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T-2053-85
Apple Computér, Inc. (demanderesse) c.
Minitronics of Canada Limited, faisant affaires sous la dénomination sociale de Minitronics Com puters Centres, Angel Li Lam, Jan Edmond, O.S. Micro Systems Inc., Lami Yee Lam, David Kuo Tai Wang, Jack Liu, Trident Technology Inc., faisant affaires sous la dénomination sociale de Trident, Wai Lin Eng, Pacific Rim Electronics Imports Inc., faisant affaires sous la dénomination sociale de Pacific Rim Electronics Inc., Stan Koz- drowski, Stanley G. Kozdrowski, Gentek Marke ting Inc., faisant affaires sous les dénominations sociales de Gentek Computers Inc. et de Gentek Computers, Mitchell Freedman, Jeff Freedman, Brian Mintz, 546665 Ontario Limited, faisant affaires sous la dénomination sociale de Viva Computers, Pulse Computers Inc., Pulse, Pulse Computers, Ordinateur Microcom Computers, Key Creative Consultants: Richard Douglas Wil- liams, Mary Edythe Baker, K. Scott Baker, Ron Wicksey, Martin P. Kane, faisant affaires sous la dénomination sociale de Compusound Systems of Canada, Metropolitan Separate School Board (défendeurs)
RÉPERTORIÉ: APPLE COMPUTER, INC. C. MINITRONICS OF CANADA LTD.
Division de première instance, juge Strayer—Van- couver, du 27 au 30 octobre et du 2 au 6 novembre 1987; Ottawa, 12 janvier 1988.
Pratique Outrage au tribunal Injonction provisoire et injonction interlocutoire prononcées contre les défendeurs pour empêcher la contrefaçon du brevet et de la marque de com merce de la demanderesse dans les programmes des ordina- teurs Apple Ile Les parties visées étaient au courant de l'existence de l'ordonnance Suivant la Règle 355, il peut y avoir outrage au tribunal lorsque le contrevenant était au courant de l'ordonnance même si on ne lui en avait pas signifié une copie À cause de la responsabilité de l'avocat vis-à-vis de la Cour, le fait pour l'avocat d'une partie en matière civile devant la Cour fédérale d'être au courant de l'ordonnance suffit pour que son client soit poursuivi subséquemment pour outrage au tribunal.
Droit constitutionnel Charte des droits Recours Requête en justification dans un procès pour outrage au tribunal pour violation d'une ordonnance judiciaire dans une action en contrefaçon de brevet Admissibilité en preuve de documents obtenus indirectement à la suite d'une ordonnance dite Anton Piller L'obtention de ces documents n'a pas
entraîné de violation de la Charte ni de la Déclaration des droits Même s'il y avait eu violation de la Charte, il ne serait pas approprié d'invoquer le »fruit de l'arbre défendu» pour refuser d'admettre ces éléments de preuve en vertu de l'art. 24(2) de la Charte.
Dans une action en contrefaçon de brevet et de marque de commerce, la demanderesse a d'abord obtenu une injonction provisoire et ensuite une injonction interlocutoire pour empê- cher les défendeurs d'exercer pendant l'instance les activités incriminées. Conformément à une ordonnance dite Anton Piller rendue dans une autre action intentée par la demanderesse, Apple, contre plusieurs des mêmes défendeurs à l'égard, essen- tiellement, des mêmes questions, la demanderesse a obtenu l'autorisation de perquisitionner à certains locaux des défen- deurs pour recueillir des éléments de preuve. On y a trouvé des éléments prouvant qu'il y avait eu violation des injonctions prononcées antérieurement.
Il s'agit d'une procédure fondée sur la Règle 355 par laquelle on a enjoint aux défendeurs, aux termes d'une ordonnance de justification, de comparaître et d'exposer les raisons pour les- quelles ils ne devraient pas être condamnés pour outrage au tribunal pour avoir violé les injonctions ou pour avoir agi de façon à gêner la bonne administration de la justice et à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour.
Les défendeurs soutiennent qu'ils n'ont pas été suffisamment informés des injonctions, que les termes des injonctions étaient ambigus et que les activités auxquelles ils se sont livrés ne violaient pas les conditions mêmes de l'injonction.
Jugement: certains des défendeurs sont coupables d'outrage au tribunal.
La présente instance est fondée sur la Règle 355, qui traite de l'outrage au tribunal en général. Étant donné que cette procédure constitue une solution de rechange à l'incarcération prévue à la Règle 2500, l'obligation prévue aux Règles 1903 et 1905 de signifier aux défendeurs en personne une copie de l'ordonnance qui aurait été violée ne s'applique pas. Il peut y avoir outrage pour violation d'une ordonnance de la Cour lorsque le contrevenant a été mis au courant de l'ordonnance même si une copie de celle-ci ne lui a pas été signifiée. Dans la présente affaire, les défendeurs ont être au courant des ordonnances, tant en raison du comportement de leur avocat en l'espèce que de ce qui ressort de leur propre comportement. Il est inconcevable que l'avocat ait interjeté appel d'une ordon- nance et ait consenti par la suite à une autre sans avoir jamais reçu d'instructions de ses clients. Autrement, il faudrait peut- être envisager la responsabilité de l'avocat à l'égard de la bonne administration de la justice et de l'atteinte portée à l'autorité de la Cour. Dans l'affaire Bhatnager, la Cour d'appel fédérale a statué que le fait pour l'avocat d'une partie en matière civile devant la Cour fédérale d'être au courant de l'ordonnance, ou la preuve de sa signification à cet avocat, suffit pour que cette partie soit considérée comme ayant pris connaissance de l'or- donnance aux fins d'une poursuite subséquente pour outrage au tribunal.
Les particuliers défendeurs Lam, Liu et Wu ainsi que les deux sociétés qu'ils dirigent, O.S. Micro Systems Inc. et Comtex Micro System Inc., sont coupables d'outrage au tribu nal pour avoir agi de façon à gêner la bonne administration de la justice et à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour et à rendre inopérante une injonction ou une ordonnance
de ladite Cour. Les intimés contre lesquels les injonctions ont été prononcées—O.S. Micro Systems Inc., Lam et Liu—sont également coupables d'outrage au tribunal pour ne pas avoir respecté une injonction prononcée contre eux.
Bien que, dans les injonctions, on ait remplacé par erreur le «3» par un «4» au début du numéro d'enregistrement concerné, ce n'est pas une erreur fatale en ce qui concerne l'allégation de violation du droit d'auteur soutenue par la requérante. Dans l'arrêt Baxter Travenol Laboratories of Canada Ltd. et autres c. Cutter (Canada) Ltd., la Cour suprême du Canada a laissé passer une erreur similaire, à savoir une désignation erronée de la demanderesse, en disant qu'il s'agissait d'une simple erreur de rédaction qui n'a pu induire la défenderesse en erreur.
Une question a été soulevée quant à savoir ce qui constituait le «dossier» pour les fins de la présente requête, suivant la Règle 319(2). Le «dossier» dans le cas d'une requête en justification comprend les éléments du dossier qui se rapportent aux ques tions dont le tribunal est saisi, et les documents apparaissant dans le dossier du greffe, comme une reconnaissance de signifi cation par le procureur inscrit au dossier, peuvent être considé- rés comme ce qu'ils sont censés être à moins d'une preuve contraire.
Les problèmes relatifs à la présentation du témoignage des experts laissent supposer que, dans les affaires de ce genre, on devrait tenir compte à l'avance de la possibilité qu'une ordon- nance fondée sur la Règle 327 prévoie la tenue d'une instance relativement à ces questions ainsi que des directives en ce qui concerne la procédure préparatoire au procès et le déroulement du procès.
Certains documents obtenus indirectement à la suite de l'ordonnance dite Anton Piller sont admissibles. En l'espèce, l'ordonnance avait déjà été rendue et les intimés n'avaient pas pris de mesures pour la faire annuler ou pour interjeter appel à son encontre dans les six mois suivants. Les documents obtenus directement ou indirectement grâce à elle étaient déjà devant la Cour. Il ne s'agissait pas d'une «fouille, [d'une] perquisition ou [d'une] saisie» au sens de l'article 8 de la Charte et, de toute façon, on avait procédé conformément à une ordonnance judi- ciaire et d'une façon raisonnable. Même s'il y avait eu violation de la Charte, ce ne serait pas un cas approprié pour l'applica- tion de l'article 24(2) de la Charte afin de refuser l'admission de la preuve sous prétexte que c'est le «fruit de l'arbre défendu». L'admission de cette preuve ne serait pas susceptible de décon- sidérer l'administration de la justice.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. I I (R.-U.), art. 8, l 1 c), 13, 24.
Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34.
Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appen- dice II, art. 2d).
Loi sur le dessin industriel, S.R.C. 1970, chap. I-8.
Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap. T-10, art. 2, 4, 6.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 319(1),(2), 355, 482, 1903, 1905, 2500.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Bhatnager c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Im- migration), [1988] 1 C.F. 171 (C.A.), infirmant [1986] 2 C.F. 3 (1" inst.); Baxter Travenol Laboratories of Canada Ltd. et autres c. Cutter (Canada), Ltd., [1983] 2 R.C.S. 388; 75 C.P.R. (2d) 1; Regina v. Altseimer (1982), 38 O.R. (2d) 783 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Clairol International Corp. et al v. Thomas Supply & Equipment Co. Ltd. et al, [1968] 2 R.C.É. 552; 38 Fox Pat. C. 176; Bombardier Ltd. c. British Petroleum Co. Ltd., [1973] C.F. 480; 10 C.P.R. (2d) 21 (C.A.); Rank Film Distributors Ltd v Video Information Centre, [1981] 2 All ER 76 (H.L.); Amway of Canada Ltd. c. Canada, [1987] 2 C.F. 524; (1986), 34 D.L.R. (4th) 201 (C.A.), autorisation de pourvoi refusée: [1987] 2 R.C.S. v.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Selection Testing Consultations International Ltd. c. Humanex International Inc., [1987] 2 C.F. 405; (1987), 9 F.T.R. 72 (1« inst.); Baxter Travenol Laboratories of Canada, Limited c. Cutter (Canada), Ltd., [1986] 1 C.F. 497; (1984) 1 C.P.R. (3d) 433 (1fe inst.).
DECISIONS CITÉES:
Beloit Canada Ltée/Ltd. et autre c. Valmet Oy (1986), 11 C.P.R. (3d) 470 (C.F. 1" inst.); Moose Mountain Lumber and Hardware Co. v. Paradis (1910), 14 W.L.R. 20 (C.S. Sask. (tous les juges du tribunal)); Churchman v Joint Shop Stewards' Committee of the Workers of the Port of London, [1972] 3 All ER 603 (C.A.); Glazer v. Union Contractors Ltd. & Thornton (1960), 129 Can. C.C. 150 (C.A.C.-B.); Canada Metal Co. Ltd. et al. v. Canadian Broadcasting Corp. et al. (No. 2) (1974), 48 D.L.R. (3d) 641 (H.C. Ont.), confirmé par (1975), 11 O.R. (2d) 167 (C.A.); Apple Computer, Inc. c. Mackin tosh Computers Ltd., [1987] 3 C.F. 452; 14 C.P.R. (3d) 1 (1" inst.); Bayliner Marine Corp. c. Doral Boats Ltd., [1986] 3 C.F. 421; 10 C.P.R. (3d) 289 (C.A.); Oshawa Group Ltd. c. Creative Resources Co. Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 29 (C.A.F.); Leaf Confections Ltd. c. Maple Leaf Gardens Ltd. (1986), 12 C.P.R. (3d) 511 (C.F. 1" inst.); Ziegler c. Hunter, [1984] 2 C.F. 608; (1983), 81 C.P.R. (2d) 1 (C.A.); Thomson Newspapers Ltd. et al. v. Director of Investigation & Research et al. (1986), 34 D.L.R. (4th) 413 (C.A. Ont.); Rex v. Steinberg, [1931] O.R. 222 (Div. d'App.), confirmé par [1931] R.C.S. 421; R. v. MacLeod, [1968] 2 C.C.C. 365 (C.S.Ï.-P.-E.); Pratte v. Maher and The Queen, [1965] 1 C.C.C. 77 (B.R. Qué.); Re Tilco Plastics Ltd. v. Skurjat et al., [1967] 1 C.C.C. 131 (H.C. Ont.); Corbett c. La Reine, [1975] 2 R.C.S. 275; (1973), 42 D.L.R. (3d) 142.
DOCTRINE
Borrie, Sir Gordon and Lowe, Nigel Borrie and Lowe's
Law of Contempt, 2nd ed. London: Butterworths, 1983. Miller, C.J. Contempt of Court, London: Elek Books
Limited, 1976.
AVOCATS:
Ivor M. Hughes, Joseph I. Etigson et Alfred S. Schorr pour la demanderesse.
Gerald K. Martin pour Minitronics of Canada Limited et Angel Li Lam.
D. A. Zack et R. H. C. MacFarlane pour 0.S. Micro Systems Inc. etc. et Pacific Rim Elec tronics Imports Inc.
PROCUREURS:
Ivor M. Hughes, Concord (Ontario), pour la demanderesse.
Fitzsimmons, MacFarlane, Toronto (Onta- rio), pour Minitronics of Canada Limited, 0.S. Micro Systems Inc. etc. et Pacific Rim Electronics Imports Inc.
Day, Wilson, Campbell, Toronto, pour Metropolitan Separate School Board.
Peirce, McNeely, Associates, Toronto, pour 546665 Ontario Limited.
Henry, Brown, Green & Siegel, Toronto, pour Gentek Marketing Inc.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE STRAYER: Il s'agit d'une procédure fondée sur la Règle 355 [Règles de la Cour fédé- rale, C.R.C., chap. 663] par laquelle on a enjoint aux intimés [défendeurs], aux termes d'une ordon- nance de justification, de comparaître pour enten- dre la preuve de la requérante relativement à un présumé outrage au tribunal et pour présenter leur défense, le cas échéant. La liste des intimés men- tionnés dans l'ordonnance de justification com- porte le nom de certains des défendeurs dans la présente action ainsi que celui d'une autre per- sonne et d'autres compagnies qui ne sont pas par ties défenderesses dans cette action. Les intimés qui sont également défendeurs sont O.S. Micro Systems Inc., Lami Lam, Jack Liu, Angel Li Lam et Minitronics of Canada Limited. Parmi les inti- més qui ne sont pas parties à l'action, mentionnons Comtex Micro System Inc., Jack Wu, Comtex
Imports Co. Ltd., Concord Trading Ltd. et Our Star International Trading Co. Ltd. Concord Tra ding Ltd. n'était pas représentée devant la Cour, et il a été convenu de la part de tous que la compa- gnie de la Colombie-Britannique qui porte officiel- lement ce nom n'a rien à voir avec la présente affaire, bien qu'il semble que certains des défen- deurs aient utilisé le même nom aux fins de leur commerce. La Cour ne rendra pas d'ordonnance contre Concord.
Au début de l'audience de justification, un avocat a comparu pour le compte de Minitronics of Canada Limited ainsi que d'Angel Li Lam et m'a informé que ses clients plaidaient coupables aux allégations d'outrage au tribunal. Angel Li Lam a présenté une lettre à la Cour en son nom personnel et au nom de Minitronics, dont il est l'un des dirigeants et l'un des administrateurs, et il a reconnu avoir violé un certain nombre de fois une injonction octroyée par notre Cour le 14 novembre 1985. Il a reconnu également qu'il était au courant de l'injonction et que ses actes constituaient une violation possible de ladite injonction. Il a admis sa responsabilité à l'égard de ses actes et a, sans réserve, présenté des excuses à la Cour et à la demanderesse. Après avoir entendu la plaidoirie sur ce point, je me suis réservé de prendre une décision relativement à la sanction appropriée et aux dépens en ce qui concerne ces deux intimés. Ainsi que je l'indique ci-dessous, je continuerai de me réserver de rendre une décision sur ces ques tions en attendant certains autres événements.
Historique du litige
Une déclaration a été déposée le 25 septembre 1985 dans la présente action. La demanderesse (la requérante dans la présente requête) y alléguait que les divers défendeurs faisaient l'importation, l'assemblage, la distribution, la vente, etc., et— dans le cas de l'un des défendeurs—l'achat de certains ordinateurs. Elle prétendait qu'ils vio- laient ses droits notamment pour les raisons sui- vantes: lesdits ordinateurs contiendraient des pro grammes sur lesquels elle détient des droits d'auteur; ces ordinateurs utilisent le modèle du boîtier de son ordinateur et violent ainsi un droit d'auteur non enregistré qu'elle possède sur les dessins de ce modèle; et ces ordinateurs portent des symboles qui créent de la confusion avec son logo et contrefont ainsi sa marque de commerce.
La demanderesse a alors sollicité une injonction interlocutoire provisoire pour empêcher les défen- deurs d'exercer une telle activité en attendant le procès. Cette demande a été plaidée devant le juge Walsh le 29 octobre 1985 et plusieurs des défen- deurs, dont O.S. Micro Systems Inc., Lami Yee Lam et Jack Liu, étaient représentés par avocat. Le 14 novembre 1985 [(1985), 7 C.P.R. (3d) 104], le juge Walsh a octroyé une injonction provisoire qui serait en vigueur jusqu'à ce que la demande d'injonction interlocutoire présentée par la deman- deresse soit tranchée et qui interdisait aux défendeurs:
a) d'importer, de distribuer, d'assembler, de fabriquer, de faire de la publicité concernant, d'offrir en vente, de montrer et de vendre des ordinateurs et des composants d'ordinateur,
(i) qui reproduisent ou qui reproduisent en grande partie les œuvres littéraires que sont les programmes Apple IIe et Enhanced Apple IIe sur lesquels la demanderesse détient des droits d'auteur qui sont enregistrés comme droits d'auteur canadiens 444381 dans le premier cas et 444382 dans le second, ou subsidiairement,
(ii) qui comportent des dispositifs permettant que lesdites œuvres faisant l'objet de droits d'auteur puissent être exécu- tées ou livrées par des moyens mécaniques;
b) d'importer, de distribuer, d'assembler, de fabriquer, de faire de la publicité concernant, d'offrir en vente, de montrer et de vendre des ordinateurs qui paraissent être ou qui sont en réalité des copies à trois dimensions des dessins et des plans à deux dimensions des boîtiers des ordinateurs Apple II, Apple 11e et Enhanced Apple IIe de la demanderesse ou d'une partie impor- tante de ces dessins et plans;
c) d'importer, de distribuer, d'assembler, de fabriquer, de faire de la publicité concernant, d'offrir en vente, de montrer et de vendre des ordinateurs portant une marque de commerce sus ceptible d'être confondue avec la marque de commerce, consis- tant en un dessin d'une pomme, enregistrée comme marque de commerce canadienne 264154; ...
D'après le dossier de la Cour, le greffe a expédié une copie de cette ordonnance par courrier recom- mandé le 15 novembre 1985 Robert MacFar- lane, l'avocat de Minitronics, d'Angel Li Lam, de la compagnie O.S. Micro Systems Inc., de Lami Yee Lam et de Jack Liu notamment. Il y a égale- ment au dossier une copie de l'ordonnance accom- pagnée d'un accusé de réception de sa signification à Me MacFarlane en date du 2 décembre 1985. (Bien qu'à l'audience, Me MacFarlane ait protesté que cet accusé de réception a été donné seulement par sa secrétaire, il a été fait au nom de son cabinet qui était désigné comme les procureurs inscrits au dossier, et je crois qu'il doit être consi- déré comme une reconnaissance en bonne et due forme de la signification en l'absence de preuve contraire).
Certains des défendeurs, dont O.S. Micro Sys tems Inc., Lami Yee Lam et Jack Liu, ont inter- jeté appel de cette ordonnance. Ils étaient repré- sentés par Me MacFarlane. Le 29 novembre 1985, la Cour d'appel fédérale [(1985), 8 C.P.R. (3d) 431] a rejeté l'appel. Par la suite, le 21 avril 1986, le protonotaire-chef adjoint Giles a prorogé une injonction interlocutoire dans les mêmes condi tions, jusqu'au procès ou jusqu'à ce que l'affaire soit tranchée autrement, à l'encontre notamment des défendeurs qui sont intimés en l'espèce. L'avo- cat de la demanderesse m'a informé que l'injonc- tion a été prorogée dans ces conditions avec le consentement des avocats des défendeurs concer nés.
Le 26 mars 1987, sur requête ex parte présentée par la demanderesse Apple, le juge Rouleau a rendu, dans une autre action (T-664-87) intentée par elle contre certains des mêmes défendeurs ainsi que d'autres, une ordonnance dite Anton Piller autorisant la demanderesse à perquisitionner à certains locaux des défendeurs pour recueillir des éléments de preuve relativement à cette autre action portant essentiellement sur le même objet. Il était entendu, lors du prononcé de l'ordonnance, que cette perquisition pourrait également permet- tre de prouver qu'il y avait eu violation de l'injonc- tion prononcée antérieurement. Cette ordonnance a été exécutée le 31 mars 1987 dans les locaux de l'intimée Comtex Micro System Inc. à Vancouver. Plusieurs douzaines d'ordinateurs ainsi que d'au- tres objets ont été saisis à ce moment-là. Malheu- reusement, les ordinateurs et autres objets saisis, à l'exception de quelques documents, ont été détruits dans un incendie survenu à l'entrepôt du shérif de Vancouver et n'ont pas pu ainsi servir d'éléments de preuve à l'audience tenue devant moi.
Le 15 juin 1987, le juge en chef adjoint a rendu une ordonnance de justification visée à la Règle 355 et enjoignant aux intimés nommés ci-dessus de comparaître afin d'exposer les raisons pour les- quelles ils ne devraient pas être condamnés pour outrage au tribunal pour violation desdites injonc- tions ou pour
... avoir agi de façon à gêner la bonne administration de la justice, à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour et à rendre inopérante toute injonction ou ordonnance de ladite Cour.
Le 29 juin 1987, le juge Teitelbaum a ordonné que cette audience-de justification ait lieu à Vancouver à compter du 27 octobre 1987. Il a également ordonné
... que tous les documents, y compris la preuve présentée sous forme d'affidavit à l'appui de la demande, soient signifiés et déposés au plus tard le 25 septembre 1987 et que toute réponse soit signifiée et déposée au plus tard le 13 octobre 1987.
Aucun autre affidavit n'a été, de fait, déposé entre cette date et celle de l'audience. Une conférence préparatoire au procès a été tenue devant le juge en chef adjoint à Toronto le 14 septembre 1987, mais elle n'a donné lieu à aucune ordonnance ni à aucun procès-verbal indiquant la marche à suivre à l'audience. Il était, semble-t-il, entendu que des témoignages seraient présentés de vive voix à l'audience.
À l'audience tenue devant moi, les intimés ont invoqué essentiellement les moyens de défense sui- vants: ils n'ont pas été suffisamment informés des injonctions, les termes des injonctions étaient ambigus et les activités auxquelles ils se sont livrés relativement à l'importation, à l'assemblage, à la vente, etc., d'ordinateurs ne violaient pas les condi tions mêmes de l'injonction.
Connaissance et responsabilité des intimés
L'avocat des intimés a soutenu que la présente procédure peut entraîner l'emprisonnement des particuliers intimés. Selon les Règles 1903 et 1905, on doit donc prouver qu'une copie des ordonnances qui auraient été violées a été signifiée auxdits intimés personnellement et que chacune de ces ordonnances aurait porter un avis informant la personne à laquelle elle était signifiée que, si elle n'obtempérait pas à l'ordonnance, «des brefs d'exé- cution [pourraient être décernés] contre elle pour la contraindre à y obtempérer», ainsi qu'il est mentionné au paragraphe (4) de la Règle 1905. Je n'accepte pas cette allégation. La présente procé- dure est fondée sur la Règle 355, qui traite de l'outrage au tribunal en général. Le paragraphe (5) de la Règle 355 dispose que la procédure exposée à la Règle 355 constitue une solution de rechange à l'incarcération prévue à la Règle 2500. Les Règles 1903 et 1905 figurent à la Partie VII des Règles de la Cour fédérale tout comme la Règle 2500, et il me semble que les exigences prévues à la Règle 1905 relativement à l'avis s'ap- pliquent à une procédure d'incarcération visée à la
Règle 2500'. À mon avis, il en est ainsi même lorsque l'outrage présumé consiste en la violation d'une injonction et il en est manifestement ainsi lorsque l'outrage présumé consiste à agir de façon à gêner la bonne administration de la justice, à porter atteinte à l'autorité de la Cour et à rendre inopérante l'injonction ou l'ordonnancez. Des tri- bunaux régis par d'autres règles ont signalé qu'il pouvait y avoir outrage pour violation d'une ordon- nance judiciaire lorsque le contrevenant a été mis au courant de l'ordonnance même si une copie de celle-ci ne lui a pas été signifiée', et je crois que c'est la façon indiquée d'interpréter la Règle 355.
Je suis convaincu hors de tout doute raisonnable que les intimés en l'espèce étaient bien informés de l'existence des ordonnances de la Cour même si une copie de celles-ci ne leur a pas été signifiée. Il est évident que, dans une procédure de justifica tion, la signification de l'ordonnance ne constitue qu'un moyen d'établir que les intimés étaient au courant de l'ordonnance 4 . J'en suis venu à la con clusion que, dans la présente affaire, les intimés auraient avoir entendu parler des ordonnances, tant en raison du comportement de leur avocat en l'espèce que de ce qui ressort de leur propre comportement.
Beloit Canada Ltée/Ltd. et autre c. Valmet Oy (1986), 11 C.P.R. (3d) 470 (C.F. l" inst.), à la p. 476. Notre Cour a statué qu'il n'est pas possible de recourir à la Règle 2500 dans les affaires du genre de la présente, lorsqu'on n'a pas encore conclu qu'il y avait outrage: Selection Testing Consultations International Ltd. c. Humanex International Inc., [1987] 2 C.F. 405; (1987), 9 F.T.R. 72 (1" inst.).
2 Voir Baxter Travenol Làboratories of Canada, Limited c. Cutter (Canada), Ltd., [1986] I C.F. 497; (1984) 1 C.P.R. (3d) 433 (l'a inst.), des personnes ont été reconnues coupables d'outrage au tribunal alors qu'elles avaient simplement été mises au courant de l'existence de motifs en faveur de l'octroi d'une injonction, relativement à des actes commis avant même que l'injonction ne soit octroyée: même s'il était évident qu'il n'y avait pas eu signification d'une ordonnance ni d'un avis mentionné à la Règle 1905 avant l'octroi de l'ordonnance, la Cour a prononcé un verdict de culpabilité.
3 Voir, par exemple, Moose Mountain Lumber and Hard ware Co. v. Paradis (1910), 14 W.L.R. 20 (C.S. Sask. (au complet)), aux p. 22 et 23; Churchman v Joint Shop Stewards' Committee of the Workers of the Port of London, [1972] 3 All ER 603 (C.A.), à la p. 606; Glazer v. Union Contrators Ltd. & Thornton (1960), 129 Can. C.C. 150 (C.A.C.-B.); Canada Metal Co. Ltd. et al. v. Canadian Broadcasting Corp. et al. (No. 2) (1974), 48 D.L.R. (3d) 641 (H.C. Ont.), conf. par (1975), 11 O.R. (2d) 167 (C.A.).
° Miller, Contempt of Court (Londres, 1976), la p. 243.
En ce qui concerne le comportement de l'avocat, il ne peut faire aucun doute que Me MacFarlane était au courant desdites ordonnances. S'étant pré- senté une première fois devant le juge Walsh pour répondre à une requête en injonction interlocutoire provisoire, il a par la suite accusé réception de la signification d'une copie de l'ordonnance qui en a résulté. Il a agi à titre de procureur de la compa- gnie O.S. Micro Systems Inc., de Lami Yee Lam et de Jack Liu notamment, dans un appel formé contre cette ordonnance. Il est admis de part et d'autre que subséquemment, au moment de la prorogation de l'injonction interlocutoire par le protonotaire-chef adjoint Giles, le 21 avril 1986, ladite prorogation s'est faite avec le consentement de l'avocat. Bien qu'il ait été statué que le simple fait pour un avocat de savoir qu'une ordonnance a été rendue contre son client ne suffit pas nécessai- rement à prouver que le client était au courant de l'ordonnance aux fins de l'outrage au tribunal, il est inconcevable dans les circonstances de l'espèce que l'avocat ait interjeté appel d'une ordonnance et ait consenti par la suite à une autre sans avoir jamais reçu d'instructions de ses clients. Recevoir de telles instructions impliquerait manifestement que les clients étaient au courant des ordonnances rendues ou qui devaient être rendues contre eux. Je ne suis pas disposé à croire que Me MacFarlane aurait agi sans avoir reçu d'instructions de ses clients sur ces questions-là. Il n'a été présenté aucune preuve de l'existence d'une situation extraordinaire de ce genre. En effet, si des ordon- nances judiciaires devaient être inexécutables en raison d'un tel manque de communication entre le procureur et son client au cours d'un aussi long laps de temps, il faudrait peut-être, le cas échéant, envisager la responsabilité de l'avocat à l'égard de la bonne administration de la justice et de l'at- teinte portée à l'autorité de la Cours. Je dois alors conclure que ceux qui, parmi les intimés en l'es- pèce, ont été représentés antérieurement par Me MacFarlane, à savoir O.S. Micro Systems Inc., Lami Yee Lam et Jack Liu, étaient au courant non seulement du fait que les ordonnances avaient été rendues mais également des détails de ces ordonnances.
5 Voir par exemple Miller, ibid., à la p. 226; Borrie and Lowe's Law of Contempt (Londres, 1983), la p. 304.
Depuis le moment j'ai commencé à entendre la présente affaire et à rédiger ce qui précède, j'ai pu prendre connaissance des motifs de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Bhatnager c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra- tion) 6 . En infirmant ma décision', la Cour a statué que le fait pour l'avocat d'une partie en matière civile devant la Cour fédérale d'être au courant de l'ordonnance, ou la preuve de sa signification à cet avocat, suffit pour que cette partie ait pris connais- sance de l'ordonnance aux fins d'une poursuite subséquente pour outrage au tribunal. En d'autres mots, les exigences en matière de signification dans une affaire civile suffisent pour faire peser une responsabilité quasi-criminelle pour outrage au tribunal sur une partie à l'action. Cette affaire différait de la présente du fait que rien ne me permettait de déduire des circonstances que les deux ministres fédéraux étaient vraiment au cou- rant de l'existence d'une ordonnance rendue contre eux: il ne s'était écoulé qu'un laps de temps limité entre le prononcé de l'ordonnance et la violation de celle-ci étant donné qu'elle avait été rendue le 15 août 1985 et que, dans les circonstances, il fallait s'y conformer avant le 26 août; et il n'y a pas eu d'appel ni de jugement convenu on pouvait présumer que l'avocat avait communiqué avec son client. Cependant la Cour d'appel a fondé sa pré- somption qu'il y avait eu avis de l'ordonnance sur le fait que le procureur inscrit au dossier pour les ministres était au courant de celle-ci. Bien que dans la présente affaire je sois convaincu que les faits particuliers de l'espèce peuvent laisser présu- mer une telle connaissance, je puis, de toute façon, en m'appuyant sur la décision Bhatnager, conclure que la société O.S. Micro Systems, Lami Yee Lam et Jack Liu étaient au courant, du simple fait que les ordonnances ont été signifiées à leur avocat et qu'ils étaient par ailleurs au courant de l'appel et de la prorogation de l'injonction interlocutoire.
Cette conclusion est, de toute façon, corroborée par la preuve portant sur le comportement desdits intimés et celui des autres intimés en l'espèce avec lesquels ils étaient associés. Il faut d'abord remar- quer qu'il ressort de la preuve que la désobéissance aurait été essentiellement le fait de trois particu- liers intimés, Lami Yee Lam, Jack Liu et Jack Wu, ainsi que des compagnies O.S. Micro Systems
6 [1988] 1 C.F. 171.
7 [1986] 2 C.F. 3 (lie inst.).
Inc. et Comtex Micro System Inc. Je suis con- vaincu que les compagnies en question étaient sous le contrôle de l'un ou plusieurs de ces particuliers intimés. Il est ressorti amplement des dépositions de ceux qui ont traité avec ou travaillé pour O.S. et Comtex Micro System Inc. que ces trois parti- culiers semblaient exploiter ensemble ces entrepri- ses et participaient pleinement à leurs activités. On n'a pas contesté que, durant la période en cause, les deux administrateurs de la société O.S. Micro Systems Inc. étaient Lami Yee Lam et Jack Liu ni que les administrateurs de Comtex Micro System Inc. étaient Lami Yee Lam, Jack Liu et Jack Wu. La preuve était loin d'être claire quant au rôle joué par Comtex Imports Co. Ltd., et aucun des parti- culiers intimés n'a son nom inscrit à titre d'admi- nistrateur de cette compagnie. Une autre chose qui n'était pas claire non plus, c'est le rôle joué, s'il y a lieu, par Our Star International Trading Co. Ltd. bien que Lami Yee Lam fût administrateur de cette compagnie. Ainsi qu'il a été noté précédem- ment, Concord Trading Ltd. n'est pas comme telle concernée en l'espèce.
D'après ce qui précède, je suis convaincu que la connaissance des ordonnances par les trois intimés Lam, Liu et Wu et par ceux qu'ils supervisaient ainsi que leur comportement à tous prouvent essentiellement que les sociétés intimées O.S. et Comtex Micro System Inc. étaient au courant desdites ordonnances. La preuve me convainc qu'ils étaient tous au courant des injonctions et qu'ils étaient même au courant qu'une demande d'injonction était en instance pendant l'automne 1985. Robert Harris, qui a travaillé pour ces mes sieurs, d'abord pour le compte de la société O.S. Micro Systems à partir d'août 1985 et plus tard pour le compte de Comtex jusqu'à l'automne 1986, a témoigné qu'il a entendu Lam, Liu et Wu discu- ter avec un certain M. Strachan à la mi-octobre 1985 du fait que l'avis d'une demande d'injonction leur avait été signifié. À cette époque-là, selon M. Harris, O.S. avait en sa possession quelque part de 10 100 ordinateurs qui seraient des contrefaçons, et un chargement de 200 autres était en route en provenance de Taiwan. Il fut décidé au cours de cette discussion que le stock existant ainsi que le nouveau chargement seraient facturés au nom de Concord avant qu'une décision ne soit rendue au sujet de l'injonction, malgré le fait que la compa- gnie O.S. en garderait la possession. Cela indique
clairement la connaissance de l'imminence d'une injonction. Vers la même époque, Harris a appris de Lam ou de Liu que la requérante essayait d'obtenir une injonction contre eux. Il a appris de l'un des trois employeurs en janvier 1986 qu'une injonction avait été prononcée. Certaines pratiques ont également changé après la signification de l'avis de requête en vue de l'injonction: les employés ont reçu l'ordre de désigner les machines en question par un numéro de modèle différent et de ne les vendre qu'aux vendeurs qu'ils connais- saient et avec lesquels ils avaient déjà traité. La déposition de M. Harris a été corroborée sous certains aspects par d'autres témoins. M. Gumley, un vendeur d'ordinateurs qui en a acheté des inti- més, a été informé par Lami Lam aux environs du mois de mars 1986 qu'il y avait une injonction les empêchant de vendre l'ordinateur du type de celui qui a été produit sous la cote P-6 à l'audience. Pat Costello, un enquêteur privé à l'emploi de la requé- rante, a appris d'un vendeur chez O.S. Micro Systems en décembre 1985 qu'une injonction interdisait à cette compagnie de vendre des ordina- teurs de type Apple. Ces faits ne sont logiques que si les intimés étaient au courant de l'injonction initiale. Ils devaient supposer que cette injonction était en vigueur jusqu'à ce qu'on y mette fin ou jusqu'au procès, événements qui ne se sont jamais produits.
Désobéissances
Je suis convaincu hors de tout doute raisonnable que les particuliers intimés, Lami Yee Lam, Jack Liu et Jack Wu, ainsi que les deux compagnies qu'ils contrôlent, O.S. Micro Systems Inc. et Comtex Micro System Inc., sont coupables d'ou- trage au tribunal. Je crois qu'ils ont tous agi de façon à gêner la bonne administration de la justice, à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour et à rendre inopérante une injonction ou une ordonnance de cette Cour. Cela suffit à les rendre responsables d'outrage bien que j'aie également conclu que les intimés contre qui les injonctions ont été prononcées, à savoir O.S. Micro Systems Inc., Lami Yee Lam et Jack Liu, sont également coupables d'outrage pour avoir désobéi à une injonction prononcée contre eux.
Sans entrer dans le détail, il ressort de la preuve que, avant la première injonction, O.S. Micro Sys tems Inc. et les particuliers intimés vendaient des
ordinateurs importés de Taiwan qui portaient les numéros de modèle 0S23 et 0S23D, ce dernier étant muni d'un clavier détaché. C'est relativement à ces ordinateurs que l'injonction a été demandée et obtenue. Par la suite, les intimés ont continué de vendre les mêmes ordinateurs, mais sous des noms tels que le 128k et le 128k data. Un autre modèle de ce dernier appareil s'appelait le 128k data détachable. La machine produite sous la cote P-49, qui avait été achetée de la compagnie O.S. Micro Systems avant l'injonction, achat dont la preuve avait été présentée devant le juge Walsh lorsqu'il a prononcé cette injonction, et les machines produi- tes sous les cotes P-6 et P-52 et achetées de Comtex, une compagnie dont Lam, Liu et Wu se sont servis par la suite pour continuer de vendre lesdits ordinateurs, sont toutes du genre 0S23 ou 128k et comprennent un clavier encastré. Les machines produites sous les cotes P-2 et P-3 ont été identifiées comme étant du genre de celles que les compagnies O.S. Micro Systems et Comtex vendaient comme étant le 0S23D ou son rempla- çant, le 128k data détachable (P-2) muni d'un clavier détaché (P-3). Contrairement aux autres ordinateurs produits comme pièces justificatives, il n'a pas été clairement prouvé que les machines produites sous les cotes P-2 et P-3 avaient été vendues par O.S. Micro Systems ou Comtex bien qu'elles aient été désignées à plusieurs reprises comme étant identiques aux ordinateurs vendus par ces compagnies. Que plusieurs centaines de ces différents ordinateurs ont été importés par O.S. et Comtex (certains au nom de Concord) après l'oc- troi de la première injonction et distribués par elles à des vendeurs de façon ininterrompue jusqu'en 1987, cela a été amplement prouvé par les factures émises par l'usine aux importateurs et par O.S. et Comtex aux vendeurs pour lesquels elles agissent à titre de distributrices. Cette preuve a également été corroborée par différents inventaires de stock de Comtex aux périodes concernées. Quant à ces ventes, la preuve en a été fournie en général par Robert Harris, l'ancien employé des compagnies O.S. et Comtex et a été confirmée par un certain Reggie Ho qui s'est joint à Comtex en juin 1986 et est encore à son emploi. Différents vendeurs aux- quels O.S. et Comtex ont fourni des machines ont également confirmé certaines ventes d'un nombre important desdits ordinateurs. Le passage de l'ex- ploitation de l'entreprise sous le nom d'O.S. à son exploitation sous celui de Comtex n'a, à mon avis,
rien changé à la situation. Bien que l'injonction ait été prononcée contre O.S. et non contre Comtex, et contre Lam et Liu mais non contre Wu, les administrateurs de Comtex Micro Systems Inc. sont Lam, Liu et Wu, ainsi qu'il a déjà été noté. En raison de leur association étroite et continue dans l'exploitation de ce qui était essentiellement la même entreprise mais sous une nouvelle raison sociale, les deux compagnies et les trois intimés doivent être considérés comme ayant été au cou- rant de l'injonction ainsi que de sa violation et comme ayant participé à la violation de cette injonction.
Même si la vente de ces ordinateurs compatibles avec l'ordinateur Apple, qui avait commencé avant l'octroi de l'injonction, a continué par la suite, il reste des questions importantes quant à savoir si les ordinateurs en cause étaient vraiment visés par l'injonction initiale prononcée par le juge Walsh et prorogée par le protonotaire-chef adjoint Giles. Les intimés soutiennent que les ordinateurs qu'ils ont importés et vendus n'étaient pas visés par l'injonction pour les raisons suivantes: ils ne conte- naient pas le programme interdit décrit dans les injonctions; il n'a pas été prouvé que les boîtiers des ordinateurs vendus étaient des copies des «des- sins ... à deux dimensions . .. de la requérante» mentionnés dans les injonctions; et il n'y a pas eu contrefaçon de la marque de commerce «consistant en un dessin d'une pomme» de la demanderesse parce que les symboles utilisés par les intimés sur leurs machines étaient différents de ce logo et, de toute façon, n'étaient pas utilisés en tant que mar- ques de commerce. Il faut examiner ces allégations chacune à leur tour.
(1) Violation des droits d'auteur sur le pro- gramme—Si je comprends bien, le programme de la requérante qui aurait été contrefait est un pro gramme amélioré du système d'exploitation Apple IIe désigné sous le nom d'Apple Enhanced Pro gram, qui fait l'objet d'un droit d'auteur enregistré au Canada sous le numéro 344382. Ce programme est emmagasiné dans des puces à mémoire morte (ROM) fixées à la carte de circuits de l'ordinateur dans lequel elles sont utilisées. Bien que ces pro grammes soient incorporés dans des puces à mémoire morte au moment de leur fabrication, on peut obtenir des équivalents de ces puces en les copiant au moyen d'un processus de gravage du
même programme dans une puce reprogrammable. Les intimés prétendent que, bien qu'ils aient vendu des ordinateurs qui étaient compatibles avec l'ordi- nateur Apple et qu'on pourrait faire fonctionner en y insérant des puces de ce genre, ils n'ont pas vendu d'ordinateurs contenant de telles puces. Ils ajoutent que l'injonction décrivait de façon erronée le droit d'auteur enregistré dont la requérante se plaint de la violation.
Je suis convaincu hors de tout doute raisonnable que, en ce qui concerne un grand nombre au moins des ordinateurs compatibles avec l'ordinateur Apple mentionnés ci-dessus, les intimés les ont vendus avec des puces contrefaites. Il existe des éléments de preuve en ce qui concerne au moins deux ordinateurs achetés de Comtex pendant que l'injonction était en vigueur, à savoir les machines produites sous les cotes P-6 et P-52. Ces deux machines ont été mises à l'essai par Robert Martin, le témoin expert assigné par la requérante, et il a conclu que ces ordinateurs contenaient des puces contrefaites. Il est ressorti de la preuve que les ordinateurs avaient été achetés de Comtex dans cet état. Le témoin Harris, un ancien employé des intimés, a déclaré que les ordinateurs du genre de ceux produits sous les cotes P-6 et P-52 et du genre de celui produit sous la cote P-2 ont continué à être vendus après les injonctions et qu'ils conte- naient alors des puces à mémoire morte ou des puces équivalentes. Il a dit n'en avoir jamais vu un qui ait été vendu sans puce de ce genre. Il a ajouté que Comtex a acheté des puces à mémoire morte reprogrammable vierges en grande quantité et que la plupart de celles-ci ont été vendues après qu'on y eut emmagasiné un programme Apple. Il a ajouté également que les ordinateurs étaient mis à l'essai avant leur livraison et que, pour ce faire, il était nécessaire qu'une puce soit en place. Bien que, de l'aveu général, Harris soit un ancien employé mécontent qui a perdu son emploi chez Comtex, sa déposition a été corroborée en général par d'autres personnes. Trois vendeurs, M. Tee, M. Gumley et M. Brett, ont tous témoigné que la société O.S. ou Comtex, selon le cas, leur avait fourni des ordinateurs de ce genre pendant que les injonctions étaient en vigueur et que lesdits ordina- teurs contenaient des puces à mémoire morte ou des puces à mémoire morte reprogrammable. Tous les ordinateurs reçus par M. Tee et M. Gumley
étaient compatibles avec l'ordinateur Apple et étaient pourvus de puces, tandis que la plupart des ordinateurs reçus par M. Brett étaient pourvus de puces à mémoire morte ou de puces à mémoire morte reprogrammable. Que des puces de ce genre ont été fournies par Comtex, cela est corroboré de plus par le fait que, le jour la perquisition et la saisie ont eu lieu à ses locaux conformément à l'ordonnance dite Anton Piller, à savoir le 31 mars 1987, l'expert de la requérante, M. Martin, a vérifié les puces et les cartes de circuits qui se trouvaient sur les lieux. Il n'en a trouvé aucune parmi celles qui étaient utilisables dans lesdites machines qui ne contenait pas le programme Apple.
Même si O.S. ou Comtex ont vendu certains de ces ordinateurs sans qu'ils soient pourvus d'une puce à mémoire morte ou d'une puce à mémoire morte reprogrammable contenant le programme Apple en question, la preuve fournie laisse croire qu'on a fait cela en prévoyant que le vendeur ou l'utilisateur incorporerait une puce contrefaite. Dans ces circonstances, les intimés seraient égale- ment coupables d'avoir agi de façon à porter atteinte à l'autorité de la Cour et à rendre inopé- rante son ordonnance 8 .
Bien que cette preuve soit en partie circonstan- cielle, elle ne permet que de conclure à la culpabi- lité des intimés. Je n'ai pas été impressionné par le témoin principal assigné en leur faveur pour la réfuter. Ce témoin était Reggie Ho, qui est à l'emploi des intimés depuis juin 1986. En premier lieu, il est évident que celui-ci ne pouvait pas témoigner sur ce qui s'était produit avant qu'il commence à travailler là, c'est-à-dire environ sept mois après le prononcé de l'injonction. Il a affirmé qu'aucun des ordinateurs vendus compatibles avec l'ordinateur Apple n'était muni d'une puce à mémoire morte ou d'une puce à mémoire morte reprogrammable contenant le programme qui fait l'objet du droit d'auteur en question. Cependant il n'a pas pu prouver qu'il y avait, à sa connaissance personnelle, d'autres puces qui ne sont pas des contrefaçons et qui rendraient opérationnels des ordinateurs de ce genre. Quand on lui a demandé pourquoi des vendeurs acquerraient tous ces ordi-
8 Apple Computer, Inc. c. Mackintosh Computers Ltd.,
[1987] 3 C.F. 452, aux p. 470 474; 14 C.P.R. (3d) 1 (P' inst.), aux p. 14à 17, et les affaires y mentionnées.
nateurs qui ne fonctionneraient pas sans être munis de puces contrefaites, il a seulement pu proposer que ces ordinateurs étaient achetés en vue de fournir des pièces pour d'autres ordinateurs. Cela me semble invraisemblable au point de mettre sérieusement en doute tout le témoignage de M. Ho. L'explication qu'il a offerte au sujet de la présence, sur les lieux le jour de la perquisition, d'un aussi grand nombre de puces contrefaites était qu'elles se trouvaient peut-être avant même que les injonctions soient prononcées, qu'elles pou- vaient avoir été retournées par les vendeurs ou qu'elles avaient pu se trouver dans des ordinateurs apportés dans le but d'être réparés. Je trouve son témoignage grandement improbable pour expliquer toutes ces ventes ou la présence sur les lieux d'un aussi grand nombre de puces contrefai- tes.
En ce qui concerne la description présumée erro- née du droit d'auteur qui aurait été violé, les intimés signalent que, alors que les injonctions interdisaient de copier le programme dit «Enhan- ced Apple IIe Program», elles décrivaient ce pro gramme comme étant celui sur lequel «la deman- deresse détient des droits d'auteur qui sont enregistrés comme droits d'auteur canadiens ... 444382». Il est admis que le droit d'auteur en question est enregistré sur le numéro 344382. En d'autres mots, on a remplacé par erreur le «3» par un «4» au début du numéro d'enregistrement con cerné de sorte que, à sa face même, l'injonction semble viser à protéger un droit d'auteur qui n'a rien à voir avec la question en litige. Bien que le numéro ait été indiqué correctement au paragra- phe 33 de la déclaration, il a été mentionné de façon erronée au moins deux fois dans la demande de redressement. Cette erreur a malheureusement été répétée dans le texte officiel de l'ordonnance qui devait être signée par le juge Walsh, et l'in- jonction a été prorogée sous le même libellé par le protonotaire-chef adjoint Giles. Cette erreur demeure inexpliquée et me semble inexplicable. Il reste à savoir si elle devrait être fatale en ce qui concerne l'allégation de violation du droit d'auteur soutenue par la requérante. J'admets en toute déférence que l'approche qui convient à cet égard a été indiquée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Baxter Travenol Laboratories of
Canada Ltd. et autres c. Cutter (Canada), Ltd. 9 où, relativement à une description erronée de la demanderesse dans les motifs du jugement, elle a dit qu'il s'agissait d'une «simple erreur de rédac- tion, qui ne pouvait induire Cutter en erreur» (Cutter étant la défenderesse). Je suis convaincu que les intimés n'ont pas été induits en erreur par cette faute de typographie commise dans l'injonc- tion et qu'ils savaient très bien quel programme de la requérante il leur était interdit de contrefaire. Au mieux, les intimés auraient pu théoriquement trouver une ambiguïté dans le fait que l'injonction mentionnait le programme dit «Enhanced Apple IIe Program» comme faisant l'objet du droit d'au- teur enregistré sous le numéro 444382. Il est peu plausible que leur confusion ait pu durer très longtemps, étant donné qu'ils avaient déjà contesté sans succès une requête dans laquelle ils n'auraient pas pu avoir de doute quant au droit d'auteur qui était en litige. De plus, il leur était possible d'obte- nir un éclaircissement dans les motifs exposés par le juge Walsh dans lesquels, à la page 14, il se reporte au programme amélioré d'Apple comme faisant l'objet du droit d'auteur enregistré sous le numéro 344382. Je suis convaincu que les intimés n'ont pas pu avoir de doute raisonnable quant au programme dont la contrefaçon était interdite par l'ordonnance du juge Walsh. Ils ne peuvent pas être dispensés de se conformer à une ordonnance à cause d'un détail de ce genre, quelque déplorable que puisse être l'erreur.
Je conclus donc que les intimés ont effective- ment violé le droit d'auteur enregistré sous le numéro 344382 et peuvent être dûment déclarés coupables d'outrage au tribunal à cet égard.
(2) Violation du droit d'auteur sur le dessin du boîtier—Les intimés soutiennent à ce sujet que, bien que les injonctions leur interdisent d'importer, de vendre, etc., des ordinateurs
qui paraissent être ou qui sont en réalité des copies à trois dimensions des dessins et des plans à deux dimensions des boîtiers des ordinateurs Apple II, Apple IIe et Enhanced Apple 1le de la demanderesse ou d'une partie importante de ces dessins et plans ...
aucune preuve desdits dessins et plans à deux dimensions n'a été présentée à l'audience de justification.
9 [1983] 2 R.C.S. 388, la p. 390; 75 C.P.R. (2d) 1, à la p. 3.
Il est vrai qu'aucun dessin ou plan n'a été pré- senté en preuve devant moi. Cependant, il ne m'appartient pas de statuer une autre fois sur les questions tranchées par le juge Walsh quand il a prononcé l'injonction initiale. Encore une fois, il ne peut pas y avoir de doute raisonnable chez les parties quant à ce que voulait dire le libellé de l'injonction, si l'on tient compte notamment de la preuve présentée devant le juge Walsh et des motifs qu'il a fournis pour son ordonnance. Il a été admis qu'il avait devant lui des photographies de l'ordinateur qui est devenu la pièce justificative P-49 à l'audience portant sur l'outrage au tribunal ainsi que les dépositions des experts qui l'ont con- vaincu qu'il existait une preuve prima facie que les défendeurs avaient contrefait le dessin du boîtier de la requérante en important et en vendant des ordinateurs du genre de celui qui est produit sous la cote P-49. C'est dans ces conditions que l'injonc- tion a été prononcée, et les défendeurs dans cette procédure n'ont pas pu se faire d'illusions quant au dessin qui était interdit. On doit considérer que les défendeurs et leurs associés qui sont au nombre des intimés en l'espèce ont partagé ces renseignements. À l'audience tenue devant moi pour outrage au tribunal, deux autres ordinateurs, désignés sous les cotes P-6 et P-52, ont été déposés en preuve et il a été établi qu'ils avaient été achetés de Comtex pendant que les injonctions étaient en vigueur. J'ai comparé ces deux ordinateurs avec celui qui est désigné sous la cote P-49, la preuve fournie à son sujet ayant servi de fondement à l'ordonnance du juge Walsh. Un examen visuel minutieux de ces ordinateurs me convainc qu'ils «paraissent être» des copies du même dessin que dans la pièce justificative P-49, bien que les claviers soient quel- que peu différents pour des raisons fonctionnelles. A cet égard-ci, l'injonction interdit également la copie d'une «partie importante» des dessins ou plans de la requérante. Je suis donc convaincu que l'injonction est suffisamment claire et que les inti- més ont commis un outrage au tribunal à cet égard en vendant des ordinateurs placés dans un boîtier de ce genre.
Je ferai simplement remarquer que le juge Walsh, en concluant à l'existence d'une preuve prima facie de la violation d'un droit d'auteur, s'est alors fondé sur la jurisprudence existant à l'époque, selon laquelle lesdits dessins pouvaient faire l'objet d'un droit d'auteur et n'étaient pas
visés par la Loi sur le dessin industriel, S.R.C. 1970, chap. I-8. Dans la mesure la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Bayliner Marine Corp. c. Dorai Boats Ltd. 1 ° pour- rait maintenant laisser supposer une conclusion différente, celle-ci n'est pas pertinente car les inti- més étaient tenus d'obéir à l'injonction telle qu'elle avait été prononcée.
(3) Contrefaçon d'une marque de commerce— Le clavier de chacun des ordinateurs présentés devant moi en tant que pièces justificatives com- prend deux touches portant des symboles qui sem- blent consister en un cercle complété d'une ligne courbée qui part du point central supérieur de la circonférence et qui, lorsqu'on y associe le cercle, donne à coup sûr l'impression d'être la queue d'un fruit rond. L'un de ces symboles possède un cercle «ouvert», c'est-à-dire que la circonférence est tracée en noir; l'autre est «fermé» ou solide, le cercle étant complètement noir. L'avocat des inti- més a admis que tous les ordinateurs ressemblant à la pièce P-6 vendus par les intimés portaient des symboles de ce genre. M. Martin, l'expert de la requérante, qui était présent au moment de la perquisition dans les locaux de Comtex, a déclaré que les deux ordinateurs qu'il a examinés à cet endroit portaient lesdits symboles et que les repré- sentants des intimés ont dit que tous les autres ordinateurs qui se trouvaient dans des boîtes à cet endroit étaient identiques.
Selon la preuve, le clavier de l'Apple IIe porte, sur les touches correspondantes, le logo Apple sous la forme d'une pomme pourvue d'une queue et à laquelle il manque une bouchée sur le côté. Sur ce clavier, une touche porte le symbole simplement tracé tandis que, sur l'autre touche, le symbole est colorié au complet et de la même couleur que celui qui est tracé.
L'injonction citée ci-dessus interdisait aux inti- més de vendre, etc., des ordinateurs
portant une marque de commerce susceptible d'être confondue avec la marque de commerce, consistant en un dessin d'une pomme, enregistrée comme marque de commerce canadienne 264154...
Les intimés soutiennent que le symbole apparais- sant sur leurs ordinateurs ne crée pas de confusion
10 [1986] 3 C.F. 421; 10 C.P.R. (3d) 289.
avec le logo d'Apple et que, de plus, il n'est pas apposé sur leurs ordinateurs en tant que marque de commerce.
Quant à savoir si le symbole des intimés crée de la confusion, j'ai appliqué le critère admis de la «première impression»" et j'ai conclu qu'il crée de la confusion. Bien que les intimés allèguent que leur symbole, qui est circulaire, ne serait pas con- fondu avec la forme naturelle d'une pomme à laquelle il manque une bouchée sur le côté, forme qui est utilisée dans le logo de la requérante, je crois que le citoyen moyen, en voyant l'ordinateur des intimés séparément de celui de la requérante, pourrait facilement être induit en erreur en pen- sant que les intimés utilisent le logo d'Apple. Cela pourrait par la suite l'amener à croire que ledit ordinateur a également été fabriqué par Apple. A la page 6 de ses motifs en vue de l'injonction, le juge Walsh a conclu que l'emploi d'un «symbole circulaire avec ou sans queue» sur lesdites touches du clavier «constitue fort probablement une contre- façon» de la marque de commerce de la requé- rante, et l'injonction a été prononcée pour donner suite à cette décision. J'ai également conclu que le symbole des intimés crée de la confusion.
Ainsi que je l'ai noté ci-dessus, les intimés font également valoir que, même si leur symbole crée de la confusion avec la marque de commerce de la requérante, il n'est pas utilisé comme marque de commerce au sens des articles 2 et 4 de la Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap. T-10, et qu'il ne peut donc pas y avoir confusion de la manière décrite à l'article 6 de cette Loi. A l'appui de cette allégation, l'avocat a invoqué deux arrêts 12 dans lesquels des marques, lorsque utili sées sur du matériel ou des emballages de quel- qu'un d'autre que le titulaire de la marque, ont été considérées comme n'étant pas utilisées en tant que marques de commerce. A mon avis, ces arrêts ne sont pas pertinents car ils traitaient manifeste- ment de situations dans lesquelles la marque de
" Voir, par exemple, Oshawa Group Ltd. c. Creative Resources Co. Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 29 (C.A.F.), aux p. 36 et 37; Leaf Confections Ltd. c. Maple Leaf Garden Ltd. (1986), 12 C.P.R. (3d) 511 (C.F. 1" inst.), à la p. 521.
12 Clairol International Corp. et al v. Thomas Supply & Equipment Co. Ltd. et al, [1968] 2 R.C.É. 552; 38 Fox Pat. C. 176; Bombardier Ltd. c. British Petroleum Co. Ltd., [1973] C.F. 480; 10 C.P.R. (2d) 21 (C.A.).
commerce d'un autre était reproduite sur un emballage en vue de démontrer comment le pro- duit de celui qui assumait l'emballage pouvait être utilisé en liaison avec le produit du titulaire de cette marque de commerce. Dans chacun de ces arrêts, il était évident d'après le contexte que la marque de commerce de l'autre n'était pas apposée sur un emballage pour indiquer la source de cet emballage. Ces circonstances n'existent pas en l'es- pèce. Le symbole des intimés, qui, selon moi, crée de la confusion avec le logo de la requérante, est utilisé sur deux touches du clavier de leurs ordina- teurs exactement de la même façon que la société Apple utilise son logo sur ses claviers, et la conclu sion que quelqu'un du grand public tirerait natu- rellement est que les ordinateurs des intimés pro- viennent d'une manière ou d'une autre de la même source que ceux d'Apple.
Je conclus donc que les intimés ont contrevenu, ou ont contribué à contrevenir, à cette partie de l'injonction.
Certaines questions relatives à la procédure et à la preuve
Au cas la présente affaire devrait aller plus loin, il peut être utile de relever certains des pro- blèmes dans ce domaine qui apparaîtront davan- tage dans la transcription de l'audience.
L'avocat des intimés a soulevé certaines objec tions à ce que je regarde le dossier du greffe en ce qui a trait à des questions telles que la signification ou l'admission de la signification de l'injonction. Comme cette question a été abordée par voie de requête, le paragraphe (2) de la Règle 319 s'appli- quait et il prévoit:
Règle 319... .
(2) Une requête doit être appuyée par un affidavit certifiant tous les faits sur lesquels se fonde la requête sauf ceux qui ressortent du dossier ... (C'est moi qui souligne.)
Aucune définition du mot «dossier» ne figure dans les règles dans ce contexte, et je n'ai pas pu en trouver une non plus dans la jurisprudence. Je suis convaincu que le mot «dossier» relativement à une requête en justification comprend les éléments du dossier qui se rapportent aux questions dont la Cour est saisie; et on peut présumer que les docu ments apparaissant dans le dossier du greffe sont ce qu'ils sont censés être à moins d'une preuve contraire. Cela ne veut pas dire que leur contenu
doive être automatiquement considéré comme prouvé, naturellement, mais lorsque le contenu est censé être une reconnaissance de signification par le procureur inscrit au dossier, cela peut être consi- déré comme un élément de preuve de ce fait en l'absence d'une preuve contraire.
On a procédé en l'espèce comme s'il s'agissait d'une requête, car il n'y avait pas eu d'ordonnance prescrivant que la présente affaire fût entendue comme un procès. Par consentement des parties, on a permis que la preuve se fasse de vive voix, comme le permet le paragraphe (4) de la Règle 319. Un problème s'est posé relativement à la présentation du témoignage d'un expert, à savoir Robert Martin, assigné au nom de la requérante. Comme il ne s'agissait pas d'un procès, la Règle 482 en ce qui a trait à l'obligation qu'un exposé de la preuve qu'un expert entend établir soit déposé et signifié au moins dix jours avant sa présentation, ne s'appliquait pas. L'avocat des intimés s'est objecté à l'absence de cet exposé. Afin de permet- tre que les intimés soient traités de façon équitable en conformité avec les exigences de la Règle 482, j'ai statué que, dans la mesure la déposition de l'expert relativement aux essais auxquels il a soumis des composants d'ordinateur avait déjà été divulguée dans les affidavits déposés antérieure- ment par la requérante dans des procédures anté- rieures reliées aux injonctions et à l'ordonnance dite Anton Piller, une preuve de ce genre pouvait être présentée par M. Martin. J'ai jugé que, dans la mesure lesdits renseignements n'avaient pas été divulgués antérieurement, ils ne pouvaient pas être présentés en preuve. M. Martin était, de ce fait, limité dans son interrogatoire principal. Cependant, l'avocat des intimés a contre-interrogé M. Martin sur des points au sujet desquels j'avais conclu qu'il ne pouvait pas faire l'objet d'un inter- rogatoire principal. Cela s'étant produit, j'ai permis à l'avocat de la requérante de procéder à un nouvel examen relativement aux points soulevés par l'avocat des intimés au cours du contre-interro- gatoire. Tout cela laisse supposer que, dans les affaires de ce genre, on devrait tenir compte à l'avance de la possibilité qu'une ordonnance fondée sur la Règle 327 prévoie la tenue d'une instance relativement à ces questions ainsi que des directi-
ves en ce qui concerne la procédure préparatoire au procès et le déroulement du procès 13 .
Une question importante a été soulevée quant à l'admissibilité de certains documents obtenus indi- rectement à la suite de l'ordonnance dite Anton Piller. Cette ordonnance exigeait notamment que les intimés Lam, Liu et Wu dans l'action portant le de greffe T-664-87 informent les procureurs de la requérante, sur demande, de l'endroit se trouvaient des éléments de preuve documentaire se rapportant à leurs activités commerciales et à celles de leurs compagnies. D'après la preuve, à l'occasion de la perquisition, l'un des procureurs de la requérante a demandé certaines factures qui semblaient avoir disparu des dossiers se trouvant dans les locaux perquisitionnés, et M. Wu lui a répondu que les préposés des douanes avaient saisi un certain nombre de documents de ce genre. C'était le 31 mars 1987. Il semble que l'avocat de la requérante a alors essayé d'avoir accès à ces documents. Revenu Canada a refusé d'accorder cette permission sans le consentement de l'avocat des intimés en l'espèce. Celui-ci a refusé de donner son consentement. A la fin, l'avocat de la requé- rante a demandé à la Cour de comté de la Colom- bie-Britannique, conformément aux dispositions du Code criminel [S.R.C. 1970, chap. C-34], d'avoir accès à ces documents, et cette demande a été accueillie le 23 octobre 1987. Ces documents ont alors été produits en Cour par l'inspecteur Gal- braith, enquêteur principal à l'emploi de Revenu Canada. L'avocat des intimés a soutenu qu'une preuve de ce genre ne devrait pas être admise parce que ce serait contraire aux articles 8, 11c), 13 et 24 de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)]. On a également invoqué l'alinéa 2d) de la Déclaration canadienne des droits [S.R.C. 1970, Appendice III]. Il a de plus été allégué que la production ou la communication de documents ne devrait pas être ordonnée en matière pénale. On a fait valoir que la preuve documentaire en question était le «fruit de l'arbre défendu»: elle avait été obtenue sur le fondement de renseignements recueillis en contravention de la Charte des droits et ne devrait donc pas être admise.
13 Voir également les motifs du juge Rouleau dans la décision Selection Testing, précitée à la note 1.
En résumé, j'ai rejeté ces prétentions et statué que les documents étaient admissibles. En premier lieu, j'ai établi une distinction entre la présente situation et les affaires dans lesquelles les tribu- naux ont hésité à prononcer des ordonnances por- tant communication ou production de documents en matière pénale 14 . Dans la présente affaire, nous nous trouvions devant le fait qu'une ordonnance avait déjà été accordée: les intimés n'avaient pas pris de mesures, dans les six mois et demi qui ont suivi son exécution, afin de faire annuler cette ordonnance et ils n'avaient pas non plus interjeté appel contre elle. Les documents obtenus directe- ment ou indirectement grâce à elle étaient mainte- nant devant la Cour. J'ai conclu qu'il ne s'agissait pas d'une «fouille, [d'une] perquisition ou [d'une] saisie» au sens de l'article 8 de la Charte 15 , et que, de toute façon, on avait procédé conformément à l'ordonnance du tribunal et d'une façon raisonna- ble. De plus, j'ai statué que, conformément à la jurisprudence, l'alinéa 11c) et l'article 13 de la Charte s'appliquaient seulement pour protéger les témoins de l'obligation de déposer 16 . Il n'y avait rien de la sorte en l'espèce. M. Wu, lorsqu'il a répondu à la question de l'avocat de la requérante, n'était pas un «témoin»: il n'était pas sous serment et la preuve n'indique même pas qu'il se croyait tenu de répondre. J'ai conclu que l'alinéa 2d) de la Déclaration canadienne des droits ne prévoyait pas à cet égard une protection plus grande que la Charte'. J'ai de plus fait remarquer que, même s'il y avait eu violation de la Charte, je ne croyais pas qu'il s'agisse d'un cas approprié pour l'applica- tion du paragraphe 24(2) de la Charte afin de refuser l'admission de la preuve. Il ne s'agit sûre- ment pas d'un cas l'admission de ladite preuve serait «susceptible de déconsidérer l'administration de la justice»: la preuve a été obtenue en vertu
14 À titre d'exemples, Rank Film Distributors Ltd v Video Information Centre, [1981] 2 All ER 76 (H.L.); Amway of Canada Ltd. c. Canada, [1987] 2 C.F. 524, aux p. 531 et 532; (1986), 34 D.L.R. (4th) 201 (C.A.), à la p. 206, autorisation de pourvoi rejetée par la C.S.C. le 3 décembre 1987 [[1987] 2 R.C.S. v].
15 Ziegler c. Hunter, [1984] 2 C.F. 608; (1983), 81 C.P.R. (2d) 1 (C.A.); Thomson Newspapers Ltd. et al. v. Director of Investigation & Research et al. (1986), 34 D.L.R. (4th) 413 (C.A. Ont.).
16 Regina v. Altseimer (1982), 38 O.R. (2d) 783 (C.A.).
17 Voir Ziegler, précité à la note 15, aux p. 636 et 637 C.F.; 23 C.P.R.
d'une ordonnance de la cour; il y avait une disposi tion dans cette ordonnance permettant aux intimés de prendre des mesures en tout temps pour la faire annuler, ce qu'ils n'ont pas fait; il n'a pas été prouvé que M. Wu avait été victime de contrain- tes, même psychologiques, en vue d'obtenir de lui les renseignements en ce qui concerne l'endroit se trouvaient les documents en question; et ces documents ont par la suite été obtenus conformé- ment à une autre ordonnance d'une cour de comté et déposés devant moi par un fonctionnaire, plu- sieurs mois après que les intimés eurent su que la requérante était au courant de l'endroit se trouvaient ces documents et prenait des mesures pour les obtenir par des voies légales. On peut difficilement considérer que cette suite d'événe- ments déconsidère l'administration de la justice. J'ai plutôt conclu qu'il n'y avait pas de raison, selon la Charte ou la Déclaration des droits, de refuser l'admission des documents et que la règle fondamentale en common law à cet égard deman- dait que, une fois qu'une partie a une preuve, peu importe comment elle a été obtenue, elle ait le droit de l'utiliser si celle-ci est pertinente.
Je voudrais également faire certaines observa tions sur la crédibilité des témoins. La crédibilité de M. Harris, en tant qu'ancien employé mécon- tent des intimés, a été mise en doute par l'avocat de ces derniers. Bien qu'il soit évident que M. Harris pût avoir certaines raisons de fournir des éléments de preuve préjudiciables aux intimés, je suis convaincu que sa déposition était vraie. Il s'est souvenu très clairement de certains détails, et son témoignage n'a pas été sérieusement ébranlé au moment du contre-interrogatoire. En ce qui con- cerne certains des vendeurs qui ont témoigné au nom de la requérante, l'avocat des intimés a tenté de démontrer qu'ils avaient un certain intérêt financier à favoriser maintenant Apple, la requé- rante. J'ai trouvé que ces témoins disaient la vérité et je ne suis pas persuadé du tout qu'ils aient modifié leurs dépositions afin de s'attirer les bonnes grâces d'Apple. Le principal témoin des intimés, M. Ho, ne pouvait pas naturellement témoigner au sujet d'événements survenus avant son arrivée en juin 1986, quelque sept mois après que la première injonction eut été prononcée. De plus, l'ensemble de sa déposition a été sérieuse- ment affaibli, à mon avis, par l'explication qu'il a donnée selon laquelle les ventes d'ordinateurs com-
patibles avec l'ordinateur Apple non munis, comme il a dit, de puces à mémoire morte visaient à fournir des pièces de rechange aux vendeurs. Que des centaines d'ordinateurs doivent être vendus à cette fin défie toute crédibilité.
J'ai également accordé une certaine importance au fait qu'aucun des particuliers intimés n'a témoi- gné. Je crois qu'il existait contre eux une preuve importante à réfuter et qu'ils ne l'ont pas fait. Bien que ce soit en matière quasi criminelle, j'ai le droit de prendre en considération le fait qu'ils n'ont pas témoigné 18 et je l'ai fait.
Je pourrais ajouter que je n'ai tenu aucun compte des dépositions de Nelson Hsu et de Gerald E. Yih, car je n'ai pu trouver aucune valeur probante dans leurs témoignages relativement aux questions que je devais trancher.
CONCLUSION
J'ai donc conclu que la compagnie O.S. Micro Systems Inc., Lami Yee Lam et Jack Liu sont coupables d'outrage au tribunal pour avoir contre- venu aux deux injonctions et qu'ils sont tous, ainsi que Comtex Micro System Inc. et Jack Wu, cou- pables d'outrage pour avoir agi de façon à gêner la bonne administration de la justice, à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour et à rendre inopérantes les ordonnances de ladite Cour en participant sciemment à des activités interdites par lesdites injonctions.
Par consentement, les questions des peines et des dépens seront abordées par les avocats avant qu'un jugement ne soit rendu en bonne et due forme. Je remets le prononcé d'une ordonnance relative aux peines et aux dépens en ce qui concerne Minitro- nics of Canada Limited et Angel Li Lam jusqu'à ce que l'audience ait eu lieu.
18 Voir par exemple Rex v. Steinberg, [1931] O.R. 222 (Div. d'App.), confirmé par [1931] R.C.S. 421 sans référence au présent point; R. v. MacLeod, [1968] 2 C.C.C. 365 (C.S.Î.-P.-E.); Pratte v. Maher and The Queen, [1965] 1 C.C.C. 77 (B.R. Qué.); Re Tilco Plastics Ltd. v. Skurjat et al., [1967] 1 C.C.C. 131 (H.C. Ont.), aux p. 158 et 159; Corbett c. La Reine, [1975] 2 R.C.S. 275; (1973), 42 D.L.R. (3d) 142.
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