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T-524-87
Directeur des enquêtes et recherches: Loi sur la concurrence, S.R.C. 1970, chap. C-23, modifié par S.C. 1986, chap. 26, d'après l'information reçue de Larry W. Bryenton (requérant) *
c.
Calgary Real Estate Board Co-operative Limited et Services immobiliers Royal Lepage Limitée (intimés) *
RÉPERTORIÉ: CANADA (DIRECTEUR DES ENQUÊTES ET RECHERCHES) c. CALGARY REAL ESTATE BOARD CO-OPERA TIVE LTD.
Division de première instance, juge Dubé— Ottawa, 25 juin et 29 juillet 1987.
Coalitions Mandats de perquisition Affidavit justifi- catif Demande d'ordonnance obligeant le déposant à com- paraître devant le protonotaire pour être contre-interrogé sur sa dénonciation Sur le fondement de cette dénonciation, 23 mandats de perquisition ont été délivrés et exécutés en confor- mité avec la Loi sur la concurrence Le protonotaire-chef a émis des convocations en vue du contre-interrogatoire des enquêteurs relativement à leurs dénonciations respectives Le directeur a fait savoir que les enquêteurs n'étaient pas tenus de comparaître pour être contre-interrogés Est-ce que la Règle 332(5) prévoyant la possibilité de contre-interroger les déposants s'applique? Il s'agit de savoir si le droit de procéder à un contre-interrogatoire est essentiel à l'existence des garanties juridiques prévues par les art. 7 et 8 de la Charte Requête rejetée Il n'existe à première vue aucun droit de procéder à un contre-interrogatoire à ce stade préliminaire La demande visant à obtenir un mandat de perquisition ne constitue qu'un moyen de faire enquête Le refus d'accorder le droit de procéder à un contre-interrogatoire ne cause aucune injustice grave À cette étape-ci, le contre-interrogatoire ne serait qu'un interrogatoire à l'aveuglette Pour que la tenue d'un contre-interrogatoire puisse être autorisée, il faut allé- guer et prouver l'existence d'un mensonge délibéré ou d'une omission délibérée de dire la vérité L'affidavit déposé au soutien d'une demande visant à obtenir un mandat de perquisi- tion est présumée valide Loi sur la concurrence, S.R.C. 1970, chap. C-23 (mod. par S.C. 1986, chap. 26, art. 18 et ss.), art. 13 (mod., idem, art. 24) Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, R. 332(5) Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10 Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitu- tionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 7, 8 Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) (S.R.C. 1970, Appendice II, 5] (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1), art. 91(2).
* Note de l'arrêtiste: Dans la présente requête, la Calgary Real Estate Board Co-operative Limited et les Services immo- biliers Royal Lepage Limitée sont, de fait, les requérantes tandis que le directeur des enquêtes et recherches est l'intimé.
Pratique Affidavits À l'appui d'un mandat de perqui- sition Il n'existe à première vue aucun droit de contre- interroger le déposant sur sa dénonciation Il faut alléguer et prouver l'existence d'un mensonge délibéré ou d'une omis sion délibérée de dire la vérité dans l'affidavit Les affida vits justificatifs sont présumés valides.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Re Corsini and the Queen (1979), 49 C.C.C. (2d) 208 (H.C. Ont.); McIntosh Paving Company Limited and Lawson A.W. Hunter, jugement en date du 18 mars 1987, Cour suprême de l'Ontario, encore inédit; R. v. Church of Scientology and Zaharia (1987), 18 O.A.C. 321.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Wilson c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 594.
DÉCISIONS CITÉES:
Butler Manufacturing Co. (Canada) Ltd. v. Minister of National Revenue (1983), 83 DTC 5361 (C.S. Ont.); Re Corr et al. and The Queen et al. (1987), 58 O.R. (2d) 528 (H.C.); Volckmar v. Krupp, [1958] O.W.N. 303 (H.C.); Procureur général du Canada c. Transports Na- tionaux du Canada, Ltée et autre, [1983] 2 R.C.S. 206; 3 D.L.R. (4th) 16; Procureur général du Canada c. Québec Ready Mix Inc., [1985] 2 C.F. 40; 25 D.L.R. (4th) 373 (C.A.); Goldman et al. v. Hoffmann-La Roche Limited, jugement en date du 4 juin 1987, Cour d'appel de l'Onta- rio, encore inédit.
AVOCATS:
W. J. Miller pour le requérant. Gordon E. Kaiser pour les intimés.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le requérant.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE DUBÉ: La présente demande porte sur une ordonnance obligeant Larry W. Bryenton à comparaître devant un protonotaire ou devant toute autre personne spécialement nommée par un protonotaire ou par la Cour pour être contre-inter- rogé sur sa dénonciation en date du 12 mars 1987.
Sur le fondement de la dénonciation en question et de quatorze autres dénonciations, le juge Denault de cette Cour a délivré vingt-trois man-
dats de perquisition le 12 mars 1987 en conformité avec l'article 13 de la Loi sur la concurrence [S.R.C. 1970, chap. C-23 (mod. par S.C. 1986, chap. 26, art. 24)]. Les mandats ont été exécutés aux bureaux des intimés entre le 16 mars et le 20 mars 1987. Le 12 juin 1987, le protonotaire-chef a procédé à des nominations en vue du contre-inter- rogatoire de chacun des enquêteurs relativement à leurs dénonciations respectives. Elles ont été signi fiées avec les avis de nomination. Le 15 juin 1987, les procureurs du directeur des enquêtes et recher- ches («le directeur») ont fait savoir que les enquê- teurs n'étaient pas tenus de comparaître pour être contre-interrogés.
Les intimés prétendent qu'une fois que le direc- teur a choisi de s'adresser à la Cour fédérale du Canada pour obtenir un mandat de perquisition, il accepte la procédure applicable à la Cour, qui est prévue par la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10] et les Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663]. Elles soutiennent que la décision de délivrer un mandat de perquisi- tion ex parte en vertu de la Loi sur la concurrence constitue, de par sa nature même, une ordonnance ex parte de la Cour fédérale. La Règle 332(5) des Règles de la Cour fédérale dispose que toute personne ayant fait un affidavit qui a été déposé peut être requise de comparaître devant un proto- notaire ou devant toute autre personne spéciale- ment nommée pour être contre-interrogée.
Les intimés prétendent également que la partie adverse a, à première vue, le droit de contre-inter- roger le dénonciateur au sujet d'un affidavit déposé au soutien d'une demande de mandat de perquisition délivré en vertu de l'article 13 de la Loi sur la concurrence et elles citent les décisions Butler Manufacturing Co. (Canada) Ltd. v. Minister of National Revenue'; Re Corr et al. and The Queen et al. 2 et Volckmar v. Krupp 3 . Les intimés allèguent en outre que, de toute façon, le droit de contre-interroger le dénonciateur existe dans les poursuites intentées en vue d'obtenir la révision d'une ordonnance ex parte (Wilson c. La Reine°). Ils avancent de plus que ce droit de
' (1983), 83 DTC 5361 (C.S. Ont.).
2 (1987), 58 O.R. (2d) 528 (H.C.).
3 [1958] O.W.N. 303 (H.C.). ° [1983] 2 R.C.S. 594.
procéder à un contre-interrogatoire est essentiel à l'existence des garanties juridiques prévues par les articles 7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)].
Toujours selon les intimés, étant donné que les dispositions des Parties I et II de la Loi sur la concurrence ont été expressément adoptées en con- formité avec le pouvoir de réglementer le trafic et le commerce prévu au paragraphe 91(2) de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, 5] (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1)] et que ces dispositions s'appliquent clairement tant aux poursuites criminelles qu'aux poursuites civiles, la procédure relative à ces ques tions ne relève pas de la procédure criminelle et par conséquent les Règles de la Cour fédérale actuelles s'appliquent (voir Procureur général du Canada c. Transports Nationaux du Canada, Ltée et autres, Hogg, Constitutional Law of Canada (2e éd.), pages 406 à 409; Procureur général du Canada c. Québec Ready Mix Inc. `' et Goldman et al. v. Hoffmann-La Roche Limited').
Il faut tenir compte du fait que la requête dûment déposée et dont je suis saisi est une requête préliminaire qui contraint un enquêteur à compa- raître pour être contre-interrogé. L'avocat des inti- més avait présenté une autre requête pour faire annuler les ordonnances de perquisition rendues par le juge Denault, laquelle requête n'a pas été déposée avant l'audition de la présente requête mais a été déposée plus tard et doit être entendue le 8 septembre 1987. L'exposé des arguments pré- senté par l'avocat était vraisemblablement destiné à la deuxième requête mais j'ai permis qu'on l'uti- lise aux fins de la présente requête dans la mesure il s'y appliquait. Les présents motifs et la présente ordonnance s'appliquent donc à cette pre- mière requête préliminaire et n'influeront pas nécessairement sur la décision qui sera rendue relativement à la seconde requête, dont l'audition aura lieu le 8 septembre 1987.
5 [1983] 2 R.C.S. 206; 3 D.L.R. (4th) 16.
6 [1985] 2 C.F. 40; 25 D.L.R. (4th) 373 (C.A.).
' (C.A. Ont. jugement en date du 4 juin 1987, encore
inédit).
À mon avis, il n'existe à première vue aucun droit de procéder à un contre-interrogatoire à ce stade préliminaire. La demande visant à obtenir un mandat de perquisition ne constitue qu'un moyen de faire enquête, et le refus d'accorder le droit de procéder à un contre-interrogatoire ne cause aucune injustice grave. Une telle demande ne permet pas d'établir l'existence d'un droit d'une manière définitive, et il ne servirait à rien d'accor- der le droit de procéder à un contre-interrogatoire à ce stade-ci (voir Re Corsini and the Queen 8 ). Les intimées n'ont pas encore précisé les motifs pour lesquels elles contestent les dénonciations. Il n'est nullement allégué que les dénonciateurs auraient menti. À cette étape-ci, le contre-interro- gatoire ne serait qu'un interrogatoire à l'aveu- glette.
Dans l'affaire McIntosh Paving Company Limi ted and Lawson A.W. Hunter 9 , la Cour suprême de l'Ontario a statué que [TRADUCTION] «pour que la tenue d'un contre-interrogatoire puisse être autorisée, il fallait alléguer l'existence d'un men- songe délibéré ou d'une omission inconsidérée de dire la vérité relativement à des documents essen- tiels et [que], pour qu'un mandat puisse être annulé, il fallait prouver une allégation de ce genre».
La décision rendue très récemment, soit le 30 janvier 1987, par la Cour suprême de l'Ontario dans l'affaire R. v. Church of Scientology and Zaharia 10 examine toute cette question en détail. La Cour adopte la jurisprudence américaine selon laquelle l'affidavit déposé au soutien d'une demande visant à obtenir un mandat de perquisi- tion est présumé valide: [TRADUCTION] «Pour entraîner la tenue d'une audience portant sur des éléments de preuve, l'objection de celui qui con- teste doit être plus que suggestive et ne pas reposer sur le simple désir de procéder à un contre-interro- gatoire».
La décision Church of Scientology et la présente demande se distinguent de l'arrêt rendu précédem- ment par la Cour suprême du Canada dans l'af- faire Wilson c. La Reine" citée par les intimés.
R (1979), 49 C.C.C. (2d) 208 (H.C. Ont.)
9 (Cour suprême de l'Ontario, jugement en date du 18 mars 1987, encore inédit).
10 (1987), 18 O.A.C. 321. " Précitée, à la p. 2.
Dans l'affaire Wilson, le contre-interrogatoire a eu lieu au cours d'un procès tenu devant un juge de la Cour provinciale, dans lequel l'avocat de la défense a été autorisé à contre-interroger l'agent de police dont l'affidavit avait été utilisé au soutien de la demande d'autorisation, et non pas à l'étape préli- minaire comme on le demande en l'espèce.
Vu les circonstances, la présente requête est rejetée avec dépens.
Les présents motifs s'appliqueront, compte tenu des adaptations de circonstance, aux demandes similaires portant les numéros de greffe T-512-87, T-513-87, T-514-87, T-515-87, T-516-87, T-517-87, T-518-87, T-519-87, T-520-87, T-521-87, T-522-87, T-527-87, T-531-87 et T-532-87.
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