l'immigration à compter du 2 janvier 1984.
4. Le demandeur continue d'être membre de la Commission d'appel de l'immigration.
Le demandeur, Jean-Pierre Houle, était à la fois commissaire et vice-président de la Commission d'appel de l'immigration. [1 a été nommé commis- saire par le gouverneur en conseil pour occuper son poste durant bonne conduite titre inamovible) conformément aux dispositions des paragraphes 3(1) et (2) de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration, S.R.C. 1970, chap. 1-3.
3. (I) Est établie une commission appelée Commission d'ap- pel de l'immigration, formée d'au moins sept membres et d'au plus neuf membres que nomme le gouverneur en conseil.
(2) Sous réserve du paragraphe (3), chaque membre est nommé pour occuper son poste durant bonne conduite, mais il peut être démis de sa charge pour cause par le gouverneur en conseil.
Il a été désigné par le gouverneur en conseil, conformément au paragraphe 3(5) de la Loi, pour occuper le poste de vice-président de la Commis sion.
3....
(5) Le gouverneur en conseil désigne un des membres pour occuper le poste de président de la Commission et deux des membres pour occuper les postes de vice-président de la Commission.
La Loi sur la Commission d'appel de l'immi- gration a été abrogée par le paragraphe 128(1) de la Loi sur l'immigration de 1976 [S.C. 1976 - 77, chap. 52] qui prévoyait, au paragraphe 60(1), la nomination pour une durée limitée des membres de la Commission d'appel de l'immigration établie en vertu de cette Loi. Le mandat du demandeur à titre de commissaire n'a pas été modifié par le paragraphe 60(1). Le demandeur a plutôt continué d'agir en qualité de commissaire en vertu du para- graphe 60(5).
60. ...
(5) A l'entrée en vigueur de la présente loi, les membres permanents de la Commission d'appel de l'immigration établie par l'article 3 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immi- gration, abrogée par le paragraphe 128(1) de la présente loi, sont maintenus en fonctions en qualité de commissaires à titre inamovible. Ils peuvent cependant faire l'objet d'une révocation motivée, de la part du gouverneur en conseil.
Le paragraphe 61(1) prévoit pour sa part la désignation du vice-président et le demandeur a conservé ce poste en vertu du paragraphe 61(4).
61....
(4) A l'entrée en vigueur de la présente loi, le président et les vice-présidents en exercice de la Commission d'appel de l'immi- gration établie par l'article 3 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration, abrogée par le paragraphe 128(1) de la présente loi, conservent leur poste en vertu de la présente loi.
L'avocat du demandeur soutient qu'étant donné que ce dernier a été désigné vice-président confor- mément au paragraphe 3(5) de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration et qu'il a conservé ce poste en vertu du paragraphe 61(4) de la Loi sur l'immigration de 1976, le gouverneur en conseil ne peut mettre fin à sa désignation en invoquant les dispositions du paragraphe 61(1) de cette dernière Loi. S'il fallait admettre une telle prétention, il faudrait présumer que, pour mettre fin selon les règles à la désignation du demandeur au poste de vice-président, le gouverneur en conseil devrait agir sur le fondement du paragraphe 61(4) de la Loi sur l'immigration de 1976 parce que le paragraphe 3(5) de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration, sous le régime duquel il a, à l'origine, été désigné à son poste, a été abrogé.
Je ne peux souscrire à cet argument. Même si le paragraphe 61(4) permet au demandeur de conti- nuer à exercer ses fonctions de vice-président, il ne constitue pas le fondement de sa désignation. Ledit paragraphe prévoit que le demandeur «conserv[e] [son] poste en vertu de la présente loi», c'est-à-dire la Loi sur l'immigration de 1976. La seule disposi tion de cette loi permettant la désignation d'un vice-président est le paragraphe 61(1) et c'est en vertu dudit paragraphe qu'il occupe son poste de vice-président.
Ce point de vue est renforcé par le fait que les dispositions du paragraphe 61(1) de la Loi sur l'immigration de 1976 sont en substance les mêmes que celles du paragraphe 3(5) de la Loi sur la Commission' d'appel de l'immigration et par conséquent, suivant l'alinéa 36f) de la Loi d'inter- prétation [S.R.C. 1970, chap. 1-23], ces disposi tions ne sont pas de droit nouveau et doivent être interprétées comme une codification du texte antérieur.
On s'accorde pour dire qu'aucune de ces lois ne renferme une disposition conférant expressément au gouverneur en conseil le pouvoir de mettre fin à la désignation du demandeur au poste de vice-pré- sident. L'avocat des défendeurs soutient que la désignation et la fin de cette désignation consti tuent des procédures administratives par lesquelles le gouverneur en conseil nomme des personnes à des postes comportant des fonctions non judiciaires et que les affectations administratives doivent être faites à la discrétion absolue de la Couronne.
L'avocat en question soutient subsidiairement que les dispositions des deux lois se rapportant à la désignation doivent être lues en corrélation avec les dispositions de la Loi d'interprétation relatives aux nominations dans la fonction publique, et qu'elles ont pour conséquence de conférer à la Couronne le droit de mettre fin à celles-ci.
Il prétend finalement, en ce qui a trait à la première question, qu'il existe de toute façon en vertu de la common law un droit inhérent ou découlant d'une prérogative de mettre fin à la désignation du demandeur.
L'avocat du demandeur soutient en revanche qu'un vice-président n'est pas un «fonctionnaire public» au sens cette expression est utilisée dans la Loi d'interprétation, qu'il n'est pas une «per- sonne dans la fonction publique du Canada» et, qu'étant donné qu'il a été désigné et non pas nommé au poste de vice-président, les dispositions de la Loi d'interprétation relatives aux nomina tions ne s'appliquent pas.
J'estime que l'argument suivant lequel les dispo sitions de la Loi sur l'immigration de 1976 doivent être lues en corrélation avec celles de la Loi d'in- terprétation est déterminant pour ce qui est de la première question et, par voie de conséquence, pour la deuxième question également.
Voici le texte du paragraphe 3(1) de la Loi d'interprétation:
3. (1) A moins qu'une intention contraire n'apparaisse, cha- cune des dispositions de la présente loi s'étend et s'applique à tout texte législatif, que celui-ci soit édicté avant ou après l'entrée en vigueur de la présente loi.
Les autres articles pertinents de la Loi [art. 23 mod. par S.R.C. 1970 (2° Supp.), chap. 29, par. 1(2)] sont les suivants:
2. (1) Dans la présente loi
«fonctionnaire public. comprend toute personne dans la fonc- tion publique du Canada
a) autorisée par un texte législatif ou sous son régime à accomplir un acte ou une chose ou à en assurer l'accomplisse- ment, ou à exercer un pouvoir, ou
b) à qui un devoir est imposé par un texte législatif ou sous son régime;
22. (1) Chaque fonctionnaire public nommé avant ou après le l" septembre 1967 ou à cette date, aux termes ou sous le régime d'un texte législatif ou autrement, est réputé avoir été nommé à titre amovible seulement, sauf disposition contraire dudit texte ou de sa commission ou nomination.
23. (1) Les mots autorisant la nomination d'un fonction- naire public à titre amovible comportent le pouvoir
a) de mettre fin à sa charge, de le destituer ou de le suspendre de ses fonctions,
b) de le nommer de nouveau ou de le réintégrer dans ses fonctions, et
c) d'en nommer un autre qui le remplacera ou agira à sa place,
à la discrétion de l'autorité investie du pouvoir de faire la nomination.
En vertu des dispositions de la Loi sur l'immi- gration de 1976, le demandeur, en sa qualité de vice-président de la Commission, ainsi que deux autres commissaires constituent le quorum. Il est autorisé, en certaines circonstances, à exercer tous les pouvoirs du président et à remplir les fonctions de ce dernier. Etant donné qu'il est doté d'un tel pouvoir, il me semble qu'un vice-président est visé par la définition inclusive de l'expression «fonction- naire public» qui figure au paragraphe 2(1).
Je souligne également que la définition de l'ex- pression «fonctionnaire public» dans la Loi d'inter- prétation est une définition inclusive semblable à celle que l'on trouve de la même expression à l'article 2 de l'Interpretation Ordinance, R.O.N.W.T. 1974, chap. I-3, et, par conséquent, comprend, mais n'exclut pas, le sens conféré par la common law à cette expression et selon lequel:
[TRADUCTION] ... quiconque est nommé à une charge publi- que et reçoit de la Couronne ou d'une autre source une rémuné- ration quelconque, est un fonctionnaire public«: Henly v. Mayor and Burgesses of Lynie (1828), 5 Bing. 92 la p. I07, 130 E.R.
995 la p. 1001, le juge en chef Best.„ [Voir également le juge de Weerdt dans Re Walton and Attorney -General of Canada et al. 13 D.L.R. (4th) 379 aux p. 389 et 390.]
Même si la question de la rémunération reçue par le demandeur en sa qualité de vice-président
n'est pas soulevée dans l'exposé des faits ce qui, je le suppose, ne devrait donc pas influencer ma décision, les deux avocats ont fait allusion à ladite rémunération. L'avocat des défendeurs l'a invo- quée afin d'alléguer que la perte, subie par le demandeur au moment on a mis fin à ses fonctions de vice-président, ne concernait que la cessation de ce poste et non celui de commissaire occupé par le demandeur. L'avocat du demandeur y a fait allusion de son côté pour alléguer que la révocation du demandeur de son poste de vice-pré- sident et la perte conséquente de la rémunération qui y était rattachée équivalait à une intervention injustifiée de la part du gouverneur en conseil dans l'exercice impartial d'une charge judiciaire.
Dans la mesure je peux tenir compte du fait que le demandeur recevait une rémunération en sa qualité de vice-président, je conclus, conformément au sens conféré par la common law à cette expres sion, que le demandeur était un fonctionnaire public, suivant ledit sens et la définition qui figure dans la Loi d'interprétation.
L'avocat du demandeur a invoqué l'article 68 de la Loi sur l'immigration de 1976 qui porte:
68. Aux fins de la Loi sur la pension de la Fonction publi- que, les commissaires nommés en vertu du paragraphe 59(2) ainsi que les membres de l'ancienne Commission maintenus en fonctions en vertu du paragraphe 60(5) sont réputés employés de la Fonction publique.
et il a allégué qu'étant donné que les commissaires étaient réputés employés de la Fonction publique aux fins de la Loi sur la pension de la Fonction publique [S.R.C. 1970, chap. P-36], il était tout à fait implicite qu'ils ne devaient pas en faire partie pour toute autre fin.
Même si l'on considère qu'une personne est employée de la Fonction publique aux fins d'une loi particulière qui concerne les pensions et définit précisément l'expression «Fonction publique», cela ne permet pas de conclure que le Parlement ne voulait pas que le demandeur, en sa qualité de vice-président d'un tribunal fédéral, fasse partie de la fonction publique du Canada selon le sens géné- rique de cette expression que l'on trouve dans la Loi d'interprétation. Pour nier ce qui paraît si évident, c'est-à-dire que le demandeur, en sa qua- lité de vice-président, est un fonctionnaire public
du Canada, il faudrait que je trouve une telle intention dans la Loi sur l'immigration de 1976, ce qu'il m'est impossible de faire.
L'avocat du demandeur souligne que les articles
22 et 23 de la Loi d'interprétation concernent la nomination et non la désignation des fonctionnai- res publics et qu'ils ne s'appliquent donc pas au poste de vice-président du demandeur puisque celui-ci y a été désigné et non nommé. Je n'attache aucune importance particulière à l'emploi du mot «choisi» («designate») au paragraphe 61(1) de la Loi sur l'immigration de 1976 ni à celui des mots «nommé» ( et «nomination» («appoint- ment») aux articles 22 et 23 de la Loi d'interpréta- tion. Par suite de la mesure prise par le gouverneur en conseil le 19 décembre 1969, le demandeur est devenu l'un des vice-présidents de la Commission d'appel de l'immigration, soit un fonctionnaire public dans la fonction publique du Canada. Qu'il ait été nommé, désigné ou appelé à ce poste, j'estime néanmoins qu'il est assujetti aux restric tions apportées par les articles 22 et 23 de la Loi d'interprétation. Le gouverneur en conseil aurait nommé ou ordonné que le demandeur soit nommé vice-président au lieu de le désigner à ce poste, ledit demandeur aurait quand même été vice-prési- dent. A mon avis, une désignation faite en vertu de la Loi sur l'immigration de 1976 est la même chose qu'une nomination au sens des articles 22 et
23 de la Loi d'interprétation.
Se fondant sur l'arrêt McCleery c. La Reine, [1974] 2 C.F. 339 (C.A.), l'avocat du demandeur soutient que l'article 22 de la Loi d'interprétation ne devrait pas s'appliquer lorsque quelque chose dans la disposition législative, prise dans son ensemble, indique qu'une nomination n'a pas été faite à titre amovible, Dans cette affaire, le juge Thurlow, tel était alors son titre, a exprimé des doutes quant à savoir si les nominations des mem- bres de la Gendarmerie royale du Canada étaient faites à titre amovible en vertu du paragraphe 22(1) de la Loi d'interprétation, étant donné que les dispositions du paragraphe 13(2) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada [S.R.C. 1970, chap. R-9] prévoyaient la signature d'un contrat d'engagement pour une période n'excédant pas cinq ans. I1 existait donc dans cette affaire, ce qui
n'est pas le cas en l'espèce, une disposition législa- tive permettant de conclure que le Parlement avait l'intention d'exclure le paragraphe 22(1) qui, en d'autres circonstances, serait applicable.
Dans la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration sous le régime de laquelle le deman- deur a été nommé commissaire, le Parlement a également écarté le paragraphe 22(1) en ce qui concerne la nomination d'un commissaire en pré- voyant que celui-ci occuperait son poste durant bonne conduite. S'il l'avait voulu, le Parlement aurait pu adopter une disposition semblable en ce qui concerne la désignation ou la nomination d'un vice-président. À mon avis, étant donné qu'il a expressément apporté une restriction à l'applica- tion du paragraphe 22(1) dans le cas des commis- saires et qu'il a omis de le faire pour ce qui est des vice-présidents, le Parlement voulait que le vice- président occupe son poste à titre amovible.
Le défunt juge en chef Laskin a critiqué le principe suivant lequel les fonctionnaires publics occupent leur poste à titre amovible dans deux arrêts, Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, [ 1979] 1 R.C.S. 311, et Association des employés du gou- vernement de la Nouvelle-Écosse et autres c. Commission de la Fonction publique de la Nou- velle-Écosse et autre, [1981] 1 R.C.S. 211; 119 D.L.R. (3d) 1. Dans la première décision, il a dit que ce principe était un anachronisme qu'il fallait réexaminer et dans la deuxième, indiquant encore une fois qu'il s'agissait d'un anachronisme, il a dit aux pages 223 R.C.S.; 10 D.L.R.:
Au mieux, à mon avis, le pouvoir de congédier à volonté peut être considéré comme une condition implicite d'un engagement qui ne comporte aucune disposition contraire.
Dans chaque cas, les observations du juge en chef Laskin constituaient des opinions incidentes et il est fort possible qu'elles fussent destinées au Parlement et aux assemblées législatives plutôt qu'aux tribunaux car, comme l'a souligné le juge Gilligan de la Cour suprême de l'Ontario dans Malone v. The Queen in Right of Ontario (1984), 3 C.C.E.L. 61, la page 65:
[TRADUCTION] ... Je remarque que depuis les commentaires du juge en chef dans ces arrêts, l'Assemblée législative de l'Ontario n'a pas jugé bon d'abroger les art. 21 et 27(1) de la Interpretation Act, L.R.O. 1980, chap. 219.
Dans le même ordre d'idées, en refusant dans Re Melsness and Minister of Social Services and Community Health et al. (1982), 132 D.L.R. (3d) 715, de souscrire aux opinions incidentes du juge en chef Laskin, le juge Stevenson de la Cour d'appel de l'Alberta a dit à la page 721:
[TRADUCTION] La décision selon laquelle les charges publi- ques doivent être occupées «à titre amovible» dans Cette pro vince constitue une décision de l'assemblée législative dont on trouve l'expression dans l'Interpretation Act.
Ces points de vue concernant les assemblées législatives de l'Ontario et de l'Alberta ainsi que leur loi d'interprétation respective s'appliquent également au Parlement et à la Loi d'interpréta- tion du Canada.
Il découle des opinions exprimées jusqu'à main- tenant que la désignation ou nomination du demandeur au poste de vice-président qu'il occupe en vertu du paragraphe 61(1) de la Loi sur l'im- migration de 1976 est réputée à titre amovible suivant le paragraphe 22(1) de la Loi d'interpréta- tion, et que le gouverneur en conseil peut y mettre fin grâce au droit qui lui est conféré par les dispositions du paragraphe 61(1), droit qui est inclus dans ledit paragraphe en raison du paragra- phe 23(1) de la Loi d'interprétation. Par consé- quent, la réponse à la première question doit être affirmative.
Pour ce qui est de la réponse qu'il faut donner aux points soulevés dans la deuxième question, l'avocat du demandeur soutient, si je comprends bien sa position, que le Parlement a expressément indiqué dans les dispositions de la Loi sur l'immi- gration de 1976 qu'il ne voulait pas que les articles 22 et 23 de la Loi d'interprétation s'appliquent. ll prétend ensuite que si je ne peux pas conclure à l'existence d'une telle intention du Parlement d'écarter les articles 22 et 23, on peut néanmoins, par voie de conséquence, constater cette intention en interprétant correctement l'ensemble de la Loi sur l'immigration de 1976. 11 affirme enfin que, même si le gouverneur en conseil est habilité à mettre fin à sa discrétion aux fonctions du vice- président de la Commission d'appel de l'immigra- tion, il ne peut exercer ce droit sans faire preuve d'équité dans la procédure à l'égard du deman- deur.
Le dernier argument de l'avocat du demandeur au sujet des points soulevés dans la deuxième
question m'a causé quelques difficultés. Il semble concerner la méthode ou procédure suivie pour exercer le droit de révoquer une personne sans motif plutôt que l'existence même de ce droit.
Dans la Partie 1I1 de son exposé des faits et du droit, l'avocat affirme:
[TRADUCTION] 15. Même si le paragraphe 23(i) [sic] de la Loi d'interprétation étend le pouvoir conféré au gouverneur en conseil par le paragraphe 61(1) de la Loi sur l'immigration de /976 pour révoquer la désignation du demandeur au poste de vice-président, l'expression volonté» ne signifie pas que la désignation peut être révoquée arbitrairement. Elle ne peut être révoquée sans qu'on fasse preuve d'équité dans la procédure à l'égard de son titulaire.
et il conclut ainsi à la fin de son exposé:
[TRADUCTION] 18. Nous prétendons par conséquent que le gouverneur en conseil n'était pas habilité à prendre le décret C.P. 1984-1 révoquant la nomination du demandeur au poste de vice-président de la Commission d'appel de l'immigration sans faire preuve d'équité dans la procédure à l'égard dudit demandeur avant d'exercer son pouvoir de révocation.
L'exposé conjoint des faits n'indique pas si les défendeurs ont donné un avis au demandeur, s'ils l'ont informé des motifs pour lesquels ils avaient l'intention de mettre fin à son poste de vice-prési- dent, s'ils lui ont donné l'occasion de faire valoir ses prétentions ou si une audience a été tenue avant qu'il ne soit mis fin à ses fonctions. Ce sont en général des questions qui se rapportent à l'équité dans la procédure dans l'exercice d'un droit reconnu et non à l'exercice dudit droit. Si je comprends bien la deuxième question, c'est l'exis- tence du droit qui est soulevée. Je n'ai pas été saisi de la question de savoir comment ledit droit a été ou aurait être exercé.
L'avocat soutient que le Parlement a indiqué expressément son intention que le demandeur occupe son poste de vice-président à titre inamovi- ble aux paragraphes 60(5) et 61(4) qui lui permet- tent de continuer à agir en qualité de commissaire et de vice-président. Il prétend que les deux fonc- tions se sont confondues et que, par conséquent, il ne peut être mis fin à la fonction de vice-président du demandeur tant que ce dernier conserve son poste de commissaire. L'avocat ne cite aucun texte de doctrine ni aucun précédent à l'appui de cette prétention. Ces articles ne prévoient pas que ces fonctions se confondent de manière que le mandat à titre inamovible attaché au poste de commissaire
s'applique automatiquement à celui de vice-prési- dent et je ne vois aucun motif inhérent pour lequel les mandats devraient avoir une durée identique. Je le répète, si le Parlement avait voulu que le poste de vice-président soit occupé à titre inamovi- ble, il aurait pu le prévoir dans la loi comme il l'a fait pour le poste de commissaire dans la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration originale.
Au contraire, le Parlement a prévu dans la loi originale que les commissaires étaient nommés pour occuper leur poste durant «bonne conduite», mais il n'a pas précisé la durée du mandat de vice-président. À mon avis du moins, cela signifiait que le Parlement voulait que les articles 22 et 23 de la Loi d'interprétation s'appliquent au poste de vice-président. Lorsque le Parlement a adopté la Loi sur l'immigration de 1976, il s'est encore une fois penché sur la question de la durée du mandat. Il a prévu que les commissaires nommés en vertu de la loi originale étaient maintenus en fonctions «à titre inamovible» et que les commissaires nommés en vertu de la Loi sur l'immigration de 1976 l'étaient pour une durée limitée. Il n'a adopté aucune disposition en ce qui concerne la durée du mandat des vice-présidents. Compte tenu des cir- constances, il me semble encore une fois évident que le Parlement voulait que les articles 22 et 23 de la Loi d'interprétation s'appliquent au poste de vice-président et que ce dernier soit occupé à titre amovible.
On peut mettre fin sans motif aux postes occu- pés à titre amovible à moins qu'une protection particulière ne soit accordée à leurs titulaires. Si, comme le prétend le demandeur, le droit du gou- verneur en conseil est limité d'une façon ou d'une autre, il doit prouver l'existence d'une quelconque limite légale, contractuelle ou réglementaire, expresse ou implicite. Dans l'affaire Malloch v. Aberdeen Corporation, [1971] I W.L.R. 1578 (H.L.), lord Wilberforce s'est penché aux pages 1596 et 1597 sur la question du congédiement d'un enseignant qui occupait son poste à titre amovible:
[TRADUCTION] Passons maintenant à l'espèce. Le problème réside dans le fait que M. Malloch pouvait être congédié sans qu'aucune raison lui soit donnée parce qu'il avait été nommé à titre amovible. Il existe peu de précédents sur la question de savoir si ces personnes ont le droit de se faire entendre avant leur congédiement, que ce soit en général ou dans un cas une raison est en fait donnée. Dans l'affaire Reg. v. Darlington School Governors (1844) 6 Q.B. 682, la charte conférait aux gouverneurs un pouvoir discrétionnaire de congédiement sans
audience et ce pouvoir était si absolu qu'ils n'étaient pas habilités à le restreindre par voie de règlement. Cette affaire peut difficilement s'appliquer aujourd'hui, comme c'est le cas d'ailleurs de la décision plus récente Tucker v. British Museum Trustees rendue sur le fondement d'une loi de I753—The Times, 8 décembre 1967.
Dans Ridge v. Baldwin, [ l964] A.C. 40, mon ami lord Reid a dit à la page 65: «Avec raison, je crois, on a toujours jugé qu'un tel fonctionnaire» (c'est-à-dire un fonctionnaire nommé à titre amovible) «n'a pas droit à une audition avant son renvoi.» En règle générale je suis d'accord; il me semble important de ne pas affaiblir un principe qui, pour des raisons d'ordre public, s'applique, du moins au départ, à un large secteur de la fonction publique. Les difficultés surgissent lorsque, comme en l'espèce, la loi, les règlements, le code du travail ou la convention collective règlementent aussi l'emploi. La rigueur du principe est souvent atténuée en pratique aujourd'hui, car on s'est rendu compte que la possibilité même d'une destitution non motivée— qui peut porter un coup fatal à la carrière d'un homme ou à sa pension—rend d'autant plus importante pour ce dernier la possibilité de se défendre, lorsque les circonstances le permet- tent, et, si on lui refuse ce droit, la possibilité de faire annuler sa destitution. Ainsi, bien que pour de bonnes raisons d'ordre public, les tribunaux doivent respecter le droit de destituer sans motif déterminé, cela ne doit pas, à mon avis, les empêcher d'examiner le cadre et le contexte de l'emploi pour voir si des droits élémentaires sont accordés expressément ou implicite- ment à l'employé, et d'en définir la portée. En l'espèce, je crois que nous avons un de ces cas de forts indices militent contre le refus du droit à une audience, lorsque les circonstances le permettent.
Lord Wilberforce a donc confirmé le droit de congédier sans motif ou sans justification, mais il a tout de même permis à l'enseignant congédié de réintégrer son poste non pas parce que la common law atténuait ce droit, mais parce que celui-ci avait été modifié par la loi; il a conclu à la page 1599:
[TRADUCTION] S'il fallait statuer sur l'affaire en se fondant uniquement sur la common law, l'appelant, qui occupe son poste à titre amovible, n'aurait pas droit à une audience avant son renvoi: voir lord Reid dans Ridge v. Baldwin [1964] A.C. 40, 65 et 66. Mais la common law est modifiée par la loi. Suivant l'art. 3 de la Public School (Scotland) Teachers Act 1882, aucune résolution d'un conseil scolaire visant à congédier un enseignant diplômé ne devait être valide à moins qu'elle n'ait été adoptée lors d'une assemblée convoquée au moins trois semaines auparavant par une circulaire envoyée à chaque membre et annonçant que la question d'un tel congédiement serait examinée, et à moins qu'un avis de la motion de congé- diement de l'enseignant n'ait été envoyé à ce dernier au moins trois semaines avant ladite assemblée; en outre, la résolution concernant le congédiement ne devait être valide que si elle était acceptée par la majorité des membres à part entière du conseil scolaire.
Cette affaire est tout à fait différente de l'espèce le demandeur est incapable de prouver que la
loi a ainsi modifié le droit du gouverneur en conseil de mettre fin à son emploi à volonté.
Dans le même ordre d'idées, les affaires Malone v. The Queen in Right of Ontario et al. (1984), 3 C.C.E.L. 61 (H.C. Ont.) et Wuorinen v. Workers' Compensation Board (1983), 1 C.C.E.L. 29 (C.S.C.-B.) ne sont d'aucun secours pour le demandeur. Dans la première affaire, précitée, la Cour a reconnu que ce qui est arrivé au deman- deur aurait équivalu, dans le secteur privé, à un congédiement implicite, mais elle a confirmé le pouvoir discrétionnaire de congédiement du gou- vernement de l'Alberta. Dans la deuxième affaire, la Cour a statué que la Workers' Compensation Board avait mis de côté son pouvoir discrétion- naire de congédiement en raison des modalités et conditions d'une convention collective qu'elle a jugé applicable au poste occupé par le demandeur. Dans chaque cas, le droit de mettre fin à un emploi à volonté n'a pas été contesté.
Outre les limites expresses qui peuvent être apportées au droit de congédier à volonté, il est également possible, comme l'a fait remarquer lord Wilberforce, que ledit droit soit implicitement limité. À cet égard, l'avocat du demandeur com pare le poste occupé par ce dernier à celui d'un juge en chef d'une cour supérieure et la Commis sion d'appel de l'immigration à une cour, et il allègue que le Parlement voulait implicitement que les dirigeants et les membres du tribunal soient indépendants et que le droit de mettre fin à l'em- ploi du demandeur en sa qualité de vice-président est incompatible avec le concept de l'indépendance judiciaire. 11 prétend par conséquent que le deman- deur bénéficie implicitement du droit à l'inamovi- bilité en sa qualité de vice-président et qu'il ne peut être mis fin à son emploi que pour un juste motif. 11 soutient en outre que c'est particulière- ment le cas lorsque le ministre, sur les recomman- dations duquel les postes de vice-présidents sont comblés, peut être partie aux procédures de la Commission.
L'avocat ne conteste pas le droit du Parlement de créer une Commission d'appel de l'immigration dont les membres et les dirigeants ne sont pas nommés à titre inamovible. En fait, même si la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration pré- voyait une telle durée pour le mandat des commis- saires et conférait ainsi aux dirigeants de la Com-
mission le degré d'indépendance réclamé par l'avocat, le Parlement a choisi, dans la Loi sur l'immigration de 1976, de nommer des commissai- res pour une période limitée, réduisant donc, dans cette mesure du moins, leur indépendance judi- ciaire.
Le demandeur était l'un des commissaires nommés en vertu de la loi précédente pour occuper son poste à titre inamovible. Son indépendance judiciaire ou décisionnelle était donc assurée dans la mesure avancée par l'avocat. Je ne peux pas conclure que le fait de continuer à exercer ses fonctions de vice-président était essentiel pour as- surer son indépendance à titre de commissaire, ou que la perte ou la cessation de son emploi résultant d'une décision du gouverneur en conseil constitue- rait une intervention ou serait probablement consi- dérée comme une intervention ou une tentative visant à influencer son indépendance judiciaire. Les autres obligations que lui imposait la loi en sa qualité de vice-président étaient minimes et elles avaient un caractère administratif plutôt qu'adju- dicatif. Le demandeur bénéficiait de l'inamovibi- lité dans l'exercice de ses fonctions judiciaires. On a mis fin non pas à ses fonctions de commissaire mais seulement à ses fonctions de vice-président pour lesquelles, à mon avis, l'inamovibilité n'était pas nécessaire.
Deux des précédents cités par l'avocat du demandeur examinent en détail les questions de l'indépendance judiciaire et de l'inamovibilité des fonctionnaires judiciaires. Dans les deux cas [Reference re Justices of the Peace Act (1985), 48 O.R. (2d) 609 (C.A.) et Valente c. La Reine et autres, [1985] 2 R.C.S. 673], il s'agissait de déter- miner si la cour ou le tribunal, un juge de paix dans la première affaire et une cour provinciale ontarienne dans la deuxième, étaient des tribunaux indépendants au sens de l'alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)].
La question de l'inamovibilité des fonctionnaires judiciaires a donc été soulevée dans chaque cas, mais elle concernait toutefois la durée de leur mandat en tant que fonctionnaires judiciaires et non pas comme administrateurs dans leurs domai- nes judiciaires respectifs. Aucun de ces précédents
n'est, à mon avis, utile au demandeur. L'inamovi- bilité dont il bénéficie et, par conséquent, son indépendance judiciaire découlent de sa nomina tion à titre de commissaire de la Commission d'appel de l'immigration et non de sa désignation comme vice-président.
On a laissé entendre que la réduction du traite- ment du demandeur par suite de la cessation de sa désignation ou, même si aucun traitement ne lui était versé pour ce poste, que la perte de prestige découlant du fait qu'on lui avait retiré cette fonc- tion compromettrait son rôle de commissaire. Je ne peux pas souscrire à une telle prétention, car je devrais alors présumer que la désignation du demandeur au poste de vice-président ou la cessa tion de ses fonctions aurait une influence sur l'in- dépendance des décisions qu'il rendrait en sa qua- lité judiciaire de commissaire. La réponse du juge Le Dain à la page 714 de l'arrêt Valente c. La Reine et autres (précité) à l'argument suivant lequel le contrôle par l'exécutif de certains bénéfi- ces influerait sur l'indépendance des juges des cours provinciales est très pertinente.
S'il peut être souhaitable que ces bénéfices ou avantages discrétionnaires, dans la mesure il devrait y en avoir, soient contrôlés par le pouvoir judiciaire plutôt que par l'exécutif, comme le rapport Deschênes et d'autres l'on recommandé, je ne pense pas que leur contrôle par l'exécutif touche à ce qui doit être considéré comme l'une des conditions essentielles de l'indé- pendance judiciaire pour les fins de l'al. I Id) de la Charte. Pour ce qui est de l'aspect subjectif, je conviens avec la Cour d'appel qu'il ne serait pas raisonnable de craindre qu'un juge de cour provinciale, influencé par l'éventuelle volonté d'obtenir l'un de ces bénéfices ou avantages, soit loin d'être indépendant au moment de rendre jugement.
Le demandeur a été nommé commissaire à titre inamovible. À mon avis, cela constituait une garantie suffisante de son indépendance dans l'exercice de ses fonctions judiciaires à titre de commissaire. La durée de son mandat à titre de vice-président n'a pas été précisée. Il occupait ce poste à titre amovible et on pouvait y être mettre fin sans motif. Il n'existait aucune disposition expresse prévue soit dans un contrat, soit dans le mandat qui lui a été confié au moment de sa nomination ou de sa désignation, soit dans le texte législatif en vertu duquel il occupait ce poste, qui limitait le droit du gouverneur en conseil de le révoquer sans motif et je ne peux non plus conclure qu'une telle limite existait implicitement.
C'est pourquoi les réponses à ces deux questions sont affirmatives et l'action du demandeur est rejetée avec dépens.
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