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T-2162-87
Jamshid Zanganeh (requérant) c.
Service canadien du renseignement de sécurité (intimé)
RÉPERTORIÉ: ZANGANEH c. CANADA (SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ)
Division de première instance, juge Muldoon— Ottawa, 13 et 21 avril 1988.
Renseignement de sécurité Refus du SCRS, fondé sur les art. 19, 21, 22 et 26 de la Loi sur la protection des renseigne- ments personnels, d'admettre ou de nier l'existence de rensei- gnements concernant le requérant parce que cela pourrait compromettre la sécurité nationale Confidentialité justifiée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements person- nels et l'art. 1 de la Charte Demande d'examen rejetée.
Protection des renseignements personnels Le SCRS a agi conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels en refusant de reconnaître s'il existait ou non des renseignements dans son fichier de renseignements personnels sur des personnes soupçonnées de se livrer à des activités d'espionnage, de sabotage ou visant à renverser le gouverne- ment par violence.
Droit constitutionnel Charte des droits Clause limita- tive Le SCRS refuse l'accès au fichier de renseignements à l'égard des personnes soupçonnées de se livrer à des activités d'espionnage ou de sabotage Il refuse même de divulguer s'il possède ou non des renseignements sur le requérant pour éviter de compromettre la sécurité du Canada Le secret en matière de sécurité est essentiel même dans une société libre et démocratique Il est justifié en vertu de l'art. 1 de la Charte.
Le requérant a demandé, en vertu de l'article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, la révision de la décision du Service canadien du renseignement de sécurité de refuser la communication des renseignements personnels conte- nus dans le fichier SRS/P-PU-010. Le SCRS n'a pas indiqué si des renseignements personnels existaient dans le fichier mais a déclaré que s'il s'en trouvait, ces renseignements seraient vrai- semblablement, en totalité ou en partie, visés par les exceptions prévues aux articles 19, 21, 22 et 26 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Jugement: la demande devrait être rejetée.
Le fichier de renseignements personnels SRS/P-PU-010 con- tient des renseignements sur des personnes soupçonnées de se livrer à des activités d'espionnage, de sabotage ou visant à renverser le gouvernement canadien par violence ainsi que des conseils fournis par le SCRS relativement à la Loi sur la citoyenneté et à la Loi sur l'immigration de 1976. Le secret complet en matière de renseignement de sécurité, sous réserve d'un certain contrôle, est essentiel même dans une société libre et démocratique. La tenue d'une audience à huis clos et l'audi- tion des arguments en l'absence d'une partie (prévues à l'alinéa 46(I )b) de la Loi sur la protection des renseignements person- nels pour éviter que ne soient divulgués des renseignements
faisant état de l'existence de renseignements personnels lorsque le responsable d'une institution fédérale n'a pas indiqué s'ils existaient ou non) sont justifiables en l'espèce. Le simple fait de reconnaître l'existence de renseignements dans le fichier com- promettrait la sécurité du Canada en ouvrant une brèche dans la protection du secret. Lorsque le SCRS agit en conformité avec la Loi sur la protection des renseignements personnels et sa loi constitutive, le secret entourant le fait de savoir s'il détient ou non des renseignements est justifiable en vertu de l'article I de la Charte.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), art. 1, 2, 7, 15.
Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appen- dice III, art. 2e).
Loi sur la Cour fédérale S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 46.
Loi sur la protection des renseignements personnels, S.C. 1980-81-82-83, chap. III (annexe II), art. 12(1), 16, 19, 21, 22, 26, 29(1)b),h)(i),(iii), 41, 45, 46(1), 51, 52(2).
Loi sur le service canadien du renseignement de sécurité, S.C. 1984, chap. 21.
AVOCATS:
Jamshid Zanganeh, requérant, pour son
propre compte.
Barbara A. Mcisaac pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MULDOON: Le requérant invoque les dispositions de la Loi sur la protection des rensei- gnements personnels, S.C. 1980-81-82-83, chap. 111 (annexe II) pour obtenir les renseignements, le cas échéant, qu'il estime être contenus dans le fichier de l'intimé. L'avis de motion du requérant est le suivant:
[TRADUCTION] PRENEZ AVIS qu'une demande sera présentée à cette Cour ... pour qu'elle examine, conformément à l'article 41 de cette Loi, la décision de refuser la communication des renseignements personnels contenus dans le fichier SRS/P-PU- 010 du Service canadien du renseignement de sécurité; cette décision a fait l'objet d'une enquête du Commissaire à la protection de la vie privée et ses conclusions ont été transmises au requérant par lettre en date du 18 septembre 1987.
La demande doit être rejetée pour les motifs suivants.
Les événements importants et le recours aux dispositions législatives à l'origine de cette procé- dure sont les suivants:
(1) Le requérant, ayant fait l'objet par le passé d'une entrevue par les agents de l'ancien Service de sécurité de la GRC, en est venu à croire que l'intimé devait détenir dans ses fichiers certains renseignements à son sujet. Selon son affidavit, le requérant a déposé, le 24 juin 1987, une Formule de demande d'accès à des renseignements person- nels [CTC 350-58 (Rév. 83/10)] auprès de l'intimé (parfois désigné: le SCRS) dans laquelle il deman- dait [TRADUCTION] «Tous les renseignements con- cernant mon dossier de sécurité». Une copie de cette formule est déposée comme pièce «A».
(2) Ce qui précède constitue la demande que prévoit le paragraphe 12(1) de la Loi sur la pro tection des renseignements personnels (la Loi), lequel se lit ainsi:
12. (1) Sous réserve de la présente loi, tout citoyen canadien et tout résident permanent, au sens de la Loi sur l'immigration de 1976, a le droit de se faire communiquer sur demande:
a) les renseignements personnels le concernant et versés dans un fichier de renseignements personnels;
b) les autres renseignements personnels le, concernant et relevant d'une institution fédérale, dans la mesure il peut fournir sur leur localisation des indications suffisamment précises pour que l'institution fédérale puisse les retrouver sans problème sérieux.
(3) Le requérant a reçu une lettre en date du 17 juillet 1987 du Directeur général de la gestion de l'information du SCRS dont une copie est déposée comme pièce «B». Celui-ci a affirmé que des recherches avaient été entreprises dans trois fichiers de renseignements. Les résultats communi- qués sont les suivants:
[TRADUCTION]
SRS/P-PU-005—Evaluation de sécurité—Nous avons fait des recherches dans ce fichier et nous n'avons trouvé aucun renseignement personnel vous concernant.
SRS/P-PU-010—Fichier du Service canadien du renseignement de sécurité—L'accès à ce fichier ne peut être accordé puisque, s'il s'y trouvait des renseigne- ments personnels, ceux-ci pourraient vraisem- blablement, en totalité ou en partie, être visés par une exception prévue aux articles 19, 21, 22 et 26 de la Loi sur la protection des rensei-
gnements personnels. (Ces articles et l'article 15 de la Loi sur l'accès à l'information sont reproduits en annexe pour votre information.)
SRS/P-PU-015—Fichier du Service canadien du renseignement de sécurité—Ce fichier contient des renseigne- ments qui ne sont pas récents et de moindre importance; s'il s'y trouvait des renseignements personnels vous concernant, ceux-ci pourraient vous être divulgués. La recherche entreprise nous a permis de retrouver les renseignements ci-joints. La communication de certaines par ties des documents a été refusée en application des articles 21 et 26 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
La lettre se poursuit ainsi:
[TRADUCTION] Si vous n'êtes pas satisfait de la manière dont vos demandes ont été traitées, la Loi sur la protection des renseignements personnels vous permet de déposer une plainte auprès du Commissaire à la protection de la vie privée. [L'adresse est transmise ici.]
À l'audition de sa demande, le requérant a reconnu qu'aucun renseignement n'avait été trouvé dans le fichier 005. Il a déclaré que les renseigne- ments reçus concernant le fichier 015 portaient sur [TRADUCTION] «certaines formules de demandes relatives à la résidence que j'ai remplies il y a longtemps . .. rien de neuf». Le requérant n'était pas satisfait, et comme cela lui était permis, sans doute en application de l'alinéa 29(1)b) et des sous-alinéas h(i) et (iii), il s'est adressé au Com- missaire à la protection de la vie privée. Une copie de la lettre qu'il lui a expédiée est déposée comme pièce «C» à son affidavit.
(4) Le paragraphe pertinent de la lettre du 27 juillet 1987 que le requérant a expédiée au Com- missaire à la protection de la vie privée et repro- duite comme pièce «C» est le suivant:
[TRADUCTION] Puisqu'il est possible qu'un certain malentendu se soit produit et soit la cause d'un problème, auriez-vous l'obligeance de traiter ma demande conformément à la loi et de me donner accès aux renseignements contenus dans le fichier SRS/P-PU-010. Ceci permettrait de résoudre le problème et de mettre fin au malentendu possible.
(5) Le 18 septembre 1987, le Commissaire à la protection de la vie privée a écrit au requérant (Pièce «D») la lettre suivante:
[TRADUCTION] ... [U]n enquêteur de mon bureau a mené, en votre nom, des enquêtes auprès du Service canadien du rensei- gnement de sécurité (SCRS) au sujet de votre plainte selon laquelle on vous aurait refusé l'accès aux renseignements per- sonnels demandés en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Ces enquêtes sont maintenant finies.
Selon nos enquêtes, le SCRS vous a répondu dans une lettre en date du 17 juillet 1987 qu'il ne pouvait vous donner commu nication des renseignements contenus dans le fichier SRS/ P-PU-010 parce que, s'il s'y trouvait des renseignements vous concernant, ceux-ci pourraient vraisemblablement, en totalité ou en partie, être visés par une exception prévue aux articles 19, 21, 22 et 26 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Je dois vous signaler qu'une telle réponse est con- forme à l'article 16 de la Loi qui prévoit que le responsable d'une institution fédérale n'est pas obligé de faire état de l'existence des renseignements personnels demandés, mais doit mentionner dans l'avis la disposition de la Loi sur laquelle pourrait vraisemblablement se fonder le refus si les renseigne- ments existaient.
Je comprends que cette réponse vous déplaise. Le Parlement a cependant décidé qu'il était dans l'intérêt public que certains types de renseignements ne soient pas divulgués et que l'exis- tence de certains renseignements ne soit ni confirmée ni niée. Je suis convaincu que dans votre cas le SCRS a agi conformément aux dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels et que votre plainte concernant le refus de vous communiquer les renseignements est mal fondée. Si vous voulez donner suite à cette affaire, vous avez le droit de demander à la Cour fédérale du Canada d'examiner la réponse du SCRS dans les 45 jours suivant la réception de cette lettre.
Si vous avez d'autres questions concernant la Loi sur la protection des renseignements personnels, n'hésitez pas à m'écrire de nouveau.
(6) Les passages pertinents des dispositions légis- latives citées par le SCRS et le Commissaire à la protection de la vie privée sont les suivants:
16. (I) En cas de refus de communication de renseigne- ments personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1), l'avis prévu à l'alinéa 14a) doit mentionner, d'une part, le droit de la personne qui a fait la demande de déposer une plainte auprès du Commissaire à la protection de la vie privée et, d'autre part:
a) soit le fait que le dossier n'existe pas;
b) soit la disposition précise de la présente loi sur laquelle se fonde le refus ou sur laquelle il pourrait vraisemblablement se fonder si les renseignements existaient.
(2) Le paragraphe (I) n'oblige pas le responsable de l'insti- tution fédérale à faire état de l'existence des renseignements personnels demandés.
19. (I) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser la communication des renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) qui ont été obtenus à titre confidentiel:
a) des gouvernements des États étrangers ou de leurs organismes;
b) des organisations internationales d'États ou de leurs organismes;
c) des gouvernements des provinces ou de leurs organismes;
d) des administrations municipales ou régionales constituées en vertu de lois provinciales ou de leurs organismes.
(2) Le responsable d'une institution fédérale peut donner communication des renseignements personnels visés au para- graphe (I) si le gouvernement, l'organisation, l'administration ou l'organisme qui les a fournis:
a) consent à la communication;
b) rend les renseignements publics.
20. Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication des renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) dont la divulgation risquerait vrai- semblablement de porter préjudice à la conduite par le gouver- nement du Canada des affaires fédéro-provinciales.
21. Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication des renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) dont la divulgation risquerait vrai- semblablement de porter préjudice à la conduite des affaires internationales, à la défense du Canada ou d'États alliés ou associés avec le Canada, au sens du paragraphe 15(2) de la Loi sur l'accès à l'information, ou à ses efforts de détection, de prévention ou de répression d'activités hostiles ou subversives, au sens du paragraphe 15(2) de la même loi, notamment les renseignements visés à ses alinéas 15(1)a) à i).
22. [L'article 22 est important, mais trop long pour être reproduit ici.]
26. Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication des renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) qui portent sur un autre individu que celui qui fait la demande et il est tenu de refuser cette communication dans les cas elle est interdite en vertu de l'article 8.
(7) Le requérant n'étant pas satisfait du rapport du Commissaire à la protection de la vie privée, il a alors fait valoir l'article 41 de la Loi:
41. L'individu qui s'est vu refuser communication de rensei- gnements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à la protection de la vie privée peut, dans un délai de quarante-cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au paragraphe 35(2), exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après l'expiration du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation.
L'article 44 prévoit qu'un recours comme celui-ci est «entendu [...] et jugé [...] en procédure som- maire». Selon l'article 46, la Cour «prend toutes les précautions possibles, notamment, si c'est indiqué, par la tenue d'audiences à huis clos et l'audition d'arguments en l'absence d'une partie pour éviter que ne soient divulgués» des renseignements qui ne devraient pas l'être.
(8) Selon l'article 47, la charge d'établir le bien- fondé du refus de communication de renseigne- ments personnels demandés en vertu du paragra- phe 12(1) «incombe à l'institution fédérale concernée».
(9) Enfin, la façon d'exercer un recours en de telles circonstances est établie à l'article 51 de la Loi qui prévoit:
51. (1) Les recours visés aux articles 41 ou 42 et portant sur les cas le refus de donner communication de renseignements personnels est lié aux alinéas 19(1)a) ou b) ou à l'article 21 et sur les cas concernant la présence des dossiers dans chacun desquels dominent des renseignements visés à l'article 21 dans des fichiers inconsultables classés comme tels en vertu de l'article 18 sont exercés devant le juge en chef adjoint de la Cour fédérale ou tout autre juge de cette Cour qu'il charge de leur audition.
(2) Les recours visés au paragraphe (1) font, en premier ressort ou en appel, l'objet d'une audition à huis clos; celle-ci a lieu dans la région de la Capitale nationale définie à l'annexe de la Loi sur la Capitale nationale si le responsable de l'institution fédérale concernée le demande.
(3) Le responsable de l'institution fédérale concernée a, au cours des auditions en première instance ou en appel et sur demande, le droit de présenter des arguments en l'absence d'une autre partie.
Le rappel important des documents, des pièces et des dispositions législatives visés est à l'origine de l'audition de ce recours à Ottawa, le mercredi 13 avril 1988, date spéciale fixée par le juge en chef adjoint. Conformément à l'alinéa 51(2)a) de la Loi sur la protection des renseignements per- sonnels, la Cour a ordonné la tenue de l'audition à huis clos, les seules personnes présentes devant la Cour étant le requérant, l'avocate de l'intimé, un représentant mandaté de l'intimé, auteur de l'un des affidavits déposés pour le compte de l'intimé, le greffier de la Cour et le huissier qui a veillé à ce que l'audition ait bien lieu à huis clos.
Au début de l'audience, l'avocate de l'intimé a demandé à la Cour de rendre une ordonnance afin que les documents produits par l'intimé lors de l'audition des arguments en l'absence du requérant ne puissent faire partie du domaine public. Le
requérant avait déjà reçu une copie de cet avis de requête, en avait évalué l'importance et ne s'est pas opposé à l'ordonnance. L'intimé s'est notamment fondé sur les paragraphes 46(1), 51(2) et (3) de la Loi. La Cour a donc prononcé l'ordonnance laquelle fut signée immédiatement et est en vigueur.
En raison du fardeau imposé à l'intimé par l'article 47 de la Loi, l'avocate de celui-ci a com- mencé à présenter sa preuve d'une façon qui, au moins à première vue, avait pour but de se déchar- ger de ce fardeau. Elle a lu l'affidavit déposé d'un membre du SCRS qui compte 30 ans d'expérience en matière de sécurité et de maintien de l'ordre et présenté des arguments de fait et de droit à partir de cet affidavit. Ce membre a suivi des cours de formation professionnelle et occupe maintenant le poste de directeur général. L'affidavit fait preuve, en termes généraux, de l'expertise reconnue de son auteur dans ce domaine et n'est pas visé par l'ordonnance. Le requérant n'a pas saisi l'occasion de contre-interroger l'auteur de l'affidavit bien qu'il ait été avisé de ce droit à temps pour l'exer- cer. À titre de justification de son refus de mener un contre-interrogatoire, le requérant déclare qu'il n'en a pas les moyens et que le SCRS a refusé d'en supporer le coût.
Voici les passages pertinents de l'affidavit:
[TRADUCTION] 5. Le Parlement canadien a donné au SCRS le mandat de recueillir, au moyen d'enquêtes ou autrement, dans la mesure strictement nécessaire, et d'analyser et de conserver les informations et renseignements sur les activités dont il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'elles constituent des menaces envers la sécurité du Canada, au sens de l'art. 2 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, S.C. 1984, chap. 21, et de faire rapport au gouvernement du Canada et de le conseiller à cet égard.
6. Afin de remplir ce mandat législatif, il est essentiel que le SCRS recueille et conserve de tels renseignements. Il est égale- ment essentiel que le Service recueille des renseignements dignes de foi au sujet de groupes et d'individus qui sont engagés dans des activités ou qui ont des contacts avec des groupes ou des individus engagés dans des activités qui constituent une menace envers la sécurité du Canada.
7. Conformément à l'article 10 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le solliciteur général du Canada a demandé que les fichiers de renseignements personnels SRS/ P-PU-010, SRS/P-PU-015 et SRS/P-PU-005 soient établis et demeurent sous la surveillance du Service canadien du rensei- gnement de sécurité.
8. Le fichier de renseignements personnels SRS/P-PU-010 est décrit de la façon suivante dans le Répertoire de renseigne- ments personnels de 1986 publié en conformité avec l'article 11 de la Loi sur la protection des renseignements personnels:
«Ce fichier renferme des renseignements sur des ressources dont les activités peuvent être, suivant des motifs raisonna- bles, directement reliées à l'espionnage ou au sabotage visant le Canada ou préjudiciables à ses intérêts, ainsi que les activités tendant à favoriser ce genre d'espionnage ou de sabotage; les activités influencées par l'étranger qui touchent le Canada ou s'y déroulent et sont préjudiciables à ses intérêts et qui sont d'une nature clandestine ou trompeuse ou comportent des menaces envers quiconque; les activités qui touchent le Canada ou s'y déroulent et visent à favoriser l'usage de violence grave ou de menaces de violence contre des personnes ou des biens dans le but d'atteindre un objectif politique au Canada ou dans un État étranger; les activités qui, par des actions cachées et illicites, visent à saper le régime de gouvernement constitutionnellement établi au Canada ou dont le but immédiat ou ultime est sa destruction ou son renversement, par la violence. Ce fichier peut égale- ment renfermer des renseignements personnels qui, en ce qui a trait à la défense du Canada ou à la conduite des affaires internationales du Canada, portent sur les ressources, les intentions ou les activités d'un État étranger ou d'un groupe d'États, de personnes qui ne sont ni citoyens canadiens ni résidents du Canada, ou de sociétés, sauf celles qui sont constituées aux termes des lois du Canada ou d'une province canadienne. On y conserve également des renseignements sur les conseils fournis par le SCRS relativement à la Loi sur la citoyenneté et à la Loi sur l'immigration.
[Les paragraphes 9 et 10 décrivent également en détail les fichiers de renseignements personnels SRS/P-PU-015 et SRS/P-PU-005.1
13. ... [Lie requérant a également été avisé que sa demande d'accès au fichier SRS/P-PU-010 du Service canadien du ren- seignement de sécurité ne pouvait être satisfaite. De plus, conformément à l'article 16 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, cette lettre n'a pas fait état de l'existence de renseignements personnels le concernant. Si de tels renseignements existaient, ils seraient, en totalité ou en partie, visés par les exceptions prévues aux articles 19, 21, 22 et 26 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Je comprends que c'est bien ce refus qui fait l'objet de la demande d'examen du requérant.
14. Selon mon expérience dans le domaine de la sécurité, je suis d'avis et crois sincèrement que la divulgation de l'existence de tels renseignements personnels pourrait vraisemblablement s'avérer préjudiciable aux efforts entrepris par le Canada pour découvrir, prévenir ou supprimer des activités hostiles ou sub versives et ce, pour les motifs suivants.
15. Les renseignements que le SCRS conserve dans ce fichier proviennent de diverses sources, notamment d'informateurs, d'enquêtes, de gouvernements de pays étrangers et de leurs services de sécurité. Le SCRS estime que ces renseignements portent sur des activités qui constituent une menace courante envers la sécurité du Canada. Ces renseignements sont donnés et conservés à la condition qu'ils ne soient pas divulgués. La relation de confiance créée entre le SCRS et les autres informa-
teurs ou services de sécurité serait détruite si ceux-ci ne croyaient plus le SCRS capable de protéger leurs renseigne- ments. De plus, si leurs renseignements étaient divulgués, la confiance des informateurs serait ébranlée et ils ne voudraient plus jouer de rôle.
16. Il est absolument essentiel qu'un service de sécurité soit en mesure de mener ses enquêtes dans le secret. Il ne peut fonctionner efficacement si les individus visés par l'enquête sont capables de savoir ce qui est déjà connu d'eux, savent quelles méthodes d'enquêtes sont utilisées contre eux, connaissent l'étendue des opérations qui les visent et les sources qui rappor- tent l'information.
17. Si les individus visés par des enquêtes connaissaient tous ces éléments, ils pourraient prendre des précautions et contre- carrer les futures activités de surveillance, et ils seraient en mesure de fournir des informations fausses ou trompeuses dans le processus d'enquête. L'étendue et la fiabilité des informa- tions recueillies seraient considérablement réduites.
18. Même si ces individus peuvent se douter que le SCRS mène une enquête à leur sujet, ils ne peuvent prendre de mesures efficaces pour contrecarrer l'enquête s'ils ne savent pas qu'une telle enquête est menée, ce que l'on connaît à leur sujet ou les conclusions qui ont été tirées.
19. De même, si un individu sait que le SCRS a mené une enquête à son sujet ou qu'il a lui-même révélé des informations au SCRS, il ne sait si le Service a conservé ces informations ou si celles-ci lui sont d'un intérêt quelconque.
20. La divulgation de l'existence ou de la non-existence de renseignements pourrait non seulement mettre fin à des années d'enquêtes intensives et coûteuses, mais pourrait compromettre les ressources techniques et humaines fragiles et compromettre les rapports avec les services de sécurité étrangers. D'autre part, l'individu qui apprend que le Service ne détient aucun rensei- gnement à son sujet serait rassuré sachant que ses activités, le cas échéant, n'ont pas été visées par une enquête.
21. La divulgation de l'existence d'un fichier concernant un individu ou un groupe particulier peut causer un préjudice puisque l'on confirme alors que l'individu ou le groupe a été ou est l'objet d'une enquête. A moins que le SCRS ne refuse systématiquement de confirmer l'existence ou la non-existence de renseignements, on pourrait facilement savoir si des rensei- gnements existent, en présentant une série de demandes fondées sur la Loi sur la protection des renseignements personnels, et en interprétant la forme des réponses.
22. La divulgation de ce renseignement par suite d'une série de demandes fondées sur la Loi sur la protection des renseigne- ments personnels constitue une question importante au regard du mandat du SCRS de mener des enquêtes sur ce qui menace la sécurité du Canada, surtout lorsqu'un groupe fait l'objet d'une enquête.
23. Formulé de façon plus simple, si une personne présente une série de demandes de renseignements à l'égard de personnes réelles et fictives ou de personnes qui, de toute évidence, n'auraient pas fait l'objet de surveillance, on pourrait en déga- ger très rapidement un modèle selon lequel le refus de confir- mer l'existence de renseignements signifierait automatiquement que de tels renseignements sont contenus dans le fichier de renseignements personnels.
24. Si le SCRS devait confirmer l'existence ou la non-existence de renseignements personnels concernant une personne, cette
réponse pourrait servir de guide aux autres personnes associées à celle-ci. Ces personnes pourraient, individuellement ou ensemble, rassembler des renseignements de même nature con- cernant d'autres personnes et se servir de ceux-ci pour établir le degré de surveillance accordé à une activité particulière. Dans le monde de la sécurité, ceci est appelé «l'effet de mosaïque».
25. Pour les motifs précités, je crois que la divulgation d'une déclaration sur l'existence de renseignements personnels serait préjudiciable aux efforts entrepris par le Canada pour décou- vrir, prévenir ou supprimer les activités hostiles ou subversives parce qu'elle porterait atteinte aux techniques d'enquêtes du SCRS.
26. Je présente cet affidavit dans le cadre de la demande présentée par Jamshid Zanganeh en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et pour aucun autre motif illégitime.
Le requérant a déposé comme pièce des copies de trois certificats d'enregistrement de droits d'au- teur, le numéro 319424 en date du 7 octobre 1982, le numéro 345903 en date du 3 septembre 1985 et le numéro 358837 en date du 16 mars 1987. Ces certificats portent sur certaines de ses oeuvres litté- raires de nature apparemment intellectuelle et phi- losophique. Il les a décrites plus en détail au cours de la partie de l'audience qui a lieu à huis clos. Elles sont donc enregistrées comme le prétend le requérant et non secrètes. Certains de ses écrits sont en langue anglaise et certains dans sa langue maternelle. Le requérant prétend également que, depuis son arrivée au Canada, ses activités politi- ques ont toujours été calmes et qu'il n'a jamais prôné l'usage de la violence ou de quelque autre moyen illégal pour résoudre des crises politiques ici ou à l'étranger. Quoi qu'il en soit, il affirme res- pecter le Canada et son système de gouvernement. Le requérant a témoigné davantage, mais le res pect et la protection de ses droits exigent qu'il bénéficie, comme l'intimé, de la nature extraordi- naire de cette procédure.
En ce qui concerne l'affidavit additionnel ou les affidavits, le cas échéant, dont la production sera peut-être autorisée par la Cour au cours de l'audi- tion des arguments en l'absence du requérant, celui-ci affirme à juste titre qu'il n'a pas le droit de voir cette preuve, s'il en est, et qu'il ne peut donc analyser ou contester ce qu'il ignore et qu'une telle procédure procure un avantage à l'intimé mais constitue un désavantage pour le requérant. Vu sous cet angle, cette procédure peut être qualifiée de partiale au sens de l'alinéa 2e) de la Déclara- tion canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appen-
dice III, dans la mesure elle peut être considé- rée «pour la définition de ses droits et obligations».
Le requérant invoque aussi, parmi les questions qu'il soumet à l'attention de la Cour, les articles 2, 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi consti- tutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)].
L'examen des prétentions du requérant exige d'abord que l'on se penche sur la nature et l'objet de cette procédure. L'article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels permet au requérant «[d']exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour», lequel sera «entendu[...] et jugé[...] en procédure sommaire» sous réserve des règles de pratique spéciales de la Cour conformément à l'article 46 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10. L'étendue de l'accès accordé à la Cour est vaste: en effet, l'article 45 précise que la Cour a, «[n]onobstant toute autre loi du Parlement ou toute immunité reconnue par le droit de la preuve», «accès à tous les renseignements ... qui relèvent d'une institution fédérale, à l'exception des rensei- gnements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada»; de plus, «aucun des rensei- gnements auxquels la Cour a accès en vertu du présent article ne peut, pour quelque motif que ce soit, lui être refusé». Le paragraphe 46 (1) prévoit que la Cour tient une audience à huis clos et entend des arguments en l'absence d'une partie lorsqu'elle procède (comme en l'espèce) en vertu de l'article 41, «pour éviter que ne soient divulgués»
46. (1) .. .
b) des renseignements faisant état de l'existence de rensei- nements personnels que le responsable d'une institution fédérale a refusé de communiquer sans indiquer s'ils exis- taient ou non. [Non souligné dans le texte original.]
Il faut se rappeler que la lettre expédiée au nom du responsable du SCRS, la pièce «B» jointe à l'affi- davit du requérant, indiquait que l'accès au fichier SRS/P-PU-010 ne pouvait être «accordé puisque s'il s'y trouvait des renseignements personnels», ceux-ci pourraient constituer une exception à la divulgation. Le Parlement exige dans ce cas que l'on se conforme à l'alinéa 46(1)b) précité.
Après six ans de réthorique et de jurisprudence sur la Charte, certains Canadiens frissonnent peut- être à l'idée que les besoins de sécurité d'une société libre et démocratique sont essentiellement semblables, quant à leurs caractéristiques fonda- mentales, à ceux que s'approprient les régimes totalitaires. Le secret complet de toute question concernant les renseignements de sécurité, sous réserve d'un certain contrôle, constitue l'une de ces caractéristiques. Le degré de secret nécessaire est tellement plus fragile dans une société libre et démocratique que sous l'oppression étouffante d'un régime totalitaire qu'il se justifie donc objective- ment à l'alinéa 46(1)b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le droit de deman- der et d'obtenir les résultats de l'enquête du Com- missaire à la protection de la vie privée et le droit de demander à notre Cour d'examiner sa décision distinguent sans aucun doute cette société libre et démocratique de celles qui le sont moins ou pas du tout.
Comme l'indiquent clairement les paragraphes
14 24 précités de l'affidavit déposé au soutien des prétentions de l'intimé, la reconnaissance expresse de l'existence de renseignements dans le fichier, que ceux-ci s'y trouvent ou non, peut et pourrait certes compromettre la sécurité du Canada en fournissant un point de référence, ouvrant ainsi une brèche dans la protection du secret que le Service canadien doit maintenir au même titre que le R.-U., les E.-U.A., l'U.R.S.S., la France, l'Inde, Israël et l'Iran, pour ne nommer que quelques sociétés distinctes choisies au hasard. En effet, il est tout à fait clair que le SCRS et les tribunaux canadiens doivent, sans exception à l'égard de questions dites négligeables, s'adapter et se conformer à cette double norme de confiance et de méfiance en vogue à l'étranger.
Après avoir entendu et examiné les arguments de l'intimé présentés en l'absence du requérant, la Cour est d'avis que l'intimé s'est rigoureusement conformé aux règles de droit dans sa conduite vis-à-vis du requérant. S'il n'en était pas ainsi, la Cour préciserait, conformément aux règles généra- les du droit ou à la Charte, selon le cas, le redres- sement approprié en l'espèce. Cependant, comme l'intimé s'est conduit conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à sa propre loi constitutive, le respect total du caractère
secret de ses renseignements, s'il en est, y compris le caractère secret quant à l'existence même de renseignements, est non seulement justifié en vertu des règles ordinaires du droit, mais de façon plus importante, en vertu de l'article 1 de la Charte. Il s'agit d'un principe important et qui semble être formulé pour la première fois quant à l'interpréta- tion de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Par conséquent, l'intimé paiera au requérant, après taxation, tous les frais et dépens de la présente requête, conformément au paragra- phe 52(2) de la Loi. Cette règle est prévue au paragraphe 52(2) de la Loi. Seuls les frais et dépens sont accordés au requérant parce qu'il n'est pas représenté par avocat et parce qu'on ne peut évidemment lui accorder des honoraires d'avocat.
Au cours de sa plaidoirie, le requérant a affirmé que le SCRS ne devrait pas être libre de recueillir et de conserver des renseignements sur quelqu'un, comme lui-même, et se retrancher derrière les lois. Certes, si l'intimé ne disposait pas de l'alinéa 46(1)b) de la Loi sur la protection des renseigne- ments personnels, l'application des autres disposi tions de la Loi pourrait compromettre ses activités et il serait alors écarté des autres services de sécurité qui existent dans le monde, notamment dans le monde des autres sociétés libres et démo- cratiques. Le caractère impératif de l'alinéa 46(1)b), dont la justification se démontre, dicte que l'intimé n'est tout simplement pas obligé de révéler l'existence ou la non-existence de rensei- gnements personnels concernant le requérant. À cet égard, le requérant ne peut certes se plaindre de recevoir un traitement distinct dans un sens péjoratif ou autrement. Il a la liberté, comme quiconque, de vivre sa vie dans cette société libre et démocratique sans être importuné par des res- ponsables du gouvernement. Cette liberté n'est certes pas niée parce que l'intimé fait valoir l'ali- néa 46(1)b).
Il peut être difficile de décrire correctement la décision qu'il faut rendre à l'égard de cette requête. Il ne nous appartient pas de décider si le requérant peut présenter une demande de révision au Comité de surveillance des activités de rensei- gnement de sécurité, établi en vertu de la Loi sur le service canadien du renseignement de sécurité, S.C. 1984, chap. 21, mais il a certes réussi à accélérer la tenue de l'examen judiciaire prévu à
l'article 41 de la Loi sur la protection des rensei- gnements personnels, et à y participer. C'est exac- tement ce qu'il recherchait dans l'avis de requête qu'il a déposé. Au paragraphe 6 de son affidavit, le requérant demande cependant à la Cour [TRADUC- TION] «d'examiner ma plainte concernant le refus du Service canadien du renseignement de sécurité de me donner accès à certains dossiers demandés le 24 juin 1987». [Non souligné dans le texte origi nal.] Parce que la Cour est d'avis que, selon l'in- tention du Parlement et selon la Charte, le requé- rant n'a non seulement pas droit d'accès à de tels dossiers, mais ne peut savoir s'ils existent, la demande doit être rejetée. La demande est donc rejetée et, comme il a déjà été décidé, les dépens accordés au requérant conformément au paragra- phe 52(2) de la Loi sur la protection des rensei- gnements personnels.
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