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A-537-86
Alberta Institute on Mental Retardation (appe- lant)
c.
La Reine (intimée)
RÉPERTORIÉ: ALBERTA INSTITUTE ON MENTAL RETARDATION c. CANADA
Cour d'appel, juges Pratte, Heald et Mahoney- Edmonton, 14 mai; Ottawa, 23 juin 1987.
Organismes de charité - auvre de charité - Sert à recueillir des fonds pour divers organismes de charité au service des victimes d'arriération mentale - Entente conclue avec un magasin d'articles usagés - Le contribuable recueil- lait des articles usagés pour le magasin - Avances mensuelles d'au moins 2 000 $ plus 50 % de toutes les ventes supérieures â 2000 $ - Tous les fonds versés par le magasin servaient â des oeuvres charitables - Le ministre refuse l'enregistrement de l'appelant à titre d'organisme de charité au motif (1) qu'il n'exerce pas ses activités uniquement à des fins charitables et (2) qu'il exploite une entreprise autre qu'une «activité com- merciale complémentaire» - Économie de la loi - Rejet de l'argument selon lequel le contribuable agirait comme gros- siste à l'égard du magasin et exploiterait une entreprise au sens de l'art. 248(1) - Les liens du contribuable avec une entreprise commerciale ne sont pas une fin mais simplement un moyen de poursuivre des fins charitables - Le seul but de l'appelant a toujours été de recueillir de l'argent au profit de personnes atteintes d'arriération mentale - Pour ce qui est de la définition d'une «activité commerciale complémentaire», la Cour approuve les critères proposés dans l'ouvrage de Drache sur l'imposition des organismes de charité - L'appel est accueilli - Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 110(8)c) (mod. par S.C. 1984, chap. 45, art. 35(7); 1985, chap. 45, art. 126), 149(1)f) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 4, art. 59(1)), 149.1 (ajouté, idem, art. 60(1)), (1) (mod. par S.C. 1984, chap. 45, art. 57) a),b) (mod., idem, art. 57(2)), f),g) (mod., idem, art. 57(4)), j),(2)a),b) (mod., idem, art. 57(8)), (3)a),b) (mod., idem, art. 57(9)), c),d),e), 248(1) . (mod. par S.C. 1976-77, chap. 4, art. 76(2); 1979, chap. 5, art. 66(3)).
Impôt sur le revenu - Corporations - Organismes de charité - Enregistrement à titre d'organisme de charité en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu - «Activité commer- ciale complémentaire» - Caractère enregistrable d'une société en qualité d'organisme de charité qui se livre à des activités commerciales mais remet tous les deniers perçus à des orga- nismes de charité enregistrés - Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 110(8)c) (mod. par S.C. 1984, chap. 45, art. 35(7); 1985, chap. 45, art. 126), 149(1)f) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 4, art. 59(1)), 149.1 (ajouté, idem, art. 60(1)), (1) (mod. par S.C. 1984, chap. 45, art. 57) a),b) (mod., idem, art. 57(2)), f),g) (mod., idem, art. 57(4)), j),(2)a),b) (mod., idem, art. 57(8)), (3)a),b) (mod., idem, art. 57(9)), c),d),e), 248(1) (mod. par S.C. 1976-77, chap. 4, art. 76(2); 1979, chap. 5, art. 66(3)).
L'appelant est une société constituée exclusivement à des fins charitables. Il devait servir à recueillir des fonds pour divers organismes de charité enregistrés venant en aide aux personnes atteintes d'arriération mentale. A cette fin, l'appelant et un magasin d'articles usagés ont conclu une entente prévoyant que l'appelant solliciterait et recueillerait des articles de ménage usagés que le magasin vendrait à profit. En retour, l'appelant devait recevoir une avance mensuelle d'au moins 2 000 $ plus 50 % de toutes les ventes dépassant l'avance mensuelle garantie. Tous les fonds que recevrait l'appelant conformément à ce contrat devaient être remis à divers organismes de charité enregistrés aidant les victimes d'arriération mentale. Il s'agit d'un appel à l'encontre du refus du ministre du Revenu national d'enregistrer l'appelant en qualité d'«organisme de charité enre- gistré» au sens de l'alinéa 110(8)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Les questions en litige consistent à savoir (1) si, étant donné l'entente avec une entreprise commerciale, l'appelant est exploité exclusivement à des fins charitables et (2) si l'appelant exerce une entreprise qui n'est pas une «activité commerciale complémentaire» au sens de l'article 149.1 de la Loi.
Arrêt (le juge Pratte dissident): l'appel devrait être accueilli.
Le juge Heald (avec l'appui du juge Mahoney): On ne peut dire que l'appelant ne poursuit pas les fins charitables qu'il s'était proposées puisque l'une des dispositions de ses statuts lui permet de recueillir des fonds dans la poursuite de ses objets. Il est pertinent que tous les deniers recueillis ont été versés à des organismes de charité conformément aux objets de l'appelant. Lés liens de l'appelant avec une entreprise commerciale ne signifient pas nécessairement qu'il exploite une entreprise au sens du paragraphe 248(1) de la Loi. En l'espèce, l'aspect commercial des activités de l'appelant est simplement acces- soire à la réalisation de ses fins charitables. Il s'ensuit qu'il peut être considéré que l'appelant poursuit des fins exclusivement charitables.
De plus, les activités commerciales de l'appelant, s'il s'agit bien d'activités commerciales, constituent une «activité com- merciale complémentaire» au sens de l'alinéa 149.1(3)a) de la Loi. L'appelant répond à deux des quatre critères proposés par Arthur B. C. Drache dans son ouvrage intitulé Canadian Tax Treatment of Charities and Charitable Donations (l'auteur a souligné le peu de jurisprudence sur ce sujet): (1) l'étroitesse du rapport entre l'activité et l'organisme de charité en cause, (2) l'absence d'un objet lucratif dans les activités de l'appelant. Les critères relatifs à la «concurrence» et à la «période pendant laquelle l'activité a été exercée» ne s'appliquent pas en l'espèce. Une telle interprétation est compatible avec l'intention de reconnaître la réalité contemporaine en ce qui concerne les activités de collecte de fonds des organismes charitables d'aujourd'hui.
Le juge Pratte (dissident): Bien que l'appelant soit indubita- blement une fondation de charité qui utilise la totalité de son revenu à des fins charitables, ses activités commerciales ne peuvent être considérées comme étant complémentaires de ses fins charitables. Il ne fait aucun doute qu'elles constituent une «activité commerciale» au sens de l'alinéa 149.1(3)a).
On peut dire qu'une activité commerciale est complémentaire des objets d'un organisme de charité lorsque l'activité en ques tion peut être considérée comme contribuant à la poursuite des fins charitables de l'organisme. Il ne suffit pas que la totalité du
revenu tiré d'une activité commerciale poursuivie par un orga- nisme de charité serve à des fins charitables, autrement l'alinéa 149.1(3)a) ne produirait aucun effet. 11 ne s'appliquerait que si le revenu tiré de l'activité commerciale ne servait pas à des fins charitables. Toutefois, il ne serait pas nécessaire dans ce cas d'invoquer cette disposition étant donné que l'enregistrement pourrait être annulé pour le motif que la fondation n'est pas exploitée uniquement à des fins charitables.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
British Launderers' Research Association v. Borough of Hendon Rating Authority, [1949] 1 K.B. 462; Guaranty Trust Company of Canada v. Minister of National Reve nue, [ 1967] 1 R.C.S. 133; (1966), 67 DTC 5003.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Hutterian Brethren Church of Wilson c. R., [1980] 1 C.F. 757; (1979), 79 DTC 5474 (C.A.).
DÉCISION CITÉE:
McLeod, James B., v. Minister of Customs and Excise (1925), 1 DTC 73 (C. de l'É.).
AVOCATS:
C. Philip Clarke and Chereda L. Bodner pour
l'appelant.
Helen C. Turner pour l'intimé.
PROCUREURS:
Field & Field, Edmonton, pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE (dissident): J'ai eu l'avantage de lire les motifs rédigés par mon collègue le juge Heald. Je regrette de ne pouvoir être d'accord avec lui.
L'appelant est indubitablement une fondation de charité qui utilise la totalité de son revenu à des fins charitables. J'estime toutefois qu'il exerce une activité commerciale qui n'est pas complémentaire de ses fins charitables. C'est pourquoi je ne puis désapprouver la décision par laquelle le ministre a refusé d'enregistrer l'appelant comme organisme de charité.
Le paragraphe 248(1) [mod. par S.C. 1979, chap. 5, art. 66(3)] donne une définition très large
du mot «business» [«entreprise ou affaire»] utilisé à l'alinéa 149.1(3)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.R.C. 1952, chap. 148 (mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 1; 1976-77, chap. 4, art. 60(1))]; dans la version française de cet alinéa, il est rendu par l'expression «activité commerciale» qui, bien qu'elle ne soit pas définie par la Loi, a également un sens très large. Il est manifeste à mon avis que, lorsque l'appelant ramasse des vête- ments ou d'autres articles usagés et les vend à profit, il exploite une entreprise et s'adonne en même temps à une activité commerciale. La seule question qui se pose selon moi est de savoir si l'entreprise ou l'activité commerciale est complé- mentaire des fins charitables de l'appelant.
Quand peut-on dire qu'une activité commerciale est complémentaire des objectifs d'un organisme de charité?—Lorsque, à mon avis, il existe entre l'activité commerciale en question, prise en elle- même, et les fins charitables de l'organisme de charité un rapport tel qu'on puisse dire qu'en s'adonnant à l'activité commerciale en question, l'organisme de charité contribue, de fait, à la poursuite de ses fins charitables. À titre d'exemple, on peut soutenir qu'il existe un tel rapport entre l'exploitation commerciale d'un parc de stationne- ment ou d'une cafétéria et la gestion d'un hôpital. Il ne suffit pas que la totalité du revenu tiré d'une entreprise exploitée par un organisme de charité serve aux fins charitables de l'organisme de charité pour faire de cette entreprise une activité commer- ciale complémentaire. Et il en est ainsi parce que le rapport requis doit exister entre les fins charita- bles et l'activité ou entreprise commerciale elle- même. S'il suffisait, pour établir le rapport requis, que le revenu de l'activité commerciale serve entiè- rement aux fins charitables, l'alinéa 149.1(3)a) ne produirait aucun effet. En effet, suivant cette interprétation, le ministre pourrait annuler un enregistrement pour le motif que l'organisme de charité exerce une activité commerciale «qui n'est pas complémentaire» uniquement si le revenu tiré de cette activité commerciale ne servait pas à des fins charitables; dans ce cas, toutefois, il ne serait pas nécessaire pour le ministre d'invoquer l'alinéa 149.1(3)a) étant donné qu'il pourrait annuler l'en- registrement pour le motif que la fondation n'est pas exploitée uniquement à des fins charitables.
Je rejetterais l'appel avec dépens.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'un appel à l'encon- tre d'une décision par laquelle le ministre du Revenu national refusait la demande d'enregistre- ment de l'appelant en qualité d'«organisme de charité enregistré» au sens donné à cette expression à l'alinéa 110(8)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu [mod. par S.C. 1984, chap. 45, art. 35(7); 1985, chap. 45, art. 126] . L'appelant, créé exclusi- vement à des fins charitables et constitué à de telles fins selon les lois de l'Alberta, a été établi par l'Alberta Association for the Mentally Handi capped (l'Association). L'appelant devait servir à recueillir des fonds pour divers organismes de cha- rité enregistrés mettant en oeuvre des programmes pour l'avantage de personnes atteintes d'arriéra- tion mentale. A cette fin, l'appelant a conclu, avec Value Village Stores Ltd. (Value Village), une entente visant la collecte de fonds. Value Village était une société de la Colombie-Britannique, qui était aussi exploitée en Alberta. Elle avait un but lucratif et était complètement indépendante de l'appelant.
Le contrat conclu entre l'appelant et Value Vil lage prévoyait que
a) l'appelant devait solliciter et recueillir des articles de ménage usagés, à l'aide de véhicules que lui louerait Value Village;
b) Value Village devait rembourser à l'appelant toutes les dépenses que ce dernier aurait pu subir en sollicitant et en recueillant les articles en question;
c) Value Village a convenu de verser à l'appe- lant des avances mensuelles d'au moins 2 000 $ à l'égard de la vente des articles recueillis conformé- ment à l'alinéa a). Value Village s'est de plus engagée à contribuer 50 % de toutes les ventes au détail dépassant l'avance mensuelle garantie de 2 000 $.
L'entente conclue entre l'appelant et l'Association prévoyait que tous les fonds que l'appelant rece- vrait de Value Village seraient adressés à l'Asso- ciation pour servir à ses oeuvres charitables. On ne
laisse aucunement entendre que cette condition de l'entente n'a pas été respectée.
L'appelant a demandé au ministre du Revenu national son enregistrement en qualité d'«orga- nisme de charité enregistré» au motif qu'il était une «fondation publique» selon la définition de cette expression dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Le ministre a rejeté cette demande parce que, selon lui, l'appelant
a) n'était pas exploité exclusivement à des fins charitables;
b) exploitait une entreprise autre qu'une «acti- vité commerciale complémentaire» selon la défini- tion partielle de cette expression à l'alinéa 149.1(1)j) de la Loi de l'impôt sur le revenu [ajouté par S.C. 1976-77, chap. 4, art. 60(1)].
LES QUESTIONS EN LITIGE
Les questions contestées en l'espèce, au nombre de deux, peuvent s'exposer succinctement:
a) L'appelant, en raison de ses liens avec Value Village, n'est-il pas exploité exclusivement à des fins charitables?
b) L'appelant exploite-t-il une entreprise qui n'est pas une «activité commerciale complémen- taire» au sens donné à cette expression à l'article 149.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu [ajouté par S.C. 1976-77, chap. 4, art. 60(1); 1984, chap. 45, art. 57; 1985, chap. 45, art. 126]?
L'ÉCONOMIE DE LA LOI
Voici, aux fins du présent appel, les dispositions pertinentes de la Loi de l'impôt sur le revenu:
149. (1) Aucun impôt n'est payable en vertu de la présente Partie, sur le revenu imposable d'une personne, pour la période cette personne était
J) un organisme de charité enregistré; [mod. par S.C. 1976-77, chap. 4, art. 59(1)]
248. (1) Dans la présente loi,
«entreprise ou affaire» comprend une profession, un métier, un commerce, une manufacture ou une activité de quelque genre que ce soit et, sauf aux fins de l'alinéa 18(2)c), comprend un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial mais ne comprend pas une charge ni un emploi; [mod. par S.C. 1979, chap. 5, art. 66(3)]
«organisme de charité enregistré» a le sens que lui attribue le paragraphe 110(8); [mod. par S.C. 1976-77, chap. 4, art. 76(2)]
110. (8) Dans le présent article,
c) «organisme de charité enregistré» à une date quelconque, désigne
(i) une oeuvre de charité, une fondation privée ou une fondation publique, au sens du paragraphe 149.1(1), dont la résidence est au Canada et qui y a été créée ou établie,
(ii) toute division—annexe, section, paroisse, congréga- tion—, d'une oeuvre ou fondation visée au sous-alinéa (i), dont la résidence est au Canada et qui y a été créée ou établie, qui reçoit des dons en son nom propre,
qui a fait une demande d'enregistrement selon le formulaire prescrit auprès du Ministre et qui, à cette date, était enregis- tré comme oeuvre de charité, fondation privée ou fondation publique.
149.1 (1) Pour l'application du présent article, de l'article 172 et de la partie V,
a) «fondation de charité» désigne une corporation ou une fiducie constituée et administrée exclusivement à des fins charitables, dont aucun revenu n'est payable à un proprié- taire, membre, actionnaire, fiduciaire ou auteur de la fiducie ou de la corporation ou ne peut par ailleurs être disponible pour servir au profit personnel de ceux-ci, et qui n'est pas une oeuvre de charité; [C'est moi qui souligne.]
b) «oeuvre de charité» désigne une oeuvre, constituée ou non en corporation:
(i) dont la totalité des ressources est consacrée à des activités de bienfaisance qu'elle mène elle-même,
(ii) dont aucune partie du revenu n'est payable à l'un de ses propriétaires, membres, actionnaires, fiduciaires ou auteurs ni ne peut servir, de quelque façon, à leur profit personnel,
(iii) dont plus de 50 % des administrateurs, dirigeants, fiduciaires ou tels officiers traitent entre eux et avec chacun des autres administrateurs, dirigeants, fiduciaires ou officiers sans lien de dépendance,
(iv) dont, lorsqu'elle a demandé l'enregistrement après le 15 février 1984 au titre de l'alinéa 110(8)c) ou a été désignée comme fondation privée ou publique, au titre des paragraphes 110(8.1) ou (8.2), au plus 50 % des capitaux qui lui ont été fournis ou versés de quelque façon l'ont été par une personne ou par les membres d'un groupe de personnes ayant entre elles un lien de dépendance. Pour l'application du présent sous-alinéa, ne sont pas assimilés à une personne ou aux membres d'un groupe, Sa Majesté du chef du Canada ou d'une province, une municipalité, un autre organisme enregistré qui n'est pas une fondation privée, ou tout organisme visé à l'alinéa 149(1)l); [mod. par S.C. 1984, chap. 45, art. 57(2)]
J) «fondation privée» désigne une fondation de charité qui n'est pas une fondation publique;
g) «fondation publique» désigne une fondation de charité
(i) dont, lorsqu'elle a été enregistrée après le 15 février 1984 ou désignée comme fondation privée ou organisme de charité au titre des paragraphes 110(8.1) ou (8.2),
(A) plus de 50 % des administrateurs, dirigeants, fidu- ciaires ou tels officiers traitent entre eux et avec chacun des autres administrateurs, dirigeants, fiduciaires ou officiers sans lien de dépendance,
(B) au plus 50 % des capitaux qui lui ont été fournis ou qui lui ont été versés de quelque façon l'ont été par une personne ou par les membres d'un groupe de personnes ayant entre elles un lien de dépendance, ou
(ii) dont, dans les autres cas,
(A) plus de 50 % des administrateurs ou fiduciaires traitent entre eux et avec chacun des autres administra- teurs ou fiduciaires sans lien de dépendance,
(B) au plus 75 % des capitaux qui lui ont été fournis ou qui lui ont été versés de quelque façon l'ont été par une personne ou par un groupe de personnes ayant entre elles un lien de dépendance.
Pour l'application de la disposition (i)(B), ne sont pas assimi- lés à une personne ou à un membre d'un groupe, Sa Majesté du chef du Canada ou d'une province, une municipalité, un autre organisme de charité enregistré qui n'est pas une fondation privée, ou tout organisme visé à l'alinéa 149(1)!); [C'est moi qui souligne.] [mod. idem, art. 57(4)].
j) «activité commerciale complémentaire», relativement à un organisme de charité, comprend une activité commerciale étrangère aux fins de l'organisme de charité si, de toutes les personnes employées par l'organisme de charité pour exercer cette activité, il n'en est presque aucune qui soit rémunérée à ce titre; [C'est moi qui souligne.]
(2) Le Ministre peut, de la façon prévue à l'article 168, annuler l'enregistrement d'une œuvre de charité pour l'un ou l'autre des motifs énumérés au paragraphe (1) dudit article, ou encore, si l'oeuvre
a) exerce une activité commerciale qui n'est pas une activité commerciale complémentaire de cet organisme de charité; ou
b) ne dépense pas dans une année d'imposition, pour les activi- tés de bienfaisance qu'elle mène elle-même ou par des dons à des donataires reconnus, des sommes qui, au total, sont au moins égales au montant qui serait déterminé pour l'année en application du sous-alinéa (1)e)(i) à l'égard de l'oeuvre si celle-ci était une fondation de charité. [mod. par S.C. 1985, chap. 45, art. 126]
(3) Le Ministre peut, de la façon prévue à l'article 168, annuler l'enregistrement d'une fondation publique pour l'un ou l'autre des motifs énumérés au paragraphe (1) dudit article, ou encore, si la fondation
a) exerce une activité commerciale qui n'est pas une activité commerciale complémentaire de cet organisme de charité;
b) ne dépense pas dans une année d'imposition, pour les activi- tés de bienfaisance qu'elle mène elle-même ou par des dons à des donataires reconnus, des sommes qui, au total, sont au moins égales à son contingent des versements pour cette année; [mod. par S.C. 1985, chap. 45, art. 126]
c) a, depuis le 1" juin 1950, acquis le contrôle d'une corpora tion; [mod. par S.C. 1977-78, chap. 1, art. 101]
d) a, depuis le 1 juin 1950, contracté des dettes autres que des dettes au titre des frais courants d'administration, a contracté des dettes afférentes à l'achat et à la vente de placements et des dettes contractées dans le cours de l'administration d'activités de bienfaisance; ou [mod., idem]
e) au cours de la période de 24 mois qui précède le jour le Ministre avise la fondation publique, conformément au para- graphe 168(1), et à une date cette fondation était une fondation privée, a pris des mesures ou omis d'effectuer des paiements de façon que le Ministre était en droit, conformé- ment au paragraphe (4), d'annuler son enregistrement à titre de fondation privée. [C'est moi qui souligne.]
QUESTION A L'APPELANT EST-IL EXPLOITÉ EXCLUSIVEMENT À DES FINS CHARITABLES?
Dés le départ et en réponse à une question de la Cour, l'avocate de l'intimée a convenu que la participation de l'appelant, une société, aux activi- tés de collecte de fonds de l'Association n'est pas un facteur dans la détermination des questions soulevées dans le cadre du présent appel. L'avocate a soutenu que, même si la société appelante était constituée à des fins exclusivement charitables, elle n'était pas exploitée exclusivement à de telles fins comme l'exige l'alinéa 149.1(1)a) précité. Elle a fait valoir que, puisque l'unique activité de l'appe- lant réside dans ses relations commerciales avec Value Village, en vertu desquelles il agit comme grossiste en fournissant des marchandises à ce dernier, il exploite en fait une entreprise au sens ordinaire de ce terme. Selon l'avocate de l'intimée, une telle activité serait visée par la définition du mot entreprise au paragraphe 248(1) de la Loi précitée. Elle a de plus avancé que, puisque l'en- tente conclue entre Value Village et l'appelant relativement à la collecte de fonds constitue pré- sentement la seule activité de ce dernier, celui-ci ne poursuit pas les fins charitables mentionnées dans ses statuts (Dossier, pages 10 et 11).
Je ne vois pas le bien-fondé de ce dernier argu ment, selon lequel les fins charitables énumérées dans les statuts de l'appelant ne seraient pas pour- suivies. Les alinéas 2a) à h) des statuts font men tion d'objets qui se rapportent tous, notamment, au bien-être des victimes de l'arriération mentale et d'autres handicaps mentaux et aussi au bien-être
de leurs familles. Le sous-alinéa 2j)(i) permet à l'appelant [TRADUCTION] «de réunir des fonds dans le but de poursuivre les objets de la société d'une façon qui soit compatible avec ses objets». La collecte des fonds autorisée au sous-alinéa 2j)(i) constitue tout autant un objet de l'appelant que les autres objets énumérés au paragraphe 2. Comme on l'a dit plus haut, tous les deniers recueillis ont été versés à des organismes charita- bles en conformité avec les objets de l'appelant. En conséquence, je conclus que les fins charitables de l'appelant, comme les définissent ses statuts, ont été poursuivies.
Pour en venir maintenant à l'argument selon lequel l'appelant exploite une entreprise au sens donné à cette expression au paragraphe 248(1) de la Loi en raison de ses liens de nature commerciale avec Value Village, je ne crois pas que l'association d'un organisme charitable avec une entreprise commerciale confère nécessairement à l'organisme charitable le caractère d'une «entreprise» au sens de la définition de ce mot au paragraphe 248(1) précité. Les liens d'un organisme charitable avec une entreprise commerciale qui ne sont pas en eux-mêmes, comme c'est le cas en l'espèce, un objet ou une fin, mais seulement un moyen de poursuivre les fins exclusivement charitables de l'organisme en question, ne font pas perdre à ce dernier son exemption'. Dans l'arrêt auquel je renvoie, lord Denning souligne cependant que l'ob- jet secondaire qui cesse d'être un moyen permet- tant d'atteindre une fin pour devenir lui-même une fin, se transforme alors en un objet supplémentaire ou subsidiaire de l'organisme visé, et fait donc de ce dernier un organisme qui n'est plus exclusive- ment charitable, et qui perdrait de ce fait son exemption. À mon sens, il ne s'est pas produit en l'espèce un changement qui ferait de l'appelant un organisme ayant plusieurs fins, dont certaines seraient charitables et d'autres pas. L'avocate de l'intimée a cité la décision rendue par cette Cour
' Voir à ce sujet: British Launderers' Research Association v. Borough of Hendon Rating Authority, [1949] 1 K.B. 462, la p. 467, les motifs du lord juge Denning. La Cour suprême du Canada a suivi cette décision dans l'arrêt Guaranty Trust Company of Canada v. Minister of National Revenue, [1967] R.C.S. 133; (1966), 67 DTC 5003.
dans l'affaire Hutterian Brethren Church of Wilson c. R. 2 . Les faits de cette affaire présentent l'exemple classique d'un organisme ayant des objets mixtes, dont certains sont simplement à caractère charitable et d'autres ne le sont pas, puisque l'appelant en cause exploitait notamment une entreprise agricole à but lucratif. La situation en l'espèce n'est cependant pas la même. Le seul but de l'appelant est et a toujours été de recueillir de l'argent au profit de personnes (et de leurs familles) atteintes d'arriération mentale. Le moyen utilisé pour obtenir ces fonds, c'est-à-dire solliciter et recueillir des articles usagés, ne fait que consti- tuer, en réalité, la conversion de biens en argent et ne modifie nullement, en soi, la nature des activités de l'appelant 3 .
Pour ces motifs, j'ai conclu que, dans les circons- tances plutôt exceptionnelles de l'espèce tous les deniers recueillis sont consacrés aux fins charita- bles pour lesquelles l'appelant a été constitué, et l'aspect commercial des activités de ce dernier est simplement accessoire à la réalisation de ses fins charitables, celui-ci peut fort bien être considéré comme agissant uniquement dans un but charita ble.
QUESTION B—L'APPELANT EXPLOITE-T-IL UNE ENTREPRISE QUI N'EST PAS UNE «ACTIVITÉ COMMERCIALE COMPLÉMENTAIRE»?
Puisque j'ai conclu que l'appelant se consacre uniquement à la poursuite de fins charitables, il semblerait répondre à la définition d'une fondation de charité donnée à l'alinéa 149.1(1)a) de la Loi. De la même façon, il paraît satisfaire à la défini- tion de l'expression «fondation publique» exposée à l'alinéa 149.1(1)g) de la Loi. De prime abord, il semblerait donc que l'appelant ait droit à l'enregis- trement en qualité de fondation publique. Cepen- dant, l'alinéa 149.1(3)a) prévoit l'annulation de l'enregistrement d'une fondation publique qui exerce une activité commerciale qui n'est pas une activité commerciale complémentaire de cette fon- dation. Selon l'intimée, l'appelant exerce une acti- vité commerciale qui n'est pas complémentaire de ses fins charitables. Comme il est souligné plus haut, l'intimée estime qu'étant donné les liens con
2 [1980] 1 C.F. 757; (1979), 79 DTC 5474 (C.A.).
'Comparer à cet égard l'arrêt McLeod, James B., v. Minis ter of Customs and Excise (1925), 1 DTC 73, la p. 76, Cour de l'Échiquier du Canada, les motifs du juge MacLean.
tractuels entre Value Village et l'appelant, ce der- nier exploite une entreprise au sens ordinaire du mot, tel qu'il est défini au paragraphe 248(1). Dans leurs rapports détaillant/grossiste, Value Vil lage et l'appelant escomptent des profits, et l'appe- lant en a effectivement réalisés. Conformément aux termes de l'entente conclue avec Value Vil lage, l'appelant assume des risques et des obliga tions de nature commerciale comme il est exposé à l'entente. Selon l'intimée, ce qui importe surtout pour l'appelant, ce sont ses activités commerciales. Enfin, l'intimée renvoie à la définition de l'expres- sion «activité commerciale complémentaire» expo sée à l'alinéa 149.1(1)j). Elle fait valoir qu'étant donné que presque toutes les personnes employées par l'appelant pour remplir les obligations contrac- tuelles que ce dernier a assumées à l'égard de Value Village sont rémunérées par l'appelant, il n'a pas été satisfait à la condition contenue à l'alinéa 149.1j). L'avocate de l'intimée soutient également que l'entreprise commerciale de l'appe- lant ne se transforme pas en une «activité commer- ciale complémentaire» simplement parce que les fonds découlant de ses activités commerciales sont consacrés uniquement à des fins charitables. Selon elle, les activités de collecte de fonds de l'appelant sont accessoires à ses activités commerciales, et non pas l'inverse.
Vu la réponse que j'ai apportée à la Question A énoncée plus haut, c'est-à-dire que l'aspect com mercial des activités de l'appelant est simplement accessoire à la réalisation de ses fins charitables, je doute que l'on puisse dire que celui-ci exploite une entreprise au sens ordinaire de ce mot. Cependant, la définition de l'expression «business» («entreprise ou affaire») au paragraphe 248(1) est très large. Comme cette définition comprend une «underta- king» («activité» dans la version française) et puis- que les définitions lexicographiques ordinaires du mot «undertaking» comprennent une «enterprise» (un «établissement» en français) qui, par défini- tion, comprend «a firm or business» (une «société ou une entreprise»), on peut avancer que l'appelant exploitait une «undertaking» (une «entreprise»). Une telle conclusion n'est cependant pas nécessaire ni décisive en l'espèce, car la véritable question qui se pose ici est de savoir si les activités de l'appe- lant, en admettant qu'elles soient une «entreprise», constituent aussi une «activité commerciale com- plémentaire». L'ouvrage de Arthur B. C. Drache
intitulé Canadian Tax Treatment of Charities and Charitable Donations, deuxième édition, 1980, nous aide à aborder la difficulté qu'il y a à définir l'expression «activité commerciale complémen- taire». A la page 12, l'auteur cite le Discours sur le budget du 25 mai 1976, date à laquelle des modifi cations aux organismes de charité étaient déposées devant le Parlement. À cette occasion, le ministre des Finances a dit ce qui suit:
D'après la réglementation actuelle, aucun organisme de charité ne peut, techniquement, exploiter une entreprise. Néanmoins, de nombreux organismes poursuivent des activités louables de collecte de fonds qui peuvent être considérées comme une entreprise. Je ne vois aucune raison de modifier une situation inscrite dans les faits. Au contraire, je préfère adapter la loi à notre société. [C'est moi qui souligne.]
Lors de l'étude de ces dispositions devant un comité de la Chambre des communes, le ministre a donné comme exemple d'une activité commerciale complémentaire l'exploitation d'une cafétéria dans une galerie d'art ou un hôpital. Il a dit que [TRA- DUCTION] «le principe fondamental qu'il convient d'appliquer est que l'activité doit être liée aux fins de l'organisme de charité et qu'elle ne doit pas devenir le véhicule d'une entreprise commerciale considérable».
Après avoir souligné le peu de jurisprudence sur ce sujet, M. Drache (aux pages 12 et 13) propose quatre critères différents pour résoudre cette question:
1. L'étroitesse du rapport entre l'activité et l'or- ganisme de charité en cause.
2. L'objet lucratif.
3. La mesure dans laquelle l'activité commer- ciale entre en concurrence avec d'autres entreprises.
4. La longueur de la période pendant laquelle l'activité a été exercée par l'organisme de charité.
M. Drache conclut en disant que [TRADUCTION] «le respect de l'un ou plusieurs de ces critères aura probablement pour effet de rendre l'activité com- merciale acceptable aux yeux de Revenu Canada». Il est vrai que l'approche adoptée par M. Drache dans cet article est plus pragmatique que jurispru- dentielle, mais les critères qu'il propose me sem- blent être en accord avec l'économie de la loi.
À mon avis, la situation de fait en l'espèce satisfait au premier critère exposé plus haut, parce
que l'activité commerciale contestée est exclusive- ment liée à des fins charitables puisque c'est à elles que sont consacrés tous les fonds recueillis. En conséquence, l'activité commerciale a un rapport très étroit avec l'organisme de charité en cause. De même, il est aussi satisfait au second critère puis- que l'activité de l'appelant n'a pas un but lucratif. Tous les deniers recueillis sont remis à l'Associa- tion (y compris l'argent qui a été remboursé à l'appelant à l'égard de la sollicitation et de la collecte dont il se charge). Quant au troisième critère, la preuve est insuffisante sur ce point, aussi n'est-il pas possible de tirer une conclusion à cet égard. De la même façon, le quatrième critère ne s'applique pas en l'espèce puisque l'appelant n'existe que depuis 1985.
Donc, si l'on se fonde sur les critères proposés par M. Drache, je conclus que l'appelant y satisfe- rait en ce qui concerne les circonstances de l'espèce.
Pour ce qui est de l'argument de l'intimée visant l'alinéa 149.1(1)j), je ne crois pas que la définition étendue de l'expression «activité commerciale com- plémentaire,» comme elle est exposée à la Loi, s'applique aux faits en cause car elle ne vise qu'«une activité commerciale étrangère aux fins de l'organisme de charité». Puisque j'ai conclu que l'«entreprise» de l'appelant est en l'espèce étroite- ment associée et reliée aux objets de l'organisme de charité, il est inutile d'étudier l'application de l'alinéa 149.1(1)j). Si l'on peut dire de l'exploita- tion d'une cafétéria dans une galerie d'art et de l'exploitation d'un parc de stationnement à côté d'un hôpital et sur le terrain de celui-ci, par exem- ple, qu'elles constituent des activités commerciales complémentaires bien que la cafétéria et le parc de stationnement puissent être exploités par des con- cessionnaires dans un but lucratif, assurément une activité comme celle qu'exerce l'appelant doit-elle se ranger dans la même catégorie. Cette sorte d'activité, pourvu qu'elle ne devienne pas «le véhi- cule d'une entreprise commerciale considérable» appartient clairement aux activités que les modifi cations relatives aux organismes de charité consi- dèrent être comprises dans l'expression «activité commerciale complémentaire de cet organisme de charité». Une telle interprétation est compatible avec la nette intention du législateur de reconnaî- tre la réalité contemporaine en ce qui concerne les
activités de collecte de fonds des organismes chari- tables d'aujourd'hui.
En conséquence, et pour toutes les raisons sus- mentionnées, j'accueillerais l'appel, j'annulerais la décision du ministre et je lui renverrais l'affaire avec la directive d'accorder à l'appelant son enre- gistrement en qualité d'organisme de charité enre- gistré. Comme l'appelant n'a pas demandé que ses frais lui soient accordés, et comme on n'a excipé d'aucune raison spéciale à l'appui de l'adjudication des frais, il n'y en aura pas.
LE JUGE MAHONEY: Je souscris à ces motifs.
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