T-1636-86
Jim Omeasoo, chef, Leo Bruno, conseiller, Victor
Bruno, conseiller, Frank Buffalo, conseiller, Stan-
ley Buffalo, conseiller, Floyd Dion, conseiller,
Brian Lightning, conseiller, Arnup Louis, conseil-
ler, Wilson Okeymaw, conseiller, George Saddle-
back, conseiller, Lawrence Saddleback, conseiller,
Robert Swampy, conseiller, représentant la bande
indienne Samson #137 et la bande indienne
Samson #137 (requérants)
c.
William McKnight en qualité de ministre des
Affaires indiennes et du Nord `-canadien, David
Crombie, son prédécesseur, et le ministère des
Affaires indiennes et du Nord canadien (intimés)
et
Wendy Smith (partie intervenante)
RÉPERTORIÉ: OMEASOO C. CANADA (MINISTRE DES AFFAIRES
INDIENNES ET DU NORD CANADIEN)
Division de première instance, juge en chef adjoint
Jerome—Edmonton, 4 et 5 janvier; Ottawa, 15
avril 1988.
Accès à l'information — La demande fondée sur l'art. 44
tend à la révision de la décision de communiquer les états
financiers de la bande qu'a rendue une personne à laquelle le
ministre précédent avait délégué le pouvoir de rendre de telles
décisions — L'arrêté de délégation n'a pas été reconduit par le
nouveau ministre — La question se pose de savoir s'il y a lieu
d'annuler la décision puisque celle-ni n'a été prise ni par le
responsable d'une institution fédérale comme l'exige l'art.
28(5)b) de la Loi sur l'accès à l'information, ni par un cadre
désigné conformément à l'art. 73 — Les pouvoirs accordés par
le ministre précédent continuent jusqu'à ce que le nouveau
ministre décide de les confirmer ou de s'en dessaisir autre-
ment: Re Putnoki and Public Service Grievance Board (1975),
56 D.L.R. (3d) 197 (H.C. Ont.) — Rien dans la Loi, notam-
ment la disposition qui rend le responsable d'une institution
fédérale personnellement responsable des décisions prises con-
formément à la Loi, ne l'emporte sur le principe général —
Application de la décision — La bande indienne Montana c.
Canada (ministre des Affaires indiennes et du Nord) — Les
documents sont des renseignements de tiers de nature confi-
dentielle et protégés par l'art. 20(1)b).
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur l'accès à l'information, S.C. 1980-81-82-83,
chap. 111 (annexe I), art. 20(1)b), 28(5)b), 44, 73.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Bande indienne Montana c. Canada (ministre des Affai-
res indiennes et du Nord canadien), encore inédit; Re
Putnoki and Public Service Grievance Board (1975), 56
D.L.R. (3d) 197 (H.C. Ont.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Communauté urbaine de Montréal (Société de transport)
c. Canada (Ministre de l'environnement) [1987] 1 C.F.
610; 9 F.T.R. 152 (1'° inst.).
AVOCATS:
M. K. Eisen pour les requérants.
Ingrid C. Hutton, c.r. pour les intimés.
Everett L. Bunnell, c.r. pour l'intervenant.
PROCUREURS:
Lang Michener Lash Johnston, Toronto, pour
les requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Parlee McLaws, Calgary, pour l'intervenant.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: Il s'agit
de l'une des sept demandes déposées en vertu de
l'article 44 de la Loi sur l'accès à l'information
[S.C. 1980-81-82-83, chap. 111 (annexe I)], et que
j'ai entendues à Edmonton (Alberta) les 4 et 5
janvier 1988. Les faits et l'argumentation contenus
dans chacune des demandes diffèrent quelque peu
mais les principes applicables sont les mêmes. Pour
cette raison, j'ai indiqué que les motifs que j'ai
prononcés dans l'affaire Bande indienne Montana
c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du
Nord canadien), encore inédit, seraient également
applicables à la demande en l'espèce, avec les
modifications qui s'imposent.
Les faits en l'espèce se rapprochent étroitement
de ceux de la demande de la Bande Montana. Il
existe toutefois une différence notable, les intimés
étant disposés à admettre en l'espèce que les états
financiers ont été traités confidentiellement par la
bande. Cependant, même sans cette admission,
j'arriverais à la même conclusion en l'espèce quant
aux questions soulevées dans la décision Montana.
Les requérants en l'espèce ajoutent toutefois que
la décision de communiquer la teneur de leurs
dossiers devrait être annulée pour le motif qu'elle
n'a été prise ni par le responsable d'une institution
fédérale comme l'exige l'alinéa 28(5)b) de la Loi
ni par un cadre désigné conformément à l'article
73. Puisque cette allégation soulève un problème
important relativement au pouvoir de décider des
questions d'accès à l'information en vertu de la
Loi, je crois qu'elle doit être tranchée à part.
L'article 73 prévoit:
73. Le responsable d'une institution fédérale peut, par arrêté,
déléguer certaines de ses attributions à des cadres ou employés
de l'institution.
La décision de divulguer les renseignements en
l'espèce a été prise par Arthur C. Boughner, direc-
teur général des finances du Ministère intimé.
Personne ne conteste que par un arrêté en date du
8 juillet 1983, le ministre des Affaires indiennes et
du Nord canadien de l'époque, l'honorable John
Munro, a délégué aux cadres occupant le poste de
directeur général, le pouvoir de décider, conformé-
ment à l'alinéa 28(5)b), de communiquer des
documents requis à la suite d'observations faites
par un tiers. Mais au moment où la décision en
l'espèce a été prise, le nouveau ministre des Affai-
res indiennes et du Nord canadien était l'honora-
ble David Crombie. Les requérants allèguent que
puisque l'arrêté n'a pas été reconduit sous la signa
ture du nouveau ministre, le directeur général
n'avait pas le pouvoir de prendre une décision en
vertu de l'alinéa 28(5)b).
Au soutien de leur prétention, les requérants
citent la décision rendue par M. le juge Dubé de
cette Cour dans la cause Communauté urbaine de
Montréal (Société de transport) c. Canada
(Ministre de l'Environnement), [1987] 1 C.F.
610; 9 F.T.R. 152. Dans cette affaire, le juge Dubé
a conclu qu'un ministre doit désigner expressément
un cadre pour exercer les pouvoirs qui lui sont
conférés en vertu d'une loi—le cadre ne pouvant
présumer qu'il a implicitement le droit d'agir au
nom du ministre (ibid., aux pages 616 C.F.; 156
F.T.R.). Cette décision n'appuie pas la position des
requérants en l'espèce. Dans l'affaire de la Société
de Transport, il n'y avait aucune délégation de
pouvoir en vertu de la Loi, alors que la question en
l'espèce est de décider si une délégation autorisée
en bonne et due forme subsiste malgré un change-
ment de ministres.
Les intimés soutiennent que cette question a été
tranchée par la Cour divisionnaire de l'Ontario
dans l'affaire Re Putnoki and Public Service
Grievance Board (1975), 56 D.L.R. (3d) 197
(H.C. Ont.). Dans cette cause, on argumentait
également qu'étant donné le changement de minis-
tres, un arrêté pris par le ministre précédent relati-
vement à une délégation n'était plus valide. La
Cour a conclu aux pages 208 et 209 de la décision:
[TRADUCTION] Nous avons analysé cet argument avec soin
et nous avons conclu qu'il n'était pas fondé. Le consentement
donné par le ministre précédent continue à être valide jusqu'à
ce qu'il soit révoqué ou modifié par le nouveau ministre. Certes,
il convient que dès son entrée en fonctions, un nouveau ministre
exerce son autorité conformément aux consentements et aux
délégations exigés par les lois qu'il applique, mais les pouvoirs
accordés ou conférés par son prédécesseur continuent jusqu'à ce
qu'il décide de les confirmer ou de s'en dessaisir autrement.
Décider autrement créerait de sérieuses difficultés dans l'appli-
cation des lois au cours de la période de transition lors du
transfert normal des portefeuilles d'un ministre à un autre. Ces
actes reflètent l'autorité de l'institution et non de l'individu et
ils ne cessent pas de produire leurs effets parce que le titulaire
de la charge change, à moins que la loi ne déclare le contraire.
Je fais miennes les conclusions ci-dessus et j'estime
qu'elles sont applicables en l'espèce.
Les requérants cherchent à établir une distinc
tion avec l'arrêt Putnoki en soulignant les derniers
mots du juge Henry susmentionnés «à moins que la
loi ne déclare le contraire». Ils prétendent que la
Loi sur l'accès à l'information «déclare le con-
traire» parce qu'elle rend le responsable d'une
institution fédérale personnellement responsable
des décisions prises conformément à la Loi. Par
ailleurs, je ne peux trouver dans la Loi aucune
disposition qui puisse l'emporter sur le principe
général exposé par la Cour divisionnaire. En con-
séquence, je ne crois pas que M. Boughner avait
besoin d'une délégation du nouveau ministre pour
prendre une décision en vertu de l'alinéa 28(5)b).
Quoique les requérants ne puissent obtenir gain
de cause sur cette question, pour les motifs exposés
dans la décision Bande Montana, je conclus que les
états financiers de la bande indienne Samson sont
des renseignements de tiers de nature confiden-
tielle et protégés par l'alinéa 20(1)b) de la Loi et
qu'ils ne doivent pas être communiqués. La
demande fondée sur l'article 44 est en conséquence
accueillie avec dépens.
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