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T-240-87
Dianena Alvero-Rautert (requérante)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
RÉPERTORIÉ: ALVERO-RAUTERT c. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION)
Division de première instance, juge Muldoon— Winnipeg, 21 avril et 14 décembre 1987; Ottawa, 11 janvier 1988.
Immigration Parrainage Catégorie de la famille Personnes à charge Demande de parrainage soumise juste avant la date à laquelle la personne à parrainer allait avoir vingt et un ans La date limite n'a pas été respectée puisque le Ministère a traité la demande de façon routinière et insou- ciante C'est par courrier de surface et non par télex que des documents ont été transmis aux Philippines L'administra- tion ministérielle a fait preuve de négligence, étant donné l'urgence de la situation, en ne faisant pas d'efforts raisonna- bles pour traiter la demande selon la volonté du législateur Dans certains cas, l'admissibilité d'une personne à charge d'un membre de la catégorie de la famille doit être déterminée à compter de la date de l'engagement de fournir de l'aide La date des événements importants est déterminée selon l'heure du Canada, sans tenir compte de ce qui se passe de l'autre côté de la ligne internationale de changement de date.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Immigration Parrainage Catégorie de la famille Personnes à charge La demande de droit d'établissement d'un frère parrainé, qui a été soumise juste avant la date à laquelle il allait avoir vingt et un ans, a été rejetée en raison de la négligence et de la nonchalance dont un agent d'immigration a fait preuve en ne traitant pas la demande avec célérité En vertu de l'art. 79 de la Loi, un répondant peut interjeter appel devant la Commission d'appel de l'immigration du rejet d'une demande présentée par une personne appartenant à la catégo- rie de la famille et non, comme en l'espèce, du refus d'inclure dans la demande quiconque serait à la charge de la personne appartenant à cette catégorie Le fait d'invoquer la Déclara- tion des droits et la Charte a pour effet d'exclure l'allégation de prévarication de la clause privative de l'art. 59 de la Loi.
Droit constitutionnel Charte des droits Procédures criminelles et pénales Traitement inusité Immigration Demande de parrainage soumise juste avant la date à laquelle une personne à charge allait avoir vingt et un ans La date limite n'a pas été respectée Il y a eu traitement inusité parce que le droit de parrainer de la requérante a été enfreint par suite de la négligence personnelle ou professionnelle de l'agent d'immigration qui n'a pas traité la demande avec célérité.
Droit constitutionnel Charte des droits Droits à l'égalité Immigration Demande de parrainage soumise juste avant la date à laquelle une personne à charge allait avoir vingt et un ans La date limite n'a pas été respectée
La requérante a fait l'objet d'une discrimination puisque l'agent d'immigration, se fondant sur la pratique et la politi- que, n'a pas jugé utile de transmettre la demande d'urgence.
Déclaration des droits Immigration Demande de parrainage soumise juste avant la date à laquelle une personne à charge allait avoir vingt et un ans La date limite n'a pas été respectée Il y a eu traitement inusité parce que le droit de parrainer de la requérante a été enfreint par suite de la négligence personnelle ou professionnelle de l'agent d'immi- gration qui n'a pas traité avec célérité la demande Le-droit à une audience équitable n'a pas été accordé puisque la décision reposait sur de faux renseignements, et que la requé- rante n'a pas eu la possibilité d'expliquer que l'omission de respecter la date limite n'était pas de sa propre faute.
Le 31 juillet 1984, le jour même cela devenait possible, la requérante a demandé la citoyenneté canadienne. Voulant par- rainer sa famille, y compris un frère qui atteindrait l'âge de vingt et un ans le 19 avril 1985, elle a tenté d'accélérer le processus, mais elle n'a pu prêter son serment de citoyenneté avant le avril 1985. Entre-temps, des agents d'immigration lui ont dit qu'elle pouvait parrainer son frère pendant la période allant jusqu'au 19 avril 1985. Elle a présenté la demande visant à parrainer sa famille le plus tôt possible, soit le 16 avril 1985, mais son engagement n'a pas été «homologué» avant le 19 avril. Jamais lui a-t-on dit qu'elle aurait de la difficulté à parrainer son frère âgé de vingt ans. L'engagement de parrainage a été expédié à l'ambassade canadienne à Manille par courrier de surface, et y est parvenu le 16 mai 1985. Pour que son frère soit admissible, l'engagement de parrainage aurait être commu- niqué à temps à l'ambassade aux Philippines afin que celle-ci se mette en rapport avec son frère pour lui faire remplir une formule de demande d'immigration avant le 19 avril 1985. Depuis le 16 septembre 1986, les autorités d'immigration ont pour politique de communiquer à l'étranger par télex des renseignements sur une demande de parrainage lorsque le requérant, étant une personne à charge de la catégorie de la famille et accompagnant celle-ci, atteindra bientôt l'âge de vingt et un ans.
Il s'agit d'une demande de certiorari présentée pour faire annuler la décision par laquelle le ministre a statué que le frère de la requérante n'est pas une personne à charge au sens de l'article 2 du Règlement sur l'immigration de 1978, et de mandamus ordonnant à l'intimé de traiter la demande de résidence permanente de son frère en qualité de personne à charge qui accompagne son père.
Jugement: la demande devrait être accueillie.
L'agent d'immigration qui s'est occupé de la demande de parrainage et le personnel du ministère de l'intimé, sinon l'intimé lui-même à l'époque, ont été négligents, nonchalants et tout à fait inconscients de l'état d'urgence existant alors. Leur négligence, jointe à l'insuffisance du règlement en l'espèce, a fait échec à la volonté du législateur.
Cette Cour a compétence pour connaître de l'espèce. La requérante ne pouvait interjeter appel de la décision rendue en vertu de l'article 79 de la Loi sur l'immigration de 1976. Ainsi que l'a statué la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Bailon, l'article 79 établit clairement qu'un répondant peut interjeter appel devant la Commission d'appel de l'immigration du rejet d'une demande présentée par une personne appartenant à la catégorie de la famille mais non, comme en l'espèce, du refus
d'inclure dans la demande quiconque serait à la charge de la personne appartenant à cette catégorie. Qui plus est, si on avait recours à la Déclaration des droits et à la Charte, cette allégation de prévarication pourrait exclure la clause privative de l'article 59 de la Loi.
Le fait que l'atteinte présumée au droit de la requérante résulterait d'une mauvaise administration n'était pas un obsta cle à sa demande de redressement. L'obligation d'agir équita- blement s'appliquait toujours. Et le Règlement, qui avait la même force que la loi, est la source véritable du droit de la requérante de parrainer sa famille, incluant son frère.
Étant donné les circonstances de l'espèce et compte tenu de la décision Mahida, l'admissibilité du frère de la requérante en tant que personne à charge de leur père devrait être déterminée selon la date de l'engagement de fournir de l'aide, soit le 16 avril, et non, comme c'est habituellement le cas, celle de la demande d'immigration. Le fait que la requérante a entamé le processus au Canada, à l'est de la ligne internationale de changement de date pour le poursuivre à Manille, à l'ouest de cette ligne, ne tire pas à conséquence. L'anniversaire du frère, aux fins de la Loi, doit être déterminé selon l'heure de Winnipeg.
Le droit de la requérante de parrainer sa famille; y compris son frère, a été enfreint par suite de la négligence personnelle ou professionnelle de l'agent d'immigration qui n'a pas transmis avec célérité la demande de parrainage de la requérante; il l'a ainsi soumise à un traitement inusité, en violation de l'alinéa 2b) de la Déclaration des droits et à l'article 12 de la Charte. De plus, on lui a refusé le droit à une audience équitable, garanti par l'alinéa 2e) de la Déclaration des droits, parce que le décideur à Manille a fondé sa décision sur la déclaration erronée que l'engagement était daté du 19 avril 1985 au lieu du 16 avril. La requérante n'était pas pour corriger les erreurs, pour indiquer que le non-respect de la date limite n'était pas de sa faute, ou pour débattre les points de droit. Elle a donc été privée de son droit à la même protection de la loi.
L'article 15 de la Charte est entré en vigueur le 17 avril 1985, le lendemain de la présentation par la requérante de sa demande de parrainage. Il appert maintenant que si, en tant qu'immigrante ayant obtenu le droit d'établissement, elle avait fait valoir le droit de parrainer ses parents, le refus aurait pu être annulé en vertu de l'article 15. Elle a été victime de discrimination parce que sa demande a été présentée juste avant la date limite et que le personnel ministériel, se fondant sur la pratique et la politique, n'a pas jugé utile de transmettre sa demande d'urgence en avril 1985.
On ne saurait reprocher à la requérante le «retard», de juin 1985 à février 1987, dans la présentation de la présente demande. En fait, ses avocats ont renouvelé les efforts pour obtenir un redressement du ministre, mais en vain.
Le Règlement à l'examen en l'espèce nécessite une réforme de la procédure, étant donné l'incidence générale des problèmes qu'il occasionne.
Ni la Loi ni le Règlement ne devaient être interprétés ou appliqués de telle sorte qu'ils confirment ou cristallisent ce traitement inusité eu égard au droit de la requérante en date du 16 avril 1985.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 12, 15, 32(1)a).
Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appen- dice III, art. lb), 2b),e).
Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. I-23, art. 25(9). Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 59.
Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 2(1), 4(1)c), 5(1), 6(1)b) (mod. par DORS/79-167, art. 2).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Bailon c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra- tion), jugement en date du 16 juin 1986, Cour fédérale, Division d'appel, A-783-85, non publié; Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177; Mahida c. Ministre de l'Emploi et de l'Im- migration et autre (1987), 11 F.T.R. 150 (C.F. 1'° inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Pangli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra- tion) (1988), 81 N.R. 216 (C.A.F.); Dhaliwal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), ordonnance en date du 26 janvier 1987, Cour fédérale, Division de première instance, T-105-87, encore inédite; Hundal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), ordonnance en date du 16 février 1987, Cour fédérale, Division de première instance, T-264-87, encore inédite.
DÉCISIONS CITÉES:
Prata c. Ministre de la Main-d'oeuvre & de l'Immigra- tion, [1976] 1 R.C.S. 376; (1975), 52 D.L.R. (3d) 383; Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Robbins, [1984] 1 C.F. 1104 (C.A.); Affaire intéressant La Loi sur l'Immigration de 1976 et Kahlon, [1985] 2 C.F. 124 (1" inst.) infirmé par [1986] 3 C.F. 386 (C.A.); Rajpaul c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1987] 3 C.F. 257; (1987), 10 F.T.R. 189 (l'0 inst.); Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311; Wong c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1986), 64 N.R. 309 (C.A.F.); Martineau c. Comité de discipline de l'Institution de Matsqui, [1980] I R.C.S. 602.
AVOCATS:
David Matas pour la requérante. Brian H. Hay pour l'intimé.
PROCUREURS:
David Matas, Winnipeg, pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MULDOON: Deux audiences ont eu lieu en l'espèce, les 21 avril et 14 décembre 1987, à Winnipeg. La requérante a été autorisée, lors de la dernière audience, à modifier son avis de requête dont la version définitive mais abrégée, est la suivante:
[TRADUCTION] SACHEZ qu'une demande sera déposée au nom de la requérante ... en vue d'obtenir:
1) un CERTIORARI annulant la décision de l'intimé selon laquelle Winchel Alvero n'est pas une personne à charge au sens de l'article 2 du Règlement sur l'immigration de 1978; et
2) un MANDAMUS ordonnant à l'intimé de traiter la demande de résidence permanente de Winchel Alvero en qualité de personne à charge qui accompagne son père William Alvero;
SACHEZ DE PLUS QUE la requérante demandera subsidiaire- ment:
un CERTIORARI annulant la décision de l'intimé de ne pas traiter la demande de droit d'établissement de Winchel Alvero fondée sur des considérations d'ordre humanitaire et renvoyant le dossier pour réexamen pour le motif que:
1) La présence de frères et soeurs de Winchel Alvero aux Philippines n'est pas une considération pertinente lors- qu'il s'agit d'un redressement basé sur des motifs de commisération,
2) Ce qui importe, c'est de faciliter la réunion de Win- chel Alvero avec sa famille au Canada,
ET SACHEZ que la requérante sollicitera toute autre ordonnance qui semblera appropriée;
ET...
La question en litige est de savoir si, pour les fins de sa demande d'immigration, Winchel, le frère de la requérante, est admissible au parrai- nage, alors qu'il a atteint l'âge de vingt et un ans au cours de la procédure de parrainage, et donc avant que celle-ci ne soit complétée. Tout d'abord, on peut dire sans aucune réserve que, parmi toutes les personnes visées dans cette affaire, la requé- rante n'a elle-même jamais commis de faute ni retardé aucune procédure durant toute la période en cause.
Les affidavits produits en l'espèce par la requé- rante et d'autres personnes demeurent tels quels puisqu'aucun des déposants n'a été contre-inter- rogé sur ces affidavits. En bref, suivant la preuve
non contredite soumise à la Cour, voici l'essentiel de toute cette affaire:
[TRADUCTION] 1984
23 mai—Le frère de la requérante, Winchel, jure que lui-même et sa soeur Wilna se sont présentés à l'ambassade du Canada à Manille à cette date et ont été informés que le bureau des visas de l'endroit ne leur fournirait pas «de formulaires de demande d'immigration avant que la demande de parrainage de notre soeur [la requérante en l'espèce] ait été déposée et acceptée au Canada et que cette acceptation ait été communiquée au bureau des visas aux Philippines».
31 juillet—La requérante a demandé la citoyenneté canadienne dès qu'il lui a été possible de le faire, comme le démontre la pièce «A» jointe à son troisième affidavit, donné sous serment le 18 septembre 1987;
Août à décembre—La requérante a attendre avant d'être reçue en entrevue par un juge de la citoyenneté. Comme elle l'a elle-même appris plus tard, et comme l'indique la pièce «C» jointe à son troisième affidavit, le mandat d'une durée de trois ans du seul juge de la citoyenneté du Manitoba à cette époque expirait le 15 novembre et il y avait un arriéré d'environ 400 dossiers à traiter en plus d'à peu près 500 nouveaux cas à traiter chaque mois. Au mois de décembre, la requérante commença à craindre que les délais retardant le traitement de sa demande de citoyenneté puissent compromettre le parrai- nage de son frère qui allait avoir 21 ans le 19 avril 1985, comme l'indique la pièce «D» jointe à son premier affidavit.
Décembre—La requérante a téléphoné au service des «rensei- gnements» du bureau d'immigration de Winnipeg et elle a dit à la personne qui lui a répondu qu'elle entendait parrainer sa famille, y compris «un frère qui allait avoir 21 ans» et «lui a demandé quelle était la date limite» de parrainage. La requé- rante jure que la personne en question lui a répondu que si elle demandait à parrainer sa famille avant que son frère atteigne l'âge de 21 ans, celui-ci serait admissible audit parrainage. Cette personne ne l'a pas avisée que son frère devait remplir sa propre demande d'immigration au bureau canadien des visas à l'étranger avant d'avoir 21 ans.
1985
11 février—La requérante a été reçue en entrevue par un juge de la citoyenneté qui a recommandé qu'on lui accorde la citoyenneté. Voir la pièce «D» jointe à son troisième affidavit.
—Toujours en février, la requérante, qui n'avait pas encore prêté son serment de citoyenneté, a pris rendez-vous au bureau de l'immigration pour le 27 mars, espérant qu'à cette date on lui aurait permis de prêter serment.
20 mars—La requérante a annulé le rendez-vous du 27 mars car aucune date ne lui avait été fixée pour prêter serment. La première date disponible pour un rendez-vous au bureau de l'immigration était le 16 avril 1985.
—L'assermentation de la requérante a finalement été fixée au 2 mai, comme le démontre la pièce «E» jointe à son deuxième affidavit. Toutefois, elle a fait modifier ladite date pour qu'elle soit fixée avant celle du rendez-vous du 16 avril.
11 avril—La requérante a prêté son serment de citoyenneté ce jour-là, comme l'indique la pièce «D» ci-haut mentionnée. Mais incapable d'obtenir son certificat le jour même, elle a demandé et obtenu une lettre de la Cour de la citoyenneté canadienne (pièce «F»), confirmant son nouveau statut de citoyenne «pour
fins de présentation aux fonctionnaires d'Immigration Canada». Son certificat no 3677627 (pièce «G») prouve qu'elle est deve- nue une citoyenne canadienne le 11 avril 1985.
On remarquera que, jusqu'ici dans la suite des événements, la requérante n'a pas eu affaire aux employés ou autres fonctionnaires du ministère de l'intimé et n'a donc pas été retardée par eux. Il semble que le gestionnaire et le gestionnaire par intérim de la Cour de la citoyenneté à Winnipeg méritent des félicitations (pièces «D» et «F» jointes au troisième affidavit de la requérante) mais jus- qu'à maintenant, les services du gouvernement du Canada n'avaient occasionné à la requérante que des retards malheureux. Bien sûr, n'eût été l'immi- nence du vingt et unième anniversaire de naissance de Winchel, cette suite de retards aurait entraîné une situation moins ou même aucunement urgente et inquiétante.
Le 16 avril 1985, soit trois jours avant l'anniver- saire de naissance de Winchel, et [TRADUCTION] «à la première date que le C.I.C. pouvait lui accorder» une entrevue, aux termes du paragraphe 10 de son troisième affidavit, la requérante a demandé à parrainer sa famille et elle a été reçue en entrevue par un agent d'immigration («J.M.I.»), lequel a également signé un affidavit déposé en l'espèce. Il n'y a pas vraiment de contradiction entre les deux dépositions, sauf que «J.M.I.» jure qu'à sa connaissance, il ne se souvient pas d'avoir fait certaines observations à la requérante (para- graphe 4). II connaît également mieux que la requérante la date d'entrée en vigueur d'une modi fication apportée au Guide de l'immigration de l'intimé, mais ce fait ne détruit pas la crédibilité des deux déposants.
Voici quelques extraits tirés du premier affidavit de la requérante relativement à cette période cruciale:
[TRADUCTION] 6. J'ai demandé à parrainer ma famille au C.I.C. à Winnipeg le 16 avril 1985 comme l'indique la pièce «A» jointe aux présentes.
7. M. [«J.M.I.»], l'agent d'immigration du C.I.C. avec lequel j'ai eu une entrevue le 16 avril 1985, ne m'a pas indiqué que ma demande poserait des difficultés ni que mon frère WINCHEL pourrait être inadmissible à cause de son âge.
9. Mon frère WINCHEL était en tout temps disponible pour se rendre à l'ambassade du Canada à Manille et soumettre sa demande de droit d'établissement dès qu'une telle demande lui serait remise.
[Note: Le procureur de l'intimé s'est opposé au par. 9 pour le motif que c'était du ouï-dire; mais l'importance de la correspon- dance entre la requérante et son frère parmi tous les autres documents déposés révèle que ledit paragraphe est probable- ment exact].
10. M. [«J.M.I.»] m'a adressé une lettre en date du 18 avril 1985, m'informant que mon engagement était envoyé à l'am- bassade du Canada à Manille. La lettre est jointe aux présentes sous la pièce «C». Dans cette lettre, M. [«J.M.I.»] ne m'a donné aucune raison de croire que mon frère WINCHEL serait inadmis sible à cause de son âge.
12. [«J.M.I.»] n'a pas homologué mon engagement relatif au parrainage avant le 19 avril 1985, comme l'indique la pièce «A» jointe aux présentes.
13. L'intimé a pour politique de traiter toutes les demandes de la catégorie de la famille avec autant de célérité que possible de façon à ce que le refus d'un visa ne soit pas à des délais administratifs dont il serait responsable. L'intimé communique désormais à l'étranger par télex pour transmettre des renseigne- ments sur un engagement relatif au parrainage lorsque le requérant, étant une personne à charge de la catégorie de la famille et accompagnant celle-ci, atteindra bientôt l'âge de 21 ans; et il exige que les formulaires de demande soient envoyés d'urgence au requérant. La politique et la procédure sont exposées à la pièce «E» jointe aux présentes.
14. Le C.I.C. à Winnipeg n'a pas communiqué par télex ma demande de parrainage à l'ambassade du Canada à Manille mais l'a plutôt fait parvenir par courrier ordinaire. L'ambas- sade du Canada à Manille a reçu ma demande le 16 mai 1985, comme l'indique la pièce «F» jointe aux présentes.
15. L'ambassade du Canada à Manille a communiqué par télex avec le C.I.C. à Winnipeg le 10 juin 1985, demandant que je raie le nom de mon frère WINCHEL de ma demande de parrainage en présumant à tort que la date de naissance de mon frère WINCHEL était le 10 avril 1986, comme l'indique la pièce «G» jointe aux présentes.
17. J'ai refusé de rayer le nom de mon frère WINCHEL de ma demande de parrainage.
Relativement à cette période cruciale, l'agent d'immigration «J.M.I.» rapporte les faits suivants dans son affidavit:
[TRADUCTION] 3. Vers le 16 avril 1985, j'ai rencontré la requérante et je l'ai interrogée relativement à son engagement à aider les membres de sa famille aux fins de leur demande de droit d'établissement. Deux pages de notes manuscrites, datées du 17 avril 1985 et rédigées à la suite de ma rencontre et de mon entrevue avec la requérante vers le 16 avril 1985, sont jointes aux présentes sous la cote «A».
4. À ma connaissance, je n'ai probablement pas tenu compte du fait que la date à laquelle Winchel Alvero allait avoir 21 ans soit le 19 avril 1985, approchait. À ma connaissance, je ne me souviens pas d'avoir fait des observations dans un sens ou dans l'autre à la requérante, concernant l'admissibilité de son frère Winchel.
5. J'ai lu l'affidavit de la requérante et quant au paragraphë 13 dudit affidavit, ce n'était ni notre politique ni notre habitude
«de communiquer à l'étranger par télex pour transmettre des renseignements sur un engagement relatif au parrainage lors- que le requérant, étant une personne à charge de la catégorie de la famille et accompagnant celle-ci atteindra bientôt l'âge de 21 ans». À ma connaissance, l'alinéa 4c)iii) du Guide de l'immi- gration IS 2.21 ne figurait pas dans ledit Guide en avril 1985. Je crois que ce sous-alinéa a été ajouté au Guide en septembre 1986. Une photocopie de la page 19 du Guide d'immigration IS 2.21 de septembre 1986, sur laquelle un signe «+» apparaît en marge, indiquant que cet alinéa est ajouté et fait désormais partie du guide, est jointe aux présentes sous la pièce «B».
L'affidavit de «J.M.I.» a été donné sous serment le 15 avril 1987 et celui de la requérante, le 3 février 1987.
Il semble que l'engagement de la requérante ait été expédié à Manille par courrier de surface puisqu'il a fallu environ un mois, c'est-à-dire jus- qu'au 16 mai 1985, selon le timbre dateur pour se rendre de Winnipeg jusque-là, tel qu'il appert à la pièce «F» jointe au premier affidavit de la requérante.
Il semble que «J.M.I.» ait fait montre de négli- gence, comme il l'a presque admis au paragraphe 4 de son affidavit (ci-dessus). Il semble également que le personnel du ministère de l'intimé, sinon l'intimé lui-mêmeà cette époque, aient été négli- gents, nonchalants et tout à fait inconscients de l'état d'urgence existant alors. Il ne s'agissait pas d'un cas isolé, comme le démontre la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Commission d'appel de l'immigration. La requérante semble être exempte de tout blâme, vu la façon cavalière dont elle a été traitée par le personnel et les services du gouverne- ment depuis le tout début. L'avocat de l'intimé note judicieusement que l'intimé en l'espèce et le ministère ne peuvent être tenus responsables des délais antérieurs occasionnés par un autre minis- tère. La requérante a été mal servie par les systè- mes qui ont été mis en place, à cause de l'inertie gouvernementale. Pour respecter la volonté du législateur, l'intimé doit simplement recevoir l'en- gagement de la requérante, le vérifier et le trans- mettre sans délai afin que la requérante et tous ceux qui sont dans la même situation qu'elle puis- sent bénéficier de tout le temps accordé par le législateur. Elle n'a pas été traitée comme ce der- nier le désirait.
En fait, il semble que si la requérante avait déposé sa demande dix-sept mois plus tard, soit en
septembre 1986, celle-ci aurait été transmise à Manille à la vitesse de l'électronique, selon le paragraphe 5 de l'affidavit de «J.M.I.». Mais alors, pourquoi ses droits ont-ils été brimés en avril 1985? L'intimé a manifestement pris conscience de cette situation qui se soldait par la privation des droits des requérants et la mauvaise administra tion d'un ministère faisait obstacle à l'application de la Loi.
Compétence
Le procureur de l'intimé soutient que cette Cour n'a pas la compétence requise pour connaître de la demande de redressement en l'espèce et pour déci- der s'il s'agit d'une prévarication. Il laisse entendre que la Commission d'appel de l'immigration est le seul tribunal compétent dans ce genre d'affaire. Une jurisprudence abondante a été citée par les deux parties mais la décision claire, décisive et concluante rendue à l'unanimité par la Cour d'ap- pel fédérale et rédigée par le juge Hugessen dans l'arrêt Bailon c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (A-783-85), le 16 juin 1986, règle cette question:
L'appelante a parrainé une demande de droit d'établissement présentée par sa mère et son demi-frère, ce dernier étant âgé d'un peu moins de 21 ans à l'époque. À cause de son âge, celui-ci n'aurait pu être admis qu'en vertu de l'article 6 du Règlement à titre de personne se trouvant à la charge de sa mère, qui appartenait à la catégorie de la famille; le paragraphe 4(1) du Règlement ne lui permettait pas de se réclamer des membres de la catégorie de la famille ou de demander son admission à ce titre.
À notre avis, la Commission a, à juste titre, décidé qu'elle n'avait pas la compétence requise pour entendre l'appel. La demande de droit d'établissement faite par la mère de l'appe- lante, la seule personne appartenant à la catégorie de la famille à avoir présenté une demande, n'a pas été refusée; le refus visait la demande de droit d'établissement du demi-frère de l'appe- lante à titre de personne à la charge de sa mère. L'article 79 de la Loi établit très clairement qu'un répondant ne peut interjeter appel que du rejet d'une demande présentée par une personne appartenant à la catégorie de la famille et non du refus d'inclure dans la demande quiconque serait à la charge de la personne appartenant à cette catégorie.
De même, si on avait recours à la Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appendice III et à la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi constitution- nelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982 chap. 11 (R.-U.)), cette allégation de prévarication concernant l'application d'une loi du Canada pourrait certainement constituer une
dérogation à certains droits qui y sont garantis, et exclure la clause privative de l'article 59 de la Loi sur l'immigration de 1976 [S.C. 1976-77, chap. 52]. Cette proposition est d'autant plus vraie que les tribunaux ont statué que la Commission n'était pas compétente pour connaître d'une affaire comme en l'espèce. On peut aussi noter à ce sujet l'opinion du juge Martland dans l'arrêt Prata c. Ministre de la Main-d'œuvre & de l'Immigration, [1976] 1 R.C.S. 376; (1975), 52 D.L.R. (3d) 383.
La requérante se plaint que la mauvaise admi nistration de l'intimé a porté atteinte à son droit de s'engager à parrainer sa famille, incluant son frère qui était légalement à la charge de son père jus- qu'au 19 avril 1985. Il ne peut y avoir aucun doute, comme le procureur de l'intimé l'a admis, que c'est le droit même de la requérante qui est en jeu. La jurisprudence pertinente est Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Robbins, [1984] 1 C.F. 1104 (C.A.) (aux pages 1106 et 1107, le juge Urie pour la Cour); Affaire intéressant la Loi sur l'Immigration de 1976 et Kahlon, [1985] 2 C.F. 124 (F e inst.) (infirmé pour d'autres motifs par [1986] 3 C.F. 386 C.A.)); et Rajpaul c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1987] 3 C.F. 257; (1987), 10 F.T.R. 189 (l fe inst.).
L'atteinte présumée au droit de la requérante qui résulterait d'une prévarication n'est pas un obstacle à sa demande de redressement. Telle est la décision de Madame le juge Wilson dans l'arrêt Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177, aux pages 195 et 196. Citant l'arrêt de la Cour suprême Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311, elle écrivait:
Dans cet arrêt, le juge en chef Laskin a expressément adopté, à la p. 324, ce que le juge Megarry a déclaré dans la décision Bates v. Lord Hailsham, [1972] 1 W.L.R. 1373 (R.-U.), à la p. 1378: [TRADUCTION] «dans le domaine de ce qu'on appelle le quasi-judiciaire, on applique les règles de justice naturelle et, dans le domaine administratif ou exécutif, l'obligation générale d'agir équitablement». En d'autres termes, le simple fait de considérer l'obligation du Ministre prévue à l'art. 45 comme étant de nature administrative n'exclut pas l'obligation d'agir équitablement énoncée dans l'arrêt Nicholson: voir Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada, [1980] 2 R.C.S. 735, la p. 750 (le juge Estey); Martineau c. Comité de discipline de l'Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602,
aux pp. 623 et 624, 628 631 (le juge Dickson, alors juge puîné).
Il est constant que les règlements valablement pris par le gouverneur général en conseil confor- mément au pouvoir légal qui lui a été délégué, ont la même force que la loi adoptée par le Parlement lui-même. En conséquence, le Règlement sur l'im- migration de 1978 [DORS/78-172] est la source véritable du droit de la requérante de parrainer sa famille, incluant Winchel. Le paragraphe 2(1) du Règlement définit «personne à charge» comme «[son] fils ou [sa] fille ... non marié [c'est-à-dire qui n'a jamais été marié] et âgé de moins de 21 ans». Le paragraphe 4(1) du Règlement accorde à la requérante le droit de parrainer une demande de droit d'établissement présentée par les membres de la catégorie de la famille, incluant «c) son père, sa mère ... âgé de soixante ans ou plus». Le paragra- phe 6(1) du Règlement [mod. par DORS/79-167, art. 2] prévoit que «lorsqu'une personne apparte- nant à la catégorie de la famille présente une demande de visa d'immigrant, l'agent des visas peut lui en délivrer un ainsi qu'aux personnes à sa charge qui l'accompagnent, . .. b) si le répondant (i) s'est engagé». Une photocopie de l'engagement de la requérante est jointe à son premier affidavit sous la cote «F». La validité et la régularité dudit engagement ne sont pas en cause, sauf qu'il n'a pas été reçu à l'ambassade à Manille avant le 16 mai 1985.
En fait, la Loi accorde à la requérante et à tous ceux qui sont dans sa situation le droit de parrai- ner une personne à charge de sa famille, tel Win- chel, tant que cette personne a «moins de 21 ans». La requérante a assurément fait tout ce qu'elle pouvait pour faire valoir ce droit, mais elle a été contrariée lorsque le personnel de l'intimé a refusé de traiter la demande de son père, incluant le fils Winchel Alvero en sa qualité de personne à charge, parce que ce dernier avait [TRADUCTION] «plus de 21 ans au moment le formulaire IMM8 a été transmis à l'ambassade»! (Pièce «K» jointe au premier affidavit de la requérante.) Demande tar- dive, non pas à cause d'un acte ou d'une omission de la requérante, mais plutôt à cause d'une insou ciance déraisonnable de la part du personnel de l'intimé face à un état d'urgence. C'est ce qui ressort de la pièce «K» le deuxième secrétaire (immigration) écrit: « . .. Winchel était parrainé par Mme Alvero-Rautert et son parrainage a été autorisé le 19 avril 1985, c'est-à-dire le jour il a eu 21 ans». (Non souligné dans le texte original.)
Cela règle la question, selon l'intimé, pour ce qui est des démarches fructueuses que la requérante a entreprises en vue de prêter son serment de citoyenneté le plus tôt possible et de se présenter au bureau d'immigration de Winnipeg dans les plus brefs délais afin de remplir sa demande et son engagement relatif au parrainage. L'échec en l'es- pèce est la conséquence de l'effort insuffisant déployé par l'intimé et de son habitude insouciante de transmettre les demandes urgentes par courrier ordinaire.
Questions d'interprétation
Au moins deux questions d'interprétation se posent en l'espèce.
La première consiste à déterminer si l'intimé a, eu raison de calculer le délai à partir du moment la famille a déposé aux Philippines sa demande de droit d'établissement déjà parrainée par la requérante. Dans la cause Mahida c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration et autre (1987), 11 F.T.R. 150 (C.F. ire inst.), une autre affaire il s'agissait d'un retard du ministère, le juge Joyal (qui a suivi l'arrêt de la Division d'appel Wong c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1986), 64 N.R. 309) a statué la page 155]:
C'est ainsi que, selon les circonstances de l'espèce, ce sera la date de la demande d'immigration ou celle d'un engagement à fournir de l'aide qui arrêtera le chronomètre.
Compte tenu des faits, je dois conclure que le processus visant l'obtention d'un visa d'immigrant a été amorcé en bonne et due forme lorsque l'engagement à fournir de l'aide a été produit et approuvé à Toronto. Ce document a été confié en temps utile à un fonctionnaire qui l'a ensuite transmis par courrier. Les retards étaient indépendants de la volonté des services de l'immigration et des immigrants éventuels. Aucune des parties ne s'est comportée de manière active ou passive afin de rompre le processus qui s'est poursuivi jusqu'au bout. C'est donc la date à laquelle il a été amorcé qui doit servir à déterminer si le fils Yusufbhai est admissible à titre de personne à charge.
La décision de l'agent des visas est annulée. Il est ordonné aux intimés de renvoyer le cas de la personne à charge nommée en l'espèce à l'agent des visas afin qu'il réexamine la demande en tenant compte du fait que ladite personne à charge, sous réserve de son admissibilité suivant la Loi et le Règlement, ne fait pas par ailleurs partie des personnes non admissibles sous le régime de l'alinéa 6(1)a) du Règlement sur l'immigration de 1978.
La deuxième question est de déterminer l'effet, le cas échéant, du processus entamé par la requé-
rante à Winnipeg, à l'est de la ligne internationale de changement de date et poursuivi à Manille, à l'ouest de cette ligne. Le Parlement manifeste-t-il une quelconque intention de légiférer extra-territo- rialement en promulguant le paragraphe 25(9) de la Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. I-23? Non. L'âge est réputé atteint au commencement du jour anniversaire. En conséquence, il serait déraisonnable d'accorder un droit pouvant être exercé au Canada dans un certain délai alors que ce délai est déjà expiré de l'autre côté de la ligne de changement de date. À cet égard tout au moins, cette disposition signifie que Winchel était une personne à charge que la requérante avait le droit de parrainer dans les circonstances jusqu'au com mencement du 19 avril 1985, heure de Winnipeg, peu importe la situation à Manille.
Il s'agit maintenant de déterminer ce que la législation pertinente ne prévoit pas et qui restreint le droit de la requérante. Elle ne précise pas que lorsque le processus de parrainage est engagé un peu plus de 48 heures avant la période cruciale, un agent d'immigration peut manquer à ses obliga tions professionnelles et retarder ce processus au mépris de la volonté du législateur. Si la Loi signifie quelque chose, c'est qu'elle reconnaît le droit de la requérante jusqu'au tout dernier moment. En ne traitant pas son cas d'urgence, on lui a causé un préjudice en supprimant, en restrei- gnant ou en enfreignant son droit et en allant à l'encontre de la volonté du législateur. Après tout, la Loi ne contient aucune disposition permettant aux fonctionnaires de ne plus essayer de respecter la volonté du législateur simplement parce qu'il reste peu de temps. L'intimé n'a pas allégué qu'il avait une charge de travail écrasante. En omettant d'aviser le bureau des visas à Manille du parrai- nage de la requérante par le moyen le plus rapide qui était disponible, on a supprimé et restreint son droit. Le dossier ne contient aucune preuve sur laquelle on pourrait se fonder pour dire que les Alveros n'auraient pas répondu avec célérité à un appel du bureau des visas.
Déclaration canadienne des droits
L'article 1 de la Déclaration canadienne des droits accorde à la requérante et à toute autre personne dans sa situation:
1....
b) le droit ... à l'égalité devant la loi et à la protection de la loi;
L'article 2 de la Déclaration édicte notamment que
2.... nulle loi du Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme
b) infligeant des peines ou traitements cruels et inusités ... ;
Le terme «inusité» doit être pris au sens qualitatif et non quantitatif. Ainsi, même si tous les dossiers le vingt et unième anniversaire est imminent étaient traités avec la même négligence ou insou ciance de la part d'un fonctionnaire comme ce fut le cas pour la requérante, la façon dont celle-ci a été traitée serait quand même un traitement «inu- sité» suivant le critère de l'intention manifeste du législateur lors de l'adoption de la Loi, et celui de son absence d'intention dont il a été, question ci-haut.
La Cour statue donc que le droit de la requé- rante de parrainer sa famille, y compris son frère qui était encore une personne à charge le 16 avril 1985, a été supprimé, restreint ou enfreint par suite de la négligence personnelle ou profession- nelle de l'agent d'immigration qui n'a pas transmis avec célérité la demande de parrainage de la requérante; il l'a ainsi soumise à un traitement inusité et lui a refusé la protection de la loi que le législateur a voulu lui accorder, à elle et à tous ceux qui sont dans une situation semblable.
Si l'on excepte l'erreur de lecture initiale et inopportune concernant la date de naissance de Winchel, il est évident que le décideur a constaté une erreur beaucoup plus importante dans le dos sier. «J.M.I.» a fait en sorte que l'engagement de la requérante soit daté du 19 avril 1985 (date du 2P anniversaire de Winchel) plutôt que du 16 avril 1985, date à laquelle la requérante a fait tout ce qu'elle pouvait légalement faire pour présenter son engagement. En ce sens, on peut également consi- dérer que le droit qui lui est reconnu par l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits a été supprimé, restreint ou enfreint. Sa situation res- semble quelque peu à celle du requérant dans l'arrêt Pangli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 81 N.R. 216, une déci- sion unanime de la Cour d'appel fédérale rendue le 12 novembre 1987 par M. le juge Heald, à laquelle
ont souscrit les juges Urie et Desjardins. Dans cette dernière cause, la Cour a statué, dans ces circonstances, que le décideur canadien à New Delhi a omis d'accorder «une audience impartiale suivant les principes de justice fondamentale».
En l'espèce, il est fort douteux que le décideur qui a reçu de faux renseignements, bien après l'expiration de la date limite—sans la faute de la requérante (ce que le décideur ne pouvait savoir)—ait accordé l'audience équitable de rigueur, quelles qu'aient été ses bonnes intentions. Après tout, la requérante n'était pas devant lui pour corriger les erreurs de fait, ou pour débattre les points de droit. Elle a donc aussi été même privée de son droit à la même protection de la loi, car le déni d'un droit dans ces circonstances équi- vaut au déni de l'autre.
Charte canadienne des droits et libertés
Voici les dispositions pertinentes de la Charte en l'espèce:
12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements ... cruels et inusités.
(Il est fort probable que la requérante considère le traitement qu'elle a reçu comme «cruel» mais si tel est le cas, la «cruauté» est assurément subjective et non objective. Mais ce traitement est tout aussi «inusité» au regard de la Charte qu'il l'est au regard de la Déclaration des droits.)
15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimina tion ...
32. (1) La présente charte s'applique:
a) au Parlement et au gouvernement du Canada, pour tous
les domaines relevant du Parlement ...
Or l'article 15 de la Charte est entré en vigueur le 17 avril 1985, le lendemain du rendez-vous de la requérante au bureau d'immigration. À cette époque, le paragraphe 5(1) du Règlement pré- voyait qu'un citoyen pouvait demander à parrainer des parents de tout âge, mais que les immigrants reçus ne pouvaient le faire avant que lesdits parents n'aient atteint l'âge de 60 ans, comme le prévoient les alinéas 4(1)c) et d) du Règlement. Comme elle était contraire à l'article 15, cette
distinction a été subséquemment écartée avec le consentement de l'intimé dans la cause Dhaliwal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra- tion) (T-105-87), entendue devant cette Cour, dont le jugement fut prononcé par le juge Strayer le 26 janvier 1987 et dans la cause Hundal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra- tion) (T-264-87) dont le jugement fut prononcé par le juge en chef adjoint Jerome le 16 février 1987.
On peut toutefois difficilement s'attendre à ce que la requérante se fonde sur la jurisprudence à venir puisqu'elle n'est ni une avocate ni, on le présume, une voyante. Néanmoins, il est mainte- nant évident que si, à titre d'immigrante reçue, elle avait fait valoir son droit de parrainer ses parents et la personne à charge Winchel, le refus inévitable d'une telle demande après le 17 avril 1985 aurait pu être évité grâce à la Charte. La requérante était et est toujours prise dans un labyrinthe de lois et de politiques qui ont, depuis ce temps, été jugés invalides au regard de la Charte et reconnus ainsi par le gouvernement.
En regard de tous ceux à qui le législateur voulait accorder le bénéfice et la protection de la loi concernant le parrainage des familles, il est manifeste que la requérante n'a pas été traitée sur le même pied. Dès le 17 avril 1985, elle a été victime de discrimination, non pas pour l'un des motifs exposés au paragraphe 15(1) de la Charte mais parce que sa demande a été présentée juste avant la date limite et que «J.M.I.», se fondant sur la pratique et la politique du Ministère, n'a pas jugé utile de transmettre sa demande d'urgence en avril 1985.
Responsabilité du gouvernement
Durant l'instance, soit le 3 juin 1986, l'intimé a ajouté une nouvelle raison qui justifierait le rejet du parrainage de Winchel, le frère de la requé- rante. Cette raison figure à la pièce «K» jointe au premier affidavit de la requérante. Elle est formu- lée ainsi: même si on acceptait que les parents viennent au Canada, il n'existerait pas de considé- rations d'ordre humanitaire dans le cas de Winchel puisque ce dernier a encore des membres de sa famille aux Philippines. C'est une affirmation exagérée. Ce qu'il faut dire dans les circonstances, c'est que la présence de certains frères et soeurs ou
autres membres de la famille de Winchel Alvero aux Philippines n'est pas nécessairement pertinente et ne peut certainement empêcher une décision fondée sur des considérations d'ordre humanitaire. Il faut procéder à un examen de la situation de Winchel plus approfondi et plus subtil que celui que reflète l'affirmation exagérée ci-dessus. À compter du 17 avril 1985, la requérante s'est éga- lement vu refuser la protection équitable de la loi. Ce n'est qu'un autre exemple démontrant qu'elle a subi un traitement inusité de la part du gouvernement.
Une telle situation incite à nous interroger sur les raisons de l'intimé de contester la présente demande. Elle soulève la question de la compé- tence de la Cour lui permettant de réparer une injustice administrative, expression moderne de l'equity, et qui a été établie par les arrêts Nichol- son et Martineau [Martineau c. Comité de disci pline de l'Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602] dont il a été question ci-dessus. La requérante se présente devant cette Cour avec «les mains propres», ce qu'on peut difficilement contester, sauf à un égard.
Le seul aspect de cette affaire à l'égard duquel le procureur de l'intimé prétend que la requérante n'a pas droit aux redressements qu'elle demande est [TRADUCTION] «le retard inexpliqué qu'elle a laissé écouler entre juin 1985 et février 1987 pour déposer la présente demande». En fait, la raison de ce retard ressort clairement du dossier. Le procu- reur prétend en réalité que l'explication n'est pas suffisante.
Au cours de cette période allant de la mi-juin 1985 jusqu'au dépôt de la présente demande le 4 février 1987, il y a eu une correspondance volumi- neuse entre l'ancien procureur de la requérante et le bureau des ministres qui ont détenu le porte- feuille de l'intimé. La plus grande partie de cette correspondance est reproduite et jointe au premier affidavit de la requérante sous la pièce «H». Plu- sieurs autres lettres sont reproduites et jointes au deuxième affidavit de la requérante sous la pièce «D». Cette correspondance commence en juillet 1985 mais le refus par écrit de l'intimé d'accepter la demande de droit d'établissement des Alveros, basé sur l'âge de Winchel, est en fait daté du 16 avril 1986; des copies de la correspondance sont
jointes au premier affidavit de la requérante sous les pièces «I» et «J». Les motifs détaillés du rejet figurent à la pièce «K» datée du 3 juin 1986.
Il est manifeste que l'ancien procureur de la requérante a vaillamment tenté d'attirer l'attention de trois ministres qui ont successivement détenu le titre de l'intimé, mais apparemment en vain. Le procureur s'est finalement résolu à utiliser le ser vice exprès de la poste recommandée mais il semble qu'au cours de cette période, et particuliè- rement de cette courte période, ses lettres n'ont pas été reçues ou ne sont pas arrivées à destination, ou encore que les aides et les adjoints des différents ministres ont été négligents ou ont simplement refusé de s'occuper des lettres du procureur. Le procureur de l'intimé dénigre ce procédé en le qualifiant de «voie politique», et en disant qu'il est à l'origine du manque de diligence de la requé- rante, celle-ci ayant négligé d'utiliser la «voie légale», c'est-à-dire une action en justice. En vérité, les termes [TRADUCTION] «politiquement délicat» n'apparaissent que dans la dernière lettre désespérée du procureur, en date du 9 janvier 1987, la dernière rubrique de la pièce «D» jointe au deuxième affidavit de la requérante.
Le procureur de l'intimé affirme que ce retard présumé a causé un préjudice à son client qui a eu [TRADUCTION] «de la difficulté à obtenir les docu ments pertinents à Manille» et «n'a pas été avisé qu'une action judiciaire était envisagée» parce que l'ancien procureur [TRADUCTION] «n'a jamais laissé entendre qu'il y aurait une telle action». Il s'agit d'un argument ingénieux et brillant que la Cour rejette néanmoins. Premièrement, toute cette correspondance enflammée provenait d'un avocat qui exerce une profession dont la tendance sinon la raison d'être est finalement d'engager des procédu- res judiciaires. Deuxièmement, à moins que les bureaux des ministres et le ministère ne soient complètement désorganisés, ce qui n'a pas été admis par les avocats, les lettres du procureur de la requérante auraient avoir l'effet diamétrale- ment opposé à celui dont a parlé le procureur de l'intimé. Elles auraient normalement servir à inciter fortement les intéressés à rassembler les pièces, sinon pour faire face à un litige (une idée qui vient naturellement à l'esprit), du moins en vue de répondre aux insistances du procureur pour que l'intimé réexamine personnellement les faits de cette affaire.
Il est vrai que celui qui envisage d'intenter une action en justice et le fait ne doit pas atermoyer et retarder sans raison valable, car les cours de jus tice et autres tribunaux voient d'un mauvais oeil un tel manque d'empressement qui peut même dans certains cas se heurter à la prescription. En l'es- pèce, l'intimé ne saurait invoquer la question du «retard» alors qu'il est manifeste que le premier procureur de la requérante n'a pu tirer, obtenir ou même arracher une réponse d'aucun des trois ministres agissant successivement à titre d'intimé.
À tout événement, le procureur de la requérante a une vision différente de l'affaire et la Cour, dans les circonstances particulières de l'espèce, partage cette vision. Comme la loi elle-même tend à ne pas précipiter indûment les poursuites, il était tout à fait correct de demander d'abord un redressement administratif en s'adressant au ministre. Les par ties à un litige devraient épuiser tous les recours pour régler leur différend avant d'engager des procédures judiciaires. En effet, une fois qu'une action est intentée, un ministre n'aurait pas tort d'adopter la position, et il le fait habituellement, que, comme l'affaire est devant les tribunaux, il refuse d'agir. Peut-être aura-t-il fallu un peu trop de temps au premier procureur de la requérante pour comprendre qu'il ne recevrait pas de réponse à ses lettres, mais ce silence est si surprenant qu'il n'appartient pas à l'intimé de blâmer la requérante pour le prétendu retard. Une tentative honnête de régler le différend avant d'intenter une action n'est pas déraisonnable. C'est la conduite de l'intimé qui était déraisonnable.
Il ne faut pas oublier que toute cette triste histoire est due à un retard occasionné par le gouvernement dans l'obtention par la requérante de sa citoyenneté en 1984.
Conclusions
En conclusion, la Cour statue, en premier lieu, que la requérante a été, dans les faits, privée de la protection de la loi qui lui est garantie par l'alinéa l b) de la Déclaration canadienne des droits.
La Cour conclut que le droit de la requérante à une audience impartiale a été, peut-être involontai- rement, supprimé, restreint ou enfreint par le déci- deur à Manille, en violation de l'alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits.
La Cour statue en outre que le droit de la requérante de parrainer sa famille, y compris Win- chel en qualité de personne à charge, a été sup- primé, restreint ou enfreint à cause de la négli- gence du personnel de l'intimé et (tout au moins avant septembre 1986) à cause de la politique officielle de l'intimé qui a transmis la demande de parrainage de la requérante à l'encontre de la loi et lui a ainsi fait subir un traitement inusité, le tout en violation de l'alinéa 2b) de la Déclaration cana- dienne des droits. La Cour redresse ce préjudice, bien que ce soit ex post facto. En conséquence, la Cour statue que ni la Loi sur l'immigration de 1976 ni le Règlement sur l'immigration de 1978 ne doivent être interprétés ou appliqués de telle sorte qu'ils confirment ou cristallisent ce traite- ment inusité eu égard au droit de la requérante en date du 16 avril 1985. En particulier, le Règlement ne doit pas être interprété ou appliqué de manière à empêcher le parrainage de la demande de droit d'établissement au Canada, présentée par la famille de la requérante incluant Winchel Alvero s'il désire toujours être inclus à titre de personne à charge, et nonobstant le fait qu'il a atteint et dépassé l'âge de 21 ans le 19 avril 1985.
De même, le droit de la requérante de ne pas être soumise à un traitement inusité de la part du gouvernement ou de ses employés, comme le pré- voit l'article 12 de la Charte, a été enfreint et nié. Un tel traitement inusité, après le 17 avril 1985, équivaut également à la négation du droit au même bénéfice et à la même protection de la loi, interdite par le paragraphe 15 (1) de la Charte.
La Cour considère qu'il est juste et approprié dans les circonstances d'accorder à la requérante les redressements qu'elle demande, soit un certio- rari et un mandamus. Elle annule la décision de l'intimé, car celle-ci est le résultat de la négligence, du manque d'empressement et de l'inertie du ministère de l'intimé en 1985, avant que ce dernier ne reconnaisse tardivement le problème et ne modifie son guide en septembre 1986. Tel qu'il a été dit ci-dessus, le problème s'est produit lorsque l'intimé est allé à l'encontre de la volonté du législateur en faisant preuve de nonchalance face aux demandes présentées à la dernière minute mais tout de même à temps, comme ce fut le cas pour la demande de la requérante. Une telle non chalance du ministère qui justifiait le rejet de son
argumentation constituait un traitement inusité au regard de la Déclaration des droits et de la Charte.
Subsidiairement, la Cour statue que le rejet de la demande parrainée de la famille Alvero incluant Winchel Alvero en qualité de personne à charge était fondé sur une erreur de droit. Si la décision rendue par la Cour dans l'affaire Mahida c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (citée plus haut) est fondée [TRADUCTION] «de chrono- mètre s'est alors arrêté» en ce qui concerne le statut de personne à charge de Winchel dès que la requérante a fait tout ce qu'elle pouvait le 16 avril 1985, pour mettre en branle son engagement accepté visant à parrainer et à aider sa famille, incluant Winchel, qui n'avait pas alors atteint 21 ans. La décision de rejeter la demande de droit d'établissement de la famille incluant Winchel doit également être annulée sur cette base.
La possibilité de rétablir cette demande sur une base solide, comme la Cour l'ordonne, ne peut demeurer pour toujours. Grâce à l'engagement déjà accepté de la requérante, la famille, incluant Winchel (comme personne à charge), s'il le veut toujours et s'il est encore non marié, peut déposer une demande n'importe quand jusqu'à la ferme- ture du bureau canadien des visas à Manille (ou du bureau des visas le plus près, de l'ambassade ou du Haut-commissariat) le lundi 18 avril 1988. A cause de l'expiration du délai, Wilna Alvero, la plus jeune soeur de la requérante et fille à charge de ses parents, aurait normalement perdu son statut de personne à charge, sans sa faute. Wilna a eu 21 ans le 30 juin 1987. Si elle veut toujours être incluse à titre de personne à charge et est encore non mariée, elle le sera aux mêmes conditions que son frère Winchel. L'inclusion de Wilna Alvero dépend nécessairement du redressement accordé à la requérante, redressement qui lui revient de plein droit dans cette triste affaire.
Le Règlement en l'espèce nécessite une réforme de la procédure, étant donné l'incidence générale des problèmes qu'il occasionne. Ne touchant qu'à la procédure, une telle réforme n'irait pas à l'en- contre de la volonté du législateur. Elle ne nécessi- terait qu'un travail rapide, facile et peu coûteux.
La décision dont on se plaint en l'espèce est annulée suivant les conditions et directives conte- nues aux présentes. C'est peut-être prendre ses désirs pour des réalités mais si les parties pou- vaient maintenant collaborer pour résoudre leur différend, elles obtiendraient certainement la faveur de la Cour. L'ordonnance sera libellée non seulement pour qu'elle puisse être appliquée par la requérante mais aussi pour permettre la flexibilité d'un moyen subsidiaire, si c'est réaliste. L'intimé devra payer à la requérante tous les dépens entre parties après leur taxation, ou selon l'entente con- clue entre les parties pour éviter une telle taxation.
Si des circonstances ultérieures empêchent les parties de se conformer aux termes de cette ordon- nance de la Cour, sans la faute de la requérante ou des membres parrainés de sa famille avant la fin des heures d'affaires le 18 avril 1988 ou, si le bureau est fermé le 18 avril 1988, le jour suivant l'ambassade ou le bureau des visas sera ouvert, la requérante aura alors péremptoirement le droit, mais après un avis raisonnable, de demander à cette Cour des directives additionnelles qui proro- geront le délai pour s'y conformer.
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