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T-2836-86 T-268-87
Walter P. Twinn représentant toutes les personnes qui sont membres de la bande indienne de Saw- ridge (requérant) (demandeur)
c.
L'honorable William McKnight, membre du Con- seil privé de la Reine, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (intimé) (défen- deur)
RÉPERTORIÉ: TWINN c. CANADA (MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN)
Division de première instance, juge Martin— Edmonton, 18 mars; Ottawa, 30 mars 1987.
Accès à l'information Demande visant à obtenir la révi- sion de la décision de communiquer une copie du code d'ap- partenance de la bande, une injonction en interdisant la com munication et un bref de mandamus exigeant de l'intimé qu'il se conforme aux art. 19, 20 et 28 de la Loi Le recours en révision sous le régime de l'art. 44 est tributaire de l'avis prévu à l'art. 28(5)a) La condition préalable à l'émission de l'avis est que l'intimé a lieu de croire que la communication du document pourrait aller à l'encontre de son obligation de ne pas en donner communication, imposée par l'art. 20 Le requérant n'a pas droit au recours en révision sous le régime de l'art. 44, puisqu'il n'y a pas eu l'indication essentielle pour constituer des avis au sens de l'art. 28(5) La common law prévoit un droit de contrôle de la décision de ne pas agir sous le régime de l'art. 28 L'intimé a satisfait aux critères dégagés dans l'affaire Secretary of State for Education and Science v Metropolitan Borough of Tameside, /1976] 3 All ER 665 (H.L.) Il y avait des faits sur lesquels l'intimé pouvait fonder sa décision, et il les a pris en considération en rendant sa décision Loi sur l'accès à l'information, S.C. 1980-81- 82-83, chap. 111, annexe I, art. 2(2), 19, 20, 28, 29(1), 44, 68 Loi sur les textes réglementaires, S.C. 1970-71-72, chap. 38, art. 24, 25 Loi sur le droit d'auteur, S.R.C. 1970, chap. C-30, art. 17 Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, chap. I-6, art. 6.
Peuples autochtones Code d'appartenance de la bande Demande, fondée sur la Loi sur l'accès à l'information, visant à obtenir la révision de la décision de communiquer une copie du code, une injonction en interdisant la communication et un bref de mandamus exigeant de l'intimé qu'il se conforme aux art. 19, 20 et 28 Le requérant prétend que la communica tion du code va entraîner une perte financière Le requérant espère recouvrer les frais de la préparation du code d'autres bandes qui pourraient s'en servir comme précédent L'intimé soutient que le code est un texte réglementaire, et que le requérant ne subit aucune perte financière en raison de la divulgation parce qu'il est déjà tenu de présenter le texte réglementaire sur demande Demandes rejetées Loi sur l'accès à l'information, S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, annexe I, art. 2(2), 19, 20, 28, 29(1), 44, 68 Loi sur les textes réglementaires, S.C. 1970-71-72, chap. 38, art. 24, 25
Loi sur le droit d'auteur, S.R.C. 1970, chap. C-30, art. 17
Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, chap. 1-6, art. 6.
11 s'agit d'une demande visant à obtenir la révision de la décision de l'intimé de délivrer à une personne non révélée une copie du code d'appartenance de la bande, une injonction interdisant à l'intimé d'en donner communication et un bref de mandamus exigeant de l'intimé qu'il se conforme aux articles 19, 20 et 28 de la Loi.
La préparation du code de la bande a coûté environ 50 000 $. La bande n'a pas mis le code à la disposition de quiconque, sauf sous certaines conditions déterminées, parce qu'elle a l'intention de recouvrer les frais de sa préparation d'autres bandes qui pourraient s'en servir comme précédent. Le requérant fait valoir que, si le code est divulgué, la bande subirait des pertes financières parce qu'elle ne serait plus en mesure de recouvrer les dépenses engagées pour sa préparation. L'intimé prétend que le code est un texte réglementaire qui doit être présenté pour examen à quiconque en fait la demande, moyennant le versement d'un droit modique. Toujours selon l'intimé, le requérant ne subira aucune perte financière appréciable en raison de la divulgation du code sous le régime de la Loi sur l'accès à l'information, parce qu'il est déjà tenu de le présenter sur demande. La question se pose de savoir si l'intimé a eu raison de décider que la divulgation du code n'allait pas à l'encontre des alinéas 20(1)c) ou d).
Jugement: les demandes devraient être rejetées.
Le droit du requérant au contrôle judiciaire de la décision de l'intimé de donner communication du code est prévu au para- graphe 44(1), et dépend de l'émission sous le régime de l'alinéa 28(5)b) d'un avis de la décision de communiquer un document. La condition essentielle préalable à l'émission de l'avis est que l'intimé a lieu de croire que la communication du document pourrait aller à l'encontre de son obligation de ne pas en donner communication, imposée par l'article 20. L'intimé avait envoyé au requérant trois lettres disant que les documents demandés n'étaient visés par aucune des exemptions de communication prévues dans la Loi. L'intimé a expressément conclu que la demande n'était pas visée par l'article 20, et il a avisé le requérant de son intention de donner communication du code. Puisque les lettres n'ont pas été précédées d'une indication essentielle pour en faire des avis au sens de l'alinéa 28(5)a), le requérant ne dispose pas du droit d'exercer un recours en révision sous le régime de l'article 44, et cette partie de sa requête doit donc être rejetée. Bien que l'intimé ait prétendu faire entrer en jeu l'article 44 en envoyant au tiers la lettre pour l'information de son droit de comparaître comme partie à l'instance, la lettre ne saurait avoir cet effet, puisqu'aucun avis n'avait été donné au requérant en vertu de l'alinéa 28(5)b).
La véritable question à trancher est de savoir si l'intimé aurait donner l'avis prévu à l'alinéa 28(5)a). Le droit à la révision de la décision de l'intimé de ne pas agir sous le régime de l'article 28 est plus restreint qu'un contrôle judiciaire sous l'empire de l'article 44. Bien que la Loi sur l'accès à l'informa- tion ne confère pas à la Cour le droit légal d'examiner la décision préliminaire de ne pas agir sous le régime de l'article 28, la common law prévoit un droit de contrôle restreint que lord Wilberforce a décrit dans l'arrêt Secretary of State for Education and Science y Metropolitan Borough of Tameside, [1976] 3 All ER 665 (H.L.). Si un jugement exige que certains faits existent, la cour doit vérifier si ces faits existent et s'ils ont
été pris en considération, si on a rendu ce jugement en se posant les bonnes questions quant à ces faits, et si le jugement n'a pas été rendu en fonction d'autres faits qui n'auraient pas entrer en ligne de compte.
Lorsque l'intimé a décidé pour la première fois que la divulgation du code n'aurait pas les effets décrits aux alinéas 20(1)c) ou d), il a examiné le code et la demande de sa divulgation avant de décider qu'il pouvait être divulgué. La mention, dans la lettre confirmant sa décision, de l'observation selon laquelle la bande perdrait la possibilité de recouvrer une partie du coût du code s'il était rendu public, prouve que l'intimé a tenu compte de cette observation. Bien qu'il n'en ait pas particulièrement fait mention, il a également examiné l'observation selon laquelle l'accès du public au code pourrait donner lieu à des demandes d'appartenance frivoles ou à des contestations quant au bien-fondé du code, dont la défense pourrait causer à la bande une perte financière appréciable, ainsi qu'il ressort de la conclusion selon laquelle le code doit avoir déjà été rendu public pour obtenir l'approbation de la majorité requise.
En décidant de ne pas agir, l'intimé a satisfait aux critères exposés par lord Wilberforce. En outre, il est parvenu à la bonne conclusion.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Secretary of State for Education and Science y Met ropolitan Borough of Tameside, [1976] 3 All ER 665 (H.L.).
DÉCISION CITÉE:
T. E. Quinn Truck Lines Ltd. c. Snow, [1981] 2 R.C.S. 657; 129 D.L.R. (3d) 513.
AVOCATS:
Brian R. Burrows pour le requérant (deman-
deur).
Ingrid C. Hutton pour l'intimé (défendeur).
PROCUREURS:
McLennan Ross, Edmonton, pour le requé- rant (demandeur).
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé (défendeur).
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MARTIN: Le requérant, le chef de la bande indienne de Sawridge, se fonde sur l'article 44 de la Loi sur l'accès à l'information [S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, annexe I] pour deman- der la révision de la décision du responsable du secrétariat de l'accès à l'information et de la pro-
tection de la vie privée de délivrer à une personne non révélée qui en fait la demande une copie du code d'appartenance de la bande. Il conclut égale- ment à une injonction interdisant à l'intimé de donner communication du code à une partie, et à un bref de mandamus exigeant de l'intimé qu'il se conforme aux articles 19, 20 et 28 de la Loi.
Lorsque j'ai été saisi de l'espèce le 28 janvier 1987, il existait des doutes sur la possibilité d'une révision sous le régime de l'article 44. L'audition de la requête a été ajournée afin que l'avocate de l'intimé prenne les mesures appropriées pour dissi- per ces doutes et pour faire en sorte que la requête relève de l'article 44. À la suite de l'ajournement du 28 janvier 1987, l'intimé a, le 2 février 1987, informé la personne qui avait demandé communi cation du code que le requérant avait exercé un recours en révision de sa décision en vertu de l'article 44 de la Loi et que le tiers pouvait compa- raître à l'instance. Cet avis est ainsi rédigé:
[TRADUCTION] Comme le révèlent les avis de requête et les affidavits déposés dans les affaires susmentionnées, les mem- bres des bandes indiennes de Sawridge-et du lac Horse s'oppo- sent à la décision du ministre des Affaires indiennes et du Nord de vous communiquer les copies de leur code d'appartenance respectif, et ils ont exercé devant la Cour fédérale le recours en révision de la décision du ministre prévu à l'article 44 de la Loi sur l'accès à l'information.
Nous vous avisons par la présente que, en vertu du paragraphe 44(3) de la Loi sur l'accès à l'information, vous pouvez compa- raître comme partie à l'instance. Pour votre information, vous trouverez ci-joint copie de la Loi sur l'accès à l'information.
Si par cette lettre l'avocate a voulu remédier à quelques vices pour permettre un recours sous le régime de l'article 44, elle n'a pas atteint son but. Pour qu'un tiers (la personne qui demande com munication des renseignements) puisse comparaî- tre comme partie dans le cadre d'une révision sous le régime de l'article 44, il faut qu'un avis (aux fins de la présente requête), soit donné en applica tion de l'alinéa 28(5)b). Aucun avis n'ayant été donné en vertu de cet alinéa, il ne saurait y avoir lieu à révision sous l'empire de l'article 44.
L'article 44 est ainsi rédigé:
44. (1) Le tiers que le responsable d'une institution fédérale est tenu, en vertu de l'alinéa 28(5)b) ou du paragraphe 29(1), d'aviser de la communication totale ou partielle d'un document peut, dans les vingt jours suivant la transmission de l'avis, exercer un recours en révision devant la Cour.
(2) Le responsable d'une institution fédérale qui a donné avis de communication totale ou partielle d'un document en vertu de l'alinéa 28(5)b) ou du paragraphe 29(I) est tenu, sur réception d'un avis de recours en révision de cette décision, d'en aviser par écrit la personne qui avait demandé communication du document.
(3) La personne qui est avisée conformément au paragraphe (2) peut, sur autorisation de la Cour, comparaître comme partie à l'instance.
Voici les dispositions applicables de l'article 28:
28. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d'une institution fédérale qui a l'intention de donner communication totale ou partielle d'un document est tenu, si le document contient ou s'il est, selon lui, susceptible de contenir:
a) soit des secrets industriels d'un tiers,
b) soit des renseignements visés à l'alinéa 20(1)b) qui ont été fournis par le tiers,
e) soit des renseignements dont la communication risquerait, selon lui, d'entraîner pour le tiers les conséquences visées aux alinéas 20(1)c) ou d),
de donner au tiers, dans les trente jours suivant la réception de la demande, avis écrit de celle-ci ainsi que de son intention. La présente disposition ne vaut que s'il est possible de rejoindre le tiers sans problèmes sérieux.
(3) L'avis prévu au paragraphe (1) doit contenir les éléments suivants:
a) la mention de l'intention du responsable de l'institution de donner communication totale ou partielle du document sus ceptible de contenir les secrets ou les renseignements visés au paragraphe (1);
b) la désignation du contenu total ou partiel du document qui, selon le cas, appartient au tiers, a été fourni par lui ou le concerne;
e) la mention du droit du tiers de présenter au responsable de l'institution fédérale de qui relève le document ses obser vations quant aux raisons qui justifieraient un refus de communication totale ou partielle, dans les vingt jours sui- vant la transmission de 1 4 avis.
(5) Dans les cas il a donné avis au tiers conformément au paragraphe (1), le responsable d'une institution fédérale est tenu:
a) de donner au tiers la possibilité de lui présenter, dans les vingt jours suivant la transmission de l'avis, des observations sur les raisons qui justifieraient un refus de communication totale ou partielle du document;
b) de prendre dans les trente jours suivant la transmission de l'avis, pourvu qu'il ait donné au tiers la possibilité de présen- ter des observations conformément à l'alinéa a), une décision quant à la communication totale ou partielle du document et de donner avis de sa décision au tiers.
(7) L'avis d'une décision de donner communication totale ou partielle d'un document conformément à l'alinéa (5)b) doit contenir les éléments suivants:
a) la mention du droit du tiers d'exercer un recours en révision en vertu de l'article 44, dans les vingt jours suivant la transmission de l'avis;
b) la mention qu'à défaut de l'exercice du recours en révision dans ce délai, la personne qui a fait la demande recevra communication totale ou partielle du document.
Le droit du requérant au contrôle judiciaire de la décision de l'intimé de donner communication du code est prévu au paragraphe 44(1), et dépend de l'émission sous le régime de l'alinéa 28(5)b) ou du paragraphe 29(1) d'un avis de la décision de communiquer un document. Puisque, à l'évidence, le paragraphe 29(1) ne s'applique pas en l'espèce, je n'ai à examiner que l'article 28.
L'article 28 énumère notamment les conditions de l'émission de l'avis, le contenu de celui-ci, et le délai imparti à la partie qui s'oppose à la commu nication du document pour faire des observations. La condition essentielle préalable à l'émission de l'avis est que l'intimé a lieu de croire que la communication du document pourrait aller à l'en- contre de son obligation de ne pas en donner communication, imposée par l'article 20. Seuls les alinéas c) et d) du paragraphe 20(1) sont applica- bles à la présente requête.
20. (1) Le responsable d'une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refu- ser la communication de documents contenant:
c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisem- blablement de causer des pertes ou profits financiers appré- ciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;
d) des renseignements dont la divulgation risquerait vrai- semblablement d'entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d'autres fins.
Après avoir reçu deux demandes de copies du code de la bande, l'intimé a envoyé trois lettres au requérant datées respectivement du 3 octobre 1986, du 2 décembre 1986 et du 15 décembre 1986. Dans chaque lettre, l'intimé a déclaré que, à son avis, les documents demandés n'étaient visés par aucune des exemptions de communication pré- vues dans la Loi, et qu'ils seraient donc communi- qués. Dans la lettre du 15 décembre 1986, l'intimé a réitéré sa position et il a déclaré expressément que les documents demandés n'étaient pas visés par les exemptions prévues à l'article 20 de la Loi.
Ayant conclu que l'article 20 n'était pas applica ble, ou peut-être plus précisément qu'il n'avait aucune raison de croire que l'article pouvait s'ap- pliquer, l'intimé a informé le requérant de la demande et de son intention d'y faire droit. Puis- que les lettres, ou avis, adressées au requérant n'ont pas été précédées d'une indication essentielle pour en faire des avis au sens de l'alinéa 28(5)a), le requérant ne dispose pas du droit d'exercer un recours en révision sous le régime de l'article 44, qui est tributaire de l'avis prévu à l'alinéa 28(5)a), et cette partie de sa requête doit donc être rejetée.
Bien que l'intimé ait prétendu faire entrer en jeu l'article 44 en envoyant au tiers la lettre du 2 février 1987 pour l'informer de son droit de com- paraître comme partie à l'instance, la lettre ne saurait avoir cet effet, puisqu'aucun avis n'avait été donné au requérant en vertu de l'alinéa 28(5)b).
La véritable question à trancher en l'espèce n'est pas de savoir si le code d'appartenance devrait ou pas être communiqué, mais si l'intimé aurait ou n'aurait pas donner l'avis prévu à l'alinéa 28(5)a). A cet égard et à l'appui de sa requête en injonction et en bref de mandamus, le requérant soutient que l'intimé aurait décider que le code pouvait contenir des renseignements qui en écarte- raient la communication en application des alinéas 20(1)c) et d) et que, en conséquence, il aurait donner l'avis prévu à l'article 28. Si l'avis avait été donné en vertu de l'article 28, comme cela aurait se faire selon le requérant, celui-ci aurait pu exercer devant la Cour un recours en révision de la décision de communiquer le code. C'est pour cette raison que le requérant conclut à une ordonnance enjoignant à l'intimé de se conformer aux articles 19, 20 et 28 de la Loi.
Encore une fois un point de procédure a été soulevé en passant, à savoir si une telle demande devrait être formulée par voie de requête ou par voie d'action. Par précaution excessive, le requé- rant a, à la suite de l'ajournement du 28 janvier 1987, intenté contre l'intimé une action réclamant essentiellement le même redressement que celui qu'il réclame dans la présente demande. Dans cette action, il a conclu à une injonction provisoire, sollicitant le redressement en attendant le procès. Tant la présente demande que la demande d'in-
jonction provisoire dans l'action ont été entendues en même temps, soit le 18 mars 1987 à Edmonton. Puisque le requérant à l'instance conclut au même redressement par voie de requête et par voie d'ac- tion, je n'estime pas nécessaire de déterminer laquelle des deux procédures est appropriée. J'évite donc cette question pour aborder directement la question du bien-fondé des arguments du requé- rant.
Le code de la bande a été établi en vertu de la Loi sur les Indiens [S.R.C. 1970, chap. I-6]. En application de l'article 10 de celle-ci, la bande du requérant a dûment voté pour accepter le code dont la préparation avait coûté environ cinquante mille dollars (50 000 $). Le code ayant été accepté par la bande, il a été envoyé au ministre qui a, le 25 septembre 1985 et en vertu du paragraphe 10(7) de la Loi sur les Indiens, informé le requé- rant que la bande décidait désormais de l'apparte- nance à ses effectifs.
Le requérant a pris soin de voir à ce que le code ne soit pas mis à la disposition de quiconque, sauf sous certaines conditions déterminées; il est allé jusqu'à rappeler toutes les copies distribuées aux électeurs de la bande pour qu'ils procèdent au vote sur ce code. Le motif invoqué par le requérant pour ne pas mettre en circulation le code est qu'il a l'intention de recouvrer les frais de sa préparation d'autres bandes qui pourraient vouloir s'en servir comme précédent pour préparer leur propre code.
À cet égard, toutes les demandes de copies du code sont renvoyées au requérant pour qu'il fixe les conditions, s'il en est, de sa communication. À l'égard de chaque demande de copie du code, c'est lui qui décide, quel montant, s'il en est, devra être déboursé. Le requérant revendique un droit de propriété sur ce code et prétend que la divulgation de celui-ci empêcherait la bande de recouvrer les dépenses engagées pour sa préparation et que cel- le-ci subirait vraisemblablement des pertes finan- cières. Il soutient subsidiairement que la divulga- tion du code risquerait vraisemblablement d'entraver les négociations qu'il mène avec d'au- tres bandes en vue de sa divulgation conditionnelle à titre de précédent.
L'intimé soutient par contre que le code est un «texte réglementaire» au sens de la Loi sur les textes réglementaires [S.C. 1970-71-72, chap. 38]
et, qu'en vertu des articles 24 et 25 de celle-ci, il doit être présenté pour examen à quiconque en fait la demande, moyennant le versement d'un droit prescrit modique d'environ un dollar (1 $) la page. Etant donné l'obligation de rendre le code disponi- ble pour cette somme modique, l'avocate de l'in- timé soutient que le requérant n'a pas fait la preuve qu'il subirait une perte financière apprécia- ble en raison de sa divulgation sous le régime de la Loi sur l'accès à l'information, parce qu'il est déjà tenu de le présenter sur demande. Elle applique le même raisonnement à la prétention du requérant selon laquelle la divulgation du code risquerait vraisemblablement d'entraver les négociations qu'il mène avec d'autres bandes pour en vendre des copies.
Pour repousser l'argument du requérant selon lequel la divulgation du code va lui faire perdre effectivement son droit de propriété sur celui-ci, l'avocate de l'intimé cite l'article 17 de la Loi sur le droit d'auteur [S.R.C. 1970, chap. C-30] qui prévoit que la communication de documents effec- tuée en vertu de la Loi sur l'accès à l'information ne doit pas être considérée comme autorisant l'exercice des droits que la Loi sur le droit d'au- teur ne confère qu'au titulaire d'un droit d'auteur.
À cet argument l'avocat du requérant répond que le code n'est pas un texte réglementaire au sens de la Loi sur les textes réglementaires mais, que si tel était le cas et que le code devait être présenté, alors, la Loi sur l'accès à l'information n'autorise pas l'intimé à divulguer le code étant donné l'article 68, qui prévoit que cette Loi ne s'applique pas aux documents mis en vente dans le public.
De plus, soutient l'avocat du requérant, si l'ar- gument de l'intimé selon lequel le requérant est tenu de rendre le code disponible est fondé, il existe déjà une procédure visant sa divulgation, et, en conséquence, on devrait interpréter le paragra- phe 2(2) de la Loi sur l'accès à l'information, qui prévoit que celle-ci a pour objet de compléter les modalités d'accès à certains documents, comme excluant une demande de divulgation du code sous le régime de la Loi, lequel code peut être obtenu en recourant aux modalités d'accès existantes prévues dans la Loi sur les textes réglementaires.
L'argument de l'avocat, si je comprends bien, semble viser à faire trancher la question de savoir si l'intimé a eu raison de décider que les alinéas 20(1)c) ou d) de la Loi ne faisaient pas obstacle à la divulgation du code. Je présume que, si en évaluant les faits j'arrive à une conclusion diffé- rente, on s'attend à ce que j'enjoigne à l'intimé de se conformer à l'article 28 en donnant l'avis prévu à l'alinéa 28(5)a), de manière à permettre au requérant d'exercer un recours en révision sous le régime de l'article 44.
Bien que je puisse adopter cette ligne de con- duite dans un contrôle judiciaire sous le régime de l'article 44, j'estime que je dispose d'un droit beaucoup plus limité pour examiner la décision de l'intimé de ne pas agir selon l'article 28.
La Cour tient de l'article 44 de la Loi sur l'accès à l'information le droit d'examiner la décision de l'intimé de divulguer le code. Ainsi qu'il â été déjà indiqué, ce droit ne peut être exercé que si l'intimé a agi sous le régime de l'article 28 et si, après qu'on a épuisé les procédures prévues, la décision demeure inchangée et est contestée par un tiers tel que le requérant à l'instance.
Avant d'agir en vertu de l'article 28, l'intimé doit cependant rendre une décision distincte. Il doit décider si les documents qu'il a l'intention de communiquer contiennent ou pourraient contenir des renseignements qui, selon ses prévisions et aux fins de la présente requête, risqueraient vraisem- blablement de causer une perte appréciable au requérant ou d'entraver les négociations qu'il mène avec d'autres bandes relativement à l'usage du code. Cette décision préliminaire ne saurait faire l'objet d'une révision sous le régime de l'article 44, laquelle révision, si je comprends bien la loi, per- mettrait à la Cour, dans un cas approprié, de substituer sa décision à celle de l'intimé.
En fait, le requérant me demande d'examiner la décision préliminaire, c'est-à-dire la décision de l'intimé de ne pas agir sous le régime de l'article 28 parce que le code ne contenait pas de renseigne- ments dont la divulgation, selon ses prévisions, risquerait vraisemblablement de causer une perte appréciable au requérant ou d'entraver les négo- ciations menées par ce dernier en vue de contrats.
Bien que la Loi sur l'accès à l'information ne confère pas à la Cour le droit légal d'examiner cette décision, la common law prévoit un droit de contrôle restreint de telles décisions que lord Wil- berforce a décrit dans l'arrêt Secretary of State for Education and Science y Metropolitan Borough of Tameside, [ 1976] 3 All ER 665 (H.L.), aux pages 681 et 682, que le juge en chef du Canada Laskin a cité avec approbation dans T. E. Quinn Truck Lines Ltd. c. Snow, [1981] 2 R.C.S. 657, aux pages 668 et 669; 129 D.L.R. (3d) 513, aux pages 521 et 522:
[TRADUCTION] . .. si le Secrétaire d'État «est convaincu». Ce type d'article est très courant et semble, à première vue, exclure tout contrôle judiciaire. Des articles de ce genre peuvent fort bien exclure tout contrôle judiciaire sur ce qui est ou est devenu une pure question de jugement. Mais je ne crois pas qu'ils aillent plus loin. Si, pour être formé, un jugement exige que certains faits existent, alors même si l'appréciation de ces faits doit être laissée au Secrétaire d'État, la cour doit vérifier si ces faits existent et s'ils ont été pris en considération, s'il a rendu ce jugement après s'être posé les bonnes questions quant à ces faits, si le jugement n'a pas été rendu en fonction d'autres faits qui n'auraient pas entrer en ligne de compte. Si ces condi tions ne sont pas remplies, la formation du jugement peut être contestée, quelle que soit la bonne foi qu'on y ait mise.
Bien que le texte de la Loi n'oblige expressément pas l'intimé à «être convaincu» que la divulgation des renseignements va peut-être, irait ou n'irait pas à l'encontre des alinéas 20(1)a) ou d), c'est préci- sément la décision que l'intimé doit rendre avant de déterminer s'il y a lieu de donner l'avis prévu à l'article 28. En conséquence, je vais examiner la décision de l'intimé uniquement selon les principes qui se dégagent du passage cité.
Lorsque, le 3 octobre 1986, l'intimé a décidé pour la première fois que la divulgation du code n'aurait pas les effets décrits aux alinéas 20(1)c) ou d), il disposait du code d'appartenance de la bande et d'une demande tendant à sa divulgation. Il ressort de la lettre envoyée au requérant qu'il a examiné le code et la demande et qu'il a décidé que celui-ci pouvait être divulgué en vertu de la Loi. Pour paraphraser le premier critère exposé par lord Wilberforce, il existait des faits permet- tant à l'intimé de rendre la décision, de faire une appréciation, ce qu'il a effectivement fait et, en rendant cette décision, il a pris en considération ces faits existants.
En plus du code lui-même et de la demande tendant à sa divulgation, l'intimé, après qu'il eut rendu sa décision préliminaire, a, le 15 octobre 1986, reçu les observations suivantes de l'avocat du requérant:
[TRADUCTION] Nous savons que, selon votre conclusion, le document ne tombe pas sous le coup des exemptions prévues par la loi, et que, en conséquence, vous n'avez pas donné à la bande l'avis visé à l'article 28 de la Loi sur l'accès à l'information.
Nous n'avons pu examiner soigneusement la question, votre lettre nous étant parvenue seulement hier, mais nous estimons néanmoins possible que le code de la bande soit visé par les exemptions des alinéas 20(1)c) ou d) de la Loi. Bien que nous n'ayons pas eu la possibilité d'examiner la question avec le soin que nous aimerions y apporter avant de vous soumettre officiel- lement des observations sur ce point, il nous semble que l'accès du public au code de la bande pourrait donner lieu à des demandes d'appartenance frivoles ou vexatoires ou à des con- testations quant à la propriété du code, dont le traitement ou la défense pourrait causer à la bande une perte financière appréciable.
Nous estimons que l'existence de cette possibilité suffit pour permettre au «responsable de l'institution» (c'est le ministre, nous présumons) d'avoir «dieu de croire» que les documents «pourraient contenir» des renseignements du genre décrit aux alinéas 20(1)c) ou d) et pour justifier le recours à la procédure prévue à l'article 28.
L'avocat du requérant a, le 17 octobre, présenté les observations supplémentaires suivantes à l'intimé.
[TRADUCTION] Suite à ma lettre du 15 octobre 1986 et à notre conversation téléphonique du 16 octobre, je désire attirer votre attention sur un autre facteur que, selon moi, vous pourriez prendre en considération pour décider si le code d'appartenance de la bande indienne de Sawridge est un document au sens des alinéas 20(1)c) et d) de la Loi sur l'accès à l'information.
L'établissement du code a causé à la bande des dépenses considérables. Le chef Twinn m'a informé que, selon son esti mation, le coût était de l'ordre de 50 000 $. Le code a donc une valeur monétaire importante. Si d'autres bandes veulent en faire usage pour établir leur propre code, il est raisonnable que la bande indienne de Sawridge puisse recevoir d'elles une contribution aux dépenses qu'elle a engagées. Elle va indubita- blement examiner la situation de la bande qui fait la demande pour déterminer les droits à exiger. Le fait pour votre Ministère de communiquer le code éliminerait toutefois la possibilité pour la bande de rentrer en partie dans ses frais, lui causerait une perte financière appréciable et entraverait les négociations qu'elle mène avec d'autres bandes en vue de contrats ou à d'autres fins. À l'évidence, cette situation est visée aux alinéas 20(1)c) et d).
Le 15 décembre 1986, l'intimé a répondu à ces observations dans les termes suivants:
[TRADUCTION] Nous accusons réception de votre lettre du 17 octobre 1986 dans laquelle vous avez fait des observations concernant le code d'appartenance de la bande indienne de
Sawridge. Nous vous informons que nous les avons examinées soigneusement, et que nous réitérons par la présente notre point de vue selon lequel ce document n'est pas visé par l'article 20 de la Loi sur l'accès à l'information.
Le code d'appartenance de la bande qui a reçu l'approbation du ministre en vertu de l'article 10 de la Loi sur les Indiens a la valeur d'un règlement, et une bande ne saurait prétendre à un droit sur un règlement.
De plus, comme le code d'appartenance doit être approuvé par une majorité des membres de la bande, il est présumé qu'il a été affiché, mis en circulation ou rendu autrement public.
Le Ministère va donc communiquer ces renseignements au requérant le 31 décembre 1986.
L'intimé a donc été saisi de faits supplémentai- res au cours de la période allant du 3 octobre 1986, date à laquelle il a pris sa décision, au 15 décem- bre 1986, date de sa confirmation de cette déci- sion. Étant donné qu'il a été fait état des observa tions que le requérant a faites le 17 octobre, il appert que l'intimé en a tenu compte. Comme il n'a pas été fait mention des observations du 3 octobre, on peut soutenir que le fait pour l'intimé de n'en avoir pas tenu compte a vicié sa décision suffisamment pour que je doive lui renvoyer l'af- faire en lui enjoignant de tenir compte également de ces observations.
J'estime que rien ne justifie une telle mesure. Tout d'abord, les observations du 15 octobre sont si clairement insoutenables que l'intimé a peut-être jugé plus charitable de ne pas y répondre. Le troisième paragraphe de la réponse faite par l'in- timé le 15 décembre indique que ces observations ont été prises en considération. Il ressort également de la correspondance échangée qu'il y a eu plu- sieurs conversations téléphoniques entre l'avocat du requérant et les représentants de l'intimé au cours desquelles la question a probablement été soulevée et tranchée. En dernier lieu, les observa tions du 15 octobre 1986 ont, de l'aveu de tous, été faites à la hâte et n'ont jamais été soulevées de nouveau, ni dans la preuve sous forme d'affidavit ni dans les arguments invoqués par le requérant devant moi à l'appui du redressement demandé. J'ai donc conclu que l'avocat du requérant, ayant fait ces observations à la hâte, a fait preuve de sagesse en les reconnaissant comme étant non fon- dées et en les retirant.
Je suis donc convaincu qu'en décidant de ne pas agir sous le régime de l'article 28 de la Loi, l'intimé a satisfait aux critères exposés par lord
Wilberforce; rien ne m'autorise donc à modifier cette décision. Je suis parvenu à cette conclusion sans examiner la question de savoir si j'aurais rendu la même décision que l'intimé, parce qu'il n'appartient pas à la Cour de substituer son appré- ciation des faits à celle de l'intimé.
J'aurais toutefois rendu la même décision même si on m'autorisait ou me forçait à le faire. Bien que la Cour ait donné l'ordre de le sceller, je peux examiner le code de la bande, et je l'ai effective- ment fait. Certes, je n'ai aucune raison de douter de la preuve sous forme d'affidavit du requérant selon laquelle les dépenses afférentes à la prépara- tion du code s'élevaient approximativement à cin- quante mille dollars (50 000 $); mais ces dépenses doivent avoir été engagées relativement à des ques tions autres que sa rédaction même.
La préparation véritable du code, qui comprend 15 règles énoncées sur trois pages, aurait pu être achevée en quelques heures une fois reçues les instructions appropriées. D'autres dépenses engagées, telles que les frais imputables aux réunions et aux déplacements, ont parfaite- ment pu porter les frais afférents à la préparation du code à la somme donnée, mais cela n'augmente- rait pas la valeur intrinsèque du code comme précédent pour un tiers.
Si le requérant a réussi à obtenir quelque avan- tage pour sa bande en autorisant d'autres bandes à s'inspirer du code pour établir le leur, il doit en fait s'en féliciter. À cet égard, la preuve n'est ni détail- lée ni convaincante. Il paraît qu'on a donné un certain nombre d'exemplaires du code à d'autres bandes. Aucun paiement qui puisse être directe- ment imputé à la communication du code n'a été reçu en retour. La preuve révèle cependant que la bande a reçu certains avantages sous forme d'ap- pui pour des actions qu'elle a intentées contre le gouvernement fédéral.
Étant donné les renseignements dont disposait l'intimé au moment il a décidé de ne pas agir sous le régime de l'article 28 de la Loi, et en particulier le code lui-même, et étant donné les observations qui ont été ultérieurement faites, notamment les éléments d'information à l'appui de la présente requête, on ne pouvait à l'époque, pas plus qu'on ne peut maintenant, s'attendre à ce que
l'intimé conclue que la divulgation du code donne- rait lieu ou pourrait donner lieu aux conséquences prévues aux alinéas 20(1)c) ou d). S'attendre à ce que l'intimé conclue que la divulgation du code donnerait lieu ou pourrait donner lieu à ces consé- quences reviendrait à s'attendre à ce qu'il se livre à la plus pure spéculation.
En conséquence, non seulement je conclus que l'intimé a satisfait aux critères dégagés par lord Wilberforce, mais je conclus aussi qu'il a tiré la conclusion appropriée et qu'elle seule s'imposait à lui.
Les requêtes dans les affaires portant les numé- ros du greffe T-2836-86 et T-268-87 sont donc rejetées.
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