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T-2350-86
Dara M. Wilder et Organic Research Inc. et Vardax Consultants Inc. (demandeurs)
c.
La Reine du chef du Canada, ministre du Revenu national, Impôt, Henry Rogers, John W. Robert- son, Bob Roy, Rodney Jamieson, William Lucas, Philip George Seagle, Larry B. Moi, M. K. Ma, Reginald H. Norberg et Donald J. Sasnett (défendeurs)
RÉPERTORIÉ: WILDER C. CANADA
Division de première instance, juge Muldoon— Vancouver, 23 février et 10 mars 1987.
Compétence de la Cour fédérale Division de première instance Il est allégué que des fonctionnaires du M.R.N. et des agents du Internal Revenue Service des É.-U. ont manqué au devoir qui leur est imposé par l'art. 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu Requête visant à obtenir l'autorisation d'ef- fectuer une signification ex juris Les agents du I.R.S. peuvent être assignés devant un tribunal compétent La Division de première instance peut-elle connaître de l'espèce? Les critères dégagés dans l'arrêt ITO—International Ter minal Operators relativement à la compétence de la Cour sont remplis L'art. 241 est une disposition accessoire à la compétence conférée au Parlement par l'art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 L'existence des délits allégués repose sur un ensemble de règles de droit fédérales, c.-a-d. l'art. 241 La Cour est liée par les décisions récentes portant que les actions en responsabilité délictuelle intentées contre des particuliers reposent sur la législation fédérale applicable Requête accueillie Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 17(1), (3)c), (4)b) Loi sur la responsabi- lité de la Couronne, S.R.C. 1970, chap. C-28.
Impôt sur le revenu L'art. 241 interdit la communication des renseignements obtenus par le ministre du Revenu national ou en son nom Il est allégué que des fonctionnaires du M.R.N. et des agents du Internal Revenue Service des É.-U. ont manqué au devoir qui leur est imposé par l'art. 241 Négligence Les agents du I.R.S. peuvent être assignés devant la Division de première instance Le droit des demandeurs d'être protégés en vertu de l'art. 241 contre la divulgation non autorisée tire sa source du droit fédéral La requête en signification ex juris est accueillie Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 241 Loi sur l'accès à l'information, S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, annexe II, art. 24 Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B. Loi de 1982 sur le Canada, 1982. chap. 11 (R.-U.), art. 1, 7, 8, 24, 26 Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, 5/ (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, 1), art. 101 Loi . de 1984 sur la Convention Canada—États-Unis en matière d'impôts, S.C. 1984, chap. 20.
Couronne Responsabilité délictuelle Il est allégué que des fonctionnaires du M.R.N. et des agents du Internai Reve nue Service des É:-U. ont manqué au devoir qui leur est imposé par l'art. 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu Négligence Les agents du I.R.S. peuvent être assignés devant la Division de première instance Application incer- taine de la Loi sur la responsabilité de la Couronne La Cour est liée par les décisions récentes infirmant les décisions antérieures il a été statué que l'action doit être intentée devant la Division de première instance contre la Couronne mais non contre les fonctionnaires ou les préposés de la Couronne lorsque ceux-ci ont commis un délit pouvant donner lieu à une poursuite Loi sur la responsabilité de la Cou- ronne, S.R.C. 1970, chap. C-28.
Pratique Signification Ex juris Personnes visées: des agents du Internai Revenue Service des États-Unis Ces derniers auraient manqué au devoir qui leur est imposé par l'art. 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu en complotant pour violer le caractère confidentiel des rapports des demandeurs Les conséquences civiles du manquement à un devoir imposé par la loi doivent être subsumées sous le droit de la responsa- bilité pour négligence: R. du chef du Canada c. Saskatchewan Wheat Pool, [1983] 1 R.C.S. 205 On a allégué la négligence Les codéfendeurs américains peuvent être assignés devant un tribunal compétent La Division de première instance de la Cour fédérale est le tribunal compétent L'existence des délits allégués repose sur le droit fédéral Requête accueillie Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 307 Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 241.
Les demandeurs cherchent à obtenir une ordonnance les autorisant à effectuer une signification ex juris. Ils intentent une action en responsabilité délictuelle pour le motif que les défendeurs auraient manqué au devoir qui leur est imposé par l'article 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Cet article interdit à tout fonctionnaire de communiquer sciemment un renseignement obtenu par le ministre du Revenu national ou en son nom, sauf comme l'autorise ledit article. Les demandeurs prétendent que l'article 241 fixe une norme de prudence et ils soutiennent que les préposés de Sa Majesté ont fait preuve de négligence en communiquant des renseignements à des agents du Internai Revenue Service des États-Unis. Ils allèguent que les agents du I.R.S., qui ont été mis en cause à titre de codéfendeurs, ont manqué à l'obligation de prudence en com- plotant de manière à porter atteinte au droit garanti aux demandeurs par l'article 241. Le litige consiste à déterminer si les agents du I.R.S. peuvent être assignés devant cette Cour et si cette Cour peut connaître de l'espèce.
Jugement: la requête doit être accueillie.
Comme l'a statué le juge Dickson, tel était alors sont titre, dans l'arrêt R. du chef du Canada c. Saskatchewan Wheat Pool, [1983] 1 R.C.S. 205, il n'existe pas au Canada de délit civil spécial de violation d'une obligation légale. Il a dit que les conséquences civiles de la violation d'une loi doivent être subsu mées sous le droit de la responsabilité pour négligence. Étant donné qu'on n'avait pas allégué dans cet arrêt qu'il y avait eu négligence ni prouvé son existence, l'action a échoué.
On a allégué la négligence en l'espèce. En outre, même si une peine est prévue, l'article 241 dénote l'intention de protéger les contribuables contre la divulgation non autorisée plutôt que
celle de punir des fonctionnaires. Les allégations de manque- ment à l'obligation de prudence avancées contre les agents du I.R.S. font en sorte que ceux-ci peuvent, à ce stade des procédu- res, être assignés devant un tribunal compétent pour répondre aux allégations des demandeurs. -
Il faut ensuite se demander si cette Cour peut connaître de l'espèce. La Cour suprême du Canada a énoncé dans l'arrêt ITO—International Terminal Operators, [1986] 1 R.C.S. 752, les critères légaux permettant d'établir la compétence de cette Cour: (1) il doit y avoir une attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral; (2) il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l'attribution légale de compétence; (3) la loi invoquée dans l'affaire doit être «une loi du Canada» au sens cette expression est employée à l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Bien que ces critères ne soient pas nouveaux, il semble que leur interprétation fasse l'objet d'une nouvelle vague de déci- sions. La Division de première instance a déjà indiqué dans des jugements antérieurs que, lorsque des fonctionnaires ou des préposés de la Couronne ont commis un délit civil pouvant donner lieu à une poursuite en vertu de la Loi sur la responsa- bilité de la Couronne, et pour lequel ils pourraient être tenus personnellement responsables, l'action doit être intentée devant la Division de première instance contre la Couronne mais non contre ses fonctionnaires ou préposés.
La Cour semble s'être écartée de ces décisions comme le montrent les décisions rendues dans les affaires récentes Mar- shall, Blackfoot Indian Band et Roberts, cette dernière ayant été confirmée par la Cour d'appel, elle a conclu que la législation fédérale applicable constituait le fondement d'ac- tions en responsabilité délictuelle intentées contre des particu- liers. Dans l'arrêt Oag c. Canada, la Cour d'appel a statué que la Division de première instance avait compétence pour connaî- tre des poursuites intentées pour arrestation illégale et empri- sonnement arbitraire contre des particuliers membres de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Pronon- çant le jugement de la Cour, le juge Stone a invoqué une décision antérieure de la Cour d'appel, l'arrêt Stephens c. R., celle-ci a statué que malgré l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu, le droit aux dommages-intérêts revendiqués par les demandeurs n'était pas prévu par une loi fédérale. L'arrêt Stephens présentait beaucoup plus de points semblables à ceux de l'espèce que les affaires Roberts et Oag, et le fait que la Cour d'appel n'ait pas confirmé ou infirmé dans l'arrêt Oag ce qui a été dit dans l'affaire Stephens a introduit un élément d'incertitude en ce qui concerne l'application de la Loi sur la responsabilité de la Couronne.
En l'espèce, l'article 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu est un ensemble de règles de droit fédérales qui est essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l'attribution légale de compétence. Cette disposition constitue essentielle- ment une règle de droit fédérale, car elle est accessoire à l'exercice par le Parlement de son pouvoir législatif dans les cas prévus au paragraphe 91(3) de la Loi constitutionnelle de 1867: le prélèvement de deniers par tous modes ou systèmes de taxation. Le droit des demandeurs d'être protégés contre toute divulgation non autorisée tire donc sa source du droit fédéral. Pour reprendre les propos du juge Stone dans l'arrêt Oag, l'existence des délits allégués repose sur le droit fédéral et les
dommages-intérêts qui résultent de la perpétration de ces délits prouvables peuvent être recouvrés en Division de première instance. Il est évident que ces conclusions contredisent celles de la Cour d'appel dans l'arrêt Stephens. Cependant, tant que la Cour suprême du Canada n'en aura pas décidé autrement, cette Cour doit respecter les motifs de jugement exprimés dans les affaires Roberts et Oag.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
R. du chef du Canada c. Saskatchewan Wheat Pool, [1983] 1 R.C.S. 205; ITO—International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autre, [1986] I R.C.S. 752; Roberts c. Canada, [1987] 4 C.F. 535 (C.A.); confirmant Roberts c. Canada, [1987] 1 C.F. 155 (I« inst.); Oag c. Canada, [1987] 4 C.F. 511 (C.A.).
DÉCISIONS ÉCARTÉES:
Stephens c. R. (1982), 26 C.P.C. 1; (1982), 40 N.R. 620 (C.A.F.) (sub nom. Succession Stephens c. Ministre du Revenu national); Pacific Western Airlines Ltd. c. R., [1980] 1 C.F. 86; 105 D.L.R. (3d) 44 (1" inst.); confir- mant [1979] 2 C.F. 476; 105 D.L.R. (3d) 60 (C.A.).
DECISIONS CITÉES:
Marshall c. La Reine, [1986] 1 C.F. 437 (1" inst.); Bande indienne Blackfoot, 146 (membres) c. Canada et la bande indienne Blackfoot, 146 (chef et conseil- lers) (1986), 5 F.T.R. 23 (C.F. 1' inst.).
AVOCAT:
J. S. Nossal pour les demandeurs. Personne n'a comparu pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Davis & Company, Vancouver, pour Clark, Dymond, Crump, Calgary, pour les deman- deurs.
Personne n'a comparu pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MULDOON: Les demandeurs cherchent à obtenir, conformément à la Règle 307 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663], une ordon- nance les autorisant à signifier leur déclaration modifiée aux défendeurs Reginald H. Norberg et Donald J. Sasnett dans l'État de Washington ou ailleurs aux États-Unis d'Amérique.
La Règle 307 exige qu'une telle demande soit appuyée d'un affidavit ou d'une autre preuve indi-
quant que, à la connaissance du déposant, le demandeur a une bonne cause d'action. Ce ne sont pas tous les tribunaux supérieurs du Canada qui exigent qu'une telle demande soit présentée ni qu'une telle ordonnance soit rendue pour permet- tre la signification à l'extérieur de leur ressort. Par conséquent, il est manifeste que les requérants doivent non seulement montrer que le déposant croit que les demandeurs ont une bonne cause d'action, mais ils doivent également convaincre la Cour que ceux-ci possèdent effectivement une bonne cause d'action. Il est également manifeste qu'une telle cause d'action doit relever de la com- pétence de cette Cour. Tel doit être l'objectif fondamental de la Règle.
Les demandeurs intentent une action en respon- sabilité délictuelle pour le motif que les défendeurs auraient manqué au devoir qui leur est imposé par l'article 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63 et ses modifications (la «Loi»). Ils allèguent que les défendeurs Norberg et Sasnett seraient des agents du Internal Revenue Service des États-Unis (I.R.S. et É.-U.) qui n'étaient pas légalement habilités à recevoir les renseignements obtenus par le ministre du Revenu national (le ministre) ou en son nom aux fins de la Loi ou de la Loi de l'impôt sur les revenus pétro- liers [S.C. 1980-81-82-83, chap. 68, Partie IV]. C'est depuis le mois de janvier 1986 que ces deux défendeurs recevraient des renseignements sur les demandeurs par l'entremise des défendeurs Ma, Moi et Seagle, qui se trouvent au Canada. Il est allégué que les deux agents du I.R.S. sont en partie responsables du manquement et de la négligence volontaire reprochés à Ma, Moi et Seagle, ou qu'ils ont illégalement comploté avec ces derniers au Canada pour porter atteinte aux droits des deman- deurs décrits à l'article 241 de la Loi.
Les demandeurs invoquent non seulement l'arti- cle 241 de la Loi, mais également l'article 24 et l'annexe II de la Loi sur l'accès à l'information, S.C. 1980-81-82-83, chap. 111. Ils prétendent que les défendeurs canadiens ont porté atteinte aux droits qui leur sont garantis par les articles 1, 7, 8, 24 et 26 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi consti- tutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)]. Ils allèguent plus précisément que l'article XXVII (échange de
renseignements) de la Convention entre le Canada et les Etats-Unis, qui a été approuvée et sanction- née par la Loi de 1984 sur la Convention Canada- États-Unis en matière d'impôts, S.C. 1984, chap. 20, ne permet pas la divulgation ou l'échange de renseignements qui auraient eu lieu en l'espèce.
Les demandeurs cherchent à faire déclarer nulles et inopérantes les exceptions légales à la règle générale énoncée à l'article 241 de la Loi en ce qui concerne la communication et la divulgation de renseignements, de livres, de registres, d'écrits, de déclarations ou d'autres documents. Ils deman- dent à la Cour de déclarer que toute communica tion et divulgation de ce genre sont illégales et que de tels actes de la part des défendeurs contrevien- nent à la Charte. Ils cherchent également à obtenir un jugement déclarant que l'article XXVII de la Convention susmentionnée est incompatible avec les articles 1, 7, 8, 24 et 26 de la Charte. Ils sollicitent en outre des injonctions provisoires ou interlocutoires interdisant aux défendeurs qui sont des préposés et mandataires de Sa Majesté de communiquer ou de permettre que soient commu- niqués les renseignements ou documents susmen- tionnés ou d'y donner accès.
Enfin, les demandeurs réclament des domma- ges-intérêts généraux et spéciaux pour la négli- gence des défendeurs qui ont manqué à l'obligation de prudence à laquelle ils auraient été tenus à leur égard en vertu de l'article 241 de la Loi. Ils demandent également que les défendeurs soient condamnés à leur verser des dommages-intérêts spéciaux, généraux et exemplaires parce qu'ils auraient comploté au Canada avec les défendeurs Ma, Moi, Seagle, Norberg et Sasnett afin de communiquer des renseignements et de permettre l'examen de documents concernant les demandeurs et ce, en violation flagrante du droit de ces der- niers d'être protégés contre ce genre de comporte- ment, de communication et d'examen.
Une autre demande soumise ex parte par les demandeurs afin d'obtenir l'autorisation d'effec- tuer la signification à l'extérieur du ressort de la Cour a été rejetée par le juge Joyal le 3 décembre 1986 [T-2350-86, non encore publiée], sous réserve toutefois du droit des demandeurs de pré- senter une nouvelle demande fondée «sur des motifs plus convaincants». Dans ses motifs, le juge Joyal a écrit la page 2]:
Je ne suis pas convaincu qu'il s'agisse d'un cas il y a lieu de rendre l'ordonnance demandée conformément à la règle 307 des Règles de la Cour. J'ai lu attentivement la déclaration ainsi que l'affidavit produit au soutien de la requête visant à obtenir une ordonnance de signification à l'extérieur du ressort de la Cour. J'estime que les demandeurs cherchent à obtenir un redressement contre la Couronne et ses proposés désignés qui auraient illégalement divulgué des renseignements fiscaux con- fidentiels. Je ne vois aucun motif pour lequel on pourrait reprocher aux défendeurs Norberg et Sasnett d'avoir reçu lesdits renseignements.
Qui plus est, les diverses demandes de redressement visant essentiellement à obtenir des ordonnances déclaratoires s'adres- sent à la Couronne et à ses préposés qui auraient divulgué illégalement aux autorités américaines des renseignements fis- caux confidentiels relatifs aux demandeurs. Bien que des dom- mages-intérêts soient réclamés aux «défendeurs» en général, je ne vois pas à ce stade-ci en quoi les défendeurs Norberg et Sasnett pourraient être tenus responsables de la violation d'une loi canadienne. Il ressort des faits exposés dans la déclaration, et que je dois tenir pour véridiques aux fins de la présente demande, que les défendeurs Norberg et Sasnett ne sauraient être tenus responsables en vertu des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu qui servent de fondement principal à la réclamation des demandeurs.
Ce n'est qu'une fois cette première décision rendue sur leur demande que les demandeurs ont modifié leur déclaration afin d'alléguer un complot entre Ma, Moi et Seagle, d'une part, et Norberg et Sasnett d'autre part, complot qui, selon les deman- deurs, aurait eu lieu au Canada à divers endroits et moments qu'eux seuls connaissaient.
Afin de respecter les exigences de la Règle 307, les demandeurs ont produit au soutien de leur demande de signification à l'extérieur du ressort de la Cour l'affidavit de Douglas C. Morley, avocat exerçant sa profession à Vancouver (Colombie- Britannique). Cet affidavit porte notamment:
[TRADUCTION] 10. Les demandeurs allèguent qu'aux fins du complot mentionné plus haut ...
(i) Ma, Moi, Seagle, Norberg et Sasnett se sont rencontrés au Canada pour communiquer, recevoir, examiner des rensei- gnements relatifs aux affaires des demandeurs, qu'ils ont obtenus dans l'exercice de leurs fonctions, et pour permettre l'accès auxdits renseignements.
(ii) Ma et Moi se sont rendus à Seattle aux États-Unis et ont assisté à l'interrogatoire, par Norberg et Sasnett, d'un associé commercial des demandeurs.
(iii) Ma, Moi et Seagle ont remis à Norberg et Sasnett, pendant que ceux-ci se trouvaient au Canada, des documents et des renseignements relatifs aux affaires des demandeurs et ils leur ont permis de retourner aux États-Unis avec lesdits documents et renseignements.
(iv) Ma, Moi et Seagle ont dit à Norberg que Wilder n'avait produit des déclarations d'impôt sur le revenu au Canada
pour les années d'imposition 1982, 1983 et 1984 qu'après avoir été requis de le faire.
(v) En janvier 1986, Ma, Moi et Seagle ont déclaré à Norberg que Wilder faisait l'objet d'une enquête au Canada par le ministère du Revenu national, Impôt.
11. Après avoir examiné la déclaration modifiée et les faits qui y sont exposés, ainsi que les dispositions pertinentes de la Loi de l'impôt sur le revenu, et en particulier, l'article 241, je suis convaincu que les demandeurs ont établi une preuve prima facie.
12. Je suis convaincu que Norberg et Sasnett doivent être constitués parties aux présentes.
Bien que la présente demande ne vise pas à faire radier la déclaration, pour laquelle aucun élément de preuve n'est admissible, il faut néanmoins se demander si les défendeurs Norberg et Sasnett peuvent être assignés devant cette Cour dans une action ou procédure relevant de la compétence de celle-ci. Les demandeurs prétendent que l'article 241 de la Loi, qui est une loi du Canada au sens de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, 5] (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1)], fixe une norme de prudence et ils soutiennent que les préposés de Sa Majesté ont fait preuve de négligence en man- quant à cette obligation. Ils allèguent que les défendeurs Norberg et Sasnett ont comploté avec les autres défendeurs afin de violer cette obligation de prudence [TRADUCTION] «causant ainsi des dommages aux demandeurs en plus de nuire à leurs intérêts économiques». Les demandeurs n'in- diquent pas comment le manquement allégué des défendeurs à leur obligation aurait causé ces dom- mages ou ce préjudice, ni comment ceux-ci se sont produits. On peut toutefois présumer qu'une indemnité pourrait être accordée aux demandeurs sans qu'il soit nécessaire de prouver des dommages si, en l'espèce, il y avait eu atteinte à leur «droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives» garanti par la Charte.
En prononçant l'arrêt de la Cour suprême R. du chef du Canada c. Saskatchewan Wheat Pool, [1983] 1 R.C.S. 205, l'actuel juge en chef du Canada, le juge Dickson, a conclu qu'il n'existait pas au Canada de délit civil spécial de violation d'une obligation légale. Ce jugement est utile en raison de l'examen approfondi de la loi fait par le juge Dickson. Il a résumé aux pages 227 et 228 les
principes dont l'application déborde le cadre de ce litige:
1. Les conséquences civiles de la violation d'une loi doivent être subsumées sous le droit de la responsabilité pour négligence.
2. La notion d'un délit civil spécial de violation d'une obliga tion légale qui donnerait droit à des dommages-intérêts sur simple preuve d'une violation et d'un préjudice, doit être reje- tée, comme doit l'être également le point de vue selon lequel une violation sans excuse valable constitue de la négligence en soi et emporte responsabilité absolue.
3. La preuve de la violation d'une loi, qui cause un préjudice, peut être une preuve de négligence.
4. L'obligation formulée dans un texte de loi peut constituer une norme, à la fois précise et utile, de conduite raisonnable.
5. En l'espèce on n'a pas allégué qu'il y a eu négligence ni prouvé son existence. L'action doit échouer.
On a allégué négligence en l'espèce. En outre, même si une peine frappe les fonctionnaires et les personnes autorisées qui commettent l'infraction créée par le paragraphe 241(9) de la Loi, il semble évident que le législateur avait l'intention de proté- ger une catégorie de personnes telles que les demandeurs contre la divulgation non autorisée. Pris dans son ensemble, l'article 241 dénote plutôt cette intention de protéger le caractère confidentiel des registres des demandeurs que celle, plus limi- tée, de punir des fonctionnaires ou des personnes désobéissantes dont le comportement pourrait de toute façon faire l'objet de mesures dans le cadre de leur poste.
Pour ce qui est de l'articulation d'une cause d'action contre les deux défendeurs de nationalité américaine, les allégations de manquement à l'obligation de prudence par suite d'un complot au Canada visant à violer le caractère confidentiel des registres des demandeurs font en sorte que ces défendeurs peuvent, à ce stade des procédures, être assignés devant un tribunal compétent pour répon- dre aux allégations des demandeurs.
Il faut ensuite se demander si cette Cour peut connaître de l'espèce. La Cour suprême du Canada s'est prononcée récemment sur cette question dans l'arrêt ITO—International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S. 752. Rédigeant le jugement de la majorité, le juge McIntyre a énoncé à la page 766 les critères légaux permettant d'établir la compétence générale de cette Cour:
L'étendue générale de la compétence de la Cour fédérale a été examinée à maintes reprises par les tribunaux ces dernières années. Dans l'arrêt Quebec North Shore Paper Co. c. Cana-
dien Pacifique Ltée, [1977] 2 R.C.S. 1054, et dans l'arrêt McNamara Construction (Western) Ltd. c. La Reine, [1977] 2 R.C.S. 654, on a établi les conditions essentielles pour pouvoir conclure à la compétence de la Cour fédérale. Ces conditions sont les suivantes:
1. Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.
2. Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l'attribution légale de compétence.
3. La loi invoquée dans l'affaire doit être «une loi du Canada» au sens cette expression est employée à l'art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Bien que ces critères ne soient pas nouveaux, il semble que leur interprétation fasse l'objet d'une nouvelle vague de décisions. Dans Marshall c. La Reine, [1986] 1 C.F. 437 (1" inst.) et Bande indienne Blackfoot, 146 (membres) c. Canada et la bande indienne Blackfoot, 146 (chef et con- seillers) (1986), 5 F.T.R. 23 (C.F. inst.), madame le juge Reed a conclu que la législation fédérale applicable peut servir de fondement à des actions en responsabilité délictuelle intentées contre des particuliers. Dans Roberts c. Canada, [1987] 1 C.F. 155 (1"e inst.), le juge Joyal a refusé de radier une déclaration dans laquelle une bande indienne poursuivait une autre bande au sujet de la possession de terres occupées par cette dernière bande. L'action a été intentée à bon droit contre la Couronne à laquelle on reprochait un manquement à son obligation fiduciaire, mais le juge Joyal a statué que, suivant le libellé du paragraphe 17(1) de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, la position légale de la bande défenderesse était étroitement liée à celle de la Couronne dans une affaire un redressement était également demandé contre celle-ci. Il a suivi à cet égard les jugements prononcés par le juge Reed.
La Division d'appel de cette Cour a rejeté à l'unanimité le 2 mars 1987 [[1987] 4 C.F. 535 l'appel interjeté contre la décision du juge Joyal. Les juges de la majorité, les juges Urie et Huges- sen, ont toutefois conclu qu'étant donné les cir- constances particulières de l'espèce, c'est l'alinéa 17(3)c) de la Loi sur la Cour fédérale qui confère une compétence exclusive sur les procédures aux fins de juger les contestations dans lesquelles la Couronne a ou peut avoir une obligation qui est ou peut être l'objet de demandes contradictoires. Le juge MacGuigan a souscrit à cette conclusion,
mais il s'est également dit d'accord avec les juges Joyal et Reed pour fonder l'attribution de compé- tence requise sur le paragraphe 17 (1) de même que sur l'alinéa 17(3)c). Malgré l'insistance de l'avocat des requérants en l'espèce, l'affaire Roberts présente peu de ressemblance avec l'es- pèce, à part la mise en cause d'un particulier comme codéfendeur de la Couronne.
La décision récente de la Division d'appel de cette Cour dans Oag c. Canada, [1987] 4 C.F. 511 a une plus grande similitude avec l'espèce. Dans cette affaire, le demandeur qui avait été «consigné» au moment de sa mise en liberté sous surveillance obligatoire a poursuivi la Couronne, la Commis sion nationale des libérations conditionnelles, le président et un autre membre de la Commission, ainsi que trois fonctionnaires. Les motifs invoqués au soutien de l'action étaient l'arrestation illégale, l'emprisonnement arbitraire, les voies de fait et la violation de droits garantis par la Charte. La déclaration a été radiée et l'action rejetée en ce qui concerne la Commission et les fonctionnaires. Il s'agissait de déterminer lors de l'appel si la Divi sion de première instance avait compétence pour entendre et trancher les poursuites intentées contre les deux particuliers défendeurs, le président de la Commission et son collègue qui n'étaient pas fonc- tionnaires, mais avaient été nommés à leur poste par le gouverneur en conseil.
Les motifs du jugement de la Division d'appel dans l'affaire Oag ont été prononcés par le juge Stone, avec l'appui du juge en chef Thurlow et du juge Heald. Le raisonnement suivi est très subtil et doit être évalué dans son ensemble, mais ses passa ges cruciaux sont les suivants la page 519]:
La liberté dont [le demandeur] jouissait au moment de sa prétendue arrestation illégale et de son prétendu emprisonne- ment arbitraire prend sa source dans le droit fédéral. Les dispositions législatives pertinentes sont le paragraphe 24(1) de la Loi sur les pénitenciers [S.R.C. 1970, chap. P-6 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 41)] et le paragraphe 10(1), l'article 12 et les paragraphes 15(1) et (2) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus [S.R.C. 1970, chap. P-2 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 53, art. 28)]:
Il est évident que, aussi longtemps que [k demandeur] satisfaisait aux conditions de sa surveillance obligatoire, il avait le droit de jouir d'une certaine liberté.
Cette [position] a été approuvée par la Cour suprême du Canada lorsque, de fait, elle a jugé illégale la pratique dite du «blocage» sur laquelle la présente action est fondée (R. c. Moore; Oag c. La Reine et autres, [1983] 1 R.C.S. 658, à la page 659).
Il en résulte donc, pour utiliser l'expression du juge en chef Laskin dans l'affaire Rhine et Prytula, «un cadre législatif détaillé» de droit fédéral en vertu duquel l'appelant a acquis non seulement le droit d'être libre mais également celui de le rester. Il faut souligner que, comme il restait sous l'effet d'une condamnation, la liberté dont il jouissait n'était pas la même que celle que possède une personne qui ne fait pas l'objet d'une condamnation. Ses limites étaient fixées par des lois fédérales. S'il y a eu arrestation illégale et emprisonnement arbitraire comme il a été allégué, ces délits ont été commis parce qu'on a porté atteinte au droit de l'appelant, ainsi délimité, de rester libre. Je ne crois pas que la loi ait à prévoir expressément un recours à l'égard d'une telle atteinte pour que les demandes soient régies par elle. L'existence de ces délits, à mon avis, repose sur le droit fédéral; les dommages-intérêts qui résultent de la perpétration de ces délits prouvables peuvent être recou- vrés en Division de première instance. J'en suis arrivé à la conclusion que les demandes sont prévues dans les «lois du Canada» ou le «droit fédéral».
La seule autre question est de savoir si en l'espèce il y a «attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral» afin de répondre à la première. exigence. À mon avis, on trouve une telle attribution de compétence à l'alinéa 17(4)b) de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2» Supp.), chap. 10:
17....
(4) La Division de première instance a compétence con- currente en première instance
b) dans les procédures dans lesquelles on cherche à obtenir un redressement contre une personne en raison d'un acte ou d'une omission de cette dernière dans l'exercice de ses fonctions à titre de fonctionnaire ou préposé de la Couronne.
Bien que le mot «fonctionnaire» ne soit pas défini par cette Loi, on s'est appuyé sur la définition de «fonctionnaire public» prévue à l'article 2 de la Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. I-23:
2. ( I ) ...
«fonctionnaire public» comprend toute personne dans la fonc- tion publique du Canada
a) autorisée par un texte législatif ou sous son régime à accomplir un acte ou une chose ou à en assurer l'accom- plissement, ou à exercer un pouvoir, ou
b) à qui un devoir est imposé par un texte législatif ou sous son régime;
Je ne crois pas qu'il faille trancher ce point de façon définitive, car on a présenté devant la Cour aucun élément de preuve qui établisse les fonctions des deux particuliers intimés. Vu cette absence de preuve, les parties veulent bien considérer chacun des intimés comme un «fonctionnaire» de la Commission des libérations conditionnelles pour les fins du présent appel. Sur ce fondement, je suis convaincu que l'alinéa 17(4)b) de la Loi sur la Cour fédérale confère effectivement compétence à la Divi-
sion de première instance pour connaître des poursuites enga gées contre les particuliers intimés en l'espèce. Je ne vois aucune raison de donner une interprétation plus étroite au libellé de cet alinéa.
Il existe une énigme dans l'arrêt Oag. Elle se trouve dans la citation d'un passage tiré d'un arrêt antérieur de la Division d'appel, Stephens c. R. (1982), 26 C.P.C. 1, publié également sous l'inti- tulé Succession Stephens c. Ministre du Revenu national (1982), 40 N.R. 620, passage dont voici le texte (aux pages 9 et 10 C.P.C.; 629 et 630 N.R.):
En l'espèce, il est allégué que les cotisations d'impôt étaient nulles et que les défendeurs autres que la Couronne ont agi sans autorité juridique en tentant de recouvrer les arriérés impayés. L'allégation voulant qu'ils aient agi sans justification juridique semblerait un fondement nécessaire à leur responsabilité sur le plan délictuel, le cas échéant. Par conséquent, les demandes contre les défendeurs autres que la Couronne mettent nécessai- rement en jeu l'interprétation et l'application des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu. Cela permet-il de conférer compétence à la Cour pour connaître des demandes contre ces défendeurs, eu égard aux répercussions de la décision de la Cour suprême dans l'affaire Rhine et Prytula? Après examen de ces répercussions, je conclus que ce n'est pas une base suffisante pour conférer compétence à la Cour. A mon avis, il ressort de l'affaire Rhine et Prytula qu'une cause d'action en responsabilité contractuelle (ou délictuelle) peut être suffisam- ment appuyée par une législation fédérale pour conférer compé- tence à la Cour fédérale si la responsabilité contractuelle ou délictuelle peut être considérée comme prévue par la législation fédérale. Dans l'arrêt Rhine et Prytula, la Cour suprême semble avoir conclu que les droits alors revendiqués tiraient essentiellement leur origine d'une législation fédérale parce qu'ils étaient prévus et régis dans une large mesure par les lois fédérales applicables. En l'espèce, malgré l'application néces- saire des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu à la question de validité ou de justification juridique, on ne peut soutenir que le droit aux dommages-intérêts soit prévu par une loi fédérale. En fait, si ce droit existe, il a été créé par le droit provincial. La loi fédérale applicable n'a pas pour objet de créer ou de prévoir ce droit. [Non souligné dans le texte original.]
La Division d'appel a repris ce passage du juge Le Dain en rapportant les arguments dont elle avait été saisie par les intimés. Elle n'a ni approuvé ni rejeté les propos du juge Le Dain. L'affaire Ste- phens, dans laquelle le juge Le Dain a fait la déclaration susmentionnée, présentait beaucoup plus de points semblables à ceux de l'espèce que les affaires Roberts et Oag, susmentionnées, dans les- quelles la Division d'appel a rendu récemment sa décision. C'est ainsi que cette nouvelle vague de décisions introduit dans le droit un élément d'in- certitude déplorable.
Dans l'affaire Oag il était sans aucun doute possible de choisir qui de la Commission nationale des libérations conditionnelles, du procureur géné- ral ou des membres de la Commission en cause était responsable du préjudice allégué, la Division d'appel a choisi les membres de la Commission. Son jugement semble les tenir personnellement responsables. Cette Cour a déjà indiqué dans des jugements antérieurs que, lorsque des fonctionnai- res ou des préposés de la Couronne ont commis un délit civil pouvant donner lieu à une poursuite en vertu de la Loi sur la responsabilité de la Cou- ronne [S.R.C. 1970, chap. C-38], et pour lequel ils pourraient être tenus personnellement responsa- bles, l'action doit être intentée devant cette Cour contre la Couronne mais non contre ses fonction- naires et préposés.
Il semblerait facile en l'espèce de conclure que la Cour a compétence en vertu du paragraphe 17(1) et de l'alinéa 17(4)b) de la Loi sur la Cour fédérale:
17. (1) La Division de première instance a compétence en première instance dans tous les cas l'on demande contre la Couronne un redressement et, sauf disposition contraire, cette compétence est exclusive.
(4) La Division de première instance a compétence concur- rente en première instance
b) dans les procédures dans lesquelles on cherche à obtenir un redressement contre une personne en raison d'un acte ou d'une omission de cette dernière dans l'exercice de ses fonc- tions à titre de fonctionnaire ou préposé de la Couronne. [Non souligné dans le texte original.]
Il s'agit manifestement en l'espèce d'un cas l'on demande un redressement contre la Couronne, et d'une procédure où, si ce n'était de l'application (maintenant incertaine) de la Loi sur la responsa- bilité de la Couronne, on pourrait chercher à obtenir un redressement contre toute personne pour méfait dans l'exécution de ses obligations en tant que fonctionnaire ou préposé de la Couronne. Il faut reconnaître qu'il s'agit d'interprétations auxquelles les juges Urie et Hugessen ont refusé de souscrire dans l'affaire Roberts, précitée.
Il semble évident qu'il existe en l'espèce un ensemble de règles de droit fédérales qui est essen- tiel à la solution du litige et constitue le fondement de l'attribution légale de compétence. C'est un ensemble restreint puisqu'il ne comprend que l'ar-
tide 241 de la Loi qui a été adopté pour protéger les contribuables et toute autre personne par l'en- tremise desquels le ministre obtient des renseigne- ments, des déclarations et d'autres documents. Le but fondamental de cet article est peut-être de protéger le fisc, mais il cherche à atteindre cet objectif en protégeant les contribuables et d'autres personnes. Les demandeurs font partie de ces con- tribuables ou autres personnes. L'obligation qui incombe aux employés du ministre de ne pas divul- guer ces documents et le droit correspondant des demandeurs à ce que leurs renseignements, livres, registres, déclarations ou autres documents ne soient pas divulgués par les employés du ministre découlent de l'article 241 qui constitue leur condi tion sine qua non. Cette disposition constitue essentiellement une règle de droit fédérale, car elle est accessoire à l'exercice par le Parlement de son pouvoir législatif dans les cas prévus à la rubrique 3 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867: le prélèvement de deniers par tous modes ou systèmes de taxation.
Les autres dispositions législatives fédérales invoquées par les demandeurs sont l'article 24 et l'annexe II de la Loi sur l'accès à l'information, S.C. 1980-81-82-83, chap. 111. Ces dispositions législatives complètent et appuient expressément l'article 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il s'agit indubitablement d'une véritable règle de droit fédérale.
Par conséquent, pour reprendre les propos du juge Stone dans la décision unanime de la Division d'appel dans Oag, le droit dont les demandeurs pouvaient bénéficier en tout temps après que leurs renseignements et documents eurent été «obtenus par le Ministre ou en son nom aux fins de la présente loi» tire sa source du droit fédéral. Et pour reprendre encore une fois ses propos: «L'exis- tence de ces [prétendus] délits ... repose sur le droit fédéral; les dommages-intérêts qui résultent de la perpétration de ces délits prouvables peuvent être recouvrés en Division de première instance.» Il faut reconnaître que ces conclusions ne cadrent pas avec celles énoncées antérieurement par le juge Le Dain au nom d'un banc unanime de la Division d'appel dans l'arrêt Stephens et qui ont été passi- vement exposées par les membres de cette Division dans la récente affaire Oag. Il faut également
admettre que ces conclusions ne concordent pas non plus avec les décisions de cette Cour dans les affaires Pacific Western Airlines c. R., [1980] 1 C.F. 86; 105 D.L.R. (3d) 44 (lie inst.), confirmant [1979] 2 C.F. 476; 105 D.L.R. (3d) 60 (C.A.).
Le principe de droit ainsi énoncé semble poser une énigme à la Cour: que devrait-elle décider, compte tenu des nombreuses interprétations anté- rieures apparemment décisives de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867? Il ne fait aucun doute que les trois critères dégagés par le juge McIntyre dans l'arrêt Ito—International Terminal Operators Ltd. constituent l'interprétation la plus déterminante de cette disposition constitutionnelle. De même, les interprétations de ces trois critères formulées par la Division d'appel dans les arrêts Roberts et Oag constituent des énoncés décisifs en matière de compétence que la Cour est tenue de suivre. Tant que la Cour suprême du Canada n'en aura pas décidé autrement, cette Cour doit se conformer au raisonnement adopté par un banc de la Division d'appel dans l'arrêt Roberts et elle doit en particulier respecter le raisonnement suivi par un autre banc de la Division d'appel dans la situa tion plus pertinente de l'arrêt Oag. Et ce, malgré le principe contraire, maintenant apparemment infirmé, dégagé antérieurement par la Division d'appel dans l'arrêt analogue Stephens ainsi que dans l'arrêt Pacific Western Airlines.
Par conséquent, la Cour statue qu'un avis de la déclaration modifiée peut être signifié aux défen- deurs Reginald H. Norberg et Donald J. Sasnett au 915, Deuxième avenue, Seattle, État de Wash- ington (États-Unis), ou à quelque autre endroit ils se trouvent dans ce pays. Chacun de ces défen- deurs bénéficiera alors d'un délai de 60 jours à compter de la signification pour déposer sa défense. La Règle 307(2) prévoit que le défendeur peut, pendant ce délai, chercher à obtenir de la Cour une prolongation du délai pour déposer sa défense.
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